An dommerien, les chauffeurs, Feiz ha Breiz 1908
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<i>Une histoire racontée par Jean-Louis Prigent <ref name=Prigent>{{PR-Prigent}}</ref> mettant en scène des « Dommerien » dans le camp des Révolutionnaires de 1789, publiée en juin 1908 dans Feiz ha Breiz <ref name=Feizhabreiz>{{Feizhabreiz}}</ref>, le journal en langue bretonne édité par l'évêché de Quimper et de Léon.</i> | <i>Une histoire racontée par Jean-Louis Prigent <ref name=Prigent>{{PR-Prigent}}</ref> mettant en scène des « Dommerien » dans le camp des Révolutionnaires de 1789, publiée en juin 1908 dans Feiz ha Breiz <ref name=Feizhabreiz>{{Feizhabreiz}}</ref>, le journal en langue bretonne édité par l'évêché de Quimper et de Léon.</i> | ||
- | Autres lectures : {{Tpg|La vision de Déguignet sur les apports et méfaits de la Grande Révolution}}{{Tpg|Kergoant, Kergoan}}{{Tpg|1795 - Vente et adjudication de la tenue de Ty Plouz}}{{Tpg|1790 - Les 50 pages du recensement de la population}}{{Tpg|Alain Dumoulin, écrivain et recteur (1788-1791)}}__NOTOC__ | + | Autres lectures : {{Tpg|La vision de Déguignet sur les apports et méfaits de la Grande Révolution}}{{Tpg|Kergoant, Kergoan}}{{Tpg|1794-1795 - Estimation et adjudication de la tenue de Ty Plouz}}{{Tpg|1790 - Les 50 pages du recensement de la population}}{{Tpg|Alain Dumoulin, écrivain et recteur (1788-1791)}}__NOTOC__ |
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<center>Les chauffeurs</center> | <center>Les chauffeurs</center> | ||
- | <br><center><i>(Cette histoire a été racontée pour la première fois par le père Le Scao, récit qu'il avait alors ébauché)</i></center> | + | <br><center><i>(Cette histoire a été racontée pour la première fois par le père Le Scao, alors qu'il était au séminaire)</i></center> |
- | C'est l'heure du repas du soir et tous les habitants de la maison sont assis autour de la table : d'un côté on voit le grand père avec ses deux petits enfants, Joseph et Hervé, et de l'autre les domestiques et le chef de famille lisent La Vie de saint Laurent. Hervé a des frémissements tout le temps, et la fillette dit quand la lecture fut achevée : « Pourquoi tant de malheur pour ce saint ? Je ne vois pas pourquoi on l'a fait mourir, car il est vrai qu'il n'était pas un homme mauvais. Et si ces gens aiment tant tuer, pourquoi insister autant sur la résignation à la douleur étonnamment pendant si longtemps ? Si j'avais été de cette époque, j'aurais tiré sur ces gens-là et laissé le saint s'en aller ». | + | Le souper est terminé et tous les habitants de la maison sont assis autour de la table : d'un côté on voit le grand père avec ses deux petits enfants, Joseph et Hervé, et de l'autre les domestiques et le chef de famille en train de lire La Vie de saint Laurent. Hervé a des frémissements tout le temps, et à peine la lecture était-elle achevée qu'il dit : « Pourquoi a t-on fait tant de mal à ce saint ? Je ne vois pas pourquoi on l'a mis à mort, car il n'avait fait aucun mal. Et si ces gens cruels voulaient le tuer, pourquoi lui avoir fait subir des tourments si épouvantables et pendant si longtemps ? Si j'avais été là, j'aurais tiré sur ces gens sauvages-là et laissé le saint s'en aller ». |
- | — « Tu sais, mon petit, dit le grand père, autrefois il y a toujours eu beaucoup de gens mauvais, et ces gens-là ont toujours cherché à faire du mal aux gens bien. Il y a maintenant cent ans, pendant la grande révolution, c'était comme du temps de saint Laurent. » | + | — « Tu sais, mon petit, dit le grand père, autrefois il y a toujours eu des gens mauvais, et ces gens-là ont toujours cherché à faire du mal aux gens de bien. Il y a maintenant cent ans, pendant la grande révolution, c'était comme du temps de saint Laurent. » |
