La légende du chat noir, "foar ar c'hizier du" gant Deguignet ha Poulmac'h
Un article de GrandTerrier.
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Déguignet en parle ainsi : « <i>une des plus curieuses légendes de Basse-Bretagne, quoique je ne l'ai vue rapportée nulle part par les chercheurs de légendes bretonnes</i> ». | Déguignet en parle ainsi : « <i>une des plus curieuses légendes de Basse-Bretagne, quoique je ne l'ai vue rapportée nulle part par les chercheurs de légendes bretonnes</i> ». | ||
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+ | Ensuite le paysan bas-breton remet la légende dans le contexte des années 1840-45 lorsqu'une crise de mildiou frappa l'agriculture locale de la pomme de terre, et qu'on attribua naturellement une cause diabolique à cette catastrophe. | ||
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+ | Le déroulé de l'histoire est le suivant : | ||
+ | * Il y avait autrefois une foire dite du diable qui se déroulait tous les ans à Gourin, vers la Noël. | ||
+ | * On y trouvait des chats noirs que les acquéreurs se faisaient payer pour débarrasser les précédents propriétaires. | ||
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Puisque entre 1844 et 45 je n'ai à signaler aucun incident extraordinaire dans mon existence de pauvre mendiant, je vais arriver de suite à la mort des pommes de terre, qui arriva en juillet 45. On sait quel désastre, quelle effroyable disette causa cette mort subite des pommes de terre chez les Irlandais autant que chez nous, pauvres Bas-Bretons, qui ne vivions que d'elles et de pain noir. Ah! que de contes, que d'histoires, que de légendes naquirent alors au sujet de cette maladie noire qui emporta d'un seul coup en une seule année toute une race de pommes de terre. | Puisque entre 1844 et 45 je n'ai à signaler aucun incident extraordinaire dans mon existence de pauvre mendiant, je vais arriver de suite à la mort des pommes de terre, qui arriva en juillet 45. On sait quel désastre, quelle effroyable disette causa cette mort subite des pommes de terre chez les Irlandais autant que chez nous, pauvres Bas-Bretons, qui ne vivions que d'elles et de pain noir. Ah! que de contes, que d'histoires, que de légendes naquirent alors au sujet de cette maladie noire qui emporta d'un seul coup en une seule année toute une race de pommes de terre. | ||
- | La première idée chez nous, chez les pauvres, fia demeure ce mal sur le compte des riches, puis ensuite les riches le rejetaient sur le dos des pauvres, des domestiques, parce que ceux-ci ne cessaient depuis longtemps de jeter des anathèmes sur ces pommes de terre, les domestiques sur-tout à cause qu'on leur en faisait manger trop souvent, deux, trois et quatre fois par jour en été, lorsqu'on mangeait quatre repas par jour. On avait chansonné certains fermiers à ce sujet. On disait dans cette chanson : | + | La première idée chez nous, chez les pauvres, fut de mettre ce mal sur le compte des riches, puis ensuite les riches le rejetaient sur le dos des pauvres, des domestiques, parce que ceux-ci ne cessaient depuis longtemps de jeter des anathèmes sur ces pommes de terre, les domestiques sur-tout à cause qu'on leur en faisait manger trop souvent, deux, trois et quatre fois par jour en été, lorsqu'on mangeait quatre repas par jour. On avait chansonné certains fermiers à ce sujet. On disait dans cette chanson : |
<i>Da lein e vez dec'huites | <i>Da lein e vez dec'huites | ||
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Il y a ici un homme à Quimper, un homme de Leuhan, qui me disait encore dernièrement que son père, qui demeurait non loin de ces époux, avait vu le chat passer devant chez lui le matin avant le jour, avec une valise blanche sur le dos, dont les deux bouts étaient biens garnis et il voyait bien que c'était des pièces d'or. Mais voici que le terme convenu approchait, et les deux époux commençaient à s'inquiéter. Le vendeur leur avait bien dit qu'il fallait se défaire de la bête avant le terme, ou sinon celle-ci les emporterait avec elle tous deux et tout droit en enfer. | Il y a ici un homme à Quimper, un homme de Leuhan, qui me disait encore dernièrement que son père, qui demeurait non loin de ces époux, avait vu le chat passer devant chez lui le matin avant le jour, avec une valise blanche sur le dos, dont les deux bouts étaient biens garnis et il voyait bien que c'était des pièces d'or. Mais voici que le terme convenu approchait, et les deux époux commençaient à s'inquiéter. Le vendeur leur avait bien dit qu'il fallait se défaire de la bête avant le terme, ou sinon celle-ci les emporterait avec elle tous deux et tout droit en enfer. | ||
- | Oui, mais comment s'en défaire maintenant ! La foire des chats noirs n'avait lieu qu'une fois par an vers la Noël et le tenue fatal que ces époux avaient eux-mêmes fixé finis-sait en juillet. | + | Oui, mais comment s'en défaire maintenant ! La foire des chats noirs n'avait lieu qu'une fois par an vers la Noël et le tenue fatal que ces époux avaient eux-mêmes fixé finissait en juillet. |
