Souvenirs d'enfance de fin de guerre 1939-45, par Michel Le Goff - GrandTerrier

Souvenirs d'enfance de fin de guerre 1939-45, par Michel Le Goff

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Catégorie : Mémoires 
Site : GrandTerrier

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Avec ses parents, son frère et ses sœurs, Michel Le Goff habitait la ferme de Sulvintin, et à 82 ans il se rappelle encore avec précision et délectation de ses jeux et découvertes d'enfant.

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1 Jeux interdits à Ergué-Gabéric

Des passions communes nous unissaient mon frère Jean-Louis, plus familièrement Lili, et moi. Pendant les grandes vacances c'étaient les partie de chasse, après avoir sorti le bétail, avec l'équipe de Cerbère et Rita II et les jeux plus clandestins sur la route de Coray.

Parties de chasse

Sortir les vaches et les moutons, puis les chevaux séparément, faisait partie de nos attributions. Ensuite, à nous la liberté jusqu'à midi (estimation au jugé d'après le soleil ou nos estomacs !). Nous partions, avec nos fins limiers, des sacs vides et un furet : Jacquot porté par mon frère en bandoulière, dans une boite en bois ayant contenu des crochets pour ardoise. L'équipe Cerbère-Rita II, encore jeunes, se rodaient : les lièvres arrivaient à se sauver et les lapins à se réfugier dans des terriers, d'où notre provision de sacs.

Un jour, un lapin se réfugia dans un terrier au pied d'un vieux « têtard » creux. Chance pour nous, le terrier n'avait que deux entrées. En un rien de temps, Jacquot le furet fut introduit dans terrier et les sacs installés sur les sorties. Et nous attendions ... avec une impatience croissante.

Il y avait bien des bruits de galopade amplifiés par le tronc creux du têtard, mais rien ne sortait. Tout à coup un choc sur mon dos, et un lapin fuyant sans demander son reste. Mais point de furet, et plus le moindre bruit. Au bout de quelques minutes, mon frère se décida à grimper voir d'où était sorti le lapin tombé du ciel.

Dans le fond de l'arbre totalement Jacquot était allongé, côté sortie du terrier, attendant patiemment Jeannot lapin. Il ne bougeait pas malgré nos appels. Il daigna, au bout d'un moment, réintégrer sa boite au bout du cordon rallongé de nos deux ceintures. La chasse se termina ce jour là, mais nous en avions gardé le souvenir amusé d'un lapin tombant d'un arbre.


On allait aussi jouer du côté de la route de Coray et nos occupations route de Coray étaient de deux sortes : la descente de la côte Croix-Rouge-Lenhesq en chariot à roulement à billes et le dépôt sur la chaussée, entre L'Hôtel et Lenhesq, de faux colis « perdus ».

Chariots à roulement à billes

La construction de notre « Formule 1 » fut facile dès lors que mon frère, alors scolarisé à Quimper, eut réussi à rassembler cinq roulements à billes suite à échanges. La fabrication du chariot fut un jeu d'enfant pour lui.

 

À la fin mon frère, sorti de son inattention, obliqua vers le fossé. Le camion était déjà tellement au-dessus de nous que le chauffeur semble avoir été obligé d'accompagner notre mouvement. Cela s'est terminé, le camion heureusement toujours sur la chaussée ferme, l'avant de notre chariot dans le fossé, et moi sur ma remorque dans la pente du fossé, pratiquement sous la partie haute du train avant.

Nous nous sommes enfuis, par dessus un autre talus plus loin, abandonnant notre chariot (lequel fut récupéré un bon moment après), mais tant que nous avons eu le camion en vue, le chauffeur n'en est pas descendu. Adulte, j'ai souvent pensé à lui. Je me suis demandé comment il avait pu continuer sa route vers Odet. Je comprends qu'il avait hésité à descendre immédiatement. Avant de nous voir fuir, totalement indemnes, il ne pouvait même plus nous voir, encore moins se faire une idée de notre état.


