ROBB Graham - Une histoire buissonnière de la France - GrandTerrier

ROBB Graham - Une histoire buissonnière de la France

Un article de GrandTerrier.

(Différences entre les versions)
Jump to: navigation, search
Version du 8 décembre ~ kerzu 2011 à 20:50 (modifier)
GdTerrier (Discuter | contributions)

← Différence précédente
Version du 23 janvier ~ genver 2012 à 21:50 (modifier) (undo)
GdTerrier (Discuter | contributions)

Différence suivante →
Ligne 6: Ligne 6:
| Titre = Une histoire buissonnière de la France | Titre = Une histoire buissonnière de la France
| Editeur = Flammarion | Editeur = Flammarion
-| Publication = Traduction d'Isabelle Dominique Taudière+| Publication = Traduction d'Isabelle Dominique Taudière. Titre original : « <i>The Discovery of France</i> ».
-| LieuEdition = -+| LieuEdition = Nord Compo multimédia
| AnneeEdition = 2011 | AnneeEdition = 2011
| Pages = 576 | Pages = 576
Ligne 15: Ligne 15:
}}__NOTOC__ }}__NOTOC__
{|width=870 {|width=870
-|width=37% align=left valign=top|[[Image:FranceBuissonnière2.jpg|left|thumb|200px]]+|width=37% align=left valign=top|[[Image:FranceBuissonnière.jpg|left|thumb|200px]][[Image:FranceBuissonnière2.jpg|left|thumb|200px]]
|width=63% valign=top| |width=63% valign=top|
-Depuis des années, Graham Robb, éminent historien britannique, sillonne la France à vélo, à raison de deux séjours par an. Combinée à une solide érudition universitaire, cette connaissance du terrain lui permet de retracer une histoire des Français depuis le règne de Louis XIV. +Depuis des années, Graham Robb, éminent historien britannique, sillonne la France à vélo, à raison de deux séjours par an. Combinée à une solide érudition universitaire, cette connaissance du terrain lui permet de retracer une histoire inédite et vraie des Français depuis le règne de Louis XIV.
-A la fin de cette somme, dans l'index géographique, la commune d'Ergué-Gabéric a l'honneur d'y figurer. Ceci par le truchement de Jean-Marie Déguignet dont la destinée est citée abondamment sur plusieurs pages et sert d'exemple pour l'évolution rurale de la fin du 19e siècle, pour sa description du métier de mendiant et pour la place des femmes dans les campagnes. Pour cette dernière explication, son récit d'un jeu sexuel à Ergué-Gabéric est repris in-extenso : « <i>Le jeu favori des femmes était alors de mettre le coz et la goaskérez aux grands gars ...</i> ».+A la fin de cette somme, dans l'index géographique, la commune d'Ergué-Gabéric a l'honneur d'y figurer. Ceci par le truchement de Jean-Marie Déguignet dont la destinée est citée abondamment sur plusieurs pages et sert d'exemple pour l'évolution rurale de la fin du 19e siècle (pages 118-120), pour sa description du métier de mendiant (page 136) et pour la place des femmes dans les campagnes (page 145).
 + 
 +Pages 118-119 :
 + 
 +{{Citation5}}
 +Même pour les individus entreprenants et intelligents qui parvenaient à grappiller des bribes d'instruction et avaient vu le jour dans le climat plus dynamique du XIXe siècle, la vie restait un parcours périlleux et tortueux, pareil à la spirale d'un jeu de l'oie semée d'embûches. Le paysan breton Jean-Marie Déguignet (1834-1905) décida d'écrire ses mémoires car il n'avait jamais rien lu, ailleurs que dans des romans, sur un personnage qui lui ressemble. À la bibliothèque municipale de Quimper, il avait entrevu un fragment de la vie des Français brillamment éclairé par une poigné d'écrivains à l'égo démesuré, tandis que la grande masse de l'humanité était livrée aux ténèbres.
 +{| width=100% class="collapsible collapsed" style="border: 1px #aaa solid; background: #efefef;"
 +!| ... suite du texte ...
 +|-
 +|
 +Les faits bruts de sa propre vie sont d'une banalité rafraîchissante :
 +* Juillet 1834 : Naissance à Gwengat en Basse-Bretagne. Son père, ruiné par une succession de mauvaises récoltes et la mortalité du bétail quitte sa ferme pour s'établir en ville.
 +* Septembre 1834 : Il a deux mois quand sa famille par Quimper avec quelques planches pourries, un peu de paille, un vieux chaudron fêlé, huit écuelles et huit cuillères en bois. Son premier souvenir : sa mère en train d'enlever de gros poux sur la tête de sa sœur morte.
 +* 1840 : Vit non loin du bourg d'Ergué-Gabéric. Il reçoit le sabot d'un cheval en pleine tête. L'accident lui laisse une large cicatrice qui continuera de suppurer pendant des années.
 +* 1843-1844 : Une vieille couturière lui apprend à lire le breton et il s'initie à la « noble profession » de mendiant.
 +*
 +* ...
 +* 1905 : Interné à l'hôpital psychiatrrique de Quimper. meurt à l'âge de soixante et onze ans.
 +|}
 +{{FinCitation}}
 +Page 120 :
 + 
 +{{Citation5}}