- | —« Grand père, dit Hervé avec un baiser, raconte nous une histoire de la révolution. ». | + | —« Grand père, dit le petit Hervé en l'embrassant, raconte-nous une histoire qui s'est passé pendant la révolution. ». |
- | Le grand père, qui ne pouvait rien refuser à ses petits enfants, commença aussitôt son histoire. | + | Le grand père, qui ne pouvait rien refuser à son petit-fils, commença aussitôt son histoire. |
- | — « Alors, dit-il, d'après ce que j'ai entendu de mon père, les prêtres devaient se cacher ici et ailleurs, | + | — « Alors, dit-il, d'après ce que j'ai entendu de mon père, les prêtres devaient se cacher ici et là, |
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- | dans les champs, les bois, les grottes ... Il y avait des gens sans cœur qui avait comme tache de les dénoncer aux Républicains, et ces gens-là , quand il fallait attraper un prêtre ou quelqu'un de bien étaient les bienvenus, en les mettant sur <i>billig</i> (plaque à crêpes) rouge, et c'est pourquoi on les a appelés les Chauffeurs. | + | dans les champs, les bois, les étables... Il y avait des gens sans cœur qui avait comme tache de les dénoncer aux Républicains, et ceux-ci , quand ils pouvaient mettre la main sur un prêtre ou sur les gens de bien qui les accueillaient, les mettaient sur une <i>billig</i> (plaque à crêpes) chauffée au rouge, et c'est pourquoi on les a appelés les Chauffeurs. |
- | Un jour à Kergoant (Ergué-Gabéric) des gens allaient se coucher : l'épouse était bien sous les draps dans son lit. Et voilà qu'on entend du bruit de gens qui marchent et s'approchent ; la porte n'est pas fermée et cinq Républicains entrent dans la maison, chacun tenant un sabre et un fusil. | + | Un jour à Kergoant (Ergué-Gabéric) des gens allaient se coucher : l'épouse était même déjà dans son lit. Et voilà qu'on entendit le bruit de gens qui marchaient et s'approchaient ; la porte n'était pas fermée et cinq Républicains font irruption dans la maison, chacun tenant un sabre et un fusil. |
- | — « Il y a un prêtre caché ici : toi, citoyen, <i>da chercher</i> anezan d'eomp », dit aussitôt le responsable au chef de famille . | + | — « Il y a un prêtre caché ici : Allez, citoyen, nous le <i>chercher</i> », dit aussitôt leur commandant au chef de famille . |
- | — « Il y a longtemps que je n'ai pas vu un sarrau noir dans ma maison, répondit le chef de famille, cependant si vous ne me croyez pas, cherchez-le. — Pour moi ne fouillez pas, car j'ai dans l'idée que vous ne trouverez rien. ». | + | — « Il y a longtemps que je n'ai pas vu un de soutane noire dans ma maison, répondit le chef de famille, cependant si vous ne voulez pas me croire, cherchez-le. — Pour ma part je ne chercherai pas, car je sais que vous ne trouverez rien. ». |
- | — « À toi je dirais ceci : <i>à d'autres</i>. Il y a ici un prêtre caché. Ramenez le, nous n'avons pas à perdre notre temps à attendre. ». | + | — « Allez dire cela <i>à d'autres</i>. Il y a un prêtre caché ici. Amène-le nous, et nous, en attendant, nous ne perdrons pas notre temps. ». |
- | Les Républicains s'attablèrent et se servirent de la viande, du pain blanc et d'une goutte de jaune, ni petra 'ta. Comme François restait impassible, le chef des chauffeurs dit : | + | Les Républicains s'attablèrent et se firent servir de la viande, du pain de froment et un verre d'eau-de-vie, bien entendu. Comme François restait impassible, le chef des chauffeurs dit : |
