Le projet présenté est le suivant : un barrage de 10 m de hauteur serait créé en amont du Moulin du Poul pour créer un réservoir artificiel de 300.000 mètres cubes d'eau qui, contournant la pointe de Griffonnès s'étendrait jusqu'au moulin à papier Bolloré. Ce réservoir submergerait une partie des terres riveraines. L'eau du réservoir serait amenée sur la rive gauche de l'Odet et à flanc de coteau à une usine électrique située près du moulin de Penhoet. Ainsi, plus d'eau dans l'Odet en été, les bois coupés, remplacés par un haut barrage, une canalisation bien apparente et une usine. L'ensemble constituera un spectacle réjouissant pour le cœur des ingénieurs, mais propre à faire fuir les promeneurs et les touristes. Est-il admissible q'une demi-douzaine de personnes décident d'une chose aussi sérieuse et placent le département devant un fait accompli, car l'enquête qui sera faite, lorsque le projet sera à point, n'est destinée qu'à donner une apparence de satisfaction au public.
Nous ne sommes nullement ennemis du progrès. Nous comprenons très bien les bienfaits qu'apporte l'électricité, tant pour la force que pour la lumière. Mais, en même temps, nous ne sommes pas dupes des mots. Un progrès visant à une jouissance matérielle n'est rien s'il s'achète par la perte d'autres jouissances, saines et utiles. La beauté de la campagne environnante et la richesse de ses rivières contribuent pour une très grande part à l'agrément de la ville de Quimper. Cet agrément, reconnu, certain, voilà qu'on travaille à le détruire en vue d'un avantage, sans doute agréable à sa façon, mais très incertain. Nous tenons pour nous, que c'est folie.
§ Le projet du Stangala ...
Le projet du Stangala priera, sans indemnités, les pêcheurs et les propriétaires riverains d'amont de tous les saumons et d'une partie des truites qu'ils avaient l'habitude de prendre. L'Administration des Eaux et Forêts, cependant, à la demande des pêcheurs, fait classer par un décret, l'Odet parmi les 28 rivières à saumons du département : des échelles à poissons ont même été aménagées au barrage du Moulin Méret et à celui de la papeterie. Mais à quoi serviront ces dépenses si les poissons ne peuvent plus circuler, dans la partie de l'Odet située au Stangala.
Ainsi, adieu les touristes et la pêche alors que, sans commencer par détruire un joli site, on pourrait trouver quelques kilowats de plus ou de moins autre part, en utilisant, par exemple, la force de la marée à l'étroit goulet des anses de Saint-Cadou et de Toulven, situées près de Lanroz, dans l'estuaire maritime de l'Odet. L'expérience des usines marémotrices n'est sans doute pas encore faite, puisque la première usine prévue, celle de l'Aberwrach, n'est pas encore en action ; mais il est à espérer que, d'ici 150 ans, délai tenu comme possible par la Compagnie Lebon pour la raréfaction du charbon, les ingénieurs seront fixés sur l'utilisation de la force des marées. alors, attendez ou cherchez autre chose avant de commencer par détruire ; lorsque vous n'aurez plus de jolis sites à montrer, croyez-vous que les touristes s'arrêteront à Quimper pour vos beaux yeux ?
Mettons, maintenant, les choses au pis et supposons, qu'au moment d'une haute marée, où les eaux de l'Odet sont plus fortes à Quimper, un violent orage se produise dans la vallée de cette rivière, bien en amont du Stangala. Le Finistère se déboisant de plus en plus et perdant ses landes, les eaux pluviales grossissent rapidement les 300.000 mètres cubes que retiendra la digue de 10 mètres de hauteur du barrage de l'usine Lebon.
Contre cette surabondance d'eau, les hommes ne possèdent que des moyens bien faibles : travaux hydrauliques d'un coefficient de sécurité élevé, souvent déjoué par des défectuosités imprévisibles de la construction ou par la vétusté, canaux d'écoulement pour les eaux en excès, vannes de décharge, plus ou moins automatiques, etc ... L'impétuosité des eaux de crue, dans une région où le reboisement est encore à l'état de projet, peut toujours faire craindre la rupture d'un barrage et, si cette rupture se produit, ainsi que nous en avons eu des exemples en Algérie cet hiver, c'est la fureur de l'eau enlevant les fermes et les moulins d'aval pour se répandre sur Quimper, qui ne sera qu'à 6 kilomètres de la digue. Nous nous en voudrions d'être prophètes de malheur, mais nous espérons que les Quimpérois penseront comme nous, qu'il serait préférable de conserver le joli site du Stangala. S'exposer à une noyade pour augmenter les bénéfices de la compagnie d'électricité Lebon, quel Quimpérois de bon sens estimera que ce soit un sort digne d'envie ?
