La légende du chat noir, "foar ar c'hizier du" gant Deguignet ha Poulmac'h
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- | |width=55% valign=top {{jtfy}}|Bien que critique sur la naîveté de ses contemporains, Jean-Marie Déguignet a raconté à sa façon, dans ses mémoires, les légendes ancrées du pays bas-breton, et notamment « <i>ar c'hazh du</i> », le chat noir qui venait de la foire du diable de Gourin. | + | |width=55% valign=top {{jtfy}}|Bien que critique sur la naîveté de ses contemporains, Jean-Marie Déguignet a raconté à sa façon, dans ses mémoires, les légendes ancrées du pays bas-breton, et notamment « <i>ar c'hazh du</i> », le chat noir de la foire du diable de Gourin qui apportait pièces d'or et d'argent. |
- | Maurice Poulmac'h, merveilleux conteur en langue bretonne, a repris également cette même histoire dans la truculente langue bretonne de nos campagnes, et la chaine Youtuge TAB.TV l'a enregistrée sous le titre « <i>Foar ar c'hizier du</i> » (foire des chats noirs). | + | Maurice Poulmac'h, merveilleux conteur en langue bretonne, a repris également cette même histoire dans la truculente langue bretonne de nos campagnes, et la chaine Youtube TAB.TV ("Chadenn ar Vrezhonegien") l'a enregistrée sous le titre « <i>Foar ar c'hizier du</i> » (la foire des chats noirs). |
Autres lectures : {{Tpg2|:Category:JMD|Espace Déguignet}}{{Tpg|OGÈS Louis - Contes et Légendes populaires recueillis par F.-M. Déguignet}}{{Tpg|DEGUIGNET François-Marie et LE GUENNEC Louis - Contes et légendes du Grand-Ergué}}{{Tpg|DÉGUIGNET Jean-Marie - Contes et légendes de Basse-Cornouaille}}{{Tpg|DÉGUIGNET Jean-Marie - Mémoires d'un Paysan Bas-Breton}}{{Tpg|La mort subite des pommes de terre rouges en juillet 1845}} | Autres lectures : {{Tpg2|:Category:JMD|Espace Déguignet}}{{Tpg|OGÈS Louis - Contes et Légendes populaires recueillis par F.-M. Déguignet}}{{Tpg|DEGUIGNET François-Marie et LE GUENNEC Louis - Contes et légendes du Grand-Ergué}}{{Tpg|DÉGUIGNET Jean-Marie - Contes et légendes de Basse-Cornouaille}}{{Tpg|DÉGUIGNET Jean-Marie - Mémoires d'un Paysan Bas-Breton}}{{Tpg|La mort subite des pommes de terre rouges en juillet 1845}} | ||
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- | * Il y avait autrefois une foire dite du diable qui se déroulait tous les ans à Gourin, vers la Noël, et où on trouvait des chats noirs que les acquéreurs se faisaient payer par les précédents propriétaires qui n'en voulaient plus. | + | * Il y avait autrefois une foire dite du diable qui se déroulait tous les ans à Gourin, vers la Noël, et on y trouvait des chats noirs que les acquéreurs se faisaient payer par les précédents propriétaires qui voulaient s'en débarrasser. |
- | * Ce jour-là, les consignes étaient transmises, à savoir l'obligation de nourrir l'animal de bouillie de froment et de lait de nourrice, et l'obligation de rendre l'animal au diable à une date précise en échange de l'âme du propriétaire, ou alors de s'en débarrasser à la prochaine foire. | + | * Ce jour-là, les consignes étaient transmises, à savoir l'obligation de nourrir l'animal de bouillie de froment et de lait de nourrice, et l'obligation de rendre l'animal au diable à une date précise en échange de l'âme du propriétaire, ou alors de le vendre à la prochaine foire. |
- | * La contrepartie du pacte avec le diable était bien sûr l'assurance de grande richesse, car le chat noir ramenait chaque soir des tas de pièces d'or. | + | * La contrepartie du pacte avec le diable était bien sûr l'assurance d'une grande richesse, car le chat noir ramenait chaque soir des tas de pièces d'or et d'argent de tous pays. |
- | * Et voilà qu'un couple de Leuhan qui s'était enrichi de cette façon, voyant arriver l'échéance en juillet, soit bien la foire de Gourin, demande à leur recteur de bien vouloir combattre le diable contre promesses de pièces d"or. | + | * Et voilà qu'un couple de Leuhan qui s'était enrichi de cette façon, voyant arriver l'échéance fatale en juillet, soit bien avant la foire de Gourin, dut demander à leur recteur de bien vouloir combattre le diable contre quelques pièces d'or. |