- | « <i>Ce citoyen</i> ne veut pas avouer où est l'oiseau noir : ce ne serait pas bien de rester là jusqu'à ce que nos ventres soient remplis : car alors nous ne savons pas ce que nos épées vont couper et sur qui nos fusils vont tirer. — Car soyez sûr, <i>citoyen</i>, nous aurons le prêtre, ou ta tête, que nous ramènerons avec nous. Le temps d'attendre, comment ça, il n'y a pas de cidre ici ? — va en chercher, <i>citoyen Jaouen</i>, dit-il, tourné vers l'un de ses compagnons ». | + | « <i>Ce citoyen</i> ne veut pas montrer où se trouve le corbeau : ce ne sera pas agréable pour lui de rester là jusqu'à ce que nos ventres soient remplis : car alors nous verrions si nos épées coupent et si nos fusils peuvent tirer. — Car soyez en sûr, <i>citoyen</i>, nous aurons le prêtre, ou ta tête, à ramener avec nous. En attendant, je me demande s'il n'y a pas du cidre ici ? — Va en chercher, <i>citoyen Jaouen</i>, dit-il, en se tournant vers l'un de ses compagnons ». |
- | Si vous voulez du cidre, il y a moyen de vous servir, dit François. Aussitôt le chef de famille amène une écuelle, et demande au commis de lui montrer le chemin avec une lumière. Er c'hao e chomchent eun tammig da zavarat, et François dit tout bas au commis : « Je ne connais pas ces diables-là, ils sont capables de faire de grands crimes. Cependant, écoutez bien ceci, il n'y a pas grand chose à faire que rester calme : ne rien faire et ne pas fuir, alors ils vont mettre le discrédit sur nous et vous reconnaitre ». | + | Si ce n'est que du cidre que vous voulez, il y a moyen de vous en servir, dit François. Aussitôt le chef de famille pris une écuelle, et demanda au commis de lui montrer le chemin avec la lumière. Dans la cave, ils restèrent un moment à parler, et François dit tout bas au commis : « Je ne connais pas ces diables-là, ils sont capables de faire les plus grands crimes. Cependant, écoutez bien ceci, quoiqu'ils fassent, restez calme : le moindre geste que vous feriez pour chercher vous enfuir serait suffisant pour attirer les soupçons sur vous et vous faire reconnaitre ». |
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- | — « Je ne veux pas, dit le commis, être responsable de votre mort, et je ne les laisserai pas vous tuer ». Paix, dit François, nous avons besoin de vous dans ce pays. S'il n'y a plus du tout de prêtre, et si vous êtes tué, qui va baptiser les enfants, dire la messe ... J'ai cinq enfants en bas âge ; si leur mère reste avec eux elle pourra les tranquilliser, ils seront sauvés, et s'il se trouve que soyons tués; Dieu nous accordera un sursis. Rak-se taolit evez, neuz forz petra reio ar <i>loups-là</i>, grik ebed : petra rafec'h eneb pemb : ha dreist oll diouallit d'en em ziskuill ». | + | — « Je ne veux pas, dit le commis, être responsable de votre mort, et je ne les laisserai pas vous tuer ». Paix, dit François, vous, on a besoin de vous dans ce pays. Il n'y a aucun autre prêtre, et si vous êtes tué, qui va baptiser les enfants, dire la messe ... J'ai cinq enfants en bas âge ; tant qu'ils auront leur mère, je ne suis pas inquiet, ils seront bien élevés, et s'il se trouvait qu'elle fut tuée également, Dieu prendra soin d'eux. Rak-se faîtes attention, quoi que fasse ces <i>coyottes-là</i>, pas un mot : que feriez vous contre cinq hommes : et surtout diouallit d'en em ziskuill ». |
- | — Une chose cependant qu'il serait bien de faire : je vais dire à Pierre de Ti-Plouz de faire venir les Chouans affronter les Républicains ici. Il doivent être du côté de Briec pour toute la Cornouaille » —« Va donc les chercher ». | + | — Il y a quelque chose cependant qu'il serait bien de faire : je vais dire à Pierre de Ti-Plouz de faire savoir aux Chouans que les Républicains sont ici. Il doivent être du côté de Briec avec Cornouaille » —« Allez y donc ». |
- | Le commis, ou plutôt le prêtre, comme un ami proche, courut prévenir Pierre, et François rentra dans sa maison avec le cidre. | + | Le serviteur, ou plutôt le prêtre, comme vous voudrez, courut prévenir Pierre, et François rentra dans la maison avec le cidre. |
