Vente à Paris : Bibliothèque Littéraire Gwenn-Aël Bolloré - GrandTerrier

Vente à Paris : Bibliothèque Littéraire Gwenn-Aël Bolloré

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Vente à Paris : Bibliothèque Littéraire Gwenn-Aël Bolloré

À LA GALERIE CHARPENTIER
76 rue du Faubourg Saint-Honoré- 75008 Paris
LE MARDI 12 FÉVRIER 2002

BIBLIOTHÈQUE LITTÉRAIRE
GWENN-AËL BOLLORÉ

La première vente de l’année 2002 chez Sotheby’s à Paris sera consacrée à la dispersion d’une remarquable bibliothèque littéraire, celle de l’industriel, éditeur, écrivain et grand résistant que fut Gwenn-Aël Bolloré.

Né en 1925, Gwenn-Aël Bolloré est le dernier fils d’une famille de quatre enfants. René, Jacqueline et Michel le précèdent. Les Bolloré sont installés depuis 1822 non loin de Quimper. Le manoir ancien, niché au fond d’un cratère végétal baigné par un Odet encore torrentueux, est entouré de moulins à papier, de logements ouvriers et d’une jolie chapelle bretonne. Les Papeteries Bolloré y inventèrent le papier fin qui eut des emplois célèbres dans les publications religieuses des éditions Mame, dans la Bibliothèque de la Pléiade, dans l’industrie des isolants électriques ou auprès des rouleurs de cigarettes du monde entier. Gwenn-Aël Bolloré en fut le vice-président.

Sa vie fut guidée par le courage et l’intrépidité. En mars 1943, âgé de dix-sept ans, il quitte à la voile, dans des condition héroïques, sa Bretagne natale occupée par les Allemands pour gagner l’Angleterre où il retrouve son frère René. Il s’engagera dans un régiment britannique de commandos et fera partie du bataillon de 177 Français sous les ordres du commandant Kieffer, les premiers Français à débarquer sur le sol de la patrie, à Ouistreham, le 6 juin 1944.

Par leur métier, les Bolloré furent proches des livres et ils les collectionnèrent avec passion. Gwenn-Aël Bolloré raconte dans ses Mémoires parallèles ses rencontres avec les grands libraires parisiens dont Henri Matarasso, rue de Seine. Il se passionne alors pour l’avant-garde artistique et littéraire et plus particulièrement pour la poésie d’Henri Michaux. Très actif dans le Paris littéraire de l’après-guerre, il coédite en 1953 L’Arrache-Coeur de Boris Vian. Surtout, il prendra une large participation dans la maison d’édition ‘La Table Ronde’, ainsi baptisée par Jean Cocteau. Dans les années cinquante se cristallise autour de La Table Ronde un talentueux groupe d’écrivains connu sous le nom de Hussards et dont le plus célèbre est Roger Nimier.

Au début des années soixante, il se tourne avec la même fougue vers l’océanographie, à laquelle il consacre un musée pour abriter ses collections (Musée océanographique de l’Odet), et organise des expéditions dans les mers lointaines, poursuivant sa vie d’aventure. Il pêche dans l’Océan Indien un coelacanthe, poisson fossile des profondeurs, avec le Pr Anthony et découvre un crabe inconnu qui porte aujourd’hui son nom. Il fut correspondant du Museum d’histoire naturelle.

