Blog 16.05.2015 - GrandTerrier

Blog 16.05.2015

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Grand-Ergué, Annonay et Prague

« Le Grand-Ergué et Annonay ont deux choses en commun : les machines à papier Montgolfier et Le Marié d'une part, et d'autre part une gwerz sur les montgolfières composée par un prêtre réfractaire gabéricois qu'il publiaen 1800 pendant son exil à Prague »

Un article de Thierry Le Roy publié en 2005 dans l'excellente revue Armen nous a révélé cette gwerz : « Un chant en breton, publié en 1800 par Alain Dumoulin, ancien recteur d'Ergué-Gabéric qui avait émigré au moment de la Constitution civile du clergé, parle d'un nouveau navire, "ur vag neve », qui "naviguera dans les airs / dre an eer a navigo" ».

Alain Dumoulin était enseignant au petit séminaire de Plouguernevel, puis recteur de la paroisse d'Ergué-Gabéric en 1787, et, s'opposant fermement à la Révolution, il dut s'exiler en 1792, d'abord à Liège en Belgique, puis à Prague. Et là dans la capitale de la Bohème, il composa une grammaire latine et bretonne, dans laquelle il annexa quelques textes profanes.

Le dernier texte est une chanson sur les méfaits des aérostats, avec ses dangers manifestes : « Tud foll a tud direson, Nefoc'h ket brema da c'husut, Kement so bet er balon Ho dus torret ho gug » (Gens fous et déraisonnables, vous ne serez aujourd'hui sans savoir que tous ceux qui ont été en ballon se sont cassés le cou).

Comment Dumoulin a-t-il eu vent des essais de ces aérostats, dont le premier eut lieu place des Cordeliers à Annonay, pays des frères Montgolfier, le 4 juin 1783 ? Cette même année 1783 des expérimentations eurent lieu également à Nantes. Le 14 juin 1784, un ballon baptisé « Le Suffren » prit l'air avec à son bord le chevalier Coustard de Massy, né à Nantes en 1734, et le père Mouchet, devant près de 80.000 personnes.

Contrairement au Père Mouchet de l'Oratoire, professeur de Physique à l'Université de Nantes, l'abbé Dumoulin représente la frange de l'église catholique qui considère qu'il ne faut risquer ni sa vie, ni sa foi, dans ces engins aussi dangereux.

Il publie en 1800 le texte de cette chanson, et, malgré lui, il a une vision quelque peu prophétique : « Betec al loar ae ar steret, A dra sur e hon savo » (Jusque la lune et les étoiles, sans nul doute il nous emmènera). Alain Dumoulin avait-il écrit ou transcrit sa chanson avant de partir en exil, en ayant en tête les essais nantais ? Ou alors, l'a-t-il composé à Prague, sur la base des informations diffusées dans les journaux ?

Quand notre auteur gabéricois a composé son texte satirique, il avait sans doute en tête la musique d'une autre gwerz populaire. Cette complainte pourrait être cette chanson populaire très ancienne que Denez Prigent a chantée sur son tout premier album :

Ur vag nevez a Vontroulez
A zo ar bloaz-mañ muntrerez
O vont da bardoniañ da Sant-Yann
He deus beuzet holl dud Plouyann

(Un bateau neuf de Morlaix a fait naufrage cette année-là. En se rendant au pardon de Saint-Jean, tous ceux de Plouyann qui s’y trouvaient se sont noyés.)

En savoir plus : « Une gwerz satirique en breton contre les aérostats en 1800 »,
« LE ROY Thierry - Les pionniers de l'aviation et de l'aérostation »

Billet du 16.05.2015