Modèle:La bande à Poux - Partie II - GrandTerrier

Modèle:La bande à Poux - Partie II

Un article de GrandTerrier.

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Clown et marchand de frites

Fillis, lui aussi d'ailleurs, avait commencé à avouer, mais pas longtemps. Le lendemain même, il se rétractait?

Qui était Fillis ? Il est né de père anglais et de mère bretonne. Il a vingt-huit ans. Son père, qui exploitait un modeste cirque ambulant, lui enseigna, quand il était jeune, l'acrobatie et le métier de clown (il n'y a pas de sot métier, dira Fillis). On est d'accord avec lui, sur ce point. Au surplus, le métier de clown est tout le contraire d'un métier de sot.

À la veille de la guerre, le cirque, qui périclitait, s'était replié à Quimper. Les artistes furent congédiés et les parents du beau Frédy devinrent marchands forains. Le père, en raison de sa nationalité anglaise, fut, à l'arrivée des Allemands, déporté. La Croix-Rouge internationale obtint sa libération. Frédy, qui avait été embauché dans un camp allemand, fut contacté par un réseau de résistance dont il devint agent de renseignements. Dénoncé, il fut arrêté, déporté en Allemagne ; il s'évada à la faveur d'un bombardement. Il revint à Quimper, s'engagea dans les F.F.I. et participa à quelques coups de main.

À la libération, il se marie, puis divorce et travaille alors avec sa mère sur les marchés. Il devait se remarier en avril lorsqu'on l'arrêta. Il avoue avoir participé, à titres de représailles, à des attaques de ferme. Il fut d'ailleurs acquitté deux fois par le tribunal militaire. Mais, pour le vol chez les M. et les expéditions nocturnes chez les Lasseau, il nie.

- Je suis téméraire, mais point malhonnête. Ceux qui m'accablent aujourd'hui, hier m'acclamaient.

Frédy, élégant dans son veston bleu à pochette blanche, pointe son doigt vers le tribunal. Il y a en lui du camelot vantant l'excellence de son produit, et de l'ancien acrobate sûr de son numéro.

Le malheur, c'est qu'aucun de ses alibis ne tient.

Et Bourmaud ? Petit, le teint très mat, il est d'apparence sournoise. Il a vingt-cinq ans. C'est un fils de maçons vendéens. Il a été élevé par sa tante, devenue sa belle-mère, et il a travaillé très jeune chez des cultivateurs. Il épouse la fille d'un journalier. Il l'épouse parce qu'elle est enceinte, mais ne s'entend guère avec elle. Mobilisé au dépôt de Quimper, il fait connaissance de la fille d'un ancien colonial à la sortie de la messe. Elle devient sa maîtresse. Il est fait prisonnier à l'arrivée des Allemands. Il s'évade, revient à pied à Quimper et s'installe avec son amie dans une baraque du coteau Saint-Julien.

Il a cinq enfants, deux de sa femme légitime, trois de sa maîtresse. Il faut faire vivre tout ce monde. Il braconne, trafique un peu le café et le tabac. En 1944, il rend service à la Résistance en transportant un poste de radio clandestin, puis on le retrouve à Paris sous le nom de Pedro Alvarez où il participe aux combats de rues de la Libération. Il revient au début de novembre 1944 à Quimper et devient marchand de frites.

Et ce marchand de frites conserve chez lui des armes. Quand on l'arrête, il écrit à sa compagne de faire n'importe quoi pour le sauver et les alibis qu'il invoque se révèlent, eux aussi, inexistants. C'est lui qu'on accuse d'avoir abattu sans explication le fils Lasseau, car, lorsqu'il a bu, c'est un garçon violent. Au cours d'une scène d'ivresse, n'a-t-il pas tiré un coup de carabine sur la femme de son ami Piednoir, le légionnaire ? Bourmaud reste fidèle une vieille habitude : il nie tout. Il est innocent.

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