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ROZEC Jean-Louis - Trec'h ar garantez

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ROZEC (Brogarour) (Jean-Louis), Trec'h ar garantez (La victoire de l'amour), Editions d'Arvor (breton), Arkae (bilingue br-fr), Guingamp, 1935, 2013, ISBN - , 2-917877-11-1
Titre : Trec'h ar garantez (La victoire de l'amour)
Auteur : ROZEC (Brogarour) Jean-Louis Type : Livre/Brochure
Edition : Editions d'Arvor (breton), Arkae (bilingue br-fr) Note : -, Saint-Thonan
Impression : Guingamp Année : 1935, 2013
Pages : 160 Référence : ISBN - , 2-917877-11-1

Notice bibliographique

Couverture 1935

Couverture 2013

le père Rozec
le père Rozec

L'auteur, l'abbé Jean-Louis Rozec [1] a signé trois romans en breton sous le pseudonyme de Brogarour qui signifie « patriote ». Né à Plouescat en 1898, il meurt à Guipavas en 1946 où il était prieur des missionnaires montfortains. Ardent missionnaire il prêcha de nombreuses missions entre les deux guerres. Il est cité par Gustave Guéguen, le recteur de la paroisse d'Ergué-Gabéric, pour avoir animé une réunion à Lestonan en 1944. Il a certainement animé d'autres missions à Ergué pour connaitre aussi finement le contexte de Lestonan et d'Odet où il situe son roman.

L'intrigue est simple : Gwennole footballeur des Paotred Dispont [2] au poste de goal, instituteur à l'école catholique de Lestonan tombe amoureux de la fille du directeur de l'école laïque. Instituteur dynamique, Gwennole arrive à séduire nombre de familles qui inscrivent leurs enfants à l'école libre au grand dam des instituteurs de l'école publique. L'idylle se construit sur fonds de guerre scolaire et comme l'indique le titre se termine par le triomphe de l'amour sur les pesanteurs sociologiques du moment.

Dans son « Anthologie de la littérature bretonne au XXe siècle. Tome 2, 1914-1944 », l’œuvre de Jean-Louis Rozec est longuement analysée dans un chapitre intitulé « Prêtres et littérature de divertissement », avec celles de Julien Clisson, Auguste Loriquer, après après la présentation du journal Feiz ha Breiz et du mouvement Bleun-Brug de Jean-Marie Perrot.

En 2013, l'association Arkae publie une version bilingue de l’œuvre, sous le titre « Le triomphe de l'amour », avec la traduction du breton en français par les « Brezhonegerien Leston'n ».

Dans le livre les vrais noms de personnes et de lieux, hormis Odet, ont été modifiés par l'auteur. Pour s'y retrouver il faut lire Bolloré à la place de Keraudren, Keranna pour le village de Sainte-Anne ...

Les écoles chrétiennes sont bien entendu celles de Lestonan-Menez-Groaz, à savoir les écoles St-Joseph et Ste-Marie, construites sous la coupe de l'entrepreneur Keraudren, aka Bolloré.

Quant à la famille Flaouter on peut y voir les figures locales d'instituteur et institutrice de l'école publique de Lestonan, à savoir Jean Lazou [3] et son épouse. Tous deux communistes, ils étaient animés de convictions laïques et sociales.

Mais le prénom Mona de leur fille, l’héroïne du roman, nous laisse à penser que l'auteur pensait à la famille de Jean Sohier [4] et de son épouse Anna. Son nom marital nous est aujourd'hui familier car Mona Ozouf est l'auteur d'un magnifique livre publié en 2011 sur la citoyenneté française basée sur ses origines bretonnes [5].

