Les séjours de Jean-Marie Déguignet à l'hospice de Quimper
Un article de GrandTerrier.
Version du 16 décembre ~ kerzu 2012 à 17:09 (modifier) GdTerrier (Discuter | contributions) ← Différence précédente |
Version actuelle (16 décembre ~ kerzu 2012 à 17:45) (modifier) (undo) GdTerrier (Discuter | contributions) |
||
Ligne 61: | Ligne 61: | ||
|width=48% valign=top align=justify|<br><br> | |width=48% valign=top align=justify|<br><br> | ||
{{Citation}} | {{Citation}} | ||
- | En revanche, on pouvait apprendre des contes et des légendes bretons. On n'entendait que cela. En ce temps-là les paysans, les ouvriers, les pêcheurs, n'ayant aucune instruction, ne pouvaient parler que de ces choses-là, les seules qui faisaient les frais des conversations, des causeries en tous lieux quand quelques personnes se trouvaient réunies, et qui n'avaient pas autre chose à faire [...]. Mais je le répète, je n'appris là, en fait de comtes et légendes, rites et autres bretonneries, [rien] que je ne savais déjà. | + | En revanche, on pouvait apprendre des contes et des légendes bretons. On n'entendait que cela. En ce temps-là les paysans, les ouvriers, les pêcheurs, n'ayant aucune instruction, ne pouvaient parler que de ces choses-là, les seules qui faisaient les frais des conversations, des causeries en tous lieux quand quelques personnes se trouvaient réunies, et qui n'avaient pas autre chose à faire [...]. Mais je le répète, je n'appris là, en fait de contes et légendes, rites et autres bretonneries, [rien] que je ne savais déjà. |
Je ne m'ennuyais pas trop à l'hospice ; n'étant pas malade de cœur, je pouvais courir dans les salles et dans la cour. L'infirmier m'employait souvent à l'aider dans ses travaux de salle, à cirer, à frotter, à astiquer et me donnait des morceaux de pain et de viande pour ma peine, car l'ordinaire des sœurs était bien maigre. Le médecin continuait à piquer tous les jours avec son crayon infernal ma blessure, en se rapprochant toujours du centre <ref name=nitrate>-</ref>. Au bout de trois semaines environ, elle fut toute brûlée et la suppuration complètement arrêtée. Oui, mais elle n'était pas guérie, car des jours j'en souffrais plus que je n'avais jamais souffert, et une grande bosse vint remplir la cavité de ma tempe ; pour le coup je pensai que j'en guérirai jamais de cette horrible blessure. Cependant, le médecin n'avait pas l'air de trouver cela si désespéré que moi [...]. | Je ne m'ennuyais pas trop à l'hospice ; n'étant pas malade de cœur, je pouvais courir dans les salles et dans la cour. L'infirmier m'employait souvent à l'aider dans ses travaux de salle, à cirer, à frotter, à astiquer et me donnait des morceaux de pain et de viande pour ma peine, car l'ordinaire des sœurs était bien maigre. Le médecin continuait à piquer tous les jours avec son crayon infernal ma blessure, en se rapprochant toujours du centre <ref name=nitrate>-</ref>. Au bout de trois semaines environ, elle fut toute brûlée et la suppuration complètement arrêtée. Oui, mais elle n'était pas guérie, car des jours j'en souffrais plus que je n'avais jamais souffert, et une grande bosse vint remplir la cavité de ma tempe ; pour le coup je pensai que j'en guérirai jamais de cette horrible blessure. Cependant, le médecin n'avait pas l'air de trouver cela si désespéré que moi [...]. |
Version actuelle
| Dans ses mémoires, Jean-Marie Déguignet évoque au moins par deux fois ses séjours à l'Hospice de Quimper : en 1848 alors qu'il a 14 ans, et lors de ses dernières années de vie en 1902-1905.
