Une chanson satirique en breton contre les aérostats en 1800 - GrandTerrier

Une chanson satirique en breton contre les aérostats en 1800

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-Mais pourquoi donc s'insurge-t-il avec autant de fougue contre l'expérimentation des Mongolfier.+Mais pourquoi donc s'insurge-t-il avec autant de fougue contre l'expérimentation des Mongolfier d'Annonay (pays du Vivarais, au nord de l'Ardèche) ?
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 +Alain Dumoulin était enseignant au petit séminaire de Plouguernevel, puis recteur de la paroisse d'Ergué-Gabéric en 1787, et, s'opposant fermement contre la Constitution civile du clergé, il dut s'exiler en 1792, d'abord à Liège en Belgique, puis à Prague.
 +Et là dans la capitale de la Bohème, il composa une grammaire latine et bretonne, dans laquelle il annexa quelques textes profanes pour donner des exemples de textes en langue bretonne, traduits en latin.
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 +vous ne serez aujourd'hui sans savoir que tous ceux qui ont été en ballon se sont cassés le cou). Bernez Rouz, dans son opuscule « <i>Alain Dumoulin. Un recteur breton dans la tourmente révolutionnaire</i> », a proposé une traduction française du texte breton, avec son refrain et ses trois couplets.
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 +Comment Dumoulin a-t-il eu vent des essais de ces aérostats, dont le premier eut lieu place des Cordeliers à Annonay, pays des frères Montgolfier, le 4 juin 1783 ? Puis le 19 septembre de la même année, un coq, un mouton et un canard firent l'expérience du premier vol habité à Versailles devant le roi Louis XVI, leur ballon s'est envolé jusqu'à 480 mètres. Le 19 octobre à la Folie Titon, aujourd'hui située rue de Montreuil à Paris, à l'époque encore bourg de Saint-Antoine, le premier vol humain eut lieu, effectué par Jean-Baptiste Réveillon, Jean-François Pilâtre de Rozier et Giroud de Villette. Le ballon est alors captif, c'est-à-dire relié au sol par un cordage (plus tard un câble métallique).
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 +Cette même année 1783 des expérimentations eurent lieu également à Nantes. Le 14 juin 1784, un ballon baptisé « <i>Le Suffren</i> » prit l'air avec à son bord le chevalier Coustard de Massy, né à Nantes en 1734, et le père Mouchet, devant près de 80.000 personnes. Le vol s’acheva après une heure environ près de Cholet.
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 +Contrairement au Père Mouchet de l'Oratoire, professeur de Physique à l'Université de Nantes, l'abbé Dumoulin représente la frange de l'église catholique qui considérèrent qu'il ne faut pas risquer ni sa vie, ni sa soi, dans des engins aussi dangereux.
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 +Il publie en 1800 le texte de cette chanson, et, malgré lui, il a une vision quelque peu prophètique : « <i>Betec al loar ae ar steret, A dra sur e hon savo. </i> » (Jusque la lune et les étoiles Sans nul doute il nous emmènera).
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-Vraisemblablement, quand notre auteur gabéricois a composé son texte satirique, il avait en tête la musique d'une autre gwerz populaire. Cette complainte pourrait être la chanson « <i>Ur vag nevez a Vontroulez</i> » que Denez Prigent a chanté sur son tout premier album :+[[Image:VueAnnonayVivarais.jpg|center|350px]]
 +Alain Dumoulin avait-il écrit ou transcrit sa chanson avant de partir en exil, en ayant en tête les essais nantais ? Ou alors, l'a-t-il composé à Prague, sur la base des informations diffusées dans les journaux ?.
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 +Quand notre auteur gabéricois a composé son texte satirique, il avait sans doute en tête la musique d'une autre gwerz <ref name="Gwerz">{{BR-Gwerz}}</ref> populaire. Cette complainte pourrait être la chanson « <i>Ur vag nevez a Vontroulez</i> » que Denez Prigent a chanté sur son tout premier album :
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<br>Il va naviguer dans les airs, <br>Il va naviguer dans les airs,
<br>Jusque la lune et les étoiles <br>Jusque la lune et les étoiles
-<br>Sans nul doute il nous emmèrera.+<br>Sans nul doute il nous emmènera.
<br>Couplet : <br>Couplet :

Version du 15 mai ~ mae 2015 à 11:42

Rummad : Brezhoneg    
Lec'hienn : GrandTerrier

Statud an artikl :
  Image:Bullorange.gif [e darn]

« Ur vag neves so invantet / Dre an eer e navigo »

Ainsi commence cette gwerz [1] ou complainte : « un bateau nouveau a été inventé ; il va naviguer dans les airs ... », un texte qui résonne comme un pamphlet.

