Modèle:DéguignetJérusalem995 - GrandTerrier

Modèle:DéguignetJérusalem995

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Nous arrivions enfin en vue de Jérusalem. L'Arménien fit ralentir la marche pour nous montrer, du haut du coteau, les principaux monuments de la ville, puis nous fit voir l'endroit où les pèlerins s'arrêtent et descendent de cheval, ou de voiture, pour embrasser la terre et chanter ensuite le fameux cantique <i>Stantes erant pedes nostri in altrui tuis, Jerusalem</i>. C'est à partir de là, sans doute, que la folie attaque les pèlerins, comme le roi David qui entra en cette ville en sautant, en dansant, en se découvrant comme un fou, à la grande pitié de sa femme Mêchol. Voyant des pèlerins arriver derrière, l'Arménien nous montra une grande maison là-haut : « Voilà, dit-il, le couvent où tous ces pauvres moujiks russes vont demeurer pendant le séjour ici. Là, ils seront logés et nourris, chacun selon sa fortune. Il y a beaucoup parmi ces pèlerins qui travaillaient depuis dix, quinze et vingt ans pour ramasser de quoi faire ce voyage, et toutes ces économies qui ont coûté tant de travail et de privations vont rester là entre les mains des moines. Les catholiques ont aussi leur couvent ou leur hôtellerie là-bas, plus loin, sur le mont des Oliviers, où ils vont aussi se faire vider leurs bourses par les pères franciscains ; et nous autres Arméniens, nous avons nos moines exploiteurs, là-bas, sur le mont Sion. Ici, les prêtres et les moines sont tous des négociants, des marchands, des débitants, des mercantiles : ce sont leurs seules occupations et leurs seuls soucis. » Nous arrivions enfin en vue de Jérusalem. L'Arménien fit ralentir la marche pour nous montrer, du haut du coteau, les principaux monuments de la ville, puis nous fit voir l'endroit où les pèlerins s'arrêtent et descendent de cheval, ou de voiture, pour embrasser la terre et chanter ensuite le fameux cantique <i>Stantes erant pedes nostri in altrui tuis, Jerusalem</i>. C'est à partir de là, sans doute, que la folie attaque les pèlerins, comme le roi David qui entra en cette ville en sautant, en dansant, en se découvrant comme un fou, à la grande pitié de sa femme Mêchol. Voyant des pèlerins arriver derrière, l'Arménien nous montra une grande maison là-haut : « Voilà, dit-il, le couvent où tous ces pauvres moujiks russes vont demeurer pendant le séjour ici. Là, ils seront logés et nourris, chacun selon sa fortune. Il y a beaucoup parmi ces pèlerins qui travaillaient depuis dix, quinze et vingt ans pour ramasser de quoi faire ce voyage, et toutes ces économies qui ont coûté tant de travail et de privations vont rester là entre les mains des moines. Les catholiques ont aussi leur couvent ou leur hôtellerie là-bas, plus loin, sur le mont des Oliviers, où ils vont aussi se faire vider leurs bourses par les pères franciscains ; et nous autres Arméniens, nous avons nos moines exploiteurs, là-bas, sur le mont Sion. Ici, les prêtres et les moines sont tous des négociants, des marchands, des débitants, des mercantiles : ce sont leurs seules occupations et leurs seuls soucis. »