- | Une fois François entré, le capitaine des révolutionnaires dit : « <i>allons, citoyens, buvons</i> ; et toi, s'adressant à François, bois avec nous, ça va apporter plus d'énergie pour pouvoir amener la laine-noire ». — « Je ne bois pas, dit le chef de famille, et une fois encore je vous dis qu'il n'y a pas de prêtre ici. Il n'y a pas d'affront contre vous. » — « Nous verrons ; ce qui est sûr, un prêtre a été remarqué venant hier matin autour de Quimper avant ta tête au bout de mon épée ». | + | A peine François entré, le capitaine des révolutionnaires dit : « <i>allons, citoyens, buvons</i> ; et toi, en se tournant vers François, bois avec nous, tu auras plus de force pour traîner la bête noire ». — « Je ne bois pas, dit le chef de famille, et une fois encore je vous dis qu'il n'y a pas de prêtre ici. Vous perdez votre temps. » — « Nous verrons ; ce qui est sûr, c'est que nous trouverons le prêtre ou bien demain matin je ferai le tour de Quimper avant ta tête au bout de mon épée ». |
- | Minuit sonna. — « <i>Allons, citoyen Jacques</i>, dit le chef, allez fouiller : je vais chauffer, car il fait humide ». — Jacques et les trois autres s'empressèrent de rechercher le prêtre : chaque abri, chemin et recoin de la maison furent fouillés. | + | Minuit sonna. — « <i>Allons, citoyen Jacques</i>, dit le chef, allez fouiller : je vais me chauffer, car je suis mouillé ». — Jacques et les trois autres s'empressèrent de rechercher le prêtre : les étables, les hangars, chaque recoin de la maison furent fouillés. |
- | Pendant ce temps Anna, l'épouse, était très angoissée, evel ma c'helloc'h kredi. Sans réfléchir, e loskaz eun uhanaden. Le chef des chauffeurs commande à ses gens de vérifier qui était dans le lit. François qui se plaça entre elle et le lit répondit « C'est ma femme ». — « Citoyenne, dites-nous où est le prêtre et rien de mal ne vous sera fait. ». — Anna avait aussi une éducation chrétienne. — « Il y a très longtemps que je n'ai vu un prêtre dans les environs ; ils n'ont pas été tués, étant partis. » | + | Pendant ce temps Anna, l'épouse, était très angoissée, comme vous pouvez l'imaginer. Sans réfléchir, elle poussa un soupir. Le chef des chauffeurs appela ses gens pour vérifier qui était dans le lit. François se plaça aussitôt entre le lit et eux en disant « C'est ma femme ». — « Citoyenne, dites-nous où est le prêtre et on ne vous fera aucun mal. ». — Anna était aussi une excellente chrétienne. — « Il y a longtemps que l'on ne voit aucun prêtre dans le pays ; ceux qui n'ont pas été tués on pris la fuite. » |
- | — « Ah ! comme ça on se moque de nous, dit le chef qui gifla François et le jeta à terre. Attends ... », cela créa une surprise dans la pièce, | + | — « Ah ! comme ça on se moque de nous, dit le chef en giflant François qui tomba à terre. Attends ... », il jeta un regard effrayant autour |
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- | et il ramassa une corde sur le sol de la maison : avant de mettre François debout, en doa liammet daouarn Anna adrenv he c'hein. Alors il dit au chef de famille : « Le prêtre n'est pas ici ? Dis-nous alors où il est allé. ». — « Je vous le dirai pas — aucun prêtre ne m'a fait de mal, ni à toi non plus. Pourquoi je voudrais lui faire la guerre ?. » — « Dis-nous où est le prêtre, ou alors tu vas le regretter. » — « Je ne vous le dirai pas. » Alors sur l'ordre du chef, un feu fut allumé sous la bilig. François pensa que son heure était arrivée. | + | de lui et ramassa une corde qui e trouvait sur le sol de la maison : avant que François ait pu se mettre debout, il avait attaché les mains d'Anna derrière son dos. Alors il dit au chef de famille : « Le prêtre n'est plus ici ? Dis-nous alors où il est allé. ». — « Je vous le dirai pas — aucun prêtre ne m'a fait de mal, ni à toi non plus. Pourquoi veux-tu leur faire la guerre ?. » — « Dis-nous où est le prêtre, ou alors tu vas le regretter. » — « Je ne le dirai pas. » Alors sur l'ordre du chef, un feu fut allumé sous la billig. François pensa que sa dernière heure était arrivée. |