Texte complet (en breton) : Trec'h ar garantez

Autres lectures : « GUÉGUEN Jean - 70 ans d'existence des Paotred-Dispount » ¤ « Bénédiction de l'école libre d'Odet, Semaine Religieuse 1928 » ¤ « Inauguration de la nouvelle salle de patronage des Paotred, L'Ouest-Eclair 1931 » ¤ « AC'H François et RAULT Roger - Les écoles publiques de Lestonan, 1880-1930 » ¤ « Jean et Maryse Le Berre, instituteurs de 1967 à 1975 » ¤ 

Critiques et illustrations

« Leoriou Nevez. Goulennit : Trec'h ar Garantez, eur roman nevez, savet gant Brogarour. Daou skoed al leor. Seiz lur dre ar post ». Feiz ha Breiz, janvier 1936.

« L'intrigue parait aujourd'hui bien conventionnelle, tout comme la psychologie des personnages, tous fortement stéréotypés ; mais le roman garde un certain intérêt par la peinture de l'environnement et des mentalités aussi manichéen et même aussi puéril fût-il par moments (tel un "roman à l'eau de rose") ; ceci témoigne, en fait, de la genèse d'une fiction en langue bretonne à destination d'un public populaire ». Francis Favereau, Anthologie de la littérature bretonne, Tome II, p.p. 137-143.

« Un roman que l'on peut lire sans peine jusqu'à la fin ». Gwalarn 1935.

« Il (J.L.Rozec) écrirait de bons livres s'il voulait bien se rapprocher davantage de la vie et s'éloigner de l'apostolat ». Abeozen, Histoire de la littérature bretonnante contemporaine.

 


Extraits et traductions

Début du roman :

Milin-baper an Odet a zo e parrez Erge-Gaberig harp ouz kêr Kemper. Erge-Gaberig zo anavezetoc'h war dro Kemper dindan an ano Erge-Vras. An Erge-Vihan eo ar barrez amezek Erge-Armel.

Evit mont eus Kemper d'ar vilin-baper e vez kemeret hent Kore. Eul leo hanter bennak eus Kemper e kaver eun hent a gleiz el lec’h anvet Park-al-Lann. O vont gant an hent-se ez engaver, eun daouzek kant metr bennak pelloc’h, gant tiez kenta an Odet.

Araok diskenn e traonienn an Odet, a gleiz, daou di-skol stummet kaer. Soñjal a rit dioustu ez int skoliou ar C'houarnamant, dre ma n'eo ket ar gatoliged kustum da gaout paleziou evit skolia o bugale. Fazia a rit en taol-mañ.

An daou di-mañ eo an daou di-skol kristen. Breudeur ar gelennadurez kristen, bugale ar beleg santel Yann-Mari La Mennais a zo e penn skol ar baotred. Skol ar baotrezed a zo e karg leanezed ar Spered-Santel pe « al Leanezed gwenn ».

Mestr madelezus ar vilin-baper, an Aotrou Keraudren, eo en deus savet ar skoliou-mañ evit bugale e labourerien.

E hanter an diskenn, a-zehou, ar pez a c'halver « ar gêriadenn », kêriadenn Santez-Anna pe tiez al labourerien. En tu all d'an hent, dirak tiez Santez-Anna, war an izel, eul letonenn gaer : tachenn-c'hoari ar « Baotred-Dispont » A-drek an dachenn, ouz he linenna, emañ ti ar patronaj. Kaeroc'h ne gaver ket kalz e Breiz. Eur c'hoariva a zo ennan ha binviou evit an embregerez-korf. War an dalbenn trigorniek giz breizek bremañ e lenner « Patronage du Sacré-Cœur ». Skeudenn ar Galon-Sakr a sked war korn uhela an dalbenn.

E tro kein ar patronaj e kaver eun tiig all, ti ar c'hoariou : boulou-taol, kartou, pionou hag all..... Mestr ar vilin-baper en deus graet mat ha brao....

  Traduction française (GrandTerrier)

Le moulin à papier d’Odet se trouve dans la paroisse d’Ergué-Gabéric en bordure de Quimper. Ergué-Gabéric est plus connu dans le pays quimpérois sous le nom de Grand-Ergué, alors que le Petit-Ergué représente la paroisse d’Ergué-Armel.

Pour venir de Quimper au moulin à papier il faut emprunter la route de Coray. A environ quatre kilomètres de Quimper, au lieu-dit Parc-al-Lann, on trouve une route à gauche. En la prenant, 200 mètres plus loin on aperçoit les premières maisons d’Odet-Lestonan.

