1929 - La critique des initiatives de René Bolloré par le recteur Pennec
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[[Image:LouisPennecFace.jpg|105px|right]]Le désaccord du recteur est donné sans détour : « <i>Affaire malheureuse à mon avis, et pour moi incompréhensible de la part de Mr Bolloré ... Et chose extraordinaire je me trouve d'accord avec les conseillers opposants, mais naturellement pour des motifs tout différents ... L'influence d'une école plus centrale avec des instituteurs et institutrices très laïques ne peut être que pernicieuse.</i> » | [[Image:LouisPennecFace.jpg|105px|right]]Le désaccord du recteur est donné sans détour : « <i>Affaire malheureuse à mon avis, et pour moi incompréhensible de la part de Mr Bolloré ... Et chose extraordinaire je me trouve d'accord avec les conseillers opposants, mais naturellement pour des motifs tout différents ... L'influence d'une école plus centrale avec des instituteurs et institutrices très laïques ne peut être que pernicieuse.</i> » | ||
- | Lorsqu'il écrit à son évêque Adolphe Duparc <ref name="Duparc">{{PR-Duparc}}</ref> le chanoine Salomon surenchérit : « <i>On va donc établir à St-André une école de garçons et une école de filles ! Résultats : les instituteurs et institutrices n'ayant plus devant eux le prêtre pour combattre leur sinistre influence, vont faire ce qu'on font partout, et plus vite qu'ailleurs : déchristianiser le pays ... Ce que je redoute le plus, c'est la création des écoles de hameau, car c'est le loup dévorant les brebis, sans que le Pasteur puisse les défendre.</i> » | + | Lorsqu'il écrit à son évêque Adolphe Duparc <ref name="Duparc">{{PR-Duparc}}</ref> le chanoine Salomon surenchérit : « <i>On va donc établir à St-André une école de garçons et une école de filles ! Résultats : les instituteurs et institutrices n'ayant plus devant eux le prêtre pour combattre leur sinistre influence, vont faire ce qu'on faitt partout, et plus vite qu'ailleurs : déchristianiser le pays ... Ce que je redoute le plus, c'est la création des écoles de hameau, car c'est le loup dévorant les brebis, sans que le Pasteur puisse les défendre.</i> » |
Un des arguments qui portent à l'époque est la peur de la répétition de l'affaire de Lesconil <ref name="Lesconil">L'affaire de Lesconil a très bien été décrite par Pierrick Chuto dans son livre « <i>Du Reuz en Bigoudénie. Blancs de Plobannalec et Rouges de Lesconil (1892-1938)</i> ». Cette commune est déchirée au 20e siècle entre les paysans cléricaux de Plobannalec et les marins-pêcheurs laïques de Lesconil. En 1924 une nouvelle paroisse est créée à Lesconil dont le recteur Jean-Baptiste Le Mel, surnommé le "curé d'Ars" breton, tente de convertir, jusqu'à organiser des prêches sur le port de pêche car l'église est vide de paroissiens.</ref> : « <i>voilà 4 paroisses souillées, Langolen, Elliant, Landudal, Ergué, ce sera un nouveau Lesconil</i> » (cf. ci-contre la carte décalquée par le chanoine indiquant les paroisses impactées par le foyer corrompu potentiel de St-André). La commune de Plobannalec-Lesconil étant déchirée entre paysans cléricaux à Plobannalec et marins-pêcheurs laïques à Lesconil, une nouvelle paroisse a été créée en 1924 à Lesconil où un recteur missionnaire tente de convertir des paroissiens en organisant des prêches sur les quais du port de pêche. | Un des arguments qui portent à l'époque est la peur de la répétition de l'affaire de Lesconil <ref name="Lesconil">L'affaire de Lesconil a très bien été décrite par Pierrick Chuto dans son livre « <i>Du Reuz en Bigoudénie. Blancs de Plobannalec et Rouges de Lesconil (1892-1938)</i> ». Cette commune est déchirée au 20e siècle entre les paysans cléricaux de Plobannalec et les marins-pêcheurs laïques de Lesconil. En 1924 une nouvelle paroisse est créée à Lesconil dont le recteur Jean-Baptiste Le Mel, surnommé le "curé d'Ars" breton, tente de convertir, jusqu'à organiser des prêches sur le port de pêche car l'église est vide de paroissiens.</ref> : « <i>voilà 4 paroisses souillées, Langolen, Elliant, Landudal, Ergué, ce sera un nouveau Lesconil</i> » (cf. ci-contre la carte décalquée par le chanoine indiquant les paroisses impactées par le foyer corrompu potentiel de St-André). La commune de Plobannalec-Lesconil étant déchirée entre paysans cléricaux à Plobannalec et marins-pêcheurs laïques à Lesconil, une nouvelle paroisse a été créée en 1924 à Lesconil où un recteur missionnaire tente de convertir des paroissiens en organisant des prêches sur les quais du port de pêche. | ||