-Nous étions entrés en ville ; en passant, je remarquai des débits, des hôtels, avec des enseignes en toutes langues. Nous arrivons à la maison de notre hôte, où nous fûmes reçus avec le maître, notre guide, comme si nous eussions été ses propres enfants, par toute la famille qui parlait français mieux que nous. Comme on nous attendait sans doute, un grand dîner nous fut bientôt servi, le plus beau que j'ai eu dans ma vie. ...+Nous étions entrés en ville ; en passant, je remarquai des débits, des hôtels, avec des enseignes en toutes langues. Nous arrivons à la maison de notre hôte, où nous fûmes reçus avec le maître, notre guide, comme si nous eussions été ses propres enfants, par toute la famille qui parlait français mieux que nous. Comme on nous attendait sans doute, un grand dîner nous fut bientôt servi, le plus beau que j'ai eu dans ma vie. Nous fûmes obligés de goûter au moins douze mets différents. Mais, quoiqu'ils fussent délicieux, je trouvai qu'il y en avait dix de trop, moi qui n'avais l'habitude de manger qu'un seul mets, deux tout au plus. On nous fit boire du vin de Jéricho, pays si célèbre dans les légendes juives, mais on voulut aussi nous faire goûter du vin de France, du bordeaux et du champagne. Le maître nous dit en riant qu'il pouvait bien nous régaler puisque c'était nous, les soldats français et turcs, qui lui avions fait gagner tout ça. Après ce luxueux dîner, qui pour moi dura trop longtemps, notre hôte nous donna un guide, un excellent <i>cicerone</i> pour nous conduire où nous désirions. Moi qui connaissais la Jérusalem biblique, je dis à notre bon « tchichéroné », comme disent les Italiens, que je désirais d'abord voir cette fameuse montagne des Oliviers, où furent arrêtés le 22 mars an 33, douze bandits galiléens avec leur chef, à minuit, cuvant leur vin. Nous nous dirigeâmes de ce côté. Mais il nous était difficile de marcher dans ces rues remplis de pèlerins, tous suivis, ou plutôt poursuivis, par une foule de gamins et même de grands gaillards les forçant pour ainsi dire à leur acheter des bibelots de toutes sortes : des mouchoirs avec des dessins représentant différentes scènes de la Passion, des images, des gravures, des chapelets fabriqués avec des morceaux de la vraie croix, de petits morceaux de bois de la même provenance, des morceaux d'étoffes provenant de la robe rouge du chef crucifié, des petits cailloux provenant de la grotte de Gethsémani, etc., etc. Heureusement, notre guide qui connaissait ces fourberies, et les individus qui les pratiquaient en ce moment, eut soin de les éloigner de nous, quoique nous devions leur paraître deux bonnes proies, étant si bien habillés.
-Nous pûmes ainsi nous échapper ...+Nous pûmes ainsi nous échapper des mains de ces mercantiles fraudeurs, et arriver enfin, en passant par le torrent de Cédron, à ce fameux Jardins des Oliviers, que j'aurais nommé plutôt un jardin potager. Car les franciscains ...
Nous ne restâmes pas longtemps là du reste ... Nous ne restâmes pas longtemps là du reste ...