- | * Le recteur, accompagné de ses collègues prêtres avec qui il avait copieusement, tous intéressés par l'appât du gain, s'en allèrent un soir à la ferme du chat noir, et dans la nuit firent leur conjuration. | + | * Le recteur, accompagné de ses collègues prêtres avec qui il avait copieusement dîné, tous intéressés par l'appât du gain, s'en allèrent un soir à la ferme du chat noir, et dans la nuit firent leur conjuration. |
- | * Au matin on entendit un grand bruit, et les prêtres sortirent de la maison, leurs surplus blancs étaient devenus noirs, le chat noir qui avait lâché un effroyable pet s'était enfin enfui. | + | * Au matin on entendit un grand bruit, et les prêtres sortirent de la maison, leurs surplis blancs devenus noirs cramoisis, le chat noir qui avait lâché un effroyable pet s'étant enfin enfui. |
+ | * Les jours suivants, le diable, pour se venger, provoqua l'apparition du mildiou sur les feuilles des pommes de terre de la région. | ||
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- | * Les jours suivants, le diable, pour se venger, provoqua le mildiou sur les feuilles des pommes de terre de la région. | + | Maurice Poulmac'h, grand conteur du Huelgoat et animateur de Radio-Kerne, commence cette histoire par ces mots : « <i>Bez e oa c'hoaz mad bremañ zo kant ha hanter-kant bloaz-so e voa eur foar e C'hourin, foar ar c'hizier du ...</i> » (Autrefois il y a bien déjà maintenant 150 ans avait lieu une foire à Gourin, la foire des chats noirs ...). |
- | Maurice Poulmac'h, grand conteur du Huelgoat et animateur de Radio-Kerne, commence cette histoire par ces mots en breton : « <i>Bez e oa c'hoaz mad bremañ zo kant ha hanter-kant bloaz so e voa eur foar e C'hourin, foar ar c'hizier du ...</i> » (Autrefois il y a bien déjà 150 ans avait lieu une foire à Gourin, la foire des chats noirs ...). | + | <center><addhtml> |
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- | Écoute en ligne sur Youtube : | + | Écoute en ligne sur Youtube (TAB.TV "Chadenn ar Vrezhonegien") : |
* la vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=7j7T4L_PFWg | * la vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=7j7T4L_PFWg | ||
* TAB.TV : https://www.youtube.com/user/pilhaouer | * TAB.TV : https://www.youtube.com/user/pilhaouer | ||
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+ | Origine et publication du texte de Déguignet en français : | ||
+ | * manuscrit : pages 282-298 du cahier n° 2 des mémoires | ||
+ | * premier des « [[OGÈS Louis - Contes et Légendes populaires de la Cornouaille bretonne recueillis par F.-M. Déguignet|Contes et Légendes populaires de la Cornouaille bretonne recueillis par F.-M. Déguignet]] » publiés par Louis Ogès dans le Bulletin de la Société Archéologique du Finistère de 1963, | ||
+ | * réédité par la [[DEGUIGNET François-Marie et LE GUENNEC Louis - Contes et légendes du Grand-Ergué|Commission Extra-municipale de recherches historiques d'Ergué-Gabéric]] en 1984, | ||
+ | * inclus en 1998 dans le chapitre "Enfance" des « [[DÉGUIGNET Jean-Marie - Mémoires d'un Paysan Bas-Breton|Mémoires d'un paysan bas-breton]] » de l'association Arkae aux éditions an Here et dans un [[DÉGUIGNET Jean-Marie - Contes et légendes de Basse-Cornouaille|livre de contes illustrés par Laurent Quevilly]]. | ||
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- | Pages 282-298 du cahier n° 2 des mémoires de Jean-Marie-Déguignet : premier des « [[OGÈS Louis - Contes et Légendes populaires de la Cornouaille bretonne recueillis par F.-M. Déguignet|Contes et Légendes populaires de la Cornouaille bretonne recueillis par F.-M. Déguignet]] » publiés par Louis Ogès dans le Bulletin de la Société Archéologique du Finistère de 1963, réédités par la Commission Extra-municipale de recherches historiques d'Ergué-Gabéric en 1984, et enfin inclus en 1998 dans le chapitre "Enfance" des « [[DÉGUIGNET Jean-Marie - Mémoires d'un Paysan Bas-Breton|Mémoires d'un paysan bas-breton]] » de l'association Arkae aux éditions an Here et dans un livre de contes illustrés par Laurent Quevilly : | ||