Autres lectures : « Espace Déguignet » ¤ « DÉGUIGNET Jean-Marie - Histoire de ma vie, l'Intégrale » ¤ « 1845 - Action municipale pour l'envoi d'une mendiante à l'hospice » ¤ |
1 Présentation
Le jeune mendiant Jean-Marie Déguignet, blessé à la tête en tombant, alors qu'il avait été poursuivi par des abeilles, se vit proposer en 1848, alors qu'il avait 14 ans, un séjour à l'Hospice de Quimper Dès son arrivée, il plante le décor d'un lieu sous l'emprise de l'église et où les enfants de tous milieux étaient abandonnés : « A l’entrée de cet hospice, il y avait un calvaire, et ma mère me montra un grand Christ dont la main gauche était fermé sur le clou. Elle me dit que cette main s’était fermée une nuit qu’une personne très riche avait envoyé dans le tourniquet un enfant ». Les soins y sont dispensés par des « sœurs », des religieuses de la Congrégation des Filles du Saint-Esprit. On le conduit « dans une grande salle, pleine de monde, les uns dans leur lit, ... dans les lits de douleurs et d’ennui ... ». Dans cette salle il y a de nombreux patients cardiaques si l'on en croit l'expression bretonne « klañv e galon » traduite par le bretonnisme « malade de cœur ». Déguignet, venant de la campagne gabéricoise, espérait en venant à l'Hôpital apprendre un peu de français. Mais « il n'y avait là que des Bretons : des paysans comme moi, des pêcheurs de la côte et des ouvriers. Ces derniers savaient bien un peu le français, mais ils ne parlaient presque jamais ». Il reste quelques semaines, le temps que sa plaie se referme définitivement, aidant le personnel de salle dans ses tâches de ménage et d'entretien : « L'infirmier m'employait souvent à l'aider dans ses travaux de salle, à cirer, à frotter, à astiquer et me donnait des morceaux de pain et de viande pour ma peine, car l'ordinaire des sœurs était bien maigre ». Il quitte presque à regret le confort de l'hospice, devant reprendre ses occupations de mendiant professionnel : « Je fus remis en liberté. Mais hélas, que faire de ma liberté, rien autre chose que de reprendre la besace ». Jean-Marie Déguignet reviendra à l'Hospice en 1902. Ainsi en témoigne un article du Journal Le Finistère daté du 12 avril : « Ce vieillard, âgé de 68 ans, s'était déterminé au suicide parce que son propriétaire lui avait donné congé ces jours derniers. Transporté à l'hôpital, il a été examiné par M. le docteur Coffec, qui a reconnu en lui la manie de la persécution et a conclu à son internement. ». |
Il prendra un autre logement, mais refera des séjours à l'hôpital jusqu'à ses tout derniers jours en août 1905. Quand il apprend son décès le mémorialiste Anatole Le Braz écrit : « J'ai sa dernière lettre où il protestait contre la vie qu'il était condamné à mener à l'Hôpital. ». C'est bien à l'hospice qu'il meurt, et non « à la porte de l'hospice » comme cela est mentionné dans certaines biographies. Ce sont deux infirmiers de l'hôpital qui viennent déclarer le décès et l'acte d'état civil précise bien l'adresse de l'établissement « à six heures du matin, Rue de l'Hospice ». Lui-même dans les dernières pages de ses mémoires relate son séjour dans l'asile des vieux : « Ici, à Quimper, il y a déjà quatre établissements, et les plus beaux, pour l'entretien de tous les tarés et de tous les rebuts de cette malheureuse espèce humaine ». Il surenchérit : « Mais pendant ce temps, on laisse sans soins, sans soucis, se perdre les plus jeunes et les meilleurs sujets, sur lesquels devraient au contraire se porter tous les soins et les soucis ». A-t-il oublié qu'il y fut soigné 57 années plus tôt, à l'âge de 14 ans ? |
2 Textes des Mémoires
1. Séjour à 14 ans en 1848 Intégrale, page 83-86.
|
Intégrale, page 866-867.
|
3 Coupures de presse
1. Le Finistère, 1902 2. Acte de décès, 1905
|
3. Nécrologies Anatole Le Braz :
|
4 Annotations
- L'hôpital civil de Quimper, au départ situé dans l'ancien couvent Saint-Antoine de Mesgloaguen, fut déplacé en 1801 sur la colline de Creac'h Euzen dans les locaux du vieux séminaire (devenu en 1793 hôpital militaire). En 1824, le Conseil général y créa en plus, un hôpital psychiatrique. L'adresse de l'établissement était le 1, rue de l'Hospice. On l'appelait également l'asile Saint-Athanase. Au cours du 20e siècle il sera encore étendu et rebaptisé Hôpital psychiatrique Gourmelen, tout à côté de l'ancien hôpital Laënnec (lequel sera transféré à Ergué-Armel en 1981). [Ref.↑ 1,0 1,1]
- Les soins aux malades étaient assurés par les Filles du Saint-Esprit. [Ref.↑]
- Il s'agit probablement d'une cautérisation au nitrate d'argent. [Ref.↑ 3,0 3,1]
- L'hôpital de Quimper étaient constitué de quatre départements ayant chacun un bâtiment propre. À partir de 1895 deux nouveaux bâtiments sont en construction. [Ref.↑]
- Adveniat regnum tuum domine in requiem aeternam : Que ton règne vienne Seigneur dans le repos éternel. [Ref.↑]
Thème de l'article : Ecrits de Jean-Marie Déguignet Date de création : Décembre 2012 Dernière modification : 16.12.2012 Avancement : [Développé] |