Mais pourquoi donc s'insurge-t-il avec autant de fougue contre l'expérimentation des Mongolfier d'Annonay (pays du Vivarais, au nord de l'Ardèche) ?

Autres lectures : « LE ROY Thierry - Les pionniers de l'aviation et de l'aérostation » ¤ « ROUZ Bernez - Alain Dumoulin dans la tourmente révolutionnaire » ¤ « Grammaire latine et bretonne de Dumoulin (Prague, 1800) » ¤ « Alan Dumoulin (1748-1811) gant Loeiz Lokournan, Arvor 1947 » ¤ « Alain Dumoulin (1748-1811), prêtre et écrivain » ¤ « La légende de Torr-è-benn par un prêtre gabéricois » ¤ 

1 Présentation

Un article de Thierry Le Roy publié en 2005 [2] dans l'excellente revue Armen nous présente cette gwerz [1] : « Un chant en breton, publié en 1800 par Alain Dumoulin, ancien recteur d'Ergué-Gabéric qui avait émigré au moment de la Constitution civile du clergé, parle d'un nouveau navire, "ur vag neve », qui "naviguera dans les airs / dre an eer a navigo" ».

Alain Dumoulin était enseignant au petit séminaire de Plouguernevel, puis recteur de la paroisse d'Ergué-Gabéric en 1787, et, s'opposant fermement contre la Constitution civile du clergé, il dut s'exiler en 1792, d'abord à Liège en Belgique, puis à Prague. Et là dans la capitale de la Bohème, il composa une grammaire latine et bretonne, dans laquelle il annexa quelques textes profanes pour donner des exemples de textes en langue bretonne, traduits en latin.

Le dernier texte est une chanson sur les méfaits des aérostats [3], avec ses dangers manifestes : « Tud foll a tud direson, Nefoc'h ket brema da c'husut, Kement so bet er balon Ho dus torret ho gug » (Gens fous et déraisonnables, vous ne serez aujourd'hui sans savoir que tous ceux qui ont été en ballon se sont cassés le cou). Bernez Rouz, dans son opuscule « Alain Dumoulin. Un recteur breton dans la tourmente révolutionnaire », a proposé une traduction française du texte breton, avec son refrain et ses trois couplets.

Comment Dumoulin a-t-il eu vent des essais de ces aérostats, dont le premier eut lieu place des Cordeliers à Annonay, pays des frères Montgolfier, le 4 juin 1783 ? Puis le 19 septembre de la même année, un coq, un mouton et un canard firent l'expérience du premier vol habité à Versailles devant le roi Louis XVI, leur ballon s'est envolé jusqu'à 480 mètres. Le 19 octobre à la Folie Titon, aujourd'hui située rue de Montreuil à Paris, à l'époque encore bourg de Saint-Antoine, le premier vol humain eut lieu, effectué par Jean-Baptiste Réveillon, Jean-François Pilâtre de Rozier et Giroud de Villette. Le ballon est alors captif, c'est-à-dire relié au sol par un cordage (plus tard un câble métallique).

Cette même année 1783 des expérimentations eurent lieu également à Nantes. Le 14 juin 1784, un ballon baptisé « Le Suffren » prit l'air avec à son bord le chevalier Coustard de Massy, né à Nantes en 1734, et le père Mouchet, devant près de 80.000 personnes. Le vol s’acheva après une heure environ près de Cholet.

Contrairement au Père Mouchet de l'Oratoire, professeur de Physique à l'Université de Nantes, l'abbé Dumoulin représente la frange de l'église catholique qui considérèrent qu'il ne faut pas risquer ni sa vie, ni sa soi, dans des engins aussi dangereux.

Il publie en 1800 le texte de cette chanson, et, malgré lui, il a une vision quelque peu prophètique : « Betec al loar ae ar steret, A dra sur e hon savo.  » (Jusque la lune et les étoiles Sans nul doute il nous emmènera).

 

Alain Dumoulin avait-il écrit ou transcrit sa chanson avant de partir en exil, en ayant en tête les essais nantais ? Ou alors, l'a-t-il composé à Prague, sur la base des informations diffusées dans les journaux ?.

