Une procession pour le retour des crucifix, Le Progrès du Finistère 1907 - GrandTerrier

Une procession pour le retour des crucifix, Le Progrès du Finistère 1907

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Catégorie : Journaux
Site : GrandTerrier

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§ E.D.F.

Autres lectures : « 1906 - Gwerz de l'Inventaire des biens de l'Eglise à Ergué-Gabéric * » ¤ « La fête des 25 ans de la fondation des écoles laïques, Le Finistère 1907 » ¤ « Reportage sur l'expulsion des soeurs blanches, L'Ouest-Eclair 1902 » ¤ « 1906 - Inventaire au Bourg et à Kerdévot par la gendarmerie » ¤ « 1902 - Documents sur la fermeture de l'école Notre-Dame de Kerdévot » ¤ « 1902 - Témoignage de JM Déguignet sur la fermeture de l'école ND de Kerdévot » ¤ « 1911 - Pétition des électeurs pour le maintien d'une religieuse du St-Esprit  » ¤ 

[modifier] 1 Présentation

Nous avons déjà publié des coupures de presse relatant la fermeture de l'école des religieuses du St-Esprit dès 1902, une carte postale d'un gendarme qui intervient en 1906 pour forcer les portes de l'église afin de procéder à l'inventaire des biens de l'Eglise, une complainte de protestation ou gwerz écrite en langue bretonne par la communauté catholique locale, les mémoires laïques, républicaines et anti-cléricales de Jean-Marie Déguignet, mais nous n'avions pas encore noté la ferveur religieuse autour du retour des crucifix dans l'église paroissiale qui eut lieu en 1907.

L'évènement est relaté dans un article du Progrès de Finistère [1] daté du 29 mai 1907, sous la forme du témoignage d'un paroissien d'Ergué-Gabéric qui signe anonymement « Un Erguéen ». Derrière cette signature pourrait se cacher Jean-Marie Nédélec [2] de Saint-Joachim, le grand fabricien qui témoigne également longuement sur les événements de février-mars 1906 dans la « Gwerz de l'Inventaire ». Ici les ennemis sont les mêmes : « Personne n'ignore que, par suite des mesures prises par notre gouvernement sectaire et maçonnique, les crucifix ont été enlevés des écoles, des mairies et des tribunaux ».

En fait les crucifix en question furent confisqués au moment de la fermeture de l'école des filles, et en 1907 leur réintégration dans l'église est autorisée. Les paroissiens vinrent nombreux au bourg pour la manifestation religieuse : « Dès mon arrivée au bourg, une foule compacte circulait déjà autour de l'église. Le son de la cloche annonce que les vêpres vont commencer ; on se presse d'entrer dans l'enceinte, car l'église quoique vaste, ne pourra contenir toutes les personnes présentes ... ».

Une tristesse est notée lors de la procession car « la vraie place de ces emblèmes n'est point dans ce lieu saint, mais bien dans les classes sous les yeux des enfants ». Et plus particulièrement à l'école privée de filles Notre-Dame de Kerdévot qui était tenue par la Congrégation du Saint-Esprit et qui fut fermée dès 1902.

Devant la menace d'une nouvelle action laïque et anti-cléricale, le ton du paroissien est menaçant : « Les temps ont changé, certes, mais le cœur des Erguéens est resté le même, on les trouvera constamment sur la brèche, pour la défense de leur foi et de leurs intérêts religieux. (Quand on nous dira) que la Foi est morte, de cent poitrine sortira ce cri, celui de tout breton catholique : " plutôt mourir que de faillir " [3]».

 
Croix et 6 chandeliers d'Ergué-Gabéric, objets classés Monuments Historiques en 1954, photographiés en 1994 par le photographe Jos de Chateaulin
Croix et 6 chandeliers d'Ergué-Gabéric, objets classés Monuments Historiques en 1954, photographiés en 1994 par le photographe Jos de Chateaulin

Nota : Avant l'enlèvement des crucifix des écoles dans le cadre de la loi de Séparation des Églises et de l’État en 1905, le Parlement de 1880 avait déjà demandé la suppression des crucifix placés dans les salles d'audience des tribunaux. Ce qui fait qu'aujourd'hui, dans l'église paroissiale St-Guinal, est exposé un crucifix enlevé d'un tribunal sur ordre des autorités républicaines en 1880-90 et rétrocédé en 2009 sous forme de don à la paroisse par une ancienne famille quimpéroise et gabéricoise.


[modifier] 2 Transcription

Nouvelles départementales.

Ergue-Gabéric. Manifestation religieuse.

- Nous recevons la communication suivante :

« Personne n'ignore que, par suite des mesures prises par notre gouvernement sectaire et maçonnique, les crucifix ont été enlevés des écoles, des mairies et des tribunaux.

Les emblèmes religieux de la commune d'Ergué-Gabéric ont eu le même sort que ceux d'ailleurs ; depuis longtemps déjà, ils reposaient à la mairie attendant leur transfert à l'église.