LES LIVRES DE LA BIBLIOTHÈQUE DE GWENN-AËL BOLLORÉ

La collection témoigne des multiples activités et talents de Gwenn-Aël Bolloré, et porte la trace de ses liens directs avec de fécondes mouvances littéraires des années 1950. Citons quelques pièces majeures : parmi un ensemble considérable d’oeuvres de Henri Michaux, quinze pages exceptionnelles d’écriture autographe dite ‘mescalinienne’ ; l’imposant manuscrit autographe du roman de Céline, Nord ; un carnet de poèmes autographes d’André Breton ; Les Chants de Maldoror illustrés par Salvador Dali et accompagnés de 27 dessins originaux de l’artiste et de rares manuscrits autographes de Roger Nimier. Dès 1949, Gwenn-Aël Bolloré commença à faire exécuter des reliures d’art par des créateurs parisiens. Le plus remarquable fut Henri Mercher qui réalisa pour lui près de 60 reliures. C’était le plus inventif des praticiens alors en activité, à la fois pour la création des décors et pour leur facture. Aux côtés de quelques reliures importantes, on trouve surtout des reliures plus simples Dali-Lautréamont, Les Chants de Maldoror pour lesquelles Mercher avait conçu une technique particulière lui permettant de monter des plats de matériaux nouveaux, comme le plexiglas. Certains ouvrages, reliés en peau de saumon de l’Odet traitée par les soins du collectionneur ajoutent une touche d’originalité.

La collection comprend cinq parties bien identifiables qui se retrouveront dans la composition de la vente : La littérature d’avant 1945 ; Henri Michaux ; Rencontres de l’après-guerre ; Le manuscrit de Céline : Nord ; Le groupe des Hussards.

La littérature d’avant 1945

Il s’agit d’un ensemble de livres acquis selon des choix littéraires ou en raison de goûts esthétiques. Le manuscrit du Mendiant Ingrat de Léon Bloy est d’une importance capitale pour comprendre la personnalité de cet écrivain et la vigueur du style de ce grand pamphlétaire catholique (estimation : 45 000 / 60 000 euros). Deux carnets de voyage manuscrits de Max Jacob rattachent la collection à la ville de Quimper où il naquit, et où il se lia dans sa jeunesse avec le père et l’oncle du collectionneur (estimation : 6 000 / 9 000 euros chacun). Le surréalisme est représenté notamment par un carnet manuscrit de dix-sept poèmes écrits par le jeune André Breton vers 1915-1916 qui appartiendra par la suite à Paul Eluard (estimation : 30 000 /45 000 euros). Mais le joyau de cette première partie de vente sera Les Chants de Maldoror de Lautréamont, illustrés par Salvador Dali en 1934, et reliés magnifiquement par Paul Bonet en 1948. Ce livre est reconnu comme le plus grand livre illustré surréaliste. L’exemplaire est enrichi de vingt-sept dessins originaux au crayon ou à l’encre, et de douze épreuves supplémentaires des gravures signées et datées par l’artiste. Les Chants de Maldoror appartiennent à la grande période créatrice de Salvador Dali, celle de la paranoïa-critique (estimation : 220 000 / 380 000 euros).

Henri Michaux

Le champ de collection qui a sans doute le plus passionné Gwenn-Aël Bolloré fut les oeuvres d’Henri Michaux (1899-1984) et la vente d’un tel ensemble constitue un événement de première importance. Né en Belgique puis naturalisé français, Michaux s'impose aujourd'hui comme un poète d'une rare puissance : il réinventa le récit de voyage (Ecuador et Un barbare en Asie dans les années 20), ne recula pas devant le lyrisme (La Vie dans les plis en 1948) et défricha de nouveaux territoires poétiques au-delà des mots, par sa peinture ou ses expériences quasi-scientifiques sur les drogues.

La collection de Gwenn-Aël Bolloré qui édita un des recueils du poète, Veille, comporte 64 ouvrages de Michaux, l'auteur le mieux représenté de cette collection. Henri Michaux séjourna au manoir d'Odet et écrivit à propos de ses frondaisons de rhododendrons : ‘c'est la première fois que je prends la végétation européenne en considération’. Il visita l'archipel de Glénan à bord du voilier de Gwenn-Aël Bolloré et le décrivit comme ‘un paysage de commencement du monde’. La pièce la plus importante de cette section est constituée de quinze pages d’écriture dite ‘mescalinienne’ (estimation : 60 000 / 90 000 euros), que Michaux composa directement sous l’emprise de la mescaline, stupéfiant hallucinogène qui fait glisser chaque mot tracé vers une ébauche de dessin. Ces pages, ‘moins lisibles que sensibles’, et l’expérience qui les fonde, sont commentées par Henri Michaux lui-même dans son ouvrage Misérable miracle, publié en 1956, où elles sont reproduites. Aussi leur statut révolutionne-t-il le rapport d'une oeuvre accomplie et de son geste graphique originel.

