Les séjours de Jean-Marie Déguignet à l'hospice de Quimper
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+ | Le jeune mendiant Jean-Marie Déguignet, blessé à la tête en tombant, alors qu'il avait été poursuivi par des abeilles, se vit proposer en 1848, alors qu'il avait 14 ans, un séjour à l'Hospice de Quimper pour s'y faire soigner. | ||
+ | Dès son arrivée, il plante le décor d'un lieu sous l'emprise de l'église et où les enfants de tous milieux étaient abandonnés : « <i>A l’entrée de cet hospice, il y avait un calvaire, et ma mère me montra un grand Christ dont la main gauche était fermé sur le clou. Elle me dit que cette main s’était fermée une nuit qu’une personne très riche avait envoyé dans le tourniquet un enfant</i> ». | ||
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+ | Les soins y sont dispensés par des « <i>sœurs</i> », des religieuses de la Congrégation des Filles du Saint-Esprit. On le conduit « <i>dans une grande salle, pleine de monde, les uns dans leur lit, ... dans les lits de douleurs et d’ennui ...</i> ». Dans cette salle il y a de nombreux patients cardiaques si l'on en croit l'expression bretonne « <i>krañv e galon</i> » traduite par le bretonnisme « <i>malade de cœur</i> ». | ||
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+ | Déguignet, venant de la campagne gabéricoise, espérait en venant à l'Hôpital apprendre un peu de français. Mais « <i>il n'y avait là que des Bretons : des paysans comme moi, des pêcheurs de la côte et des ouvriers. Ces derniers savaient bien un peu le français, mais ils ne parlaient presque jamais</i> ». | ||
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+ | Il reste quelques semaines, le temps que sa plaie de referme définitivement, à l'hôpital, aidait le personnel de salle dans ses occupations de ménage : « <i>L'infirmier m'employait souvent à l'aider dans ses travaux de salle, à cirer, à frotter, à astiquer et me donnait des morceaux de pain et de viande pour ma peine, car l'ordinaire des sœurs était bien maigre</i> » | ||
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En revanche, on pouvait apprendre des comtes et des légendes bretons. On n'entendait que cela. En ce temps-là les paysans, les ouvriers, les pêcheurs, n'ayant aucune instruction, ne pouvaient parler que de ces choses-là, les seules qui faisaient les frais des conversations, des causeries en tous lieux quand quelques personnes se trouvaient réunies, et qui n'avaient pas autre chose à faire [...]. Mais je le répète, je n'appris là, en fait de comtes et légendes, rites et autres bretonneries, [rien] que je ne savais déjà. | En revanche, on pouvait apprendre des comtes et des légendes bretons. On n'entendait que cela. En ce temps-là les paysans, les ouvriers, les pêcheurs, n'ayant aucune instruction, ne pouvaient parler que de ces choses-là, les seules qui faisaient les frais des conversations, des causeries en tous lieux quand quelques personnes se trouvaient réunies, et qui n'avaient pas autre chose à faire [...]. Mais je le répète, je n'appris là, en fait de comtes et légendes, rites et autres bretonneries, [rien] que je ne savais déjà. | ||
- | Je ne m'ennuyais pas trop à l'hospice ; n'étant pas malade de cœur, je pouvais courir dans les salles et dans la cour. L'infirmier m'employait souvent à l'aider dans ses travaux de salle, à cirer, à frotter, à astiquer et me donnait des morceaux de pain et de viande pour ma peine, car l'ordinaire des sœurs étaient bien maigre. Le médecin continuait à piquer tous les jours avec son crayon infernal ma blessure, en se rapprochant toujours du centre <ref name=nitrate>-</ref>. Au bout de trois semaines environ, elle fut toute brûlée et la suppuration complètement arrêtée. Oui, mais elle n'était pas guérie, car des jours j'en souffrais plus que je n'avais jamais souffert, et une grande bosse vint remplir la cavité de ma tempe ; pour le coup je pensai que j'en guérirai jamais de cette horrible blessure. Cependant, le médecin n'avait pas l'air de trouver cela si désespéré que moi [...]. | + | Je ne m'ennuyais pas trop à l'hospice ; n'étant pas malade de cœur, je pouvais courir dans les salles et dans la cour. L'infirmier m'employait souvent à l'aider dans ses travaux de salle, à cirer, à frotter, à astiquer et me donnait des morceaux de pain et de viande pour ma peine, car l'ordinaire des sœurs était bien maigre. Le médecin continuait à piquer tous les jours avec son crayon infernal ma blessure, en se rapprochant toujours du centre <ref name=nitrate>-</ref>. Au bout de trois semaines environ, elle fut toute brûlée et la suppuration complètement arrêtée. Oui, mais elle n'était pas guérie, car des jours j'en souffrais plus que je n'avais jamais souffert, et une grande bosse vint remplir la cavité de ma tempe ; pour le coup je pensai que j'en guérirai jamais de cette horrible blessure. Cependant, le médecin n'avait pas l'air de trouver cela si désespéré que moi [...]. |
On me garda encore quinze jours à l'hospice après la guérison, où je ne me plaignais pas trop du reste, grâce à l'infirmier puis à la sœur de la salle qui me trouvaient de l'occupation, puis je fus remis en liberté. Mais hélas, que faire de ma liberté, rien autre chose que de reprendre la besace, de faire comme avant mes trois tournées par semaine, les autres jours à chercher du bois ou à aider mon père quand il travaillait au marché. | On me garda encore quinze jours à l'hospice après la guérison, où je ne me plaignais pas trop du reste, grâce à l'infirmier puis à la sœur de la salle qui me trouvaient de l'occupation, puis je fus remis en liberté. Mais hélas, que faire de ma liberté, rien autre chose que de reprendre la besace, de faire comme avant mes trois tournées par semaine, les autres jours à chercher du bois ou à aider mon père quand il travaillait au marché. |
Version du 16 décembre ~ kerzu 2012 à 08:40
| Dans ses mémoires, Jean-Marie Déguignet invoque au moins par deux fois ses séjours à l'Hospice de Quimper : en 1848 alors qu'il a 14 ans, et lors de sa dernière année de vie en 1905.