Ce retard n'a été causé que par suite de la maladie de notre vénéré recteur [4] ; - maintenant, complètement guéri, il a trouvé le moment opportun de faire la procession de réparation.

C'était dimanche dernier, à l'issue des vêpres.

Comme tous les autres habitants de la paroisse, je ne pouvais manquer à cette belle manifestation de foi et de piété.

Dès mon arrivée au bourg, une foule compacte circulait déjà autour de l'église.

Le son de la cloche annonce que les vêpres vont commencer ; on se presse d'entrer dans l'enceinte, car l'église quoique vaste, ne pourra contenir toutes les personnes présentes ; bon nombre, en effet, ont dû écouter les vêpres aux abords du lieu saint.

Le grand orgue a été tenu avec maîtrise par M. Charuel, notre très sympathique conseiller municipal, à qui il me sera permis d'adresser ici tous mes compliments.

 

Les vêpres finies, M. le Recteur [4] nous rappelle que la procession va sortir. L'église se vide peu à peu. En tête de la procession, défilent les filles de l'école libre ; quatre d'entre elles portent un brancard, sur lequel repose un coussin recouvert de drap rouge, avec franges d'or, où doivent être déposés les emblèmes religieux ; viennent ensuite les enfants des écoles communales, puis le clergé, le Conseil municipal et la foule.

L'assistance est recueillie, silencieuse et émue, bon nombre de femmes sèchent leurs larmes et l'on peut voir sur toutes les figures, d'habitude si radieuses, une grande tristesse et un sentiment de profond respect.

La bénédiction du Saint-Sacrement clôt cette splendide manifestation.

À la sortie de l'église, j'ai pu entendre ces paroles qui ont retenti tristement à mes oreilles : " La vraie place de ces emblèmes n'est point dans ce lieu saint, mais bien dans les classes sous les yeux des enfants, là où ils étaient au moment où je fréquentais l'école ".

Oui, leur vraie place est là, sous les yeux des enfants, et je me rappelle aussi, il y a de ça quelque 15 ans, nous nous prosternions humblement, mes camarades et moi, à chaque entrée en classe, devant ce Crucifix, symbole de notre foi et de notre amour pour Dieu.

Les temps ont changé, certes, mais le cœur des Erguéens est resté le même, on les trouvera constamment sur la brèche, pour la défense de leur foi et de leurs intérêts religieux.

En y assistant, je crois avoir rempli mon devoir de catholique, et quand les Jouy [5] et autres sycophantes [6] viendront, par un organe immonde, nous répéter que la Foi est morte, de cent poitrine sortira ce cri, celui de tout breton catholique : Plutôt mourir que de faillir [3].

Un Erguéen.

[modifier] 3 Coupures de presse


[modifier] 4 Annotations

  1. L'hebdomadaire « Le Progrès du Finistère », journal catholique de combat, est fondé en 1907 à Quimper par l'abbé François Cornou qui en assurera la direction jusqu'à sa mort en 1930. Ce dernier, qui signe tantôt de son nom F. Cornou, tantôt de son pseudonyme F. Goyen, ardent et habile polémiste, doté d'une vaste culture littéraire et scientifique, se verra aussi confier par l'évêque la « Semaine Religieuse de Quimper ». [Ref.↑]
  2. Jean-Marie Nédélec, habitant Saint Joachim, était né le 13 Novembre 1857. Il était le grand fabricien de la paroisse. Il décédera le 2 avril 1942. Nous lisons dans le Registre-Journal tenu par l'Abbé Gustave Guéguen, recteur d'Ergué-Gabéric, à la date du 2 avril 1942 : « Décès à Saint-Joachim du vénérable Jean Marie Nédélec, président du Conseil paroissial, âgé de 85 ans (même année que Mgr Duparc, 1885), et membre du Conseil depuis le décès de son père. L'enterrement a été célébré le dimanche de Pâques, au milieu d'une foule immense de la paroisse et des alentours ». [Ref.↑]
  3. Allusion à la devise « Plutôt la mort que la souillure » attachée à la légende de l'hermine d'Anne de Bretagne. [Ref.↑ 3,0 3,1]
  4. Jean Hascoët fut recteur d'Ergué-Gabéric de 1897 à 1909. [Ref.↑ 4,0 4,1]
  5. Jules Jouy (1855-1897) est un goguettier, poète et chansonnier montmartrois, enterré au cimetière du Père-Lachaise. En septembre 1878, il collabore au journal Le Sans-culotte, fondé par le dessinateur Alfred Le Petit, organe de presse républicain virulent, militant pour l'amnistie des communards et combattant le cléricalisme. Source : Wikipedia. [Ref.↑]
  6. Sycophante, subst. masc. : Hist. [Dans la Grèce antique, à Athènes] Dénonciateur professionnel qui assignait en justice des citoyens riches afin d'obtenir une part de leurs biens s'ils étaient condamnés. [Ref.↑]


Thème de l'article : Coupures de presse relatant l'histoire et la mémoire d'Ergué-Gabéric

Date de création : Juillet 2012    Dernière modification : 3.08.2012    Avancement : Image:Bullgreen.gif [Fignolé]