1836-1837 - Arrestations et interrogatoires d'Yves Pennec, voleur et auteur de vandalisme
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- | |width=60% valign=top|<i>Ses procès a lieu en 1838, et Stendhal dans ses « Mémoires de touriste» en fait une recension : « Il y a beaucoup de sorciers en Bretagne ... Yves Pennec, enfant de l'Armorique, est venu s'assoir hier sur le banc de la cour d'assises. Il a dix-huit ans.».</i> | + | |width=60% valign=top|<i>Son procès eut lieu en 1838, et Stendhal dans ses « Mémoires de touriste » en a fait une recension : « Il y a beaucoup de sorciers en Bretagne ... Yves Pennec, enfant de l'Armorique, est venu s'assoir hier sur le banc de la cour d'assises. Il a dix-huit ans.».</i> |
- | Mais il en faudra de peu pour qu'il n'y ait point de procès, car à sa première arrestation il est disculpé, et ce n'est que sa deuxième arrestation pour acte de vandalisme à Kerdévot qui lui vaut d'être présenté à la justice. | + | Mais il en faudra de peu pour qu'il n'y eut point de procès, car à sa première arrestation il est immédiatement disculpé, et ce n'est que sa deuxième arrestation pour acte de vandalisme à Kerdévot qui lui vaudra d'être présenté à la justice. |
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- | Yves Pennec est interrogé par la gendarmerie après un vol nocturne de 420 francs chez son ancien employeur qui le soupçonne fortement. Il est immédiatement disculpé par les gendarmes : « <i>il ne s'élève à cette procédure, aucune charge contre cet individu</i> » ; et par la justice « <i>Le tribunal, après en avoir délibéré, faisant droit aux conclusions de Monsieur le procureur du roi, déclare Yves Pennec déchargé du délit qui lui est imputé, et dit qu'il n'y a lieu à poursuivre</i> ». | + | Yves Pennec est interrogé en juin 1836 par la gendarmerie après un vol nocturne de 420 francs chez son ancien employeur qui le soupçonne fortement. Il est immédiatement disculpé par les gendarmes : « <i>il ne s'élève à cette procédure, aucune charge contre cet individu</i> » ; et par la justice « <i>Le tribunal, après en avoir délibéré, faisant droit aux conclusions de Monsieur le procureur du roi, déclare Yves Pennec déchargé du délit qui lui est imputé, et dit qu'il n'y a lieu à poursuivre</i> ». |
- | La deuxième arrestation a lieu un an après dans des conditions rocambolesques sur le site Kerdévot, le jour du grand pardon. ... | + | La deuxième arrestation a lieu un an après dans des conditions rocambolesques sur le site de Kerdévot, le jour du grand pardon, fait qu'il reconnaît sans façon : « <i>J'avais en effet secoué la pierre qui couronne le clocher et qui était déjà mal asservie. Je me trouvais dans un grand état d'ivresse, je ne sais comment je ne me suis pas cassé le cou.</i> ». Sans doute était-il monté sur ce clocher pour faire le fanfaron devant ses compagnons de boisson. |
- | insultes en breton | + | Suite à son arrestation sur place à Kerdévot sur réquisition du maire, le prévenu n'a pas cesser d'insulter les gendarmes pars les expressions « <i>de salauds, de cochons et de canailles</i> ». Yves Pennec ne maîtrisant pas le français, pour preuve ses interrogatoires ont toujours lieu avec le support de « <i>l'organe d'un interprète de la langue bretonne</i> ». Nous pouvons supposer que les insultes en breton étaient « <i>Salopenn, penmoc'h ha kanailhez</i> ». Il passe sa première nuit au « <i>violon</i> » de la mairie de Quimper et est interrogé le lendemain. Un gendarme, celui qui l'avait arrêté 13 mois plus tôt, joue le rôle d'interprète. |
