Secteur postal n° 234 le 2 juillet 1918
Monsieur. En réponse à votre lettre du 13 juin, adressée secteur 104 (au lieu de 234) qui m'est parvenue le 29 juin, j"ai l'honneur de vous donner les renseignements suivants :
Les ordres relatifs à la marche à suivre pour avertir les familles en cas d'évènements graves ne m'ont pas permis d'exprimer, en temps utile, à Madame Le Roux, les sentiments par nous ressentis lors du décès de son cher fils.
Je vous prie d'être mon interprète auprès de cette pauvre mère pour lui dire que la mort du Maréchal des Logis Le Roux nous a causé une réelle douleur, puisque nous perdions un membre de la famille.
J'ai accompagné, avec un détachement de ma batterie (les autres canonniers ne pouvant pas quitter leur poste), ce bon sous-officier à sa dernière demeure. En plus du devoir que je remplissais au nom du Pays, et pour la satisfaction de mes sentiments, j'avais conscience de représenter sa pauvre maman à laquelle mon cœur de soldat, de père, me commandait de penser.
Le corps de votre frère, mort pour la Patrie, a été l'objet de toute notre sollicitude. Il a été placé dans un cercueil, un service funèbre a eu lieu à l'église de Somme-Suippe, les honneurs militaires lui ont été rendus. Il a été enterré dans le cimetière de ce village tombe n° 1617. Ma couronne a été déposée par nos soins sur cette tombe.
Le Maréchal des Logis Le Roux, que j"avais encore vu la veille de sa mort, très gai, car je lui avais annoncée qu'il remplirait désormais les fonctions de chef de section. Il a été pris sous l'éboulement d'une sape avec un canonnier. Ce dernier, qui était près de l'entrée, a pu être dégagé à temps, tandis que votre frère, plus éloigné de cette entrée, avait cessé de vivre quand il a pu être retiré au bout d'un quart d'heure.
J'ai fait immédiatement l'inventaire de ce qui appartenait à votre frère. Il possédait une certaine somme à laquelle j'ai ajouté la solde qui lui était due jusqu'au 7 avril.
J'ai déposé chez l'officier de l'Etat-Civil son portefeuille qui contenait la somme de 286 F 70, ainsi que des lettres et objets qui étaient sa propriété. Je pense que Madame Le Roux doit être actuellement en possession de sa succession.
Le certificat dont vous me parlez a été joint aux pièces ci-dessus.
Je suis dans l'obligation de prendre des renseignements dans les unités où étaient antérieurement votre frère, pour vous répondre en ce qui concerne le rappel de l'indemnité de vie chère.
Le J.O. du 25 avril 1918 page 2397 traite d'ailleurs cette question.
Vous voudrez bien attendre sans vous impatienter la réponse à ce sujet, car le service postal n'est pas toujours très rapide.
Veuillez croire, Monsieur, ainsi que Madame Le Roux, à mes sentiments de sincères condoléances et agréez l'assurance de mes salutations empressées.
Signé : E. Auber
|