 +Ce paysan breton instruit, férocement anticlérical et passionné par l'innovation agricole n'était certes pas tout à fait représentatif de sa classe, mais le monde qui eut raison de ses énergies était le lot de milliers de gens : un monde marqué par la précarité d'une fortune durement gagnée et la fragilité de liens familiaux dans l'adversité. L'édition moderne de ses mémoires fait vibrer la corde d'une vague nostalgie rustique et suggère que le livre aurait aussi bien s'intituler « Le Déclin de la France rurale ». L'auteur est ici présenté comme un témoin du « début de la désagrégation de la société bretonne traditionnelle ». Or ses mémoires racontent exactement le contraire.
 +{| width=100% class="collapsible collapsed" style="border: 1px #aaa solid; background: #efefef;"
 +!| ... suite du texte ...
 +|-
 +|
 +La société qui l'a vu naître a toujours été au bord de l'effondrement - pas seulement par la faute de la guerre ou de l'anarchie, mais à cause de la faim, des maladies, des intempéries, de la malchance, de l'ignorance et des migrations. La misère a jeté sa famille sur les routes ; la peur et la jalousie ont fait de ses voisins des ennemis ; le feu et les privilèges féodaux ont détruit son gagne-pain.
 + 
 +Le parcours circulaire de Déguignet a quelque chose de délicieusement pertinent : le garçon qui avait commencé sa carrière comme mendiant et la termina en agent d'assurances incarne mieux son époque que tous les parvenus célèbres qui ont quitté leur lieu de naissance pour y revenir - dans le meilleur des cas - des décennies plus tard, sous forme d'un buste à la mairie ou d'une statue sur la place du village. Jeune mendiant, Déguignet travaillait pour une seule « conductrice », vivait au jour le jour et exploitait les superstitions de ses clients : « quand les femmes me donnaient pour deux liards de farine d'avoine ou de blé noir, l'aumône ordinaire d'alors, c'est qu'elles étaient convaincues de recevoir en retour le centuple », non au ciel mais, très littéralement, dans les quelques semaines ou mois à venir. Devenu agents d'assurances contre l'incendie, il travaillait pour une compagnie ayant pignon sur rue, respectait des procédures établies et exploitait les peurs rationnelles de ses clients.
 + 
 +Ce fut grâce à des innovations comme l'assurance que les familles purent prévoir l'avenir et traiter la génération suivante comme un bien plus précieux qu'une simple main-d’œuvre bon marché.
 +|}
 +{{FinCitation}}
 + 
 +Page 136 :
 + 
 +{{Citation5}}
 +Comme l'apprit le paysan breton Déguignet aux dépens des âmes charitables, la mendicité était un métier à part entière. Les mendiantes vendaient leur silence aux gens respectables en les harcelant en pleine rue de commentaires obscènes et ragot compromettants. Elles empruntaient des enfants malades ou difformes, se confectionnaient des blessures d'un réalisme criard ... Les mendiants ne méritaient pas leur surnom de « rois fainéants » car, comme le souligne Déguignet dans ses mémoires, ce n'était pas une mince affaire que de se cacher derrière une haie pour se fabriquer un moignon ou « une jambe horriblement enflée et couverte de pourriture ».
 +{{FinCitation}}
 + 
 +Page 145 :
 + 
 +{{Citation5}}
 +Jean-Marie Déguignet, le paysan bas-breton, avait été témoin aux quatre coins de la Bretagne patriarcale de scènes qui semblent bien indiquer que toutes les femmes n'étaient ni soumises ni maltraitées. À l'époque de l'année où les « meilleurs gars » travaillaient dans la lande, certaines se livraient à un jeu appeler « mettre le <i>kaoc'h</i> et la <i>goaskerez</i> aux grands gars ». À midi, quand les hommes dormaient, quatre ou cinq coquines en repéraient un isolé, l'immobilisaient à terre et lui emplissaient le pantalon de boue ou de bouse de vache :
 +{| width=100% class="collapsible collapsed" style="border: 1px #aaa solid; background: #efefef;"
 +!| ... suite du texte ...
 +|-
 +|
 +« Cela s'appelait <i>lakad ar kaoc'h</i> et ne faisait pas grand-mal au patient, mais l'autre jeu était pire ; ici, la femme restée libre préparait un gros bâton fendu, puis dans cette fente, elle introduisait les « <i>organis generationis ex pace per hominis</i> ». Cela s'appelait <i>lakad ar woaskerez</i>. Et cela se pratiquait en plein jour et en plein champ devant tout le monde, devant des bandes d'enfants qui applaudissaient et riaient aux éclats ».
 + 
 +Sil les conventions avaient permis aux peintres de représenter une volée de femmes s'abattant sur leur victime pour lui « mettre la pression », les musées de la vie quotidienne seraient peut-être moins mornes.
 +|}
 +{{FinCitation}}
Autre(s) lecture(s) : {{Tpg|Jean-Marie Déguignet et le sexe}} Autre(s) lecture(s) : {{Tpg|Jean-Marie Déguignet et le sexe}}

Version du 23 janvier ~ genver 2012 à 21:50


Image:LivresB.jpgCatégorie : Media & Biblios  

Site : GrandTerrier

Statut de l'article : Image:Bullgreen.gif [Fignolé] § E.D.F.