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Puisque entre 1844 et 45 je n'ai à signaler aucun incident extraordinaire dans mon existence de pauvre mendiant, je vais arriver de suite à la mort des pommes de terre, qui arriva en juillet 45. On sait quel désastre, quelle effroyable disette causa cette mort subite des pommes de terre chez les Irlandais autant que chez nous, pauvres Bas-Bretons, qui ne vivions que d'elles et de pain noir. Ah! que de contes, que d'histoires, que de légendes naquirent alors au sujet de cette maladie noire qui emporta d'un seul coup en une seule année toute une race de pommes de terre. | Puisque entre 1844 et 45 je n'ai à signaler aucun incident extraordinaire dans mon existence de pauvre mendiant, je vais arriver de suite à la mort des pommes de terre, qui arriva en juillet 45. On sait quel désastre, quelle effroyable disette causa cette mort subite des pommes de terre chez les Irlandais autant que chez nous, pauvres Bas-Bretons, qui ne vivions que d'elles et de pain noir. Ah! que de contes, que d'histoires, que de légendes naquirent alors au sujet de cette maladie noire qui emporta d'un seul coup en une seule année toute une race de pommes de terre. | ||
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Oui, mais comment s'en défaire maintenant ! La foire des chats noirs n'avait lieu qu'une fois par an vers la Noël et le tenue fatal que ces époux avaient eux-mêmes fixé finissait en juillet. | Oui, mais comment s'en défaire maintenant ! La foire des chats noirs n'avait lieu qu'une fois par an vers la Noël et le tenue fatal que ces époux avaient eux-mêmes fixé finissait en juillet. | ||
- | Ils regrettaient maintenant de n'avoir pas fixé ce terme à un an et un jour comme on le faisait ordinairement. Car c'était toujours dans ce jour supplémentaire que le diable était roulé, s'il ne l'était auparavant. Enfin, ne sachant comment faire et se voyant perdu, le mari dit à la femme qu'il fallait aller trouver le curé pour voir ce qu'il en dirait. La femme alla donc se confesser au vieux recteur de Leuhan, et expliqua la terrible situation dans laquelle ils se trouvaient, elle et son mari. Le recteur réfléchit un moment, et lui dit qu'en effet, leur cas était des plus graves, mais que cependant, il y aurait peu être un moyen de les sortir de cette impasse où ils s'étaient si maladroitement fourrés ; il ne s'agissait que de conjurer ce chat, ce diable noir. Mais le diable est malin, du moins il l'était autrefois, puisque dans le jardin de l'Éden il avait du premier coup roulé le vieux père Éternel en se faufilant dans le corps d'un serpent, comme il roula plus tard le fils en se cachant dans les boyaux de Judas de l'Ariote <ref>Judas de l’Ariote (Judas d’Iscariote). L’un des douze apôtres, celui qui livra Jésus aux prêtres.</ref>, | + | Ils regrettaient maintenant de n'avoir pas fixé ce terme à un an et un jour comme on le faisait ordinairement. Car c'était toujours dans ce jour supplémentaire que le diable était roulé, s'il ne l'était auparavant. Enfin, ne sachant comment faire et se voyant perdu, le mari dit à la femme qu'il fallait aller trouver le curé pour voir ce qu'il en dirait. La femme alla donc se confesser au vieux recteur de Leuhan, et expliqua la terrible situation dans laquelle ils se trouvaient, elle et son mari. Le recteur réfléchit un moment, et lui dit qu'en effet, leur cas était des plus graves, mais que cependant, il y aurait peu être un moyen de les sortir de cette impasse où ils s'étaient si maladroitement fourrés ; il ne s'agissait que de conjurer ce chat, ce diable noir. Mais le diable est malin, du moins il l'était autrefois, puisque dans le jardin de l'Éden il avait du premier coup roulé le vieux père Éternel en se faufilant dans le corps d'un serpent, comme il roula plus tard le fils en se cachant dans les boyaux de Judas de l'Ariote <ref>Judas de l’Ariote (Judas d’Iscariote). L’un des douze apôtres, celui qui livra Jésus aux prêtres.</ref>. |
