La médaille de Crimée de Jean-Marie Déguignet - GrandTerrier

La médaille de Crimée de Jean-Marie Déguignet

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-Pages x de l'Intégrale parue en 2001.+Pages 215 de l'Intégrale des Mémoires d'un paysan bas-breton, « [[DÉGUIGNET Jean-Marie - Histoire de ma vie, l'Intégrale|Histoire de ma vie]] », parue en 2001.
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Quand j'arrivais dans ma compagnie, la 2e du 3, je ne connaissais plus personne. Tous les anciens étaient morts là-bas, dans les ambulances ou dans les hôpitaux, le long de la Méditerranée, ou partis en congé définitif ou renouvelable, ou bien en convalescence. Le capitaine seul, M. Lamy <ref>Il s'agit du capitaine Lamy qui mena à l’assaut à Sébastopol la compagnie des 2e Zouaves (RdP, 1er janvier 1905, p. 182 et 1er février 1905, p. 608).</ref> y était toujours ; celui même qui m'avait dit, le soir de la veille de la prise de Sébastopol, que je ne tiendrais pas quarante heures debout et qui disait aux autres officiers qu'on était réellement fous en France d'envoyer des gamins comme moi là-bas, là où les vieux les plus forts succombaient. Quand j'arrivais dans ma compagnie, la 2e du 3, je ne connaissais plus personne. Tous les anciens étaient morts là-bas, dans les ambulances ou dans les hôpitaux, le long de la Méditerranée, ou partis en congé définitif ou renouvelable, ou bien en convalescence. Le capitaine seul, M. Lamy <ref>Il s'agit du capitaine Lamy qui mena à l’assaut à Sébastopol la compagnie des 2e Zouaves (RdP, 1er janvier 1905, p. 182 et 1er février 1905, p. 608).</ref> y était toujours ; celui même qui m'avait dit, le soir de la veille de la prise de Sébastopol, que je ne tiendrais pas quarante heures debout et qui disait aux autres officiers qu'on était réellement fous en France d'envoyer des gamins comme moi là-bas, là où les vieux les plus forts succombaient.
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-Pages x de la version de l'édition de 1905 de la Revue de Paris.+Pages 608 de la version des [[DÉGUIGNET Jean-Marie - Mémoires d'un paysan bas-breton - Revue de Paris|Mémoires de la Revue de Paris]] dans son édition du février 1905 .
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J’ai déjà dit que je ne citerais des dates et des noms propres que lorsque je serais certain de ne pas me tromper. Ici, je ne puis me tromper, puisque cette date figure sur mes états de service. Nous dûmes rester plusieurs jours à Marseille. Mon régiment, que je n’avais pas vu depuis le mois de novembre 1855, était alors à Montélimar, où j’ar­rivai dans les premiers jours de juillet. En arrivant dans ma compagnie, je ne connaissais plus personne. Tous mes camarades avaient disparu : les officiers, sous-officiers et caporaux étaient tous changés, excepté le capitaine Lamy. J’arrivai là à peu près comme autrefois à Lorient, inconnu de tout le monde et ayant tout l’air d’une nouvelle recrue ; grâce au bon temps que j’avais eu à Constantinople et à la bonne nourriture, j’avais même l’air plus jeune que quand j’arrivai à Lorient. Deux jours après, mes nouveaux cama­rades furent bien étonnés de me voir attacher sur ma tu­nique la médaille que la reine d’Angleterre avait donnée à tous les Français qui étaient arrivés en Crimée avant la prise de Sébastopol. Elle était rare, cette médaille, dans notre régiment qui avait cependant fait toute la campagne depuis le commencement jusqu’à la fin de tous ceux qui étaient partis, il n’en restait plus guère. Ceux qui le com­posaient maintenant étaient presque tous arrivés en Crimée après la prise de Sébastopol ou c’étaient de jeunes recrues du dépôt. J’ai déjà dit que je ne citerais des dates et des noms propres que lorsque je serais certain de ne pas me tromper. Ici, je ne puis me tromper, puisque cette date figure sur mes états de service. Nous dûmes rester plusieurs jours à Marseille. Mon régiment, que je n’avais pas vu depuis le mois de novembre 1855, était alors à Montélimar, où j’ar­rivai dans les premiers jours de juillet. En arrivant dans ma compagnie, je ne connaissais plus personne. Tous mes camarades avaient disparu : les officiers, sous-officiers et caporaux étaient tous changés, excepté le capitaine Lamy. J’arrivai là à peu près comme autrefois à Lorient, inconnu de tout le monde et ayant tout l’air d’une nouvelle recrue ; grâce au bon temps que j’avais eu à Constantinople et à la bonne nourriture, j’avais même l’air plus jeune que quand j’arrivai à Lorient. Deux jours après, mes nouveaux cama­rades furent bien étonnés de me voir attacher sur ma tu­nique la médaille que la reine d’Angleterre avait donnée à tous les Français qui étaient arrivés en Crimée avant la prise de Sébastopol. Elle était rare, cette médaille, dans notre régiment qui avait cependant fait toute la campagne depuis le commencement jusqu’à la fin de tous ceux qui étaient partis, il n’en restait plus guère. Ceux qui le com­posaient maintenant étaient presque tous arrivés en Crimée après la prise de Sébastopol ou c’étaient de jeunes recrues du dépôt.