ROBB (Graham), Une histoire buissonnière de la France, Flammarion, Nord Compo multimédia, 2011, ISBN 2-081237896
Titre : Une histoire buissonnière de la France
Auteur : ROBB Graham Type : Livre/Brochure
Edition : Flammarion Note : Traduction d'Isabelle Dominique Taudière. Titre original : « The Discovery of France ».
Impression : Nord Compo multimédia Année : 2011
Pages : 576 Référence : ISBN 2-081237896

Notice bibliographique

Depuis des années, Graham Robb, éminent historien britannique, sillonne la France à vélo, à raison de deux séjours par an. Combinée à une solide érudition universitaire, cette connaissance du terrain lui permet de retracer une histoire inédite et vraie des Français depuis le règne de Louis XIV.

A la fin de cette somme, dans l'index géographique, la commune d'Ergué-Gabéric a l'honneur d'y figurer. Ceci par le truchement de Jean-Marie Déguignet dont la destinée est citée abondamment sur plusieurs pages et sert d'exemple pour l'évolution rurale de la fin du 19e siècle (pages 118-120), pour sa description du métier de mendiant (page 136) et pour la place des femmes dans les campagnes (page 145).

Pages 118-119 :

Même pour les individus entreprenants et intelligents qui parvenaient à grappiller des bribes d'instruction et avaient vu le jour dans le climat plus dynamique du XIXe siècle, la vie restait un parcours périlleux et tortueux, pareil à la spirale d'un jeu de l'oie semée d'embûches. Le paysan breton Jean-Marie Déguignet (1834-1905) décida d'écrire ses mémoires car il n'avait jamais rien lu, ailleurs que dans des romans, sur un personnage qui lui ressemble. À la bibliothèque municipale de Quimper, il avait entrevu un fragment de la vie des Français brillamment éclairé par une poigné d'écrivains à l'égo démesuré, tandis que la grande masse de l'humanité était livrée aux ténèbres.

Page 120 :

Ce paysan breton instruit, férocement anticlérical et passionné par l'innovation agricole n'était certes pas tout à fait représentatif de sa classe, mais le monde qui eut raison de ses énergies était le lot de milliers de gens : un monde marqué par la précarité d'une fortune durement gagnée et la fragilité de liens familiaux dans l'adversité. L'édition moderne de ses mémoires fait vibrer la corde d'une vague nostalgie rustique et suggère que le livre aurait aussi bien s'intituler « Le Déclin de la France rurale ». L'auteur est ici présenté comme un témoin du « début de la désagrégation de la société bretonne traditionnelle ». Or ses mémoires racontent exactement le contraire.

Page 136 :

Comme l'apprit le paysan breton Déguignet aux dépens des âmes charitables, la mendicité était un métier à part entière. Les mendiantes vendaient leur silence aux gens respectables en les harcelant en pleine rue de commentaires obscènes et ragot compromettants. Elles empruntaient des enfants malades ou difformes, se confectionnaient des blessures d'un réalisme criard ... Les mendiants ne méritaient pas leur surnom de « rois fainéants » car, comme le souligne Déguignet dans ses mémoires, ce n'était pas une mince affaire que de se cacher derrière une haie pour se fabriquer un moignon ou « une jambe horriblement enflée et couverte de pourriture ».

Page 145 :

Jean-Marie Déguignet, le paysan bas-breton, avait été témoin aux quatre coins de la Bretagne patriarcale de scènes qui semblent bien indiquer que toutes les femmes n'étaient ni soumises ni maltraitées. À l'époque de l'année où les « meilleurs gars » travaillaient dans la lande, certaines se livraient à un jeu appeler « mettre le kaoc'h et la goaskerez aux grands gars ». À midi, quand les hommes dormaient, quatre ou cinq coquines en repéraient un isolé, l'immobilisaient à terre et lui emplissaient le pantalon de boue ou de bouse de vache :

Autre(s) lecture(s) : « Jean-Marie Déguignet et le sexe » ¤ 



Thème de l'article : Fiche bibliographique d'un livre ou article couvrant un aspect du passé d'Ergué-Gabéric

Date de création : Décembre 2011    Dernière modification : 23.01.2012    Avancement : Image:Bullgreen.gif [Fignolé]