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+ | Mais le recteur de Leuhan comptait être plus malin que ceux là, et plus malin que le diable lui-même. Les sacrificateurs de Jérusalem avaient promis à Judas l'Iscariote une somme d'argent pour leur livrer le Fils de l'homme; ici la femme de Leuhan avait promis au recteur une bonne somme d'or pour la délivrer du fils de Satan. Et le bon recteur promit de l'en délivrer. | ||
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- | Mais le recteur de Leuhan comptait être plus malin que ceux là, et plus malin que le diable lui-même. Les sacrificateurs de Jérusalem avaient promis à Judas l'Iscariote une somme d'argent pour leur livrer le Fils de l'homme; ici la femme de Leuhan avait promis au recteur une bonne somme d'or pour la délivrer du fils de Satan. Et le bon recteur promit de l'en délivrer. | ||
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Ce vieux bonhomme avait déjà conjuré bien des âmes de riches paysans. Mais ces âmes simples et ignorantes se laissaient facilement prendre au piège que le recteur leur tendait. Sans doute il n'en serait pas de même avec le diable, le malin des malins. Aussi se concerta-t-il avec ses collègues voisins pour arriver aux grands moyens. Puisqu'il avait beaucoup d'or à gagner, il partagerait avec ses collègues qui lui viendraient en aide. Mais il n'y avait pas de temps à perdre, car le terme fatal était proche. Un soir, donc, il assembla ses collègues chez lui, et, après avoir copieusement soupé, ils se munirent de tous instruments nécessaires pour cette conjuration extraordinaire, et se rendirent à la ferme du chat noir. Les deux malheureux époux étaient accroupis près du foyer, pleurant et priant ; ils se voyaient perdus. Mais lorsqu'ils virent entrer les prêtres ils se levèrent. Ceux-ci venaient sans doute les sauver. Ils dirent aux prêtres que le chat noir était parti à la mer comme d'habitude et qu'il ne rentrait que le matin, quelques heures avant le jour. | Ce vieux bonhomme avait déjà conjuré bien des âmes de riches paysans. Mais ces âmes simples et ignorantes se laissaient facilement prendre au piège que le recteur leur tendait. Sans doute il n'en serait pas de même avec le diable, le malin des malins. Aussi se concerta-t-il avec ses collègues voisins pour arriver aux grands moyens. Puisqu'il avait beaucoup d'or à gagner, il partagerait avec ses collègues qui lui viendraient en aide. Mais il n'y avait pas de temps à perdre, car le terme fatal était proche. Un soir, donc, il assembla ses collègues chez lui, et, après avoir copieusement soupé, ils se munirent de tous instruments nécessaires pour cette conjuration extraordinaire, et se rendirent à la ferme du chat noir. Les deux malheureux époux étaient accroupis près du foyer, pleurant et priant ; ils se voyaient perdus. Mais lorsqu'ils virent entrer les prêtres ils se levèrent. Ceux-ci venaient sans doute les sauver. Ils dirent aux prêtres que le chat noir était parti à la mer comme d'habitude et qu'il ne rentrait que le matin, quelques heures avant le jour. | ||
- | « <i>C'est bien</i> », leur dit le vieux recteur, «<i> maintenant allez vous coucher. Nous allons rester veiller toute la nuit. Demain vous entendrez du bruit, des cris et des blasphèmes effroyables, mais que personne ne bouge. Recommandez bien cela à vos domestiques.</i>» | + | « C'est bien », leur dit le vieux recteur, « maintenant allez vous coucher. Nous allons rester veiller toute la nuit. Demain vous entendrez du bruit, des cris et des blasphèmes effroyables, mais que personne ne bouge. Recommandez bien cela à vos domestiques. » |
