CORNETTE Joël - Histoire de la Bretagne et des Bretons
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« <i>En ce temps-là, il était venu un Monsieur à Kerfeunteun comme professeur d’agriculture pour apprendre aux Bretons l’art de cultiver la terre. Mais les paysans se souciaient peu alors d’apprendre quoi que ce soit en agriculture ni ailleurs. La vieille routine, pas autre chose. Quelques-uns des vieux cultivateurs passaient par la ferme du professeur quelquefois pour regarder les instruments nouveaux, qu’ils n’avaient jamais vus, et regarder les ouvriers travailler. Mais ils s’en allaient en haussant les épaules, et en disant qu’ils auraient à en donner des leçons à ce professeur. Ils voyaient bien qu’il y avait là de belles prairies, bien égouttées et irriguées, des champs de trèfle, de gros choux et des rutabagas, mais tout ça coûtait plus qu’il ne valait, et d’abord les bêtes bretonnes n’avaient pas besoin de ces choses-là pour vivre, pas plus que les hommes n’avaient besoin du pain blanc, de la viande et des légumes, toutes choses alors inconnues dans nos campagnes. Bref, les paysans n’en voulurent pas du tout des enseignements agricoles de ce monsieur. Si c’eût été un paysan encore ! Mais un monsieur à chapeau haut et qui ne savait pas parler breton pouvait-il être cultivateur ? Allons donc ! Les paysans ne pouvaient admettre qu’un monsieur de la ville pût savoir couper la lande, retourner une motte de terre, faucher, moissonner, charger du fumier dans la charrette, râteler les fossés, tracer un sillon avec la charrue en bois à avant-train, modèle Triptolème <ref>Triptolème : prêtre original de la déesse Déméter, dans la mythologie grecque. Déméter donna à Triptolème une charrue en bois et des grains de blé pour aller enseigner l’agriculture aux mortels.</ref>, les seules choses nécessaires selon eux pour être bon cultivateur. De la science agricole, ils n’en avaient cure. Ce n’était pas avec des livres qu’on pouvait faire de l’agriculture.</i> » | « <i>En ce temps-là, il était venu un Monsieur à Kerfeunteun comme professeur d’agriculture pour apprendre aux Bretons l’art de cultiver la terre. Mais les paysans se souciaient peu alors d’apprendre quoi que ce soit en agriculture ni ailleurs. La vieille routine, pas autre chose. Quelques-uns des vieux cultivateurs passaient par la ferme du professeur quelquefois pour regarder les instruments nouveaux, qu’ils n’avaient jamais vus, et regarder les ouvriers travailler. Mais ils s’en allaient en haussant les épaules, et en disant qu’ils auraient à en donner des leçons à ce professeur. Ils voyaient bien qu’il y avait là de belles prairies, bien égouttées et irriguées, des champs de trèfle, de gros choux et des rutabagas, mais tout ça coûtait plus qu’il ne valait, et d’abord les bêtes bretonnes n’avaient pas besoin de ces choses-là pour vivre, pas plus que les hommes n’avaient besoin du pain blanc, de la viande et des légumes, toutes choses alors inconnues dans nos campagnes. Bref, les paysans n’en voulurent pas du tout des enseignements agricoles de ce monsieur. Si c’eût été un paysan encore ! Mais un monsieur à chapeau haut et qui ne savait pas parler breton pouvait-il être cultivateur ? Allons donc ! Les paysans ne pouvaient admettre qu’un monsieur de la ville pût savoir couper la lande, retourner une motte de terre, faucher, moissonner, charger du fumier dans la charrette, râteler les fossés, tracer un sillon avec la charrue en bois à avant-train, modèle Triptolème <ref>Triptolème : prêtre original de la déesse Déméter, dans la mythologie grecque. Déméter donna à Triptolème une charrue en bois et des grains de blé pour aller enseigner l’agriculture aux mortels.</ref>, les seules choses nécessaires selon eux pour être bon cultivateur. De la science agricole, ils n’en avaient cure. Ce n’était pas avec des livres qu’on pouvait faire de l’agriculture.</i> » | ||