Version du 22 mai ~ mae 2018 à 10:11

Le Ramaleh n'est qu'un pauvre village, mais il y a un grand couvent, ou plutôt une grande hôtellerie, établie là par les bons moines franciscains pour exploiter les pèlerins. On conserve toujours dans ce couvent un petit lit dans lequel Bonaparte, durant son expédition d'Egypte, avait couché une nuit. Les moines qui lui donnèrent l'hospitalité furent tous massacrés le lendemain, ce qui n'a pas empêché leurs successeurs de montrer depuis, avec orgueil, ce lit historique [1]. Rameleh est l'ancienne Arimathie, patrie de Joseph et de Nicodème, ces deux grands juifs de la secte des pharisiens, que Jean, le quatrième évangéliste - ou le quatrième menteur - fait intervenir sottement dans l'embaumement et l'ensevelissement de son cher Maître. C'est aussi près de Rameleh que naquirent les deux larrons, ou les deux petits bandits, qui furent crucifiés avec le grand bandit de Nazareth : les chrétiens ont même bâti une église en cet endroit en l'honneur de ces deux malfaiteurs, qui méritaient sans doute autant cet honneur que le voleur de cochons de Génézareth et tous ses compagnons, en l'honneur desquels on a bâti des millions d'églises.

Nous couchâmes à Rameleh, mais pas dans l'hôtellerie des moines, mais chez un juif que notre guide connaissait. Le lendemain, nous nous mîmes en route de bonne heure pour éviter l'encombrement, la chaleur et la poussière. Jusqu'à Rameleh et un peu au-delà, le pays était beau, des montagnes vertes, des arbres, des arbustes, des plantes, des jardins, des champs de blé : c'était la Galilée, nous disait notre guide. Mais bientôt, nous entrâmes dans la Judée, pays qui fut donné aux enfants de Juda par le sauvage Josué lorsque, avec l'aide de l’Éternel, il détruisit trente-et-un peuples avec leurs rois à la fameuse bataille de Gabaon, où le dieu d'Abraham jeta du haut du ciel des rochers pour écraser les fuyards, et fit arrêter le soleil et la lune pour donner à Josué le temps d'exterminer ces peuples jusqu'au dernier. Dans le partage de ces trente-et-un royaumes qui fut fait entre les neuf tribus des enfants d'Israël, les descendants de Juda, auxquels Jacob en mourant avait promis la domination éternelle sur les autres tribus, et même sur tous les peuples de la terre, eurent certainement le plus mauvais lot. Car il n'est pas possible de voir un plus triste pays que cette Judée, où on ne voit que des montagnes brûlées, des anciens volcans qui de loin ressemblent à des taupinières roussies. Avec cela, une atmosphère lourde et rougeâtre qui vous trouble. C'est bien le pays de la désolation et de l'abomination dont parle le prophète.

Renan a dit que c'est la vue de ces montagnes désolées et la lourdeur de l’atmosphère qui troublent l'intelligence des pèlerins et leur font voir les choses à Jérusalem, non telles qu'elles sont, mais telles qu'ils doivent les voir avec les yeux de la foi aveugle. Ce qui fait qu'on voit encore de nos jours des sottises et des absurdités aussi grossières que celles de la Bible et des Évangiles écrites par des pèlerins, même soi-disant savants, au sujet de ce pays.

Nous arrivions enfin en vue de Jérusalem. L'Arménien fit ralentir la marche pour nous montrer, du haut du coteau, les principaux monuments de la ville, puis nous fit voir l'endroit où les pèlerins s'arrêtent et descendent de cheval, ou de voiture, pour embrasser la terre et chanter ensuite le fameux cantique Stantes erant pedes nostri in altrui tuis, Jerusalem. C'est à partir de là, sans doute, que la folie attaque les pèlerins, comme le roi David qui entra en cette ville en sautant, en dansant, en se découvrant comme un fou, à la grande pitié de sa femme Mêchol. Voyant des pèlerins arriver derrière, l'Arménien nous montra une grande maison là-haut : « Voilà, dit-il, le couvent où tous ces pauvres moujiks russes vont demeurer pendant le séjour ici. Là, ils seront logés et nourris, chacun selon sa fortune. Il y a beaucoup parmi ces pèlerins qui travaillaient depuis dix, quinze et vingt ans pour ramasser de quoi faire ce voyage, et toutes ces économies qui ont coûté tant de travail et de privations vont rester là entre les mains des moines. Les catholiques ont aussi leur couvent ou leur hôtellerie là-bas, plus loin, sur le mont des Oliviers, où ils vont aussi se faire vider leurs bourses par les pères franciscains ; et nous autres Arméniens, nous avons nos moines exploiteurs, là-bas, sur le mont Sion. Ici, les prêtres et les moines sont tous des négociants, des marchands, des débitants, des mercantiles : ce sont leurs seules occupations et leurs seuls soucis. »