Autres lectures : « Espace Déguignet » ¤ « DÉGUIGNET Jean-Marie - Histoire de ma vie, l'Intégrale » ¤ |
1 Présentation
Le jeune mendiant Jean-Marie Déguignet, blessé à la tête en tombant, alors qu'il avait été poursuivi par des abeilles, se vit proposer en 1848, alors qu'il avait 14 ans, un séjour à l'Hospice de Quimper pour s'y faire soigner. Dès son arrivée, il plante le décor d'un lieu sous l'emprise de l'église et où les enfants de tous milieux étaient abandonnés : « A l’entrée de cet hospice, il y avait un calvaire, et ma mère me montra un grand Christ dont la main gauche était fermé sur le clou. Elle me dit que cette main s’était fermée une nuit qu’une personne très riche avait envoyé dans le tourniquet un enfant ». Les soins y sont dispensés par des « sœurs », des religieuses de la Congrégation des Filles du Saint-Esprit. On le conduit « dans une grande salle, pleine de monde, les uns dans leur lit, ... dans les lits de douleurs et d’ennui ... ». Dans cette salle il y a de nombreux patients cardiaques si l'on en croit l'expression bretonne « krañv e galon » traduite par le bretonnisme « malade de cœur ». Déguignet, venant de la campagne gabéricoise, espérait en venant à l'Hôpital apprendre un peu de français. Mais « il n'y avait là que des Bretons : des paysans comme moi, des pêcheurs de la côte et des ouvriers. Ces derniers savaient bien un peu le français, mais ils ne parlaient presque jamais ». Il reste quelques semaines, le temps que sa plaie de referme définitivement, à l'hôpital, aidait le personnel de salle dans ses occupations de ménage : « L'infirmier m'employait souvent à l'aider dans ses travaux de salle, à cirer, à frotter, à astiquer et me donnait des morceaux de pain et de viande pour ma peine, car l'ordinaire des sœurs était bien maigre » |
2 Textes des Mémoires
1. Séjour à 14 ans en 1848 Intégrale, page 83-86.
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Intégrale, page 866-867.
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3 Coupures de presse
1. Le Finistère, 1902 2. Acte de décès, 1905
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3. Nécrologies Anatole Le Braz :
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4 Annotations
- Hôpital civil de Quimper : déplacé en 1801 sur la colline de Creac'h Euzen dans les locaux du vieux séminaire (où fut au 20e l'Hôpital Gourmelen). En 1824, le Conseil général y créa en plus, un hôpital psychiatrique. L'adresse de l'établissement était le 1, rue de l'Hospice. On l'appelait également l'asile Saint-Athanase. [Ref.↑]
- Les soins aux malades étaient assurés par les Filles du Saint-Esprit. [Ref.↑]
- Il s'agit probablement d'une cautérisation au nitrate d'argent. [Ref.↑ 3,0 3,1]
- L'hôpital de Quimper étaient constitué de quatre départements ayant chacun un bâtiment propre. À partir de 1895 deux nouveaux bâtiments sont en construction. [Ref.↑]
- Adveniat regnum tuum domine in requiem aeternam : Que ton règne vienne Seigneur dans le repos éternel. [Ref.↑]
Thème de l'article : Ecrits de Jean-Marie Déguignet Date de création : Décembre 2012 Dernière modification : 16.12.2012 Avancement : [Développé] |