+ | Il faut tenir compte, on le mesure bien ici, d’une autre logique que celle d’un capitalisme agraire, entreprenant et moderniste. Car la société paysanne n’est pas une société à finalité productiviste [...] | ||
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Notice bibliographique
Un « un chef-d’œuvre à la fois de science et de style », une lecture passionnante et une sélection de textes et de repères inédits qui illustrent si bien le propos. Et parmi ces archives on y trouve trois longues citations (cf extraits ci-dessous) des Mémoires de Jean-Marie Déguignet, avec commentaire et analyse par cet historien passionnant et passionné qu'est Joël Cornette
Page 257, une plus courte citation, mais néanmoins intéressante sur la pomme de terre : « En évoquant son enfance à Quimper (Finistère), Jean-Marie Déguignet (1834-1905) explique que « nous avions un peu de terrain où l’on semait des pommes de terre, de ces pommes de terre rouges, grosses et très productives, qui étaient alors la principale nourriture des pauvres et des pourceaux ». Synonyme de sécurité alimentaire, de disparition des famines et des disettes, la pomme de terre est bien devenue l’aliment miracle des années 1840-1880. » Autres lectures : « Défense d'un professeur d'agriculture non bretonnant par un "potr-saout" » ¤ « Jean-Marie Déguignet, mendiant, soldat et écrivain (1834-1905) * » ¤ « DÉGUIGNET Jean-Marie - Histoire de ma vie, l'Intégrale » ¤ |
Extraits
Les Taolennou Page 587, chapitre 34 « Michel Le Nobletz et Julien Maunoir : les "sorciers de Dieu" »), tome I « Des âges obscurs au règne de Louis XIV ».
Les mendiants Page 229, chapitre 50 « Portrait au noir », tome II « Des âges obscurs au règne de Louis XIV ».
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Page 231, chapitre 50 « Portrait au noir », tome II.
La Révolution agricole Page 249, chapitre 50 « Le salut par l'agriculture », tome II.
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Annotations
- Joël Cornette né le 14 octobre 1949 à Brest est un historien qui a beaucoup travaillé sur la France d'Ancien Régime et plus spécifiquement sur la monarchie, notamment au XVIIe siècle. Une partie de ses recherches, depuis sa maîtrise centrée sur les cahiers de doléances de la sénéchaussée de Ploërmel à la veille de la Révolution, est consacrée à l'histoire de la Bretagne, plus particulièrement entre le XVIe et le XVIIIe siècle. Source : Wikipedia. [Ref.↑]
- « Il faut donner, de manière à soulager la misère honnête, sans accorder une prime d’encouragement à la paresse ou à l’inconduite. L’aumône qu’on accorde à des individus inconnus est presque toujours mal placée. Que chacun ne secoure que les pauvres placés autour de lui et résidant dans la même commune, ou du moins dans le même canton ». Cité par Michel Denis et Claude Geslin, La Bretagne des blancs et des bleus, op. cit., p. 34. [Ref.↑]
- Le pillaouer (ou pilloyeur, selon Jean-Marie Déguignet) dans le pays bretonnant et pillotou dans le pays gallo est « une sorte de bohémien modifié », explique Émile Souvestre dans Les Derniers Bretons (1836), un chiffonnier qui parcourt les villages pour recueillir des vieux vêtements usagés qu’il va ensuite vendre aux papeteries : « Là où on l’arrête pour lui vendre quelques guenilles souillées, c’est avec une sorte de mépris soupçonneux. On lui permet rarement d’avancer jusqu’au foyer. La marchandise lui est apportée sur le seuil où l’on traite avec lui » (p. 79). [Ref.↑]
- Triptolème : prêtre original de la déesse Déméter, dans la mythologie grecque. Déméter donna à Triptolème une charrue en bois et des grains de blé pour aller enseigner l’agriculture aux mortels. [Ref.↑]
Thème de l'article : Fiche bibliographique d'un livre ou article couvrant un aspect du passé d'Ergué-Gabéric Date de création : Février 2008 Dernière modification : 14.02.2015 Avancement : [Fignolé] |
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