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- | la suite de la procédure pour le procès ... acquittement pour le vol. | + | Lors de cet interrogatoire il improvise une histoire de trésor trouvé dans une cache derrière une pierre déjointée de mur, sans doute inspirée par son exploit de la veille sur la pierre du clocher de Kerdévot. Cette justification de ressources pour ses dépenses d'habillement et de jeu le rend cette fois très suspect quant au vol des 420 francs de l'année précédente. |
- | par contre condamné pour le vandalisme de Kerdévot et les insultes : 100 francs et un mois de prison. | + | Yves est emprisonné pendant les 4 mois qui précèdent son procès. Plus de 70 pièces de procédure conservées (cf copies intégrales ci-dessous) rassemblent les comptes-rendus des interrogatoires, plaidoiries, réquisitoires, lesquels témoignent d'une fascination pour la personnalité de l'inculpé, induisant un doute sur sa culpabilité. Un non-lieu pour le vol est prononcé par le jury de première instance en janvier 1838 : « <i>M. le Président a prononcé qu'Yves Le Pennec est acquitté de l'accusation portée contre lui, et a ordonné qu'il sera sur-le-champ mis en liberté</i> ». |
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+ | En février 1838 Yves Pennec passera en jugement pour la dégradation de la chapelle de Kerdévot et l'outrage aux gendarmes. Le substitut réclamera un mois de prison et 500 francs d'amende, soit plus que le montant du vol aux époux Le Berre, mais le tribunal ramènera le montant de l'amende à 100 francs, ce qui équivaut quand même pour lui à presque trois ans de salaires. | ||
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Nous avons en conséquence charge le gendarme Le Guillou d'aller chercher Pennec et de nous le conduire pour lui faire subir interrogatoire. | Nous avons en conséquence charge le gendarme Le Guillou d'aller chercher Pennec et de nous le conduire pour lui faire subir interrogatoire. | ||
- | Conduit devant nous; il a déclaré se nommer Yves Le Pennec, aide-cultivateur, demeurant actuellement chez Le Jeune, son parrain, et nous lui acons adressé les questions suivantes : | + | Conduit devant nous; il a déclaré se nommer Yves Le Pennec, aide-cultivateur, demeurant actuellement chez Le Jeune, son parrain, et nous lui avons adressé les questions suivantes : |
D. N'avez-vous pas été au service des époux Le Berre et pourquoi avez-vous dû quitté leur service avant la fin de votre année ? | D. N'avez-vous pas été au service des époux Le Berre et pourquoi avez-vous dû quitté leur service avant la fin de votre année ? | ||
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<spoiler id="992" text="suite des déclarations..."> | <spoiler id="992" text="suite des déclarations..."> | ||
- | Ce vol a été constaté | + | Ce vol a été constaté par un procès-verbal en date du 20 du même mois par la gendarmerie et dans lequel j'avais désigné le nommé <u>Le Pennec</u> (Yves) comme pouvant être l'auteur du vol. Depuis cette déclaration nous avons invité le dit Le Berre à nous accompagner au village de Rue-Bernard, où étant et parlant à Marzin Guillaume, aide-cultivateur, il nous a fait la déclaration suivante. |
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+ | Le nommé <u>Le Pennec (Yves)</u> servait comme moi chez Kergourlay en qualité de domestique depuis le mois d'octobre dernier jusqu'au six de ce mois. Dans le courant du mois de janvier dernier, je lui avais prêté cinq francs en dettes pour jouer aux cartes, et il m'avait payé en pièces de cinq francs, il m'avait dit un lundi après souper de l'accompagner au village de Kerelou, pour chercher de l'argent, où disait-il il avait un trésor. Je l'avais accompagné et rendu non loin du village précité ; il m'avait dit de l'attendre, au coin d'un | ||
+ | <hr> | ||
