Le site de la papeterie d'Odet et son alimentation en eau - GrandTerrier

Le site de la papeterie d'Odet et son alimentation en eau

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Catégorie : Patrimoine
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§ E.D.F.

Sommaire

Dans le quartier d’Odet, on aime bien essayer de refaire la chronologie de la constitution du patrimoine industriel que constitue l’usine à papier Bolloré. Les archives ne sont pas légion et on manque certainement de recul sur ces presque 200 ans de transformations, mais il est néanmoins important de fixer les connaissances actuelles, quitte à les corriger ou enrichir dans les années à venir. On va d’abord s’attacher à retracer les origines de la construction du canal.
Autre article par Henri Chauveur :

1 La légende

Longtemps on a cru que le canal d’amenée de la papeterie avait été créé par Nicolas Le Marié, le tout premier fondateur du moulin à papier en 1822. En effet, en 1922 lors de la fête du centenaire, l’abbé André-Fouet présente les choses ainsi :

«  Que de transformation à Odet depuis ce printemps de l'année 1821, où un cavalier de 24 ans parcourait cette région plus déserte, plus chaotique, plus désolée alors que le Stangala [...]. Ce cavalier, c'était Nicolas Le Marié [...]. A cette époque, dans nos régions, on utilisait bien peu la houille blanche comme moteur industriel : [il] voulut faire coup double en s'en servant pour fonder une papeterie. La chute d'eau était à créer : pour l'obtenir, il fallait détourner l'Odet sur une longeur de 1.500 mètres. »

Au début du 19e siècle, le site dOdet était-il aussi aride que l’abbé le prétend ?

2 Le Bigoudic

Sur le cadastre de 1834, on remarque deux tronçons de cours d’eau, le premier étant le ruisseau Bigoudic, affluent de l’Odet et prenant sa source plus au sud et s’écoulant le long de la route de Stang-Venn ou Lestonan. Le deuxième tronçon est situé entre le site de la papeterie et le 2e tournant amont de l’Odet.

Ce dernier tronçon était-il l’amorce du canal s’écoulant du nord-est vers le sud-ouest, ou alors était-ce la prolongation naturelle du Bigoudic et s’écoulant dans le sens inverse en pente vers l’Odet ?

Ce qui est sûr est que sa longueur est à peine un cinquième du canal actuel, ce qui laisse à penser que son débit n’était pas suffisant pour remonter la pente. Aujourd’hui il ne reste de ce tracé qu’un fossé asséché, et on n’y trouve pas de terrassement artificiel, ce qui laisse à penser que le tronçon en question était la continuation du Bigoudic vers l’Odet.

Par contre avant de se jeter définitivement dans l’Odet, une vanne de dérivation devait apporter un débit suffisant sous la grande roue à aubes de l’usine car le Bigoudic provenait de bien plus haut, et pouvait constituer ce qu’on peut appeler une chute d’eau.

ECHOS DU BIGOUDIC

Le Bigoudic donnait non seulement un excellent papier à cigarettes, mais c’était aussi une réserve de truites et d’anguilles. Les braconniers locaux ne s’en privaient pas. Les anguilles arrivaient même à bloquer les directrices de la turbine hydraulique de l’usine !

Le dernier ruisseau venant alimenter le Bigoudic descend de Stang-Venn dans la prairie avant Ti-Coat. Non loin la fontaine « Feunteun Park Toulgurn » donnait une très bonne eau de consommation. Elle arrivait par un tuyau de 100 ; tout le quartier venait avec différents récipients chercher son eau.

 

Plus loin un lavoir où de nombreuses lavandières venaient de Keranna laver leur linge, et les Konchennoù allaient « bon train ». Anna Ti-Coat était ainsi au courant des histoires locales, vraies ou fausses, et faisait profiter tout le monde. Ca partait souvent dans des éclats de rire interminables.

Joyeuse époque révolue !

