Les chants de Marjan Mao, collectage des Daspugnerien Bro C’hlazig en 1979 - GrandTerrier

Les chants de Marjan Mao, collectage des Daspugnerien Bro C’hlazig en 1979

Un article de GrandTerrier.

Jump to: navigation, search
Catégorie : Mémoires+ AudioVisuel+ Bzh
Site : GrandTerrier

Statut de l'article :
  Image:Bullorange.gif [développé]

Image:MémoiresK.jpg
En 1979 l'équipe Daspugnerien du pays Glazik s'était rendue à Stang-Odet en Ergué-Gabéric pour enregistrer Marjan Mao qui savait si bien chanter dans sa langue maternelle, le breton.

Elle avait 77 ans et sa mémoire n'a pas flanché ce jour-là. Vingt ans après, les services de Dastum [1] ont numérisé ces enregistrements et les ont mis en écoute.

Autres lectures : Site Dastum.net« Marjan Mao, star du troisième âge » ¤ « Conversation avec Marjan et Fanch Mao (1982) » ¤ « GRALL Bernez - Kan al labour ur vuhez a vicherouzez Mari Jan Mao » ¤ « Marjann Mao, chiffonnière (Skol Vreizh, 1989) » ¤ « Fanch Mao, 96 ans » ¤ « La "gavotte aux garages" de la rue de Croas-ar-Gac, Boest an dioul 2008 » ¤ « Jean Billon ur c'haner deus ar vro, Radio Kerne 2021 » ¤ 



Présentation

Pour compléter le travail de Dastum [1], nous avons repris ici l'index des 14 chansons de Marjan, afin d'en décrire le sens et le contenu, et de permettre aussi une traduction du breton. Toute aide est bien sûr bienvenue.

Vous trouverez donc ci-dessous l'enregristrement, l'analyse, transcription et traduction de chacune des 14 chansons.

 

Pour l'instant les décryptages des chants n° 3 (« Al lez-vamm »), 12 (« Ar gemenerez hag ar baron ») et 14 («  Ar Miliner ») sont en bonne voie de finalisation.

En guise d'illustrations, nous avons aussi constitué une galerie de photos de Marjan, depuis son mariage en 1924 avec Fanch, jusqu'à l'année de sa mort en 1988.


À l'écoute

 


Paroles et traductions

1. Pardon Sant-Mikael

Titre : Pardon Sant-Mikael (le pardon de Saint-Michel)
Thèmes : Amour contrarié par le départ, ordres, études
Durée : 3 min 17 pour 11 couplets doubles
Paroles :

2. Pardon Santez Anna

Titre : Pardon Santez Anna (le pardon de Sainte-Anne)
Thèmes : Jalousie, promesses d'amour oubliées ; fille trompée, déshonorée
Durée : 3 min 4 pour 5 couplets doubles
Paroles :

3. Ar breur mager / Al lez-vamm

Titre : Ar breur mager / Al lez-vamm (le frère de lait / la marâtre)
Thèmes : Propositions légères acceptées ; cycle militaire et voyage, retour
Durée : 2 min 18 pour 5 couplets
Paroles :

Les deux propositions de titres « Al lez-vamm » (La marâtre) ou « Ar breur mager » (Le frère de lait) ne sont pas forcément adaptées, car elles ne reflètent pas tout-à-fait le coeur du chant interprété par Marjan, à savoir les fiancailles d'une jeune fille naïve avec un jeune chevalier.

La marâtre est évoquée dans la première strophe : « ul lez-vamm ar gwashañ zo bet ganet » (la pire des marâtres qui soit). Elle l'envoie, telle la Cosette des Misérables, chercher de l'eau à la fontaine avant le lever du jour.

Le chant connu sous le titre « Al lez-vamm », collecté par le mémorialiste François-Marie Luzel, interprété par les soeurs Goadec et d'autres, est une toute autre histoire. Il s'agit des aventures d'Yves Le Linguer, exécuté sur l'échafaud sur dénonciation de sa méchante belle-mère.

 

Le sujet du chant « Breur mager » du Barzaz Breiz, collecté dans le pays de Tréguier par Hersart de La Villemarqué est bien plus proche. Cela démarre aussi par une jeune fille allant puiser de l'eau à la fontaine qui se trouble à l'arrivée d'un chevalier venant de Nantes. Les termes qui décrivent cette scène sont très semblables  : « eur c’hoz-podik toull hag eur zeillik dizeonet », « Ann noz a oa tenval », « eur marc’heg o tistrei deuz a Naoned. » >> Media:Barzaz Fr-Bz Frère de lait.pdf - § La scène de la fontaine

Par contre la version de Marjan est plus courte et sans considérations moralisantes. Il n'est pas question de frère de lait, seule la figure du jeune et chevalier est suffisante et le détail d'une mort au combat n'est pas utile pour expliquer les désillusions de la jeune fille.