+ | champs, il m'avait alors remis une pièce de cinq francs, pour cinq francs en billon <ref name="Billon">{{K-Billon}}</ref> que je lui avais prêté et qu'i l avait perdu au jeu. Depuis je lui ai encore prêté de la monnaye et il m'a payé en argent blanc. J'ai reçu en tout de cet individu 16 francs, dont 3 pièces de 5 francs et un franc en billon <ref name="Billon">{{K-Billon}}</ref>. Il est à ma connaissance qu'il joue continuellement et qu'il perd toujours, et cependant il ne lui manque pas d'argent. | ||
+ | |||
+ | Le nommé Kergourlay Corentin, cultivateur au village de Rue-Bernard, nous a aussi déclaré que le nommé <u>Le Pennec</u> avait été à son service jusqu'au six du courant, et qu'il l'avait renvoyé sans lui rien donner, attendu qu'il ne gagnait pas sa nourriture, que pendant le temps qu'il avait été à son service, il lui avait donné la monnaie de deux pièces de cinq francs et qu'il les avait perdu au jeu en sa présence. Il nous a en outre déclaré que le <u>Pennec</u> lui avait dit qu'il avait trouvé un trésor et qu'il avait changé des pièces de cinq francs à Quimper, moyennant une perte de 25 centimes sur chaque pièce. | ||
+ | |||
+ | Le bruit court dans la commune, d'après les pertes que <u>Le Pennec</u> éprouve au jeu, que l'argent qu'il perd ainsi ne peut provenir de son gain, et qu'en conséquence il jouit d'une très mauvaise réputation, attendu que pour ce fait même, on n'ose pas le garder en qualité de domestique. | ||
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+ | De tout ce que d'autre part, nous avons rédigé le présent procès-verbal en double expédition, dont une pour Mr le procureur du Roi à Quimper, et l'autre pour être transmis à qui de droit, et avons signé. | ||
+ | À Ergué-Gabéric les jour, mois et an que d'autre part. (signatures) | ||
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- | <big><b>Arrestation du 10.07.1837</b></big> | + | <big><b>Arrestation du 10.09.1837</b></big> |
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10 septembre 1837 | 10 septembre 1837 | ||
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- | {{AR1|lieu=Archives Départementales du Finistère|cote=4 AU 2/53}} | + | {{AR1|lieu=Archives Départementales du Finistère|cote=4 U 2/53}} |
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Version actuelle
| Son procès eut lieu en 1838, et Stendhal dans ses « Mémoires de touriste » en a fait une recension : « Il y a beaucoup de sorciers en Bretagne ... Yves Pennec, enfant de l'Armorique, est venu s'assoir hier sur le banc de la cour d'assises. Il a dix-huit ans.».
Mais il en faudra de peu pour qu'il n'y eut point de procès, car à sa première arrestation il est immédiatement disculpé, et ce n'est que sa deuxième arrestation pour acte de vandalisme à Kerdévot qui lui vaudra d'être présenté à la justice. | |||||||
Autres lectures : « 1838 - Procès d'Yves Le Pennec, jeune domestique voleur, sorcier et dépensier » ¤ « STENDHAL - Mémoires d'un touriste » ¤ « Un sorcier - Moeurs bretonnes - Ce que vaut une fille, Gazette des Tribunaux 1838 » ¤ « BERNARD Norbert - Les voix d'Yves Pennec » ¤ « René Laurent, maire (1824-1846) » ¤ |
[modifier] 1 Présentation
Yves Pennec est interrogé en juin 1836 par la gendarmerie après un vol nocturne de 420 francs chez son ancien employeur qui le soupçonne fortement. Il est immédiatement disculpé par les gendarmes : « il ne s'élève à cette procédure, aucune charge contre cet individu » ; et par la justice « Le tribunal, après en avoir délibéré, faisant droit aux conclusions de Monsieur le procureur du roi, déclare Yves Pennec déchargé du délit qui lui est imputé, et dit qu'il n'y a lieu à poursuivre ». La deuxième arrestation a lieu un an après dans des conditions rocambolesques sur le site de