3 Besoins en eau

L’histoire de la papeterie nous apprend qu’en 1881 la production d’énergie, de la vapeur en l’occurrence, est assurée par une chaudière en remplacement de la grande roue. Il faut donc alimenter en eau la chaudière qui produit la vapeur. Le ruisseau du Bigodic était peut-être suffisant pour la grande roue, mais avec les besoins d'énergie croissant, l'idée d'un canal d'amenée est vite à l’ordre du jour.

En plus de son apport énergétique, l’eau est un composant essentiel à la production de la pâte à papier, et ce en quantité de plus en plus importante.

La guerre survient en 1914. Malgré les difficultés d'approvisionnement, l'usine se développe encore. On y construit une centrale électrique à vapeur, le matériel est en quasi-totalité renouvelé et les vieux bâtiments remplacés par de nouvelles constructions plus fonctionnelles. Une deuxième machine à papier est également installée.

Mais pour faire fonctionner l’usine, l’entrée du canal d’amenée doit être plus haut de 5m 20 par rapport au cours de l’Odet, car sinon il n’y a aucune chance que l’usine puisse être alimentée dans sa partie sud. Des travaux énormes de terrassement sont nécessaires pour que le débit du canal soit suffisant pour refouler le Bigoudic. Avec l’arrivée du canal le dernier tracé du Bigoudic est supprimé et ce dernier et le canal peuvent se jeter dans l’Odet plus en aval. Ce qui fait que le 4 juillet 1925, F. Le Gars peut dresser un plan de l’usine au cordeau où le canal d’amenée se présente avec majesté.

Mais pour amener un débit d’un m3 par seconde à plus de 5 mètres du niveau naturel, l’entrée du canal doit être suffisamment éloignée, par exemple du côté du moulin de Coat-Piriou, à 1.500 mètres de l’enceinte de l’usine.


4 Le moulin de Coat-Piriou

A quelle date le moulin de Coat-Piriou fut détruit pour laisser la place au barrage sur l’odet, puis à l’écluse constituée des vannes d’alimentation et de régulation du canal ? Avant 1925 certainement, mais pas forcément bien avant. En 1834, sur l’ancien cadastre il n’y a pas d’ambigüité : les positions du moulin et du bief sont marquées, et le nom des parcelles sont bien libellées « meil » ou « veil ».

Même chose en 1914. Dans un boite numérotée 1024 des archives municipales d’Ergué-Gabéric, on trouve 28 chemins décrits et cartographiés, dont celui de Coat-Piriou. Peut-être le moulin n’était-il pas en activité, car le dernier acte de naissance d’un enfant de meunier date de 1858. Dans l’acte le père et les deux témoins sont meuniers.

«  16 mars 1858, L’an mil huit cent cinquante huit, le seize à deux heures du soir par devant nous Maire et officier de l’état civil de la commune d’Ergué-Gabéric canton de Quimper département du Finistère a comparu Hervé Hiliou âgé de 39 ans, meunier au lieu du Moulin de Coat Piriou en cette commune, lequel nous a présenté un enfant du sexe féminin née ce matin au dit lieu à une heure, de lui déclarant et de Madame Quiniou son épouse âgée de 34 ans, auquel les prénoms de Marie-Renée. Ces déclarations et présentation ont été faites en présence de Louis Hiliou âgé de 22 ans et de Joseph Pétillon âgé de 32 ans, meuniers en cette communes, lesquels avec le père ont déclaré ne savoir signer après lecture. » 

Après les travaux de destruction du moulin, la petite maison d’habitation fut conservée, et une autre construite plus loin. Au siècle dernier ces maisons étaient désignées du nom de leurs habitants respectifs : « Ti Tin Pennec Koz » et la maison de Mao ou Cogent.