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J'ai su trop tard que votre Grandeur partait à midi ce matin. Quand je suis sorti de l'Evêché il y a 3 jours, après avoir parlé des projets de M. Bolloré sur la création d'une école laïque à St-André, le fait m'a paru tellement grave, que, pour libérer ma conscience, je me suis fait un devoir de poser à M. le Recteut d'Ergué-Gabéric quelques questions précises, auxquelles il vient de me répondre. J'ai l'honneur de vous transmettre son rapport. | J'ai su trop tard que votre Grandeur partait à midi ce matin. Quand je suis sorti de l'Evêché il y a 3 jours, après avoir parlé des projets de M. Bolloré sur la création d'une école laïque à St-André, le fait m'a paru tellement grave, que, pour libérer ma conscience, je me suis fait un devoir de poser à M. le Recteut d'Ergué-Gabéric quelques questions précises, auxquelles il vient de me répondre. J'ai l'honneur de vous transmettre son rapport. | ||
- | Monsieur le Recteur, sans aucune hésitation, conclut que cette combinaison ferait beaucoup de mal. Il suffit en effet de regarder le fragment de carte que j'ai décalqué : les traits rouges indiquent les routes nationales, les traits au crayon noir, les routes communales. Comme St-André est bien situé ! au carrefour de 2 grande-routes, et toute une quantité de petits chemins ! on y accède de tous côtés. A St-André, M. Bolloré pense construire <u>un groupe scolaire</u>, c'est-à-dire non plus une école de garçons, mais <u>une école de filles</u> également. On va donc établir à St-André une école de garçons et une école de filles ! Résultats : les instituteurs et institutrices n'ayant plus devant eux le prêtre pour combattre leur sinistre influence, vont faire ce qu'on font partout, et plus vite qu'ailleurs : déchristianiser le pays : voilà 4 paroisses souillées, Langolen, Elliant, Landudal, Ergué, ce sera un nouveau Lesconil <ref name="Lesconil">-</ref>. Voilà de plus 4 écoles, au moins, de sérieusement attentes : Langolen perdra toute une partie de Landulal et de Langolen ; Elliant n'aura plus autant d'enfants de son secteur nord, nord-ouest et ouest ; l'école d'Odet elle-même perdra des élèves ; quant à Ergué-Gabéric, elle n'aura qu'à se fermer : plus d'internes, quelques rares externes. Langolen et Elliant perdront aussi des internes, donc auront plus de peine à vivre, car tout le voisinage de St-André u enverra les petites filles comme externes, prenant Langolen, Elliant et Ergué d'un bon contingent d'internes. Autre conséquence : ces écoles ayant moins d'élèves, perdent de leur importance, donc de leur prestige aux yeux des parents, et par suite attireront moins la clientèle. | + | Monsieur le Recteur, sans aucune hésitation, conclut que cette combinaison ferait beaucoup de mal. Il suffit en effet de regarder le fragment de carte que j'ai décalqué : les traits rouges indiquent les routes nationales, les traits au crayon noir, les routes communales. Comme St-André est bien situé ! au carrefour de 2 grande-routes, et toute une quantité de petits chemins ! on y accède de tous côtés. A St-André, M. Bolloré pense construire <u>un groupe scolaire</u>, c'est-à-dire non plus une école de garçons, mais <u>une école de filles</u> également. On va donc établir à St-André une école de garçons et une école de filles ! Résultats : les instituteurs et institutrices n'ayant plus devant eux le prêtre pour combattre leur sinistre influence, vont faire ce qu'on fait partout, et plus vite qu'ailleurs : déchristianiser le pays : voilà 4 paroisses souillées, Langolen, Elliant, Landudal, Ergué, ce sera un nouveau Lesconil <ref name="Lesconil">-</ref>. Voilà de plus 4 écoles, au moins, de sérieusement attentes : Langolen perdra toute une partie de Landulal et de Langolen ; Elliant n'aura plus autant d'enfants de son secteur nord, nord-ouest et ouest ; l'école d'Odet elle-même perdra des élèves ; quant à Ergué-Gabéric, elle n'aura qu'à se fermer : plus d'internes, quelques rares externes. Langolen et Elliant perdront aussi des internes, donc auront plus de peine à vivre, car tout le voisinage de St-André u enverra les petites filles comme externes, prenant Langolen, Elliant et Ergué d'un bon contingent d'internes. Autre conséquence : ces écoles ayant moins d'élèves, perdent de leur importance, donc de leur prestige aux yeux des parents, et par suite attireront moins la clientèle. |
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Version du 24 juin ~ mezheven 2019 à 09:18
| Le désaccord du recteur Louis Pennec face au projet de l'industriel René Bolloré de créer une école laïque dans le quartier rural de Saint-André.
