Le métier de mendiant et la lutte contre le paupérisme selon Déguignet
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Version du 9 septembre ~ gwengolo 2018 à 08:04
Dans les extraits ci-dessous Jean-Marie Déguignet (1834-1905) aborde les sujets de la misère et la pauvreté en milieu rural au 19e siècle.
À l'âge de 9 à 14 ans, il a exercé le métier de mendiant entre 1844 et 48 dans la campagne gabéricoise. Et toute sa vie durant, il a pu observer les causes et les effets du paupérisme dans les classes sociales les plus défavorisées de basse-bretagne, à savoir les mendiants et les journaliers agricoles. À signaler également les commentaires sur le cas Déguignet de Jean-Jacques Yvorel dans son article « Errance juvénile et souffrance sociale au XIXe siècle d’après les récits autobiographes » dans l'ouvrage collectif « Histoires de la souffrance sociale: xviie-xxe siècles » publié en 2015 aux Editions PUR. Autres lectures : « Espace Déguignet » ¤ « BABONNEAU Christophe et BETBEDER Stéphane - Mémoires d'un paysan bas-breton Tome 1 » ¤ « DÉGUIGNET Jean-Marie - Histoire de ma vie, l'Intégrale » ¤ « Déguignet face aux machines de la papeterie Bolloré à la fin du 19e » ¤ | Tome 1 Le Mendiant, Soleil Celtic ) |
1 Présentation
L'enquête sociologique de Jean-Jacques Yvorel porte sur 8 récits de jeunes ramoneurs, ouvriers, sourds-muets, le monde paysan étant représenté par les « Mémoires d’un paysan Bas-Breton » de Jean-Marie Déguignet. Contrairement aux autres expériences, l'activité de mendiant et de vagabond à Ergué-Gabéric est vécue comme un métier normal et honorable nécessitant un sérieux apprentissage. Sa mère approuve l'idée des tournées de mendicité durant 3 jours par semaine et lui confectionne une besace. Il suit pendant 6 semaines son professeur : « Cette bonne femme était une mendiante professionnelle; elle se chargeait de m’apprendre l'état. ». Les résultats ne se font pas attendre : « Pendant trois jours consécutifs, le temps nécessaire pour faire le tour de la commune, j'apportai à la maison plein les deux bouts de ma besace de farine d'avoine et de blé noir. » « Jamais données au nom de l'humanité, chose inconnue chez les Bretons, mais seulement au nom de Dieu », les aumônes face à la mendicité juvénile sont généreuses : « une prière dite par moi, enfant chétif et humble, valait pour elles cent prières radotées machinalement par les vieilles mendiantes ». Par contre il existe aussi des mauvais mendiants qui éclaboussent la noble profession : « des mendiants de tout âge, de véritables bandits, lesquels quand ils rencontraient un malheureux seul avec sa besace pleine, ne se gênaient pas pour la vider dans la leur ». Les mendiants entrant dans la vie adulte, « pour gagner leur pain », doivent exercer le métier de journalier, c'est-à-dire louer leurs bras aux cultivateurs qui leur « faisaient faire leurs travaux au marché, ou par grandes journées. Autour de chaque ferme, il y avait toujours deux ou trois penty qu'on louait à ceux-ci, que le propriétaire trouvait sous la main quand il en avait besoin ». Ce pennti est littéralement un « bout de maison », désignant la bâtisse, composée généralement d'une seule pièce, où s'entassait avec sa famille l'ouvrier agricole. Or en cette moitié du 19e siècle « grâce aux machines agricoles perfectionnées, les cultivateurs n'ont plus besoin de journaliers ». Ils ont donc ont transformé leurs penntis en étables, et refoulé les journaliers dans la ville. |
L'analogie faite par Déguignet est effrayante : « Quand les abeilles veulent supprimer ces gros parasites qui les ruinent, elles leurs refusent simplement le domicile et 24 heures après la question sociale est résolue ; plus d'êtres nuisibles ni inutiles dans la société. » Il fait donc cette suggestion cynique : « Que les riches de la ville et la municipalité fassent comme ces insectes ainsi que les paysans l'ont déjà fait et la plus difficile de toutes les questions sociales humaines sera aussi résolue. » Mais il faut prendre cette proposition au second degré, comme une démonstration par l’absurde. La fin du texte se veut une défense de ses compagnons de misère, avec une évocation du sort des indiens d'Amérique. « Pour être misanthrope et anti-humain je ne le suis pas. J'ai trop pleuré et je pleure toujours sur les misères de l'humanité, et je voudrais de tout mon cœur les voir finir ». Mais bien sûr autrement qu'en supprimant les penntis des bretons et les tipis des indiens. |
2 Textes
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Pages 68-70 de l'Intégrale des Mémoires d'un paysan bas-breton :
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Pages 86-89 de l'Intégrale des Mémoires d'un paysan bas-breton :
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3 Annotations
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- Bazh-vanal, sf. : littéralement "bâton de genêt". Nom breton de l'entremetteur(se) qui arrangeait les mariages dans les campagnes et qui portaient symboliquement un bâton de genêt. [Terme BR] [Lexique BR] [Ref.↑]
- Avoir, verbe : souvent en remplacement du verbe être : « elle croyait qu'au lieu de mendier j'avais resté jouer » (Déguignet, IT, p 69). En breton le verbe « bezañ » (être) peut aussi prendre le sens de « avoir » en fonction de la préposition qui suit, d'où les confusions en français entre les deux verbes. De plus la forme passive est très usitée en breton où on exprime le résultat de l'action plutôt que son déroulement. [Terme BR] [Lexique BR] [Ref.↑]
- Penn-bazh, sf : bâton de marche qui servait d'arme à l'occasion. Littéralement bout de bâton, désigne le gourdin, à la fois utilitaire, défensif et décoratif qui ne quittait jamais les paysans cornouaillais dans leurs déplacements au 19e siècle. Taillé dans le buis, il présentait à l'une des extrémités un gros nœud de bois garni de clous et à l'autre bout, une lanière permettant de le faire tourner. [Terme BR] [Lexique BR] [Ref.↑]
- Lord Seymour (1805-1859), qui introduisit en France le jet de confetti, fut baptisé Milord l'Arsouille par les parisiens, à cause de son exentricité. [Ref.↑]
- Le noir animal est un engrais obtenu par calcination en vase clos de diverses matières animales, spécialement des os. [Ref.↑]
- Pennty, penn-ti : littéralement « bout de maison », désignant les bâtisses, composées généralement d'une seule pièce, où s'entassaient avec leur famille les ouvriers agricoles et journaliers de Basse-Bretagne (Revue de Paris 1904, note d'Anatole Le Braz). Par extension, le penn-ty est le journalier à qui un propriétaire loue, ou à qui un fermier sous-loue une petite maison et quelques terres, l'appellation étant synonyme d'une origine très modeste. [Terme BR] [Lexique BR] [Ref.↑ 6,0 6,1 6,2]
Thème de l'article : Écrits de Jean-Marie Déguignet Date de création : Septembre 2018 Dernière modification : 9.09.2018 Avancement : [Développé] |