Les nuits sont courtes au mois de juillet; pour entrer deux heures avant le jour le chat noir devait arriver vers une heure. Ce fut en effet un peu avant cette heure que les deux époux, moitié transis dans leur lit clos, virent les prêtres mettre leurs surplis blancs et prendre chacun son étole à la main, puis sortirent doucement de la maison en verrouillant solidement la porte. Un instant après, comme l'avait dit le même recteur, les gens de la maison tous tremblants dans leurs lits, entendirent en effet des bruits et des cris effroyables qui durèrent un bon moment, puis tout à coup un effroyable coup de tonnerre se fit entendre, qui fit trembler la maison et plus encore les malheureux qui [étaient] dedans. Puis, plus rien. | Les nuits sont courtes au mois de juillet; pour entrer deux heures avant le jour le chat noir devait arriver vers une heure. Ce fut en effet un peu avant cette heure que les deux époux, moitié transis dans leur lit clos, virent les prêtres mettre leurs surplis blancs et prendre chacun son étole à la main, puis sortirent doucement de la maison en verrouillant solidement la porte. Un instant après, comme l'avait dit le même recteur, les gens de la maison tous tremblants dans leurs lits, entendirent en effet des bruits et des cris effroyables qui durèrent un bon moment, puis tout à coup un effroyable coup de tonnerre se fit entendre, qui fit trembler la maison et plus encore les malheureux qui [étaient] dedans. Puis, plus rien. | ||
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La corvée avait été rude. | La corvée avait été rude. | ||
- | Mais Paulic <ref>Paulic (Paolig) : Petit Paul, surnom breton du diable.</ref> avait été saisi à temps, conjuré et forcé de retourner à vide dans son noir empire. Mais en partant, de rage et de colère d'avoir été pincé, il lâcha un effroyable pet qui fit trembler la terre et les renversa tous dans le fossé. | + | [[Image:Pet de Paulic l.jpg|right|200px]]Mais Paulic <ref>Paulic (Paolig) : Petit Paul, surnom breton du diable.</ref> avait été saisi à temps, conjuré et forcé de retourner à vide dans son noir empire. Mais en partant, de rage et de colère d'avoir été pincé, il lâcha un effroyable pet qui fit trembler la terre et les renversa tous dans le fossé. |
Quand ils se levèrent, ils avaient la figure et leurs surplis blancs noirs comme du charbon, et l'air était si empesté qu' ils pouvaient à peine respirer. Mais tout était fini maintenant. | Quand ils se levèrent, ils avaient la figure et leurs surplis blancs noirs comme du charbon, et l'air était si empesté qu' ils pouvaient à peine respirer. Mais tout était fini maintenant. | ||
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J'avais souvent déjà entendu parler de ce fameux chat noir, mais ce fut au sujet de cette terrible maladie des pommes de terre qu'on en parla surtout. On citait alors de nombreux individus qui avaient possédé ou possédaient encore ce fournisseur d'on Tous ceux qui s'étaient enrichis assez rapidement l'avaient eu ou l'avaient toujours. Un de nos voisins au Quélennec le possédait même en ce moment, disait-on, parce que tout à coup, de simple tout petit cultivateur, il était devenu grand marchand de bœufs. Mais cela ne dura pas longtemps. Il fut saisi, tous ses bœufs vendus, avec ses instruments aratoires et son mobilier. Alors les bonnes langues allaient leur train. Il y en avait qui disaient qu'il avait ramassé assez d'argent avec son chat, que cette saisie n'était que pour rire, pour chercher à détourner de dessus lui le soupçon de s'être vendu au diable pour avoir de l'argent. D'autres disaient qu'il avait été contraint de vendre tout, afin de pouvoir vendre aussi le chat pour s'en débarrasser. D'autres encore disaient que sa femme n'avait pas su nourrir et dorloter assez bien ce chat, de sorte qu'il ne leur avait rien apporté. | J'avais souvent déjà entendu parler de ce fameux chat noir, mais ce fut au sujet de cette terrible maladie des pommes de terre qu'on en parla surtout. On citait alors de nombreux individus qui avaient possédé ou possédaient encore ce fournisseur d'on Tous ceux qui s'étaient enrichis assez rapidement l'avaient eu ou l'avaient toujours. Un de nos voisins au Quélennec le possédait même en ce moment, disait-on, parce que tout à coup, de simple tout petit cultivateur, il était devenu grand marchand de bœufs. Mais cela ne dura pas longtemps. Il fut saisi, tous ses bœufs vendus, avec ses instruments aratoires et son mobilier. Alors les bonnes langues allaient leur train. Il y en avait qui disaient qu'il avait ramassé assez d'argent avec son chat, que cette saisie n'était que pour rire, pour chercher à détourner de dessus lui le soupçon de s'être vendu au diable pour avoir de l'argent. D'autres disaient qu'il avait été contraint de vendre tout, afin de pouvoir vendre aussi le chat pour s'en débarrasser. D'autres encore disaient que sa femme n'avait pas su nourrir et dorloter assez bien ce chat, de sorte qu'il ne leur avait rien apporté. | ||