En poursuivant la descente vers la vallée de l'Odet, à gauche, se présentent deux magnifiques écoles. On pourrait croire qu’il s’agit d’écoles publiques car les catholiques ne nous ont pas habitué à placer leurs enfants dans des palais. Mais sur ce coup-là on se tromperait.

Les deux écoles sont bien des écoles chrétiennes. Les frères de la Congrégation du saint prêtre « Jean Marie La Mennais » sont à la tête de l’école des garçons. L’école des filles est gérée par les religieuses de l'Esprit-Saint, appelées aussi les « Sœurs blanches ».

C'est le patron bienveillant du moulin à papier, Monsieur Keraudren qui fit construire ces deux écoles pour les enfants des employés de son entreprise.

A mi-descente, à droite, le village de Sainte-Anne, si on peut utiliser le terme de village, c’est plutôt une cité ouvrière. De l’autre côté de la route, en contrebas, une très belle pelouse : le terrain de jeu des Paotred-Dispont. Devant le terrain est aligné le bâtiment du patronage. On n’en trouve peu d’aussi beaux en Bretagne. Il y a aussi un théâtre et tous le matériel pour faire de l’éducation physique. Sur le fronton triangulaire, en grande mode actuellement en Bretagne, on peut lire « Patronage du Sacré-Coeur ». Et le motif du sacré-cœur, en haut du fronton, est éclatant.

A l’arrière du patronage on trouve un autre local consacré aux jeux : billots de boules, jeux de cartes et de pions … Le patron du moulin à papier a bel et bien fait les choses …

Match de foot

« BRAO - BRAO ! "PAOTRED-DISPONT" »

Brao-brao ! Gwennig !

Hag ar sellerien a strak o daouarn da baler ar « Baotred Dispont ».

— Piou eo ar paler ouesk-se ? a c'houlenn eur vaouez demdost da Youen Ar Berr.

Youen, ha ne c'houlenn ket gwelloc’h eget ober eur varvailhadenn (an Aotrou kure a zo aet kuit, end-eeun, da gavout an aluzenner war linenn an dachenn-c'hoari), a lavar d'ezi dre dostaat :

— Itron, ar paotr yaouank-se a zo eur pabor, m'hel lavar d'eoc'h. N'eus ket en Odet eun den ken barrek hag heñ war an embregerez-korf, n’eus ket zoken e rann-vro Kemper nag e Kerne a-bez. Anaout mat a raen e dad, Doue r’e bardono ! Lazet eo bet dek vloaz bennak a zo o labourat er vilin-baper. Eun den hegarat oa heñ, e c’hellit va c'hredi. Karet gant an holl dre ma ‘z oa mat ouz an holl ha dre ma lakae an traou atao war eeun. Ad-mestr oa er vilin-baper....

— Ha pe ano en deus e vab ?

— Gwennole, evel e dad, Gwennole Naour…

Youen, anat eo, ne c'houlenn ket gwelloc'h eget kenderc'hel. Met an Itron. ne selaou ket ken. Awalc'h he deus da ober o sellout ouz Gwennole o tifenn ar pal. Ha Gwennole en deus ivez awalc'h da ober evit mirout ouz ar polotr mont etre ar barrennou, er roued. Gant e dreid, e zaouarn, e benn e vir outan bep taol da dremen e-biou d'ar porzier.

An holl a wel peurvat eo kreñvoc'h ar Yaouerien hag an holl a soñj ivez ne vezo ket Gwennole evit mirout ouz an holl paliou. Da skuiza e teuy buan hag ar polotr, a-barz ar fin, a gavo tro da vont da ruilh e dounder ar roued staget ouz ar varrenn koat treuz a-dreñv da linenn ar pal. Ar « Baotred Dispont » a ve lavaret holl fall-galonet. An dud a gri warno.

— Alo ! Paotred Dispont ! na lezit ket Gwennole d'en em greñvi ?

