§ Introduction Progrès du Finistère
Une belle promenade aux portes de Quimper. Le Stangala.
« Parlons-en toujours, mais n'y allons jamais », pourrait-on dire du Stangala. Combien ...
Tous voudront faire cette excursion, facile autant qu'agréable, dont M. Le Guennec, dans le dernier numéro de « Quimper et la Cornouaille », célèbre, d'une plume fervente, les multiples agréments.
Unanimement sacré « la plus jolie rivière de France », l'Odet semble ne devoir ce titre flatteur qu'aux beautés sans rivales de son incomparable estuaire qui, du « Cap Horn » à Bénodert, ont navigué à travers le prestigieux pays de « la mer dans les bois » si cher à Georges Suarez et André Chevrillon. Mais les rares mérites du petit fleuve quimpérois ne se limitent point seulement à la partie de son cours où, pour parler en termes mythologiqueq, les tritons couronnées d'algues du vieux Neptune viennent, deux fois par jour, célébrer leurs noces, aussi vite dénouées qu'accomplies, avec les nymphes sylvestres et les Oréades aux fronts ceints de feuillage vert (j'eusse plus tôt fait de dire tout simplement : où remonte la marée).
En amont de la ville, le site du Stangala vaut bien aussi d'être connu, visité, admiré, en dépit des difficultés d'accès qui, aux yeux de beaucoup de personnes, en font une sorte de domaine interdit, de paradis dont on rêve en se résignant à n'y jamais mettre le pied. À une époque où les gens, gâtés par d'extrêmes facilités de transport, ont perdu l'habitude des longues marches si saines et si réconfortantes, au point de jeter les hauts cris dès qu'on leur propose d'arpenter une douzaine de kilomètres, la visite du Stangala est considérée comme une sorte de prouesse sportive, demeure le privilège de quelques intrépides pedestrians, amoureux de la nature vierge, pêcheurs à la ligne, ramasseurs de moules perlières, tranquilles promeneurs qui s'y réfugient, loin des routes cimentées de goudron et de leurs relents d'essence brûlée.
§ Qu'est-ce que le Stangala ? ...
Qu'est-ce que le Stangala ?
Bien entendu - nous ne sommes pas pour rien en Bretagne - la légende a plongé ses racines séculaires dans les interstices de ces rochers, au flanc de ces solitaires collines.
Le saut de saint Alar [4]
Le nom de Stang-Ala lui-même rappelle un épisode merveilleux de la légende de saint Alar ou Ala, le même, croit-on, que saint Éloi, l'orfèvre du roi Dagobert, puisqu'il patronne, comme lui, la race chevaline. Un jour, une bande de sacripants assaillit le pauvre anachorète qui avait dans ces parage sa « maison de prières », et le poursuivit en dessein de l'occire. Aveugler, pétrifier, foudroyer sur place ses malheureux eut été pour le saint l'affaire d'un moment, mais il jugea plus humain de s'enfuir. La meute le poussait vers un ravin à pic où il devait choir et se tuer en tombant, à moins qu'il ne se rendit. Alar fit mieux. Un bond gigantesque au-dessus de la vallée le porta sans encombre à l'autre bord, et il regagna paisiblement la ville de son protecteur et ami le roi Gradlon, après avoir béni, par delà le gouffre où grondait la rivière l'Odet, ses agresseurs ahuris.
La fontaine de saint Alar [4]
L'emplacement de l'ermitage de saint Alar se trouve non loin de la grande papeterie Bolloré. On en montre encore la fontaine, dont l'eau possède, parait-il, une singulière vertu, celle de se changer en vin, une fois tous les cent ans, pendant une heure. Certaine après-midi, on battait le blé à la ferme voisine, le soleil tapait dur, et les travailleurs avaient asséché les deux cruches de la maison. Vite, on dépêche une des servantes à la fontaine pour les remplir. En revient un peu haletante, car la montée est rude.
Mais voici qu'en vidant leurs bols, les batteurs assoiffés s’aperçoivent, avec surprise et ravissement, que c'est un vin blanc du meilleur cru qui leur coule dans le gosier et leur ragaillardit l'estomac. L'heure fatidique dont parlaient les vieux a donc sonné. Il s'agit d'en profiter sans perdre aucune de ses précieuses secondes. Chacun saisit le premier récipient qui lui tombe sous la main et se précipite à toutes jambes vers la source miraculeuse. Hélas ! le premier qui y puise crache sa gorgée avec une grimace de désappointement et de dégoût. Trop tard ! l'heure du bon vin a déjà atteint son terme, et désormais, pendant tout un siècle encore, la fontaine ne donnera plus qu'un fade « sirop de grenouille ».
Le griffon du stang-Alar [4]
On raconte aussi qu'un griffon redoutable avait jadis son repaire dans une caverne de la pointe rocheuse qu'on appelle toujours, en souvenir de lui, le Griffonnez. Ce dragon exigeait qu'on lui livrait chaque mois une jeune fille de vingt ans pour se repaître de sa chair friande, et, moyennant cet horribl tribut, il épargnait à peu près les habitants du pays, se contentant de mettre leurs troupeaux en coupe réglée.
Le sort tomba un jour sur l'héritière du riche seigneur de Penhoat, une ravissante penn-herez, que le fils du manoir voisin de Kermahonet, noble et pauvre gentilhomme, aimait en silence sans oser prétendre à sa main. Désespéré d'apprendre que celle qu'il chérissait allait devenir la proie du monstre, le jeune homme osa attaquer celui-ci dans sa caverne et le combattit avec une telle rage qu'il en vint à bout. Vainqueur, il rentra chez lui tellement épuisé, déchiré, empoisonné par l'haleine empestée du griffon, qu'il dut rester un mois malade. Pendant ce temps, un autre prétendant sans scrupules s'était vanté d'avoir lui-même exterminé la bête, et avait obtenu pour cette prétendue prouesse, la main de celle qui, à l'en croire, lui devait la vie.
Heureusement, le fils de Kermahonet avait coupé et emporté, en témoignage de son triomphe, la langue fourchue de sa victime. Il la présenta au seigneur de Penhoat sous le porche de l'église de Cuzon, au moment où le mariage allait être célébré, confondit son misérable rival, que le comte de Cornouaille fit jeter en prison pour félonie et mensonge, et épousa lui-même « la rose de Penhoat . Une statue en raccourci du dragon, avec ses ailes de chauve-souris et ses pattes griffues se voit encore dans la cour de Kermahonet.
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