Version du 4 avril ~ ebrel 2012 à 21:06

Image:Espacedeguignetter.jpg
Pourquoi et comment le soldat Jean-Marie Déguignet dut décoré d'une belle médaille militaire d'origine Britannique. Et sa façon très modeste de relater sa décoration, qui récompensait les braves revenus vivants d'une guerre destructrice.

Présentation de la médaille brittanique

La médaille de Crimée est une médaille commémorative britannique, décernée par la reine Victoria, aux officiers, sous-officiers, soldats et marins de tous grades ayant participé à la guerre de Crimée du 14 septembre 1854 au 8 septembre 1855.

La France ne possédait pas à cette date de médaille commémorative de campagne. Aussi, la médaille de Crimée britannique, fut-elle reconnue par le gouvernement français par décret du 26 avril 1856. Elle a été attribuée à tous les militaires français ayant participé à cette campagne, et son port autorisé.

 
La médaille avec ses agrafes
La médaille avec ses agrafes


Témoignages du médaillé sur sa décoration

Pages 215 de l'Intégrale des Mémoires d'un paysan bas-breton, « Histoire de ma vie », parue en 2001.

Quand j'arrivais dans ma compagnie, la 2e du 3, je ne connaissais plus personne. Tous les anciens étaient morts là-bas, dans les ambulances ou dans les hôpitaux, le long de la Méditerranée, ou partis en congé définitif ou renouvelable, ou bien en convalescence. Le capitaine seul, M. Lamy [1] y était toujours ; celui même qui m'avait dit, le soir de la veille de la prise de Sébastopol, que je ne tiendrais pas quarante heures debout et qui disait aux autres officiers qu'on était réellement fous en France d'envoyer des gamins comme moi là-bas, là où les vieux les plus forts succombaient.

Cette fois en me revoyant bien portant, sachant cependant que j'avais eu à combattre des ennemis dix fois plus terribles que les Russes, il me fit compliments et dit au sergent major qu'il fallait de suite faire un état supplémentaire en ma faveur pour la médaille de Crimée, accordée par Sa Magesty the Quin englisch [2] à tous les soldats français qui avaient débarqué sur la terre de Crimée avant la prise de Sébastopol. Le lendemain, j'étais décoré de la grande médaille à la surprise de tous les jeunes soldats qui se trouvaient là, tous de ma classe et qui croyaient que j'arrivais de chez moi, un peu en retard.

 

Pages 608 de la version des Mémoires de la Revue de Paris dans son édition du février 1905 .