Nous étions entrés en ville ; en passant, je remarquai des débits, des hôtels, avec des enseignes en toutes langues. Nous arrivons à la maison de notre hôte, où nous fûmes reçus avec le maître, notre guide, comme si nous eussions été ses propres enfants, par toute la famille qui parlait français mieux que nous. Comme on nous attendait sans doute, un grand dîner nous fut bientôt servi, le plus beau que j'ai eu dans ma vie. Nous fûmes obligés de goûter au moins douze mets différents. Mais, quoiqu'ils fussent délicieux, je trouvai qu'il y en avait dix de trop, moi qui n'avais l'habitude de manger qu'un seul mets, deux tout au plus. On nous fit boire du vin de Jéricho, pays si célèbre dans les légendes juives, mais on voulut aussi nous faire goûter du vin de France, du bordeaux et du champagne. Le maître nous dit en riant qu'il pouvait bien nous régaler puisque c'était nous, les soldats français et turcs, qui lui avions fait gagner tout ça. Après ce luxueux dîner, qui pour moi dura trop longtemps, notre hôte nous donna un guide, un excellent cicerone pour nous conduire où nous désirions. Moi qui connaissais la Jérusalem biblique, je dis à notre bon « tchichéroné », comme disent les Italiens, que je désirais d'abord voir cette fameuse montagne des Oliviers, où furent arrêtés le 22 mars an 33, douze bandits galiléens avec leur chef, à minuit, cuvant leur vin. Nous nous dirigeâmes de ce côté. Mais il nous était difficile de marcher dans ces rues remplis de pèlerins, tous suivis, ou plutôt poursuivis, par une foule de gamins et même de grands gaillards les forçant pour ainsi dire à leur acheter des bibelots de toutes sortes : des mouchoirs avec des dessins représentant différentes scènes de la Passion, des images, des gravures, des chapelets fabriqués avec des morceaux de la vraie croix, de petits morceaux de bois de la même provenance, des morceaux d'étoffes provenant de la robe rouge du chef crucifié, des petits cailloux provenant de la grotte de Gethsémani, etc., etc. Heureusement, notre guide qui connaissait ces fourberies, et les individus qui les pratiquaient en ce moment, eut soin de les éloigner de nous, quoique nous devions leur paraître deux bonnes proies, étant si bien habillés.

Nous pûmes ainsi nous échapper des mains de ces mercantiles fraudeurs, et arriver enfin, en passant par le torrent de Cédron, à ce fameux Jardins des Oliviers, que j'aurais nommé plutôt un jardin potager. Car les franciscains ...

Nous ne restâmes pas longtemps là du reste ...

Enfin, en peu de temps, nous avions vu à Jérusalem ...

Quand nous arrivâmes à la maison ...

Nous causâmes longtemps avant de nous endormir ...

Lorsque je me fus endormi, les compagnons de Morphée - les songes - vinrent ...

Quand les songes eurent encore fait défiler devant ma mémoire l'histoire vraie de cette triste ville, je me réveillai, et comme j'avais chaud, je me levai pour aller prendre l'air sur le balcon. En ouvrant la porte, si je n'eusse pas su que j'étais à Jérusalem et au printemps, et qu'il faisait très chaud, j'aurais cru qu'il était tombé de la neige depuis la veille, car toutes ces maisons à couvertures plates et blanchies à la chaux présentaient fort bien un tableau à effet de neige. Je me mis à regarder le ciel et les étoiles, et de suite, il me vint à l'idée des paroles dites à Abraham après le sacrifice d'Isaac par cet imbécile Éternel : « Je te bénirai certainement, et je multiplierai ta postérité comme les étoiles ». Alors, la postérité de ce sauvage du désert n'aurait pas été bien nombreuse, puisqu'on ne peut voir au ciel, à l’œil nu, que quatre mille huit cents étoiles ... Je suis certain que ce dieu ignorant et sauvage des juifs n'avait pas de télescopes ! Pendant que j'étais à considérer les étoiles, et à philosopher sur les idioties bibliques, le jour était arrivé, presque tout d'un coup. Je rentre vivement pour m'habiller ; mon camarade était réveillé aussi. Nous remîmes les couvertures sur les lits, et causâmes un instant avant de descendre. Ce qui m'embêtait, là, parmi ces gens, c'était l'obligation de subir un tas de cérémonies et toutes sortes de politesses en usage dans ce pays, et auxquelles nous autres pauvres paysans d'occident ne comprenions rien. Ce qui faisait que nous étions là comme deux idiots au milieu d'une société éclairée et bien élevée. Nous nous rattrapions après en répétant le proverbe populaire : « Trop polis pour être honnêtes ». S'il est vrai, comme on dit, que les Arméniens sont les plus grands voleurs du monde, il faut bien qu'ils soient les plus polis. Nous étions obligés de subir ces cérémonies et ces compliments sans pouvoir y répondre, que par des oui et des non.