Faux colis « perdus »

La technique fut faux colis fut rapidement mise au point. Le colis : un simple pochon [1], comme ceux utilisés aujourd'hui encore pour la farine ou du sucre en poudre, rempli d'herbe sèche et quelques petits graviers pour la stabilité.

2 Visite de maman au meunier de Pont-Quéau

Nous sommes en 1944 : mars ou avril, peut-être mai. Les Allemands sont de plus en plus nerveux : ils sentent que le débarquement approche et les contrôles et couvre-feux sont de plus en plus sévères et tatillons.

 

3 Et la colonne de blindés américains s'arrêta

L'évènement observé se situe sans doute en fin de l'année 1944 ou au début de 1945. Ce mouvement est lié à la formation des poches de résistance allemandes le long des côtes et autour de Brest. Je n'ai pas trouvé de traces écrites de l'évènement en question dans mes journaux et revues de l'époque.


Il est environ 7 heures du matin. Dans mon demi-sommeil, j'entends un bruit sourd et continu qui semble provenir de la route de Coray. Bien réveillé du coup, je m'habille en vitesse et descends l'escalier l'escalier quatre à quatre. Il n'y a que les parents, les trois ainés disparus. Et j'apprends allés à Lenhesq voir des soldats américains qui remontent de Quimper vers Coray.

Le temps d'avaler un café et me voilà sur la route pour rejoindre les autres. D'un coup je pense aux jeux avec mon frère Lili (Jean-Louis), et je me dis que ce coin de Stang Kerluen, entre Lenhesq et L'Hôtel serait l'endroit idéal pour observer les véhicules sur une plus grande distance.

J'espérai aussi, un peu, qu'un enfant isolé aurait plus de chances d'avoir à profusion les chocolats et bonbons que les soldats de l'Oncle Sam distribuent généreusement, à ce que l'on dit. Aussi sec, je m'élance, à travers champs, par les « ribouliou » connus de longue date.

Grimpant la pente raide qui mène vers la route à flanc de coteau, parmi de grandes fougères, je m'arrête à mi-chemin et je vois que ce sont des chars. Ils avancent par groupes, une quinzaine (?), séparés par un espace libre. Je reprends ma montée.

 

Tout à coup, un soldat du char de tête, de mon côté, dont je ne distingue que le casque, tourne la tête vers moi, m'aperçois, sort son bras et fait des signaux ! Horreur, la colonne s'arrête : des deux premiers chars jaillissent quatre soldats fusils braqués dans ma direction. Ce sont de grands noirs, ... et, vus en hauteur par-dessous, ils paraissent d'une taille immense.

Pétrifié, je les contemple une faction de seconde, puis retrouvant mes esprits, je tourne les talons et détale, sans demander mon reste, à travers les fougères. Remontant de l'autre côté, j'ose un coup d’œil rapide vers les soldats : sur le rebord de la route, ils rient aux éclats et se tapent sur les cuisses. Heureusement qu'ils ont contrôlé avant de tirer, ... et pas tiré !

Je suis retourné directement à la maison sans rejoindre les autres à Lenhesq. À mon frère, qui raconte un arrêt inexpliqué de la colonne, je réponds : « je sais pourquoi ». Mais pendant un ou deux jours, j'ai gardé le silence sur mon aventure.

Je suis pratiquement sûr que tous les équipages du seul groupe que j'ai pu voir du milieu des fougères étaient des noirs ; ce qui parait en contradiction avec l'affirmation qui dit que, au débarquement, toutes les troupes combattantes étaient composées de blancs, et les divers services auxiliaires réservés aux noirs.

4 Annotations

  1. Le mot « pochon » très usité en Bretagne, pour désigner un sachet, est-il un bretonnnisme. Hervé Lossec le classe dans les faux bretonnismes : utilisé dans l'ouest de la France, ce mot issu du français « poche » est connu aussi dans le Sud-Ouest. [Ref.↑]


Thème de l'article : Mémoires de nos anciens gabéricois.

Date de création : Juin 2014    Dernière modification : 7.06.2014    Avancement : Image:Bullorange.gif [Développé]