L'invention des légendes de l'Ankou selon Jean-Marie Déguignet
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+ | J'aurai à parler plus tard de ces charrettes, et nous verrons comment ont été fabriquées les légendes du <i>karr ann ankou</i> (la charrette de la mort) sur laquelle on a fait tant de récits contradictoires. | ||
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+ | <big>L'Intégrale des Mémoires, Histoire de ma vie (p. 124), </big> | ||
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+ | Comme l'avait pressenti le père, cette fièvre devint terrible, si terrible qu'au bout de quelques jours, on me considéra comme perdu. On alla chercher le prêtre, pour me donne l'extrême-onction, la carte de circulation pour le royaume éternel. C'était donc fini cette fois. Après le départ du curé, les vieilles commères qui me considéraient déjà comme un mort, et qui pensaient que je ne voyais, ni n'entendais plus rien, donnaient libre cours à leur babillage habituel. Mais quoique je ne pouvais ni bouger ni parler, j'entendais bien cependant. Une disait qu'elle savait bien que quelqu'un passerait bientôt devant sa porte, elle avait entendu passer <i>carik ann Ankou</i>. Une disait avoir entendu la clochette ; d'autres encore disaient avoir entendu les chants de veillées et les grâces ; enfin, tout le monde avait entendu quelque chose annoncer que j'allais bientôt partir au bourg sur le dos et les pieds en avant. Le bavardage de ces femmes fut la cause que, la nuit venue, je vis tout ce dont elles avaient parlé, je vis le spectre de l'Ankou, le spectre d'un spectre avec sa faux me faisant des grimaces au pied de mon grabat. J'assistai durant la nuit à toutes les cérémonies mortuaires de ma propre personne, sans que cela ne m'effrayait le moindrement. J'étais content au contraire, j'avais reçu un certificat de bonne conduite et ma feuille de route pour le ciel : « <i>Ita, anima sancta ad regnum aeternum</i> » ("Va, âme sainte, vers le royaume éternel"). Car je croyais alors, puisqu'on me disait, que les Bretons allaient aussi dans le Jérusalem céleste de Jésus, si bien décrite par son cousin Jean. Ça n'a été que bien plus tard, en fouillant et refouillant tous les catalogues des élus, que j'ai bien vu qu'il n'y avait aucun Breton dans cette ville merveilleuse. Cependant, ces bonnes femmes s'étaient trompées, ou l'Ankou les avait trompées, car je ne mourus pas, quoique j'étais resté plusieurs jours qu'on ne savait guère si j'étais vivant ou mort. | ||
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+ | <big>Rimes et Révoltes (p. 17),</big> | ||
+ | <br><big>poème "Vers adressés à Le Braz Anatole ... <ref>Titre complet : « <i>Vers adressés le 1er janvier 1898 à Le Braz Anatole qui m'a volé 24 manuscrits de mes Mémoires</i> ». Ce poème est la premier texte du cahier manuscrit intitulé "Mon testament" de 57 pages contenant divers poèmes et lettres.</ref>"</big> | ||
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+ | Je rêvais l'autre nuit que la pâle Atropos <ref>Atropos : l'une des trois Parques de la mythologie qui coupait le fil de la vie. </ref>, | ||
+ | <br>Laquelle à notre Ankou fait de la jalousie, | ||
+ | <br>Etait venue à moi avec ses gros ciseaux | ||
+ | <br>Me tranchant en riant le filet de la vie. | ||
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<big>L'Intégrale des Mémoires, Histoire de ma vie (p. 96), | <big>L'Intégrale des Mémoires, Histoire de ma vie (p. 96), | ||
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Il voyage ainsi jour et nuit, semant sur son chemin une espèce de terreur panique, le jour donnant des frissons et la nuit faisant entendre le wig-wig de la charrette des morts. Cet Ankou du reste, dont il y en a un par paroisse est changé tous les ans. C'est toujours l'âme de celui qui meurt le dernier dans l'année, qui est obligée de remplir les fonctions d'Ankou durant l'année suivante. Il faut à chaque curé son Ankou comme il lui faut un saint patron de la paroisse, une ou deux chapelles miraculeuses et surtout un bon <i>nanaon</i> <ref>Nanaon (anaon) : âmes des trépassés. </ref>. Nanaon se compose de toutes