1957-1959 - Lettres de Josig Huitric, sergent à Saïda en Algérie
Un article de GrandTerrier.
Version du 14 avril ~ ebrel 2012 à 12:06 (modifier) GdTerrier (Discuter | contributions) ← Différence précédente |
Version du 14 avril ~ ebrel 2012 à 17:06 (modifier) (undo) GdTerrier (Discuter | contributions) Différence suivante → |
||
Ligne 16: | Ligne 16: | ||
Jusqu'à récemment les témoignages des soldats français envoyés là-bas pour « <i>le maintien de l"ordre</i> » ont été relativement rares. Était-ce de la pudeur, de la honte ou simplement la peur de ne pas être compris ? En 2012, le cinquantenaire du cessez-le-feu et de l'indépendance de l'Algérie est une occasion de publier quelques souvenirs d'appelés réservistes gabéricois. | Jusqu'à récemment les témoignages des soldats français envoyés là-bas pour « <i>le maintien de l"ordre</i> » ont été relativement rares. Était-ce de la pudeur, de la honte ou simplement la peur de ne pas être compris ? En 2012, le cinquantenaire du cessez-le-feu et de l'indépendance de l'Algérie est une occasion de publier quelques souvenirs d'appelés réservistes gabéricois. | ||
- | Et pour commencer les lettres expédiées de Saïda (ville de l'Algérie du nord-ouest, à 800 mètres d'altitude) par un jeune homme né à Ergué-Gabéric en 1937, Josig Huitric dont la mère tenait le commerce de Pen-Carn-Lestonan. | + | Et pour commencer, voici une collection de 29 lettres expédiées de Saïda (ville de l'Algérie du nord-ouest, à 800 mètres d'altitude) par un jeune homme né à Ergué-Gabéric en 1937, Josig Huitric dont la mère tenait le commerce de Pen-Carn-Lestonan. |
Josig est incorporé en mai 1957 dans le 8e RIM (Régiment d'Infanterie Motorisé) et prend, avant la fin de l'année, la direction d'Oran en bateau, puis de Saïda en train. Il y restera pour une période de plus de 18 mois entrecoupée de quelques permissions au pays : | Josig est incorporé en mai 1957 dans le 8e RIM (Régiment d'Infanterie Motorisé) et prend, avant la fin de l'année, la direction d'Oran en bateau, puis de Saïda en train. Il y restera pour une période de plus de 18 mois entrecoupée de quelques permissions au pays : | ||
Ligne 86: | Ligne 86: | ||
PS. Pourquoi que (Logo) ne vient plus manger ? | PS. Pourquoi que (Logo) ne vient plus manger ? | ||
+ | {{FinCitation}} | ||
+ | |||
+ | |||
+ | Saïda le 29-1-58 | ||
+ | {{Citation}} | ||
+ | Chère Mère, | ||
+ | |||
+ | Je t'envoies un peu de mes nouvelles qui sont d'ailleurs très bonnes et j'espère que les tiennes en seront de même. | ||
+ | |||
+ | J'ai aussi bien reçu ton colis et je t(en remercie beaucoup, tout était en bon état, l'andouille, le lard. Tout cela est très bon et cela rappelle un peu la maison. | ||
+ | |||
+ | Hier au soir j'ai été avec des copains manger à l'hôtel, c'était très bon, c'était un repas que le 8e RIM nous payait. | ||
+ | |||
+ | Autrement au bureau ça marche. Je me mets petit à petit au courant, cela est dommage que je ne reste que trois mois, il est vrai qu'après j'aurai un bouleau aussi peinard, enfin si ils me mettent là où ils me l'ont dit. | ||
+ | |||
+ | Dimanche j'ai été en opération, enfin je suis parti à cause que les autres gradés étaient à l’hôpital, tous les deux ont les oreillons, et cette opération a aussi payé, une vingtaine de rebelles de tués, cinq prisonniers dont une infirmière ; plus tard je t'emmènerai la photo, cent mines de récupérées, deux mitrailleuses et plusieurs fusils de récupérés. | ||
+ | |||
+ | Et chez toi tout marche toujours ? Les poules ne sont pas encore vendues, et Lisette que devient-elle, je n'ai depuis longtemps reçu de ses nouvelles. pour être soutient de famille adresse toi au Maire, cela dépend tout de lui, si il met que tu as besoin de moi et bien je toucherai, tu lui dis de mettre dessus que tu n'as pas encore payé ton commerce encore. Le gars qui était au bureau avant touchait, pourtant sa mère était charcutière et était très à l'aise et d'après le Major cela dépend tout du maire, enfin cela vaut le coup d'essayer toujours. Bons baisers, Jos. | ||