J’ai déjà dit que je ne citerais des dates et des noms propres que lorsque je serais certain de ne pas me tromper. Ici, je ne puis me tromper, puisque cette date figure sur mes états de service. Nous dûmes rester plusieurs jours à Marseille. Mon régiment, que je n’avais pas vu depuis le mois de novembre 1855, était alors à Montélimar, où j’ar­rivai dans les premiers jours de juillet. En arrivant dans ma compagnie, je ne connaissais plus personne. Tous mes camarades avaient disparu : les officiers, sous-officiers et caporaux étaient tous changés, excepté le capitaine Lamy. J’arrivai là à peu près comme autrefois à Lorient, inconnu de tout le monde et ayant tout l’air d’une nouvelle recrue ; grâce au bon temps que j’avais eu à Constantinople et à la bonne nourriture, j’avais même l’air plus jeune que quand j’arrivai à Lorient. Deux jours après, mes nouveaux cama­rades furent bien étonnés de me voir attacher sur ma tu­nique la médaille que la reine d’Angleterre avait donnée à tous les Français qui étaient arrivés en Crimée avant la prise de Sébastopol. Elle était rare, cette médaille, dans notre régiment qui avait cependant fait toute la campagne depuis le commencement jusqu’à la fin de tous ceux qui étaient partis, il n’en restait plus guère. Ceux qui le com­posaient maintenant étaient presque tous arrivés en Crimée après la prise de Sébastopol ou c’étaient de jeunes recrues du dépôt.


Bataille de la Tour Malakoff à Sébastopol, 1855

Pages 179-179 de l'Intégrale

Nous recevons enfin l'ordre de marcher vers les tranchées par bataillon et par le flanc droit. Nous traversâmes un ravin, où nous marchions que sur des bombes et des boulets, puis arrivâmes sur un plateau d'où nous voyions la rade, les forts, les bastions, la ville en ruine et enfin cette fameuse tour Malakoff [3], qui n'était qu'un mamelon hérissé de pièces de canon qui vomissaient la mort tout alentour. Les quelques vieux soldats de notre compagnie, qui étaient là depuis quelque temps, disaient qu'ils n'avaient jamais vu cela aussi distinctement qu'en ce moment, pour la raison qu'ils les avaient toujours vus couverts de fumée, tandis que ce jour-là il n'y avait pas la moindre petite fumée. Et le soleil, quoique n'étant pas celui d'Austerlitz, s'élevait très brillant à l'horizon.

Tout à coup, un hourra formidable retentit, poussé à la fois par des milliers de poitrines françaises, anglaises, piémontaises, et aussi par tous les civils qui se trouvaient là-haut près du télégraphe. On venait de voir le drapeau tricolore flotter au sommet de la tour Malakoff.

 
Prise de la redoute de Malakoff, Horace Vernet (1858)
Prise de la redoute de Malakoff, Horace Vernet (1858)


Annotations

  1. Il s'agit du capitaine Lamy qui mena à l’assaut à Sébastopol la compagnie des 2e Zouaves (RdP, 1er janvier 1905, p. 182 et 1er février 1905, p. 608). [Ref.↑]
  2. [Her] Majesty, the queen english : Sa Majesté, la reine anglaise, en l'occurrence la reine Victoria. [Ref.↑]
  3. La tour Malakoff fut érigée au sommet d'une colline face aux remparts pour défendre la ville de Sébastopol contre une éventuelle attaque des Anglais et des Français nouvellement alliés, au début des années 1850. On lui donna le nom d'un ancien capitaine russe dont le souvenir restait attaché au lieu, Vladimir Malakhov. Le 8 septembre 1855, lors de la bataille de Malakoff, la redoute tombe aux mains des Français, dirigés par le maréchal Patrice de Mac-Mahon, devenu célèbre notamment pour cette victoire au cours de laquelle il prononça son fameux « J'y suis ! J'y reste ! »', entraînant la chute de la ville. [Ref.↑]




Thème de l'article : Ecrits de Jean-Marie Déguignet

Date de création : Avril 2012    Dernière modification : 4.04.2012    Avancement : Image:Bullorange.gif [Développé]