Après le sérieux des linguistes, revenons un peu sur les auteurs qui ont repris à leur compte les écrits d'Alain Dumoulin. Le premier d'entre eux est Alexandre Perrin dans sa "Galerie bretonne - Vie des bretons de l'Armorique". C'est le même auteur qui avait dans ce même livre révélé la lettre en breton que les Gabéricois avaient adressée au roi Louis-Philippe. À propos du cri "Torr-é-benn", symbole des révoltés bretons, il écrit :
[On] retrouve chez les Bretons cette race indomptable qui a laissé dans l'histoire des souvenirs qu'expliquerait seul son caractère actuel. Ce sont leurs pères qui, au milieu des pompes de Babylone, répondaient à Alexandre leur demandant ce qu'ils redoutaient le plus sur la terre, "qu'ils n'y craignaient rien, si ce n'est la chute du ciel". Ce sont leurs pères qui, ne cédant même pas à la fureur des éléments, luttaient, nous assure-t-on, contre les tourbillons de la tempête, et, debout sur le rivage, dédaignaient de reculer devant les flots de la mer ! Aussi Rome disait-elle d'eux : Quam terribiles sunt Britones quando dicunt, torr-e-benn ! Que les Bretons sont terribles quand ils poussent leur cri de guerre, torr-e-benn (casse-lui la tête !).
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En 1850, dans le chapitre 2 de son oeuvre "Les Mystères du peuple", Eugène Sue met en scène un jeune guerrier celte qui, prisonnier dans le camp de César, entonne le chant de ses compagnons marins :
Alors, dans sa colère, et pour toute réponse, il a chanté le chant de guerre des marins bretons, comme si le vent avait pu porter ces paroles de défi et de mort sur le rivage où était César :
» Tor-è-benn ! Tor-è-benn !
» Comme j'étais couché dans mon vaisseau, j'ai entendu l'aigle de mer appeler au milieu de la nuit — Il appelait ses aiglons et tous les oiseaux du rivage, — Et il leur disait en les appelant : — Levez-vous tous... venez... venez... — Non, ce n'est plus de la chair pourrie de chien ou de brebis qu'il nous faut... c'est de la chair romaine.
» Tor-è-benn ! Tor-è-benn !
» Vieux corbeau de mer, dis-moi, que tiens-tu là ? — Moi, je tiens la tête du chef romain ; je veux avoir ses deux yeux.. ses deux yeux rouges... — Et toi, loup de mer, que tiens-tu là ? — Moi, je tiens le cœur du chef romain, et je le mange ! — Et toi, serpent de mer, que fais-tu là, roulé autour de ce cou, et ta tête plate si près de cette bouche, déjà froide et bleue ? — Moi, je suis ici pour attendre au passage l'âme du chef romain.
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» Tor-è-benn ! Tor-è-benn !
Méroë, exaltée par ce chant de guerre, ainsi que son époux, a, comme lui, répété, en semblant défier César, dont on voyait au loin la tente :
» Tor-è-benn ! Tor-è-benn ! Tor-è-benn !»
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Sources :
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