4. La jeune barbière

Titre : La jeune barbière (+ Kaozeadenn)
Thèmes : Cycle militaire et voyage, retour ; amour contrarié, concurrents, calomnies.
Durée : 4 min 45 pour 7 couplets
Paroles :

5. Merc'hedigoù Langolen

Titre : Merc'hedigoù Langolen (jeunes filles de Langolen)
Thèmes : Moquerie, satire des femmes
Durée : 0 min 41 pour 2 couplets
Paroles :

6. Ar mezvier mechant

Titre : Ar mezvier mechant (le méchant soulard)
Thèmes : Boisson, tabac, vice (conséquences)
Durée : 4 min 29 pour 9 couplets
Paroles :

7. Ar pilhaouer

Titre : Ar pilhaouer (le chiffonnier)
Thèmes : Désagréments du mariage, regret des femmes ; chanson sur les métiers
Durée : 1 min 36 pour 6 couplets et 1 refrain
Paroles :

8. Ar plac'h dimezet gant he mamm

Titre : Ar plac'h dimezet gant he mamm (fille mariée par sa mère)
Thèmes : Mariage imposé ; désagréments du mariage, regrets des femmes
Durée : 3 min 30 pour 10 couplets
Paroles :

9. Ar plac'h dimezet enep he c'hoant gant he zud

Titre : Ar plac'h dimezet enep he c'hoant gant he zud (fille mariée contre son gré par ses parents)
Thèmes : Amour contrarié, refus des parents, différence de classe sociale, richesse
Durée : 3 min 32 pour 10 couplets
Paroles :

10. Kaeraat a ra ar mizioù

Titre : Kaeraat a ra ar mizioù (le temps embellit)
Thèmes : Moquerie, satire des femmes
Durée : 2 min 53 pour 15 couplets
Paroles :

11. E-barzh en tu all da Bariz

Titre : E-barzh en tu all da Bariz (de l'autre côte à Paris)
Thèmes : Amour contrarié, concurrents, calomnies
Durée : 2 min 42 pour 10 couplets
Paroles :

12. Ar gemenerez hag ar baron

Titre : Ar gemenerez hag ar baron (la couturière et le baron)
Thèmes : Propositions légères
Durée : 3 min 17 pour 12 couplets
Paroles :

Dans les archives sonores de Dastum on trouve une douzaine de collectages similaires de cette chanson titrée "Ar gemerenez hag ar baron" ou "Ar gemeneres yaouank". Sur la base des paroles et des airs qui peuvent être très différents, on distingue quatre versions :

  • la version de Marjan : collectée en 1978 à Plounevézel (voix d'homme), à Plogonnec (non daté) et en 1966 à Locronan. A noter que si les premiers complets sont rigoureusement identiques, les fins et conclusions sont différentes.
  • une version dansée en Rond Pagan : collectée en 1999, 1973 et 1995 (Festival Tombée de la nuit), toutes reconnaissables par le refrain "falarinette".
  • une version Kan ha diskan dansée très entrainante collectée en 1973 en pays Pagan
  • la version de Francès (publiée dans les Annales de Bretagne de 1886) : collecté en 1978 à Lannion et en 1995 à Rennes, ces deux chansons au refrain "Des pingnes, des mingnes, migneron" et s'achevant sur la question "petra ar signifie ?". A noter aussi une version identique sur le site Internet per.kentel enregistrée à Morlaix dont le refrain a été "francisé" en "Novembre, décembre, janvier le premier mois".
 

On aurait pu penser que derrière Francès se cachait le mémorialiste-folkloriste François-Marie Luzel, également connu sous la forme bretonne de son nom Fañch an Uhel ou de son pseudo Francès / Francès-Mary. Mais il est décédé à Quimper cinq ans avant la publication de l'article dans les Annales. Et dans le tome suivant, J. Francès est l'auteur de deux articles, l'un sur de nouvelles chansons bretonnes et le second introduit par l'éminent linguiste Joseph Loth sur le vocabulaire breton de Beuzec-Cap-Sizun. L'origine géographique du chant "Ar gemeneres" n'est par contre pas précisée, si ce n'est la mention "Chanté par DAGORNE".

Que peut-on dire de plus sur les paroles et l’air chanté par Marjan?

  • sur le vocabulaire : dans toutes les versions on trouve quelques mots un peu « vieux français », comme palefrin, lakez, pavez … ce qui semble attester au texte une certaine ancienneté.
  • sur le style et les formes verbales, la version de Marjan est plus riche. Alors que la version des Annales respecte l’unicité du temps passé, celle de Marjan utilise successivement : l’impératif, le présent, le prétérite, des extraits de dialogues, et même le futur.
  • et enfin sur la morale : le texte est clair, enjoué, voire provocateur ; par rapport au style allusif et sérieux de la version Francès qui semble plus « Bretagne du Nord », la morale de la chanson de Marjan est plus compatible avec l’esprit glazik (et centre finistère ou Poher). Au moins on comprend que la couturière aimait les plaisirs.