les âmes qui sont au purgatoire. Ce sont là les meilleurs fournisseurs pour remplir la caisse du curé, l'Ankou et le Nanaon surtout. | Il voyage ainsi jour et nuit, semant sur son chemin une espèce de terreur panique, le jour donnant des frissons et la nuit faisant entendre le wig-wig de la charrette des morts. Cet Ankou du reste, dont il y en a un par paroisse est changé tous les ans. C'est toujours l'âme de celui qui meurt le dernier dans l'année, qui est obligée de remplir les fonctions d'Ankou durant l'année suivante. Il faut à chaque curé son Ankou comme il lui faut un saint patron de la paroisse, une ou deux chapelles miraculeuses et surtout un bon <i>nanaon</i> <ref>Nanaon (anaon) : âmes des trépassés. </ref>. Nanaon se compose de toutes les âmes qui sont au purgatoire. Ce sont là les meilleurs fournisseurs pour remplir la caisse du curé, l'Ankou et le Nanaon surtout. | ||
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- | <big>L'Intégrale des Mémoires, Histoire de ma vie (p. 33), </big> | ||
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- | J'aurai à parler plus tard de ces charrettes, et nous verrons comment ont été fabriquées les légendes du <i>karr ann ankou</i> (la charrette de la mort) sur laquelle on a fait tant de récits contradictoires. | ||
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Version du 27 janvier ~ genver 2016 à 21:26
Une explication sur les légendes bretonnes et son archétype « l'Ankou » « Toutes les fois qu'un breton éprouve un frissonnement quelconque, une peur inexplicable, il dit de suite : "Ayaou ! passed e ann Ankou dreisthon, ben ar veichal e zin ganthan" (Aïe, l'Ankou vient de passer par dessus moi, la prochaine fois il me prendra) ». Autres lectures : « DÉGUIGNET Jean-Marie - Contes et légendes de Basse-Cornouaille » ¤ « QUEVILLY Laurent - Illustrations des Contes et légendes de JM Déguignet » ¤ « DÉGUIGNET Jean-Marie - Mémoires d'un Paysan Bas-Breton » ¤ « DÉGUIGNET Jean-Marie - Histoire de ma vie, l'Intégrale » ¤ |
1 Présentation
2 Morceaux choisis
L'Intégrale des Mémoires, Histoire de ma vie (p. 33),
L'Intégrale des Mémoires, Histoire de ma vie (p. 124),
Rimes et Révoltes (p. 17),
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L'Intégrale des Mémoires, Histoire de ma vie (p. 96),
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3 Annotations
- Ankou, Ankoù, sm. : bretonnisme, l'Ankou, traduit du breton « an Ankoù », est le serviteur de la mort en Basse-Bretagne ; son rôle est de récupérer dans sa charrette grinçante (karr / karrik an Ankoù) les âmes des défunts récents. On le représente comme un squelette revêtu d'un linceul, ou un homme grand et très maigre, les cheveux longs et blancs, la figure cachée par un large feutre et tenant à la main une faux qui diffère des faux ordinaires, en ce qu'elle a le tranchant tourné en dehors. L'Ankoù est parfois — à tort — confondu avec le diable, très présent par ailleurs dans la mythologie bretonne. Anatole Le Bras a popularisé l'Ankoù par la publication de sa "Légende de la Mort". Le mot est masculin en breton ; selon Dom Le Pelletier il serait à l'origine le pluriel de « anken » qui désigne l'angoisse, la peine. Arzel Even (revue Ogam, 1950-53) propose une autre étymologie : « nk » représente l'état réduit de la racine « nek » (périr) (nekros en grec, et nec, necare en latin). [Terme BR] [Lexique BR] [Ref.↑]
- Titre complet : « Vers adressés le 1er janvier 1898 à Le Braz Anatole qui m'a volé 24 manuscrits de mes Mémoires ». Ce poème est la premier texte du cahier manuscrit intitulé "Mon testament" de 57 pages contenant divers poèmes et lettres. [Ref.↑]
- Atropos : l'une des trois Parques de la mythologie qui coupait le fil de la vie. [Ref.↑]
- Karrik an Ankoù : la charrette de la Mort. Elle est attelée de deux chevaux macabres. On l'entend toujours arrivé, car les essieux mal graissés du karrik grincent dans la nuit. [Ref.↑]
- Kemener : tailleur. [Ref.↑ 5,0 5,1]
- Nanaon (anaon) : âmes des trépassés. [Ref.↑]
Thème de l'article : Ecrits de Jean-Marie Déguignet Date de création : Octobre 2015 Dernière modification : 27.01.2016 Avancement : [Développé] |