+ | {{FinCitation}} | ||
+ | |||
+ | Saïda le 07-2-58 | ||
+ | {{Citation}} | ||
+ | Note: Cette semaine j'ai aussi une lettre de Lisette. Dis moi aussi combien que tonton René t'as donné. Dis moi aussi combien de temps met une lettre pour t'arriver. | ||
+ | <hr> | ||
+ | Chère Mère, | ||
+ | |||
+ | Je viens de recevoir ta lettre qui me fait réellement plaisir surtout que je l'attendais depuis trois ou quatre jours, car la dernière que j'ai reçue de toi date du 19, alors je commençais à croire qu'il t'était arrivé quelque chose. Heureusement qu'il en ai rien et que tout est au mieux avec toi. | ||
+ | |||
+ | Comme du soir j'ai reçu une lettre de tante Josephe et aussi un mandat qui m'a fait réellement plaisir, j'ai été tout étonné de l'enregistré car c'est moi qui fait le vaguemestre aussi car je n'ai aucune place d'attitrée encore et je ne sais ce que je vais faire au juste, enfin pour le moment je suis peinard. | ||
+ | |||
+ | Cette semaine, j'ai vu aussi Hervé Leroux, lui à la quille bientôt, il était venu exprès me voir car d'après lui il n'avait pas le droit de descendre à Saïda. | ||
+ | |||
+ | Cela fait quinze jours j'ai été en opération un dimanche et je vais te mettre dans lettre les documents du journal du coin. | ||
+ | |||
+ | Poir me mettre soutient de famille c'est surtout le maire qui peut aider. Tu lui dis que tu n'as pas encore payé la maison et fais lui comprendre qu'il ne retire rien de sa poche en te donnant un bon certificat. | ||
+ | |||
+ | Ne m'emmène plus de colis sans que je te demandes car j'ai une poule qui pond un œuf tous les jours, alors cela fait du supplément et au bureau le boulot n'est guère fatiguant et il me reste encore du lard qui d'ailleurs était fameux. | ||
+ | |||
+ | Pour les (...) je t'emmène une descente de lit qui fait 1m sur 80cm ou une gravure qui est vraiment bien qui fait 1m50 sur 1m, mais qui coûte aussi 4.000 fr, mais cela fait rien, alors dis moi ce que tu veux. | ||
+ | |||
+ | Bons baisers à tous, Jos. | ||
{{FinCitation}} | {{FinCitation}} | ||
Ligne 160: | Ligne 201: | ||
Jos | Jos | ||
{{FinCitation}} | {{FinCitation}} | ||
- | + | |width=4% valign=top {{jtfy}}| | |
+ | |width=48% valign=top {{jtfy}}| | ||
Saïda le 8-8-58 | Saïda le 8-8-58 | ||
{{Citation}} | {{Citation}} | ||
Ligne 177: | Ligne 219: | ||
Le bonjour à Lisette et à tante Marie. | Le bonjour à Lisette et à tante Marie. | ||
{{FinCitation}} | {{FinCitation}} | ||
- | |width=4% valign=top {{jtfy}}| | + | |
- | |width=48% valign=top {{jtfy}}| | + | |
Saïda le 18-11-58 | Saïda le 18-11-58 | ||
{{Citation}} | {{Citation}} | ||
Ligne 298: | Ligne 339: | ||
Image:Saida-JosigHuitric-1957-12-16-A.jpg|16.12.1957 | Image:Saida-JosigHuitric-1957-12-16-A.jpg|16.12.1957 | ||
Image:Saida-JosigHuitric-1957-12-16-B.jpg|- | Image:Saida-JosigHuitric-1957-12-16-B.jpg|- | ||
+ | Image:Saida-JosigHuitric-1958-01-29-A.jpg|29.01.1958 | ||
+ | Image:Saida-JosigHuitric-1958-01-29-B.jpg|- | ||
+ | Image:Saida-JosigHuitric-1958-02-07-A.jpg|07.02.1958 | ||
+ | Image:Saida-JosigHuitric-1958-02-07-B.jpg|- | ||
Image:Saida-JosigHuitric-1958-02-11-A.jpg|11.02.1958 | Image:Saida-JosigHuitric-1958-02-11-A.jpg|11.02.1958 | ||
Image:Saida-JosigHuitric-1958-02-11-B.jpg|- | Image:Saida-JosigHuitric-1958-02-11-B.jpg|- |
Version du 14 avril ~ ebrel 2012 à 17:06
|
| ||||||||
Les lettres envoyées par Josig Huitric de Pen-Carn-Lestonan, à sa famille, essentiellement sa mère, alors qu'il est « en opérations de sécurité » à Saïda (Algérie) pour le « maintien de l'ordre en Afrique du Nord ». |
Autres lectures : « L'ancien patronage des Paotred à l'Hotel » ¤ « Le commerce de Pen-Carn » ¤ « Bals et spectacles à la salle Nédélec au Bourg » ¤
1 Introduction