Documents conservés aux Archives Diocésaines de Quimper et de Léon. Autres lectures : « 1927-1929 - Tentative de fermeture de l'école communale de Lestonan par René Bolloré » ¤ « Invectives du comité de Défense Laïque contre René Bolloré, Le Cri du Peuple 1927-1929 » ¤ « AC'H François et RAULT Roger - Les écoles publiques de Lestonan, 1880-1930 » ¤ « Ecoles privées Saint-Joseph et Sainte-Marie de Lestonan » ¤ « Louis Pennec, recteur (1914-1938) » ¤ « Auguste Hanras, vicaire à Odet (1929-1931) » ¤ « Yves Le Goff, vicaire, puis à Odet (1926-1939) » ¤ |
1 Présentation
En juin 1929, Louis Pennec, recteur d'Ergué-Gabéric depuis 1914, est amené à donner son avis à l'Inspecteur diocésain Octave Salomon [1] sur le projet de René Bolloré de créer une école laïque à Saint-André au centre de la paroisse d'Ergué-Gabéric, alors que l'industriel vient de construire deux écoles privées de filles et de garçons, à proximité immédiate de l'école laïque de Lestonan qu'il compte transformer en « asile de vieillards » et de son usine à papiers d'Odet.
Lorsqu'il écrit à son évêque Adolphe Duparc Un des arguments qui portent à l'époque est la peur de la répétition de l'affaire de Lesconil Finalement, face aux arguments des ecclésiastiques craignant le développement d'un foyer de résistance laïque, René Bolloré abandonne son projet d'école laïque à St-André en notifiant sa décision le 22 juillet au conseil municipal et en évitant ainsi une poussée ultime de guerre des écoles. Le recteur Louis Pennec soulève aussi le problème de l'organisation du ministère dans deux lettres, l'une au vicaire général en septembre, et l'autre à l'évêque en décembre 1929. La première concerne la répartition laborieuse entre les 3 prêtres paroissiaux et Auguste Hanras, vicaire |
nommé en résidence à la papeterie Bolloré d'Odet par l'Evêché. Le recteur se félicite d'avoir conclu un accord avec M. et Mme Bolloré : « Trois fois par semaine, pour Madame Bolloré et les femmes de l'Usine, une messe serait dite vers 7h 1/2 par le clergé de la paroisse d'Ergué-Gabéric. », toutes les autres messes continuant à être assurées par le vicaire en résidence. La seconde lettre est adressée à Monseigneur Duparc pour le supplier de conserver une équipe paroissiale de 3 prêtres en plus du vicaire d'Odet : « Même après la nomination du vicaire en résidence à Odet la paroisse d'Ergué reste encore une paroisse étendue et difficile à desservir. [...] il y a donc des paroissiens très éloignés qui réclament, le Dimanche, une messe à l'une des trois chapelles, dont Kerdévot très fréquentée. Il me semble impossible de leur donner satisfaction avec un seul vicaire. ».Le dernier document est daté de janvier 1930 et concerne une enquête diligentée par l'Evêché suite à certains reproches remontés par René Bolloré et par le recteur quant à l'inefficacité du vicaire d'Odet. Il est notamment accusé de favoriser le manque de dynamisme de l'association sportive des « Paotred Dispount » créée et financée par l'entreprise d'Odet. Pour comprendre les tenants et aboutissants, le représentant diocésain veut convoquer les Paotred qui déclinent : « Ils ont fait dire qu'ils viendraient si on les payait l'un 50 f par dimanche, d'autres 12 f. » Auguste Hanras ne reste à Odet que jusqu'en 1931, est sera muté à Taulé, puis recteur à Combrit. Les vicaires de l'équipe paroissiale de Louis Pennec assureront les missions d'aumônier en résidence à la papeterie, notamment les abbés Le Gall et Le Goff. |
2 Transcriptions
Louis Pennec, 21.06.1929
Inspecteur diocésain, 24.06.1929
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Suite L.P. 24.06.1929
Louis Pennec, 26.09.1929
Louis Pennec, 26.12.1929
Evêché, 10.05.1930
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3 Originaux
ADQ EG | |||||
4 Annotations
- Le chanoine Octave Salomon (1872-1942) a été inspecteur de l'Enseignement libre de 1912 à 1940. [Ref.↑]
- Adolphe Duparc (1857-1946) fut l'évêque de Quimper et Léon de 1908 à sa mort. Il eut le souci de la formation du clergé de son diocèse en rachetant en 1913 le petit séminaire de Pont-Croix. Il développa l'enseignement catholique par la création de 110 écoles primaires. Il fut aussi l'homme de plusieurs combats : contre la séparation de l’Église et de l’État et laïcisation des écoles, lutte contre l'alcoolisme, patriotisme français, pétainisme, défense de la langue bretonne, excommunication des séparatistes bretons du PNB, ... [Ref.↑]
- L'affaire de Lesconil a très bien été décrite par Pierrick Chuto dans son livre « Du Reuz en Bigoudénie. Blancs de Plobannalec et Rouges de Lesconil (1892-1938) ». Cette commune est déchirée au 20e siècle entre les paysans cléricaux de Plobannalec et les marins-pêcheurs laïques de Lesconil. En 1924 une nouvelle paroisse est créée à Lesconil dont le recteur Jean-Baptiste Le Mel, surnommé le "curé d'Ars" breton, tente de convertir, jusqu'à organiser des prêches sur le port de pêche car l'église est vide de paroissiens. [Ref.↑ 3,0 3,1]
Thème de l'article : Etude et transcriptions d'actes anciens Date de création : juin 2019 Dernière modification : 24.06.2019 Avancement : [Développé] |