- | Quoiqu'il en fût, le bonhomme, comme tous les cultivateurs ruinés, alla demeurer à Quimper où il se fit simple journalier. Cependant, plus tard, tous ses enfants sont devenus riches et les gens qui ont connu le père n'ont pas manqué de dire que leur richesse vient du chat noir, ar has du, ce chat noir n'est pas encore mort. On cite des individus qui le possèdent encore aujourd'hui. Peut-être, j'aurai l'occasion d'en parler ailleurs. | + | Quoiqu'il en fût, le bonhomme, comme tous les cultivateurs ruinés, alla demeurer à Quimper où il se fit simple journalier. Cependant, plus tard, tous ses enfants sont devenus riches et les gens qui ont connu le père n'ont pas manqué de dire que leur richesse vient du chat noir, <i>ar has du</i>, ce chat noir n'est pas encore mort. On cite des individus qui le possèdent encore aujourd'hui. Peut-être, j'aurai l'occasion d'en parler ailleurs. |
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Version actuelle
Bien que critique sur la naîveté de ses contemporains, Jean-Marie Déguignet a raconté à sa façon, dans ses mémoires, les légendes ancrées du pays bas-breton, et notamment « ar c'hazh du », le chat noir de la foire du diable de Gourin qui apportait pièces d'or et d'argent.
Maurice Poulmac'h, merveilleux conteur en langue bretonne, a repris également cette même histoire dans la truculente langue bretonne de nos campagnes, et la chaine Youtube TAB.TV ("Chadenn ar Vrezhonegien") l'a enregistrée sous le titre « Foar ar c'hizier du » (la foire des chats noirs). Autres lectures : « Espace Déguignet » ¤ « OGÈS Louis - Contes et Légendes populaires recueillis par F.-M. Déguignet » ¤ « DEGUIGNET François-Marie et LE GUENNEC Louis - Contes et légendes du Grand-Ergué » ¤ « DÉGUIGNET Jean-Marie - Contes et légendes de Basse-Cornouaille » ¤ « DÉGUIGNET Jean-Marie - Mémoires d'un Paysan Bas-Breton » ¤ « La mort subite des pommes de terre rouges en juillet 1845 » ¤ |
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1 Présentation
Déguignet en parle ainsi : « une des plus curieuses légendes de Basse-Bretagne, quoique je ne l'ai vue rapportée nulle part par les chercheurs de légendes bretonnes ». Ensuite le paysan bas-breton remet la légende dans le contexte des années 1840-45 lorsqu'une crise de mildiou frappa l'agriculture locale de la pomme de terre, et qu'on attribua naturellement une cause diabolique à cette catastrophe. Le déroulé de l'histoire est le suivant :
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Maurice Poulmac'h, grand conteur du Huelgoat et animateur de Radio-Kerne, commence cette histoire par ces mots : « Bez e oa c'hoaz mad bremañ zo kant ha hanter-kant bloaz-so e voa eur foar e C'hourin, foar ar c'hizier du ... » (Autrefois il y a bien déjà maintenant 150 ans avait lieu une foire à Gourin, la foire des chats noirs ...). Écoute en ligne sur Youtube (TAB.TV "Chadenn ar Vrezhonegien") :
Origine et publication du texte de Déguignet en français :
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2 Morceaux choisis
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3 Annotations
- Orthographe unifiée : Kerzh da foar an diaol da C’hourin. [Ref.↑]
- Judas de l’Ariote (Judas d’Iscariote). L’un des douze apôtres, celui qui livra Jésus aux prêtres. [Ref.↑]
- Paulic (Paolig) : Petit Paul, surnom breton du diable. [Ref.↑]
- En breton d'aujourd'hui : Kouezhet eo an diaoul war an avaloù-douar adarre. [Ref.↑]
- La pomme de terre est attaquée par le mildiou et l’avoine par la rouille. [Ref.↑]
Thème de l'article : Ecrits de Jean-Marie Déguignet Date de création : Avril 2017 Dernière modification : 27.06.2017 Avancement : [Développé] |
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