Quand notre auteur gabéricois a composé son texte satirique, il avait sans doute en tête la musique d'une autre gwerz [1] populaire. Cette complainte pourrait être la chanson « Ur vag nevez a Vontroulez » que Denez Prigent a chanté sur son tout premier album :

Ur vag nevez a Vontroulez
A zo ar bloaz-mañ muntrerez
O vont da bardoniañ da Sant-Yann
He deus beuzet holl dud Plouyann

(Un bateau neuf de Morlaix a fait naufrage cette année-là. En se rendant au pardon de Saint-Jean, tous ceux de Plouyann qui s’y trouvaient se sont noyés.)

2 Transcriptions, traduction en français

Texte en breton

EILVET SCHANSON


Cor :

Ur vag neves so invantet
Dre an eer e navigo,
Betec al loar ae ar steret
A dra sur e hon savo.


Unan hepken :

Chui rai ar pes a garfet
A me rai ar pes a garin
En ur vag ken dibarfet
Troad Biken na lakin.


Cor 2 : Ur vag neves ... evel a Eoc'h.


Unan hepken :

Nes on ket scuis da veva
Due ra viro biken
E ven ker sot da riska
Torri ma melschinen.


Cor 3 : Ur vag neves ...


Unan hepken :

Tud foll a tud direson
Nefoc'h ket brema da c'husut
Kement so bet er balon
Ho dus torret ho gug.


Cor : Ur vag neves ...

 

Texte en français [4]

DEUXIÈME CHANSON


Refrain :

Un nouveau bateau a été inventé,
Il va naviguer dans les airs,
Jusque la lune et les étoiles
Sans nul doute il nous emmènera.


Couplet :

Vous ferez ce que vous voudrez
Et moi je ferai ce que je veux,
Dans un bateau aussi imparfait
Jamais je ne mettrai les pieds.


Refrain 2 : Un nouveau bateau ... comme [?]


Couplet :

Je ne suis pas si las de vivre
Dieu m'en préserve,
Pour que je sois aussi fou de risquer
De me casser la nuque.


Refrain 3 : Un nouveau bateau ...


Couplet :

Gens fous et déraisonnables,
Vous ne serez aujourd'hui sans savoir
Que tous ceux qui ont été en ballon
Se sont cassés le cou.


Refrain : Un nouveau bateau ...

3 Originaux, texte en latin

Pages 192-194

 

Texte en latin

SECUNDUM CANTAMEN


Chorus.

Novam per aera navigaturam navem invenerunt, ad lunam usque ac stellas nos allaturam.


Solus.

Fac sicuti volueris, & ego, quidquid placuerit, faciam ; adeo vero levem ascendere navem non me delectat.


2 - Chorus. Novam per aera &c. ... ut superius.


Solus.

Vitae non taedet meae ; & eo nunquam dementiae veniam ut tam proximo vitae periculo me commitam.


3 - Chorus. Novam per aera &c. ...


Solus.

Impradentes, insanique mortales ad vos soepe soepus, sere omnes, qui novum istud navigiuùm ascendere, vitam amisffe pervenit.


Chorus. Novam per aera &c. ...

Finis.

4 Annotations

  1. Gwerz, au pluriel gwerzioù : « ballade, complainte », chant breton racontant une histoire, depuis l'anecdote jusqu'à l'épopée historique ou mythologique. Proches des ballades ou des complaintes, les gwerzioù illustrent des histoires majoritairement tragiques ou tristes. Ces chants populaires en langue bretonne se sont transmis oralement dans toute la Basse-Bretagne jusqu'au XXe siècle. [Terme BR] [Lexique BR] [Ref.↑ 1,0 1,1 1,2]
  2. Information communiquée par Tadkoz. Daniel Le Prince, alias « Tadkoz », est un musicien breton du pays bigouden, plus précisément du Guilvinec. Il a notamment publié de nombreux articles pédagogiques sur la pratique de l'accordéon sur des airs de Bretagne. [Ref.↑]
  3. Aérostat, s.m. : appareil couramment appelé ballon, capable de s'élever et de se maintenir dans les airs, comprenant : un ballon sustentateur gonflé d'un gaz plus léger que l'air, une nacelle et un filet reliant le ballon à la nacelle. On distingue plusieurs catégories d'aérostats : les aérostats captifs ou libres (reliés ou non à la terre par des cordages), les ballons-sondes, les aérostats dirigeables, par ellipse : les dirigeables (TLFi). [Terme] [Lexique] [Ref.↑]
  4. Traduction française proposée par Bernez Rouz dans son livre « Alain Dumoulin. Un prêtre dans la tourmente révolutionnaire ». [Ref.↑]


Thème de l'article : Oralité et écrits bretons

Date de création : Mai 2015    Dernière modification : 15.05.2015    Avancement : Image:Bullorange.gif [Développé]