- | Cependant Dieu a tout pouvoir, et l'homme ne peut faire que ce qu'on le laisse faire. François lui faisait toute confiance. En entendant ses enfants pleurer, et en voyant sa femme dans un triste état, an daelou a deuaz en e zaoulagad. Lavaret a reaz ennan e-unan : « Vierge Marie, grit eur zell a druez ouzin. Regardez mes enfants, regardez Anna ! Que feront-ils après ma mort ? Ho polontez bezet great, o mon Dieu. Je suis content de mourir pour vous, mais regardez ces malheureux, regardez le prêtre. Notre Dame de Kerdevot, si je ne suis pas tué par ces loups, je vous donnerai les deux bœufs de ma crèche. » | + | Cependant Dieu est tout-puissant, et l'homme ne fait que ce qu'il lui laisse faire. François lui faisait la plus grande confiance. Entendant ses enfants pleurer, et voyant l'état pitoyable sa femme, les larmes lui vinrent aux yeux. Il dit en lui-même : « Vierge Marie, ayez pitié de moi. Regardez mes enfants, regardez Anna ! Que deviendront-ils après ma mort ? Que votre volonté soit faite, mon Dieu. Je suis prêt à mourir pour vous, mais protégez ces pauvres âmes, préservez le prêtre. Notre-Dame de Kerdevot, si je ne suis pas tué par ces loups, je vous donnerai les deux plus beaux bœufs de ma crèche. » |
- | Setu ma oue klevet eur vouez skrijuz o iouc'hal er pann all d'an ti : « <i>Eh bien ! citoyen</i>, dis-nous où est la laine noire, ou alors nous te mettons sur la billig rouge. » Fanch a reaz eur zell ouz Anna hag e vreg a lavaraz d'ezan : « Na falgaloun ket ; Doue da vel. » Avec force, François répondit : « Ici il n'y a pas de laine. » — « Si c'est comme ça » ; François est attrapé, ses mains liées dans le dos, et allongé sur la billig. Anna a bede kalounek, ar vugale a lenve forz eur ran-galoun oa o c'hlevet. | + | On entendit alors une voix effrayante hurler à l'autre bout de la maison : « <i>Eh bien ! citoyen</i>, dis-nous où est la bête noire, ou alors nous te mettons sur la billig rouge. » Fanch a reaz eur zell ouz Anna hag e vreg a lavaraz d'ezan : « Na falgaloun ket ; Doue da vel. » Avec force, François répondit : « Ici il n'y a pas de laine. » — « Si c'est comme ça » ; François est attrapé, ses mains liées dans le dos, et allongé sur la billig. Anna a bede kalounek, ar vugale a lenve forz eur ran-galoun oa o c'hlevet. |
- | À ce moment, le commis entra dans la maison. Quel surprise ! Moudra a ranke var e himor evit miret da zifen an hini a roe e vuez evitan. On ne lui laissa pas une minute pour réfléchir : il fut attrapé et ses pieds et ses mains liés. Ne c'hellaz miret da skuill daelou a levenez pa glevaz Fanch o lavaret : « Gloire à toi, mon Sauveur, soyez béni maintenant et de tout temps. Notre-Dame de Kerdévot, ayez pitié de moi », e zaoulagad a joume da bara ouz an nenv evel p'en divije guelet ar Verc'hez : el leac'h diskouez kaout poan, morse n'oa bel ken laouen ha ken | + | À ce moment, le commis entra dans la maison. Quel surprise ! Moudra a ranke var e himor evit miret da zifen an hini a roe e vuez evitan. On ne lui laissa pas une minute pour réfléchir : il fut attrapé, pieds et mains liés. Ne c'hellaz miret da skuill daelou a levenez pa glevaz Fanch o lavaret : « Gloire à toi, mon Sauveur, soyez béni maintenant et de tout temps. Notre-Dame de Kerdévot, ayez pitié de moi », e zaoulagad a joume da bara ouz an nenv evel p'en divije guelet ar Verc'hez : el leac'h diskouez kaout poan, morse n'oa bel ken laouen ha ken |