Kerdévot, le jour du grand pardon, fait qu'il reconnaît sans façon : « J'avais en effet secoué la pierre qui couronne le clocher et qui était déjà mal asservie. Je me trouvais dans un grand état d'ivresse, je ne sais comment je ne me suis pas cassé le cou. ». Sans doute était-il monté sur ce clocher pour faire le fanfaron devant ses compagnons de boisson. Suite à son arrestation sur place à Kerdévot sur réquisition du maire, le prévenu n'a pas cesser d'insulter les gendarmes pars les expressions « de salauds, de cochons et de canailles ». Yves Pennec ne maîtrisant pas le français, pour preuve ses interrogatoires ont toujours lieu avec le support de « l'organe d'un interprète de la langue bretonne ». Nous pouvons supposer que les insultes en breton étaient « Salopenn, penmoc'h ha kanailhez ». Il passe sa première nuit au « violon » de la mairie de Quimper et est interrogé le lendemain. Un gendarme, celui qui l'avait arrêté 13 mois plus tôt, joue le rôle d'interprète. |
Lors de cet interrogatoire il improvise une histoire de trésor trouvé dans une cache derrière une pierre déjointée de mur, sans doute inspirée par son exploit de la veille sur la pierre du clocher de Kerdévot. Cette justification de ressources pour ses dépenses d'habillement et de jeu le rend cette fois très suspect quant au vol des 420 francs de l'année précédente. Yves est emprisonné pendant les 4 mois qui précèdent son procès. Plus de 70 pièces de procédure conservées (cf copies intégrales ci-dessous) rassemblent les comptes-rendus des interrogatoires, plaidoiries, réquisitoires, lesquels témoignent d'une fascination pour la personnalité de l'inculpé, induisant un doute sur sa culpabilité. Un non-lieu pour le vol est prononcé par le jury de première instance en janvier 1838 : « M. le Président a prononcé qu'Yves Le Pennec est acquitté de l'accusation portée contre lui, et a ordonné qu'il sera sur-le-champ mis en liberté ». En février 1838 Yves Pennec passera en jugement pour la dégradation de la chapelle de Kerdévot et l'outrage aux gendarmes. Le substitut réclamera un mois de prison et 500 francs d'amende, soit plus que le montant du vol aux époux Le Berre, mais le tribunal ramènera le montant de l'amende à 100 francs, ce qui équivaut quand même pour lui à presque trois ans de salaires. |
[modifier] 2 Transcriptions
Les textes transcrits ci-dessous contiennent des paragraphes ( § ) non déployés. Vous pouvez les afficher en un seul clic : § Tout montrer/cacher
Arrestation du 20.06.1836
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Arrestation du 10.09.1837
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[modifier] 3 Originaux
Lieu de conservation :
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Usage, droit d'image :
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Arrestation de 1836 | |||||
Arrestation de 1837 | |||||
Suite de l'instruction | |||||
[modifier] 4 Annotations
Certaines références peuvent être cachées ci-dessus dans des paragraphes ( § ) non déployés. Cliquer pour les afficher : § Tout montrer/cacher
- Billon, s.m. : anciennement, monnaie de cuivre mêlé ou non d'argent (Linternaute). [Terme] [Lexique] [Ref.↑ 1,0 1,1 1,2 1,3 1,4]
- Chupenn, chupen, sf, pluriel chupennoù) : veste courte pour homme, veston, pourpoint (Wiktionary). Emprunté du breton, le terme est devenu du genre masculin en parler quimpérois (C.A. Picquenard). Au sens figuré le terme peut avoir la même connotation que l'expression française de « tailler une veste ». [[:Template:BR-Chupenn|[Terme BR]]] [Lexique BR] [Ref.↑]
Thème de l'article : Document d'archives sur le passé d'Ergué-Gabéric. Date de création : Mai 2019 Dernière modification : 21.10.2022 Avancement : [Développé] |