Bien que l'expression « guerre d'Algérie » ait eu cours dans le langage courant, les termes officiellement autorisés par l'administration française étaient « opérations de sécurité et de maintien de l'ordre en Afrique du Nord » (cf. ci-dessus l'attestation du ministère des anciens combattants). La mention « guerre d'Algérie » n'a été reconnue en France que le 18 octobre 1999 sous le gouvernement de Jacques Chirac Jusqu'à récemment les témoignages des soldats français envoyés là-bas pour « le maintien de l"ordre » ont été relativement rares. Était-ce de la pudeur, de la honte ou simplement la peur de ne pas être compris ? En 2012, le cinquantenaire du cessez-le-feu et de l'indépendance de l'Algérie est une occasion de publier quelques souvenirs d'appelés réservistes gabéricois. Et pour commencer, voici une collection de 29 lettres expédiées de Saïda (ville de l'Algérie du nord-ouest, à 800 mètres d'altitude) par un jeune homme né à Ergué-Gabéric en 1937, Josig Huitric dont la mère tenait le commerce de Pen-Carn-Lestonan. Josig est incorporé en mai 1957 dans le 8e RIM (Régiment d'Infanterie Motorisé) et prend, avant la fin de l'année, la direction d'Oran en bateau, puis de Saïda en train. Il y restera pour une période de plus de 18 mois entrecoupée de quelques permissions au pays :
|
|
2 Photos souvenirs
Album-photo | |||||
3 Transcriptions
Oran le 12-11-57
Saïda le 15-12-57
Saïda le 07-2-58
Saïda le 11 février 1958
Saïda le 1-3-58
Ferme Martinez le 7-4-58
Martinez le 17-4-58
Le 28-7-58
|
Saïda le 8-8-58
Saïda le 18-11-58
Nazerapt le 8-12-58
Saïda le 18-12-1958
Saïda le 11-2-1959
Saïda le 8-6-1959
Saïda le 26 juin 1959
Saïda le 3 juillet 1959
|
4 Documents
Lettres de Josig | |||||
5 Annotations
- Loi relative à la substitution, à l'expression « aux opérations effectuées en Afrique du Nord », de l'expression « à la guerre d'Algérie ou aux combats en Tunisie et au Maroc », consultable sur www.senat.fr. [Ref.↑]
- Half Track : véhicule semi-chenillé de l'armée américaine pour le transport de troupe, équipé d'une mitrailleuse Browning et utilisé par l'armée française en Algérie. [Ref.↑ 2,0 2,1 2,2 2,3]
- Le colonel Marcel Bigeard, après sa participation à la bataille d'Alger, est revenu le 25 janvier 1959 en Algérie pour prendre le commandement du secteur de Saida en Oranie, où il a sous ses ordres environ 5 000 hommes répartis dans le 8e RIM, le 14e BTA, le 23e RSM, un groupe de DCA, un régiment d'artillerie et deux groupes mobiles de supplétifs. [Ref.↑ 3,0 3,1 3,2]
- Fellaga : pluriel de « fellag », désigne traditionnellement au Maghreb un « bandit de grand chemin ». Il correspond au mot de l'arabe littéral signifiant « pourfendeur » ou « casseur de têtes ». Le mot, qui a un sens péjoratif en arabe, désigne plus précisément, dans le contexte de la guerre d'Algérie, les partisans de l'indépendance de l'Algérie ; soit, de manière globale, les combattants liés au FLN (et, de manière plus précise, les membres de l'ALN) ou au MNA. Le mot était également remplacé, dans l'argot militaire ou colonial, par celui de « fellouze », ou abrégé en « fell » ou « fel ». [Ref.↑ 4,0 4,1 4,2 4,3 4,4 4,5 4,6]
- « Tout va bien avec toi » : très beau bretonnisme de type « avec / gant » que ne renierait pas Hervé Lossec ! [Ref.↑ 5,0 5,1 5,2 5,3 5,4]
- Djebel, sm. : montagne ou région montagneuse d'un pays arabe, notamment l'Afrique du Nord. [Ref.↑]
- Le North American T-6 Texan ou T-6 était un avion d'entraînement le plus largement répandu dans l'histoire et connu comme "le fabricant de pilote" en raison de son rôle important de préparation des pilotes pour le combat. En mars 1956, la France passe commande aux U.S.A. d'une première tranche de 150 N.A.T-6G qui seront livrés à Bordeaux par porte-avions puis équipés de blindage, d'armement et de radio. Étant le mieux adapté de tous les avions légers le T-6 va devenir l'avion standard des escadrilles légères d'appui (E. A. L. A.) en Algérie. De 1956 à 1959 près de 700 T6 G seront ainsi commandés. [Ref.↑]
Thème de l'article : Document d'archives sur le passé d'Ergué-Gabéric. Date de création : Août 2011 Dernière modification : 14.04.2012 Avancement : [Développé] |