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- | chichan : lavaret e vije bet eno var eur guele plun. Les Républicains se regardent les uns les autres : morse n'o doa guelet kement all : el leac'h anaout eno dorn Doue, en em lakeont da gounnari hag ar mestr a reaz tenna Fanch divar ar billig en eur lavaret : « Hema en deuz eun dra benag dindan e zillad hag a vir ouz an tan d'hen devi. » | + | chichan : lavaret e vije bet eno var eur guele plun. Les Républicains se regardèrent les uns les autres : jamais on n'avait vu une telle chose : el leac'h anaout eno dorn Doue, en em lakeont da gounnari et le chef qui tenait François sur la billig dit alors : « Celui-là a quelque-chose sous ses habits et on va mettre le mettre à brûler sur le feu ». |
- | Fanch a zo divisket : ils n'avaient trouvé qu'un scapulaire (vêtement religieux). Tolet e oue adarre var ar billig, en noaz er veach-ma : ne c'houzanvaz poan ebed, kaer o devoue an dommerien ober tan. | + | François était serein : ils n'avaient trouvé sur lui qu'un scapulaire (vêtement religieux). Il fut jetté sur la billig, en grande difficulté cette fois : il se résignait sans peine, les chauffeurs se démenaient à faire du feu. |
« Le feu ne fera rien, dit le chef, mieux vaut le tabasser. Ils allaient frappé, quand l'un d'entre eux dit : « écoutez ». En fait on entendait des gens s'approcher, et faisant du bruit comme s'ils étaient très nombreux. « Les Chouans, dit l'un ». Ce mot rendit dingues les loups : ils se regardèrent les uns les autres, comme des déments : que faire : fuir, disparaître ? se dépécher ? Cependant le bruit se rapproche, se rappoche... galoper dehors dans la campagne, sans plus songer à donner la mort à François. | « Le feu ne fera rien, dit le chef, mieux vaut le tabasser. Ils allaient frappé, quand l'un d'entre eux dit : « écoutez ». En fait on entendait des gens s'approcher, et faisant du bruit comme s'ils étaient très nombreux. « Les Chouans, dit l'un ». Ce mot rendit dingues les loups : ils se regardèrent les uns les autres, comme des déments : que faire : fuir, disparaître ? se dépécher ? Cependant le bruit se rapproche, se rappoche... galoper dehors dans la campagne, sans plus songer à donner la mort à François. | ||
- | Un peu après, les Chouans étaient dans la maison, et ensuite François était tiré de la billig, le prêtre et Anna étaient déliées, et ils se sont tous mis à genoux en remerciement à Dieu et Notre-Dame de Kerdévot. | + | Un peu après, les Chouans étaient dans la maison, et ensuite François était tiré de la billig, le prêtre et Anna déliées, et ils se sont tous mis à genoux en remerciement à Dieu et Notre-Dame de Kerdévot. |
J.-L. Prigent <ref name=Prigent>{{PR-Prigent}}</ref>. | J.-L. Prigent <ref name=Prigent>{{PR-Prigent}}</ref>. | ||
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Version actuelle
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Une histoire racontée par Jean-Louis Prigent Autres lectures : « La vision de Déguignet sur les apports et méfaits de la Grande Révolution » ¤ « Kergoant, Kergoan » ¤ « 1794-1795 - Estimation et adjudication de la tenue de Ty Plouz » ¤ « 1790 - Les 50 pages du recensement de la population » ¤ « Alain Dumoulin, écrivain et recteur (1788-1791) » ¤ |
[modifier] 1 Présentation
L'histoire se passe à Kergoant, village situé au nord-est de la commune d'Ergué-Gabéric, en plein affrontement entre Chouans et Républicains lors de la Grande Révolution de 1789 :
Pourquoi les chauffeurs ? Parce que la technique de ces tortionnaires pour obtenir des aveux était de mettre leurs victimes sur les flammes d'un feu, du moins leurs pieds. Ici la couleur locale veut que le feu soit allumé dans la cheminée sous une « billig ruz » Ce qui étonne dans ce texte, c'est le fait que le journal catholique associe les chauffeurs aux révolutionnaires alors qu'ils étaient généralement perçus comme des sympathisants chouans. Annick Le Douguet a analysé les méfaits et procès des chauffeurs en Cornouaille dans la monographie « Langolen, chronique d'un village de Basse-Bretagne », Institut culturel de Bretagne, 1998, et l'article « Les Tommerien, redoutables hordes de chauffeurs, sèment la violence et la mort à Pleuven et à Clohars-Fouesnant », cc-paysfouesnantais.fr :