Rencontres de l’après-guerre

Dans cette rubrique s’inscrivent les auteurs que Gwenn-Aël Bolloré a rencontrés et avec lesquels il a entretenu des relations amicales dont témoignent de chaleureux envois très personnalisés. Il s’agit véritablement de rencontres littéraires. Les pièces de théâtre de Jean Anouilh, les poèmes de Léo Ferré, les romans d’Alphonse Boudard ou les pamphlets provocants de son voisin breton Jean-Edern Hallier donnent à cette partie une forte connotation personnelle.

Le manuscrit de Céline : Nord

La pièce de la vente promise au retentissement le plus éclatant sera certainement le superbe manuscrit autographe de Louis-Ferdinand Céline, Nord, dont Gwenn-Aël Bolloré raconte l’acquisition dans ses Mémoires parallèles. Divisées en quatre volumes audacieusement reliés par Mercher à l’instigation de Gwenn-Aël Bolloré lui-même, ces 1565 pages constituent le seul manuscrit connu de cet ouvrage. A sa publication en 1960, soit un an avant la mort de Céline, Nord rappela l’incontestable génie stylistique de Céline à la critique littéraire qui accueillit l’oeuvre comme le meilleur livre de son auteur depuis Voyage au bout de la nuit. Roger Nimier joua un rôle important dans le retour de Céline sur la scène littéraire et déclara : ‘Céline se veut chroniqueur mais il décrit l'Allemagne de la débâcle comme Dante visitait les cercles de son Enfer’. C’est ce que Céline appela son ‘épopée foireuse’ (estimation : 400 000 / 600 000 euros).

Le groupe des Hussards

Ce sera sans aucun doute la partie la plus novatrice de la bibliothèque littéraire de Gwenn-Aël Bolloré tant la notoriété d’Antoine Blondin et de Roger Nimier s’est accrue dans les dernières années. Ils font maintenant figure de héros romantiques, entourés d’une aura nostalgique. Les Hussards sont un groupe de quatre écrivains : Roger Nimier, Antoine Blondin, Jacques Laurent (également connu comme auteur de Caroline chérie sous le pseudonyme de Cecil Saint-Laurent) et Michel Déon, désormais membre de l’Académie française. Le surnom de ‘Hussards’ leur a été donné par Bernard Frank dans un article des Temps modernes en 1952. Frank voulait trouver un terme qui suggère leur vivacité, leur combativité et leur élégance. Il ne pensait pas définir une école littéraire, mais le terme s’est imposé. Les Hussards étaient surtout réunis par un tempérament aristocratique et frondeur, et par quelques refus : refus du roman à thèse, refus de l’engagement littéraire tel que l’imposaient les figures de Camus et de Sartre, refus d’une certaine morosité qui marquait encore les consciences de l’après-guerre. Appréciant les Aston-Martin et les jolies femmes, ils se plaçaient dans la continuité littéraire de Paul Morand. La bibliothèque Gwenn-Aël Bolloré comporte trois manuscrits de Roger Nimier, connus pour leur rareté, dont le splendide ensemble du roman Les Enfants tristes (estimation : 50 000 / 60 000 euros).

Constituée de 243 lots, la collection est estimée de 1 050 000 à 1 600 000 Euros

EXPOSITIONS A PARIS

Sotheby’s, Galerie Charpentier
76 rue du Faubourg Saint-Honoré, 75008 Paris
Jeudi 7 février de 14h à 18hVendredi 8 février et lundi 11 février de 10h à 18h
A QUIMPER Lundi 21 janvier de 10h à 17hà la Bibliothèque Municipale de Quimper
Place Toul al Laer29000 Quimper
Pour tout renseignement et photographies, veuillez contacter
Marie-Odile Deutsch et Sophie Dufresne Service de presse de Sotheby’s à Paristél. 33 (0)1 53 05 53 66 - fax 33 (0)1 53 05 52 08


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