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Ouest-Eclair du 19 janvier 1929
ENQUETE SUR LA DEMANDE DE CONCESSION DE FORCES HYDRAULIQUES AU STANGALA
Une enquête est ouverte par la Préfecture du Finistère sur l'avant-projet présenté par la "Société Sud Finistère" en vue d'être autorisée à se substituer à la "Société Lebon et Cie" pour l'obtention d'une concession hydraulique avec déclaration d'utilité publique pour l'aménagement d'une chute d'eau sur l'Odet au Stangala.
A cet effet, les pièces définissant cet avant-projet et un extrait du cahier des charges seront déposés simultanément dans les mairies de Quimper, Kerfeunteun, Briec, Ergué-Armel et Ergué-Gabéric pendant quinze jours du 28 janvier au 11 février de 9 heures à 15 heures pour être communiquées au public.
La Commission Départementale du Conseil Général est invitée à délibérer en conformité du décret du 29.12.1926, tant sur l'utilité de l'entreprise que sur les réserves en eau et en force prévues au profit des services publics du département et la quantité d'énergie à laisser dans le département en application de la loi du 16 octobre 1919.
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Faute par les assemblées ou organismes ci-dessus désignés, de faire connaître leur avis dans les délais indiqués, ils seront considérés comme acquiesçant sans réserve au projet qui leur a été soumis.
Une commission d'enquête se réunira à la Préfecture le jeudi 21 février. Elle sera composée de MM :
- Vincent, ingénieur agronome,
- Le Roy, ingénieur A.M. à Quimper,
- Feunteun, agriculteur, maire d'Ergué-Armel,
- Le Floc'h, agriculteur, maire de Kerfeunteun,
- Le Bastard, industriel à Quimper,
- Segouin, industriel à Quimper,
- Hénaff, industriel au Paludec-Penhars.
Monsieur Vincent est nommé président de la commission.
La Chambre de Commerce de Quimper, la Chambre d'Agriculture et la Commission Départementale des Sites et Monuments Naturels de caractères artistiques sont invitées à délibérer sur l'avant-projet et à faire part de leurs délibérations à l'Ingénieur en Chef du service des forces hydrauliques, 6 rue de Brest à Quimper, avant le 19 Février prochain.
L'émotion soulevée par le projet de barrage de l'Odet au Stangala est très vive. Cette question intéresse vivement toute la population justement inquiète de la menace qui pèse sur un des plus beaux sites de la région bretonne. Des organismes, des personnes compétentes donnent leur avis, c'est la quasi-unanimité contre le barrage.
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Dépêche de Brest du lundi 4 février 1929
LE CLASSEMENT DU SITE DE STANGALA
Nous apprenons que que la Commission des Sites et Monuments Pittoresques du Finistère, réunie vendredi 1er février à la Préfecture de Quimper sous la présidence de Mr le Secrétaire Général, s'est prononcée, par 6 voix contre 2 pour le classement et la préservation intégrale du site renommé du Stang-Ala. M. de Poulpiquet propriétaire de la pointe de Griffonnez, c'est-à-dire du rocher auquel les gorges du Stangala doivent leur plus impressionnant aspect, a fait une demande près du ministre pour le classement de cette pointe.
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Nous avons su d'autre part que M. René Bolloré, propriétaire de la grande papeterie d'Odet située à 2 kilomètres en amont du Stangala, a élevé contre le projet d'établissement d'un barrage et retenue d'eau, des protestations basées sur le préjudice que ce réservoir lui causerait, en noyant des terrains à proximité de son usine et en lui interdisant toute extension ultérieure de ce côté.
§ M. Bolloré offre, si le classement du Stangala est prononcé ...
M. Bolloré offre, si le classement du Stangala est prononcé ...
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Au cas improbable et très regrettable où cette décision ne serait pas conforme aux intérêts touristiques locaux, la Commission des Sites et Monuments Pittoresques demande que les beautés naturelles du Stangala soient du moins respectées dans toute la mesure du possible, que le projet de 1920 qui prévoyait un barrage situé beaucoup plus en aval que l'ancien moulin du Poul soit adapté de préférence au projet actuel et qu'en tout cas les aménagements industriels, bâtiments d'exploitation soient établis de façon à pouvoir être dissimulés en peu d'années par des plantations, et en ce qui concerne les édifices dans le style des constructions du pays.
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