Ils regrettaient maintenant de n'avoir pas fixé ce terme à un an et un jour comme on le faisait ordinairement. Car c'était toujours dans ce jour supplémentaire que le diable était roulé, s'il ne l'était auparavant. Enfin, ne sachant comment faire et se voyant perdu, le mari dit à la femme qu'il fallait aller trouver le curé pour voir ce qu'il en dirait. La femme alla donc se confesser au vieux recteur de Leu-han, et expliqua la terrible situation dans laquelle ils se trouvaient, elle et son mari. Le recteur réfléchit un moment, et lui dit qu'en effet, leur cas était des plus graves, mais que cependant, il y aurait peu être un moyen de les sortir de cette impasse où ils s'étaient si maladroitement fourrés ; il ne s'agissait que de conjurer ce chat, ce diable noir. Mais le diable est malin, du moins il l'était autrefois, puisque dans le jardin de l'Éden il avait du premier coup roulé le vieux père Éternel en se faufilant dans le corps d'un serpent, comme il roula plus tard le fils en se cachant dans les boyaux de Judas de l'Ariote <ref>Judas de l’ Ariote (Judas d’Iscariote). L’un des douze apôtres, celui qui livra Jésus aux prêtres.</ref>, | Ils regrettaient maintenant de n'avoir pas fixé ce terme à un an et un jour comme on le faisait ordinairement. Car c'était toujours dans ce jour supplémentaire que le diable était roulé, s'il ne l'était auparavant. Enfin, ne sachant comment faire et se voyant perdu, le mari dit à la femme qu'il fallait aller trouver le curé pour voir ce qu'il en dirait. La femme alla donc se confesser au vieux recteur de Leu-han, et expliqua la terrible situation dans laquelle ils se trouvaient, elle et son mari. Le recteur réfléchit un moment, et lui dit qu'en effet, leur cas était des plus graves, mais que cependant, il y aurait peu être un moyen de les sortir de cette impasse où ils s'étaient si maladroitement fourrés ; il ne s'agissait que de conjurer ce chat, ce diable noir. Mais le diable est malin, du moins il l'était autrefois, puisque dans le jardin de l'Éden il avait du premier coup roulé le vieux père Éternel en se faufilant dans le corps d'un serpent, comme il roula plus tard le fils en se cachant dans les boyaux de Judas de l'Ariote <ref>Judas de l’ Ariote (Judas d’Iscariote). L’un des douze apôtres, celui qui livra Jésus aux prêtres.</ref>, |
Version du 26 avril ~ ebrel 2017 à 07:40
Bien que critique sur la naîveté de ses contemporains, Jean-Marie Déguignet a raconté à sa façon, dans ses mémoires, les légendes ancrées du pays bas-breton, et notamment « ar c'hazh du », le chat noir qui venait de la foire du diable.
Maurice Poulmac'h, merveilleux conteur en langue bretonne, a aussi raconté cette même histoire dans la langue truculente de nos campagnes, et la chaine Youtuge TAB.TV l'a enregistré sous le titre « Foar ar c'hizier du » (foire des chats noirs). Autres lectures : « Espace Déguignet » ¤ « OGÈS Louis - Contes et Légendes populaires recueillis par F.-M. Déguignet » ¤ « DEGUIGNET François-Marie et LE GUENNEC Louis - Contes et légendes du Grand-Ergué » ¤ « DÉGUIGNET Jean-Marie - Contes et légendes de Basse-Cornouaille » ¤ « La mort subite des pommes de terre rouges en juillet 1845 » ¤ |
1 Présentation
Déguignet en parle ainsi : « une des plus curieuses légendes de Basse-Bretagne, quoique je ne l'ai vue rapportée nulle part par les chercheurs de légendes bretonnes ». Ensuite le paysan bas-breton remet la légende dans le contexte des années 1840-45 lorsqu'une crise de mildiou frappa l'agriculture locale de la pomme de terre, et qu'on attribua naturellement une cause diabolique à cette catastrophe. Le déroulé de l'histoire est le suivant :
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Écoute en ligne Youtube :
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2 Morceaux choisis
Premier conte des « OGÈS Louis - Contes et Légendes populaires de la Cornouaille bretonne recueillis par F.-M. Déguignet » publiés par Louis Ogès dans le Bulletin de la Société Archéologique du Finistère de 1963, et pages 33-38 de l'Intégrale des « Mémoires d'un paysan bas-breton » éditée par l'association Arkae :
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3 Annotations
- Orthographe unifiée : Kerzh da foar an diaol da C’hourin. [Ref.↑]
- Judas de l’ Ariote (Judas d’Iscariote). L’un des douze apôtres, celui qui livra Jésus aux prêtres. [Ref.↑]
- Paulic (Paolig) : Petit Paul, surnom breton du diable. [Ref.↑]
- En breton d'aujourd'hui : Kouezhet eo an diaoul war an avaloù-douar adarre. [Ref.↑]
- La pomme de terre est attaquée par le mildiou et l’avoine par la rouille. [Ref.↑]
Thème de l'article : Ecrits de Jean-Marie Déguignet Date de création : Avril 2017 Dernière modification : 26.04.2017 Avancement : [Développé] |