Ar barner tredeog a ra sellou du ouz an dud. Arabat e ve fallgalonet ar Yaouerien d’o zro diwar goust ar sellerien. Ar reizded da genta. Evel p'o defe bet eun taol-skourjez, ar Baotred Dispont a laka bremañ o holl imor, met an amzer a dremen. Emañ ar c’hoariadenn genta, an tri c'hart eur kenta, o vont da deuzi.

Unan eus warlerc'hidi ar « Baotred Dispont » a c'hall gant eun taol troad skoet kreñv hag eeun kas ar polotr er penn all d'an dachenn. Hanteriad kreiz ar « Yaouerien » en em gav da genta warnan, met mankout a ra e daol, re vuan eo aet gant aon rak Lan Gourmelen, araoger-kreiz an Odet, hag a deue warnan a-benn herr. Ar polotr ne yeas ket da bell. Mignon Lan, an araoger etre-daou, e baskas hag eur pennadig goude e roe hen da Lan. Lan a ya, a ya gant ar gleurou. Emañ o vont da skei kalet wardu ar pal, pa deu, na ouzer ket penaos, warlerc'hiad ar Yaouerien da laerez ar polotr.

An dud n'o deus ket bet amzer da welout penaos eo tremenet an traou p'emañ ar polotr adarre dirak pal paotred an Odet. An hanteriad-dehou en deus e baket ha taolet e kreiz d’an araoger-kreiz Loeiz Neveu. Hemañ ne goll ket e amzer ha, goude beza gounezet unan eus ar warlerc'hidi eneberien, a sko sec’h etrezek ar pal. Gwennole n'en deus ket gwelet mat, kuzet m'eo bet ar polotr d'ezan gant an eil warlerc’hiad. Ar polotr a dremen an nor hag a ya da ziskuiza e dounder ar roued.

Ar Yaouerien : l ; Paotred Dispont : 0.

An ehan a zo sutet dioustu goude.

— N’em eus ket lavaret d'eoc'h, Aotrou kure ? koll int pa lavaran. Kalz eo kreñvoc'h ar « Yaouerien »…

  Traduction française (Francis Favereau)

Bravo, Gwennig !

Et les spectateurs applaudirent des deux mains le buteur des Paotred Dispont.

- Qui est ce footballeur si doué ? demande une femme qui se trouve à proximité de Youenn Le Ber.

Youenn, qui ne demande pas mieux que de faire la causette - Monsieur le vicaire étant parti, précisément, trouver l'aumônier sur la ligne de touche - lui répond tout en s'approchant.

- Madame, ce jeune homme, c'est un champion, je vous l'affirme. Il n'y a pas dans tout Odet quelqu'un d'aussi sportif et d'aussi bon en gymnastique : il n"a même pas son égal dans toute la région de Quimper ni dans la Cornouaille toute entière. Je connaissais bien son père, Dieu ait son âme ! Il a été tué voilà une dizaine d'années, victime d'un accident de travail à la papeterie. C'était un homme affable, vous pouvez me croire. Et apprécié de toute la population, parce qu'il était bon envers tout le monde et qu'il essayait de tout arranger au mieux. Il était contremaître à la papeterie ...

- Et comme s'appelle son fils ?

- Gwennole, comme son père. Gwennolé Naour ...

Youenn, c'est évident, ne demande qu'à poursuivre la conversation. Mais la jeune Dame n'écoute plus. Elle a assez à faire à regarder Gwennole en défenseur du ballon. Et Gwennole a également fort à faire pour empêcher la balle de pénétrer entre les montants, dans les filets. Ce sont ses pieds, ses mains, sa tête, à chaque tir, au gardien de la laisser entrer.

Tous réalisèrent parfaitement que l'équipe des Yaouerien [6] est la plus forte et tous pensent également que Gwennole ne pourra pas stopper tous les buts. Il viendra vite à se fatiguer et le ballon, finalement, trouvera une occasion de rouler dans les profondeurs du filet, suspendu à la barre transversale à l'arrière de la ligne de but.

