Le métier de mendiant et la lutte contre le paupérisme selon Déguignet
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On ne me disait encore rien pour me voir mendier à l'âge de quatorze ans car j'étais toujours si petit, si faible qu'on ne m'en aurait pas donné dix, mais j'entendais souvent dire aux autres plus grands et plus forts que moi qu'il était temps qu'ils allassent gagner leur pain. Ils répondaient qu'ils ne demandaient pas mieux, mais qu'ils ne trouvaient personne pour les employer. Et cela était bien vrai. Comment des gamins auraient-ils trouvé à s'employer quelque part, lorsque des hommes, des plus forts, n'en trouvaient pas toujours. Les cultivateurs faisaient faire leurs travaux par des journaliers au marché, ou par grandes journées, et ne prenaient des domestiques que juste assez pour conduire un attelage. Les journaliers comme mon père étaient nombreux à la campagne ; autour de chaque ferme, il y avait toujours deux ou trois <i>penty</i> <ref name="Pennty">{{BR-Pennty}}</ref> qu'on louait à ceux-ci, que le propriétaire trouvait sous la main quand il en avait besoin. Aujourd'hui, grâce aux machines agricoles perfectionnées, les cultivateurs n'ayant plus besoin de journaliers, ils ont transformé leurs <i>penty</i> <ref name="Pennty">{{BR-Pennty}}</ref> en étables, et refoulé les journaliers dans la ville. Ils n'en ont plus besoin du tout, et leurs enfants étaient plus gênants encore. | On ne me disait encore rien pour me voir mendier à l'âge de quatorze ans car j'étais toujours si petit, si faible qu'on ne m'en aurait pas donné dix, mais j'entendais souvent dire aux autres plus grands et plus forts que moi qu'il était temps qu'ils allassent gagner leur pain. Ils répondaient qu'ils ne demandaient pas mieux, mais qu'ils ne trouvaient personne pour les employer. Et cela était bien vrai. Comment des gamins auraient-ils trouvé à s'employer quelque part, lorsque des hommes, des plus forts, n'en trouvaient pas toujours. Les cultivateurs faisaient faire leurs travaux par des journaliers au marché, ou par grandes journées, et ne prenaient des domestiques que juste assez pour conduire un attelage. Les journaliers comme mon père étaient nombreux à la campagne ; autour de chaque ferme, il y avait toujours deux ou trois <i>penty</i> <ref name="Pennty">{{BR-Pennty}}</ref> qu'on louait à ceux-ci, que le propriétaire trouvait sous la main quand il en avait besoin. Aujourd'hui, grâce aux machines agricoles perfectionnées, les cultivateurs n'ayant plus besoin de journaliers, ils ont transformé leurs <i>penty</i> <ref name="Pennty">{{BR-Pennty}}</ref> en étables, et refoulé les journaliers dans la ville. Ils n'en ont plus besoin du tout, et leurs enfants étaient plus gênants encore. | ||
- | Il y a des soi-disant économistes ... | + | Il y a des soi-disant économistes qui ont l'air de se plaindre que les campagnes se dépeuplent au détriment de l'agriculture, et nos cultivateurs, qui doivent s'y connaître un peu, cherchent à réduire encore cette population le plus possible, et cela dans l'intérêt de l'agriculture. Et ils ont raison, le même cultivateur pouvant cultiver quatre ou cinq fermes comme celles que nous avions ici, sans plus de frais généraux et de main-d'oeuvre qu'en cultivant une seule, tout en doublant et triplant leur production avec de grands bénéfices pour lui et pour tout le monde ; tandis qu'aujourd'hui ces petites fermes ou petites propriétés sont cultivées souvent avec pertes pour ceux qui les cultivent, et cela sans profits pour personne, sinon pour quelquefois pour certains usuriers. |
- | Enfin, en dépit de ce que disent certains économistes ... | + | Enfin, en dépit de ce que disent certains économistes de la dépopulation des campagnes, les cultivateurs d'ici sont bien contents d'avoir supprimé leurs <i>penty</i> <ref name="Pennty">{{BR-Pennty}}</ref> et d'avoir obligé ainsi tous les journaliers et les mendiants de se réfugier en ville. |
<spoiler id="992" text="Maintenant il ne resterait aux propriétaires ...">Maintenant il ne resterait aux propriétaires de la ville et à la municipalité que de faire comme les ruraux, et alors il n'y aurait plus nulle part ni de miséreux ni de mendiants. Voilà un moyen facile et très pratique pour supprimer le vagabondage, le braconnage et la mendicité dont on se plaint tant. Les vagabonds, les braconniers et les mendiants sont des parasites de bas étage très désagréables et très nuisibles à la société comme les frelons aux colonies d'abeilles. Eh bien, quand les abeilles veulent supprimer ces gros parasites qui les ruinent, elles leurs refusent simplement le domicile et 24 heures après la question sociale est résolue ; plus d'êtres nuisibles ni inutiles dans la société. | <spoiler id="992" text="Maintenant il ne resterait aux propriétaires ...">Maintenant il ne resterait aux propriétaires de la ville et à la municipalité que de faire comme les ruraux, et alors il n'y aurait plus nulle part ni de miséreux ni de mendiants. Voilà un moyen facile et très pratique pour supprimer le vagabondage, le braconnage et la mendicité dont on se plaint tant. Les vagabonds, les braconniers et les mendiants sont des parasites de bas étage très désagréables et très nuisibles à la société comme les frelons aux colonies d'abeilles. Eh bien, quand les abeilles veulent supprimer ces gros parasites qui les ruinent, elles leurs refusent simplement le domicile et 24 heures après la question sociale est résolue ; plus d'êtres nuisibles ni inutiles dans la société. |
Version du 7 septembre ~ gwengolo 2018 à 09:17
Dans les extraits ci-dessous Jean-Marie Déguignet (1834-1905) aborde les sujets de la misère et la pauvreté en milieu rural au 19e siècle.
Le métier de mendiant exercé entre 1844 et 1848 dans la campagne gabéricois ... Le paupérisme ... A signaler également les commentaires sur le cas Déguignet de Jean-Jacques Yvorel dans son article « Errance juvénile et souffrance sociale au XIXe siècle d’après les récits autobiographes » dans l'ouvrage collectif « Histoires de la souffrance sociale: xviie-xxe siècles » publié en 2015 aux Editions PUR. Autres lectures : « Espace Déguignet » ¤ « BABONNEAU Christophe et BETBEDER Stéphane - Mémoires d'un paysan bas-breton Tome 1 » ¤ |
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- Pennty, penn-ti : littéralement « bout de maison », désignant les bâtisses, composées généralement d'une seule pièce, où s'entassaient avec leur famille les ouvriers agricoles et journaliers de Basse-Bretagne (Revue de Paris 1904, note d'Anatole Le Braz). Par extension, le penn-ty est le journalier à qui un propriétaire loue, ou à qui un fermier sous-loue une petite maison et quelques terres, l'appellation étant synonyme d'une origine très modeste. [Terme BR] [Lexique BR] [Ref.↑ 1,0 1,1 1,2]
Thème de l'article : Écrits de Jean-Marie Déguignet Date de création : Septembre 2018 Dernière modification : 7.09.2018 Avancement : [Développé] |