13. Deomp da lakaat bep a chik

Titre : Deomp da lakaat bep a chik (rendons à chacun sa chique ?)
Thèmes : Boisson, tabac, vice (conséquences)
Durée : 1 min 4 pour 6 couplets
Paroles :

14. Ar Miliner

Titre : Ar Miliner (le meunier)
Thèmes : Amour contrarié par le départ ; cycle militaire et voyage, retour ; distanciation sociale
Durée : 7 min 40 pour 36 couplets
Paroles :

Les couplets disent le bonheur d'un enfant meunier de la région et de sa douce amie, puis l'éloignement forcé et le départ du pays, et enfin, au bout de 14 ans, le retour et les tentatives du meunier pour renouer, mais qui se heurte à une réalité sociale bien figée.

On connait aussi une version "gavotte" de la gwerz via une interprétation lors d'une fête « Boest an Dioul » en 2008; chantée par le gabéricois Jean Billon [2] et l'elliantais Christophe Kergourlay.

Sur la vidéo ci-dessous ils entonnent le deuxième temps « ton doubl » à la rythmique musicale redoublée et plus vive qui suit le « ton simpl » et le bal ou « tamm kreiz » plus lents. En savoir plus : « La "gavotte aux garages" de la rue de Croas-ar-Gac, Boest an dioul 2008 » ¤ 



 

La première mention connue de la chanson est une feuille volante recto-verso publiée par la maison Kerangal de Quimper [3]. Elle est signée Kolaig Pennarun, à savoir Hervé-Nicolas Pennarun, né en 1871 à Landrévarzec et décédé à Quimper en 1919. Outre son activité prolixe de chansonnier, il est également concierge au petit séminaire de Quimper.

L'exemplaire reproduit ci-après provient des archives de l'abbaye de Landévennec, cote 20-2-0372. Au recto une autre chanson plus courte : « Klemmoù ar bennhêrez » (plaintes de l’héritière). La « Chanson eur Meliner Yaouank d'he Vestrez » compte 30 couplets doubles, soit 60 au total, à comparer aux 24 du carnet de chant « Kana da zansal » et aux 40 chantés par Marjan Mao.


Galerie de photos


Annotations

  1. Dastum (ramasser, rassembler, recueillir en breton) est une association loi de 1901 qui s'est donné pour mission le collectage, la sauvegarde et la diffusion du patrimoine oral de l’ensemble de la Bretagne historique : chansons, musiques, contes, légendes, histoires, proverbes, dictons, récits, témoignages … [Ref.↑ 1,0 1,1]
  2. Jean Billon est natif de Balanoù en Ergué-Gabéric. Autodidacte, depuis de nombreuses années, il s'est formé au chant, qu'il soit dansé ("kan-ha-diskan" pour l'animation de fest-noz avec ses compère Christophe Kergourlay ou Guy Pensec) ou mélodique ("gwerz"), principalement en langue bretonne. Dans son répertoire on trouve notamment les chants de la chanteuse gabéricoise Marjan Mao, notamment « Ar Gemenerez hag ar Baron » et « Ar breur mager ». Fin juillet 2019, au concours de chants organisé par l'association Dastum à Quimper, il a été récompensé du 1er prix dans la catégorie Mélodie. [Ref.↑]
  3. La maison De Kerangal (« ti De Kerangal ») était l'atelier de typographie d’Arsène de Kérangal, imprimeur de l’Evêché. D’une famille originaire des Côtes d’Armor, à 31 ans Arsène de Kérangal épousa en 1858 Mademoiselle Darnajou, fille d’un riche négociant en vins quimpérois. Il était alors employé aux Contributions indirectes. En 1862, Eugène Blot lui vendit son imprimerie. Abandonnant sa situation de fonctionnaire, De Kerangal devint alors rédacteur en chef des revues imprimées, notamment « L’Impartial du Finistère », journal fondé en 1846. Comme ses prédécesseurs, il devint l’imprimeur officiel du diocèse, « mouler an aotrou‘n eskop ». L’évêque, Monseigneur Sergent, lui confia en 1866 l’impression de la revue intitulée « Feiz ha Breiz » (« Foi et Bretagne »), destinée à une large diffusion, dans l’ensemble du Finistère. Sous la Troisième République, Arsène de Kerangal se rangea dans le camp des catholiques et royalistes convaincus. Il imprima une quantité énorme d’ouvrages de dévotion, catéchismes, cantiques, vies de saints, missels et de nombreux tracts en faveur de la monarchie. Toute sa vie, il lutta contre les idées des anti-cléricaux. Il céda son affaire à son fils aîné, pour assurer la continuité de l’entreprise, déjà vieille de plus de deux siècles. [Ref.↑]


Thème de l'article : Mémoires des anciens

Date de création : janvier 2009    Dernière modification : 10.09.2021    Avancement : Image:Bullorange.gif [Développé]