Ici le journaliste de « Feiz ha Breiz » présente les choses différemment : les chauffeurs sont dans le camp des révolutionnaires, et leur but est de terroriser les bons paroissiens et leurs anciens prêtres réfractaires. Qui sont d'une part les paroissiens impliqués dans cette histoire ? Tout d'abord le chef de famille de Kergoant : comme il est prénommé Fanch ou François, on pourrait penser qu'il s'agit de François Nédélec, né le 24/2/1777 à Pleuven, et marié le 12 février 1794 à Marie Marguerite Renée Seznec, et qui prit la sucesssion de son beau-père René à Kergoant. Mais dans l'histoire racontée par Jean-Louis Prigent son épouse est sensée se prénommée Anna, et non Marie Marguerite Renée comme à l'état civil. |
Il est question aussi d'un prénommé Per ou Pierre du village de Ty-Plous, dépendant de Kernaou, qui était en relation avec les Chouans basés dans le secteur de Briec. En 1790 à Typlous ce sont René Briand et François Le Floc'h, âgés respectivement de 45 et 28 ans, qui y habitaient. En enfin qui pouvait être le prêtre réfractaire qui s'était réfugié à Kergoant ? S'agissait-il du recteur lui-même, Alain Dumoulin exilé ensuite à Prague, ou l'un de ses vicaires ? Ou alors un prêtre d'une paroisse avoisinante ? Jean-Marie Déguignet avait signalé l'existence des chauffeurs dans ses mémoires : « Ce souvenir seul (de Robespierre) leur faisait peur, autant que les souvenirs des chouans et des chauffeurs (ann domerien) ». Et le paysan bas-breton signale aussi la pratique de la billig |
[modifier] 2 Transcription et traduction (en cours)
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[modifier] 3 Coupures de presse
Juin 1908 | |||||
[modifier] 4 Annotations
- Jean-Louis Prigent (1878-1962), prêtre du diocèse de Quimper, né à Guissény, ordonné en 1905, professeur à Saint-Yves Quimper ; 1906, hors diocèse ; 1907, vicaire à Briec ; 1926, chapelain de l'école du Sacré-Cœur de Lesneven ; 1933, recteur de Baye ; 1945, recteur de Lamber ; 1952, chapelain à Plouzané ; 1957, maison de Keraudren ; décédé le 9-03-1962. Publications : Miz Mari : eskobti Kemper ha Leon (Brest, Moullerez ru ar C'hastell, 1909). [Ref.↑ 1,0 1,1 1,2]
- « Feiz ha Breiz » est le premier journal hebdomadaire en langue bretonne, fondé en 1865 par le vicaire général Léopold-René de Léséleuc, sous la mandature de Mgr Sergent, et diffusé jusqu'en 1884, puis de 1899 à 1944, et enfin depuis 1945. De 1865 à 1883 la direction et rédaction furent assurées par Gabriel Morvan, puis par l'abbé Nédélec. En 1911, l'abbé Jean-Marie Perrot, rédacteur pour Feiz ha Breiz depuis 1902 en prend la direction jusqu'à sa mort en 1943. La revue Kroaz Breiz succéda de 1948 à 1950 à la revue Feiz ha Breiz, puis changea de nom pour s’appeler Bleun-Brug (1951-1984) quand elle commença à publier des articles en français. [Ref.↑]
- « Billig » , mot breton pillig, genre féminin, dont « billig » est la forme lénifiée après l'article défini « ar », soit « ar billig » : plaque circulaire en fonte, donc extrêmement lourde, utilisée pour réaliser et faire cuire une galette ou une crêpe. Cette plaque, d'un diamètre variant généralement entre 33 et 50 centimètres, étaient posée autrefois (avant l'apparition de l'électricité ou du gaz dans les campagnes bretonnes) sur un trépied métallique sous lequel on enserrait de petits fagots de bois secs enflammés. [Ref.↑ 3,0 3,1]
Thème de l'article : Coupures de presse relatant l'histoire et la mémoire d'Ergué-Gabéric Date de création : octobre 2012 Dernière modification : 18.09.2019 Avancement : [Développé] |