5 Ecluse et barrage

Quand l’entrée du canal à Meil-Coat-Piriou fut mise en eau ? Vraisemblement entre 1914 et 1925, et sans doute en 1921-22 car le discours de l’abbé cité en début d’article mentionnait explicitement son existence même s’il en attribuait la paternité à Nicolas Le Marié.

Des archives de l’exploitation agricole du Kreisker en Briec apportent des précisions. On y apprend qu’en 1923 le barrage fait l’objet de relèvement, et sur place on découvre effectivement en bas des prairies du Kreisker un muret sur une longueur plusieurs centaines de mètres.

« Du 9 juin 1925 Monsieur BOLLORE est propriétaire d’une usine dite « Papeteries d’Odet », ainsi que tous accessoires et dépendances comprenant entre autres un canal d’amenée dont l’entrée est établie au moyen d’un barrage appuyé sur la rive droite de la rivière de l’Odet, contre la prairie cadastrée sous le numéro 906 de la section I de la commune de Briec, qui a été acquise par Monsieur Nicolas LE MARIE, ancien propriétaire de cette usine, aux termes d’un contrat reçu par Me PLUNIER, notaire à Briec, le 17 mars 1852 […]

Les travaux de relèvement du barrage exécuté conformément aux plans annexé à l’arrêté de la Préfecture du Finistère en date du six novembre 1923, étant terminés, et afin d’assurer l’écoulement des eaux de ladite propriété du Gresquer et prévenir, dans la mesure du possible, les inondations dans l’étendue des numéros 902, 903, 904, 905, 906P, et 909, section I de la commune de Briec les comparants ont arrêté […]

Article premier. Monsieur LE STER reconnaît la régularité de ce relèvement et autorise Monsieur BOLLORE à faire construire ou édifier sur les numéros 902, 904, 909 et 906, un talus en mottes, terres, ciment ou poteaux en ciment armés […] »

Un talus a été adjoint conformément à l’accord entre le propriétaire du Kresquer et René Bolloré. Ces travaux constituaient des mesures de protection contre les inondations que le barrage pouvait causer accidentellement quand les pluies étaient abondantes.

On apprend que le barrage à l’origine appuyé à la parcelle 906 était exactement à l’endroit où l’écluse avec vanne automatique fut installée sans doute quelques années après. Cette vanne est une merveille technologique. Ses deux axes étaient parfaitement alignés et horizontaux, et soutenir une charge d’au moins 5 tonnes.

Quand l’eau monte sur le plateau de la vanne, les flotteurs montent dans leurs logements respectifs. Quand l’eau descend, l’effet inverse se produit. Le but est d’avoir une hauteur d’eau suffisante dans le canal.

Le poids des contrepoids en beton est inférieur au poids des flotteurs et de la vanne. La hauteur d’eau suffit donc pour déclencher l’auto-régulation. Ce système a très bien marché jusqu’à ce que des casseurs ne passent par là.

En janvier 2009, les crémaillères d’une vanne manuelle ont cédé sous la pression de l’eau. Depuis quelques années le tablier avait quitté la glissière du pilier.

Au nom de la mémoire des ingénieurs et des ouvriers qui ont conçu cet ouvrage, il faudrait à notre avis réhabiliter un peu plus le site de Meil-Coat-Piriou.

6 Autres curiosités

La vanne de Ti-Ouront était ouverte une fois l'an pendant l'arrêt de la papeterie pour le nettoyage du canal.

Cet ensemble vanne + tunnel a été réalisé sans béton, entièrement en pierres de taille, par des maçons décédés maintenant depuis plus d'un siècle. Et depuis ce temps-là pas la moindre mauvaise herbe entre les pierres.

Voici à quoi ressemblait l'entrée du chemin de l'église dans les années après guerre 1939-45. Quand le portail était fermé il n'était pas possible d'y faire entrer une brouette !



Thème de l'article : Richesses du patrimoine

Date de création : mai 2009    Dernière modification : 27.02.2010    Avancement : Image:Bullorange.gif [Développé]