On a l'impression que les Paotred Dispont en sont déjà tout démoralisés. Les spectateurs les encouragent de leurs cris :

- Allez ! les Paotred Dispont ! Vous n'allez pas laisser Gwennole crever à la tâche ?

Le juge-arbitre jette un regard désapprobateur au public. Il ne faudrait pas que l'équipe adverse soit défavorisée à son tour à cause des spectateurs. L'équité est la première des règles à respecter. Les Paotred Dispont, à présent, font montre de toute leur rage de vaincre, comme s'ils avaient reçu un coup de semonce, mais le temps s'écoule. La première mi-temps, les trois premiers quarts d'heure s'achèvent.

L'un des arrières de l'équipe des Paotred Dispont réussit, d'un direct puissamment frappé, à envoyer le ballon vers les buts adverses. C'est le milieu de terrain des Yaouerien qui le récupère en premier, mais il rate son dégagement, car il y est allé trop précipitamment, de peur de perdre le ballon au profit de Lan Gourmelen, l'avant-centre de l'Odet, qui se précipitait dans sa direction. Le ballon n'est pas allé bien loin. Le copain de Lan, un demi en retrait, l'attrape puis, un instant après, le transmet à Lan. Lan s'échappe et fonce droit devant, balle au pied. Il s'apprête à tenter un puissant tir au but lorsque surgit, on ne sait d'où ni comment, un défenseur des Yaouerien pour récupérer le ballon.

Le public n'a pas eu le temps de voir comment les choses se sont passées que le ballon est de nouveau devant les buts de l'équipe de l'Odet. Le demi d'ouverture droit l'a rattrapé et envoyé au centre, en direction de l'avant-centre Louis Neveu. Celui-ci ne perd pas de temps, et, après avoir feinté un des arrières du camp adverse, il tire et marque un but imparable entre les poteaux. Gwennole n'a pas bien suivi le jeu, car le second arrière lui dissimulait le ballon, qui passe la porte et va se blottir au fond du filet.

Yaouerien : 1 ; Paotred Dispont : 0.

Peu de temps après, l'arbitre siffle la mi-temps.

- Je ne vous l'ai pas dit, Monsieur le vicaire. Ils sont en train de perdre, que je vous dis. L'équipe des Yaouerien est nettement supérieure.

École chrétienne

« SKOL GRISTEN SANT GWENNOLE »

Ar wech kenta m’en deus gwelet an ti-skol dreist-paour-se Gwennole n’eo ket bet evit mirout da lavaret d’ezan e-unan met kreñv awalc'h peogwir an Aotrou Person a glevas :

- Kraou Bethleem ! ... Gwell a se !

- Ya ! Gwell a se, Gwennole. Kraou Bethleem a zo savet warnan bremañ eun iliz vras ha kaer, iliz santez Katell. Fizians am eus e vezo savet amañ ivez war gorre ar c’hraou-mañ eun ti-skol kaer ... en dervez ma plijo gant Doue hag ar c’henta ma her gallimp. Ne gav ket d'it, Gwennole ?

- Eo, Aotrou Person, eus kraou Bethleem eo deut evit an dud ar sklerijenn hag ar peoc'h. Eus an tiig-mañ, da c’hedal ma vezo graet brasoc’h ha kaeroc’h, em eus fizians da skuilh eun nebeut bannou sklerijenn a wirionez ha tommder ar garantez, e spered hag e kalon Kerdorosenniz.

An dud o tremen dirak an ti-skol paour o deus hejet o fenn. Lod evit ober goap, lod all evit diskouez dismegañs. Kredi a ran en deus meur a gristen ha meur a gristenez ruziet eun tammig ivez dre m’o deus soñjet moarvat : "M'am ije me graet va dever, e vije bet bravoc’h ha frankusoc'h an ti-skol kristen ..." ‘

An Aotrou Person ha Gwennole a ya, goude gousperou betek an ti-skol. Da belec’h ez aint nemet di pa ne soñjont, hirio dreist-holl, nemet en tiig karet-se.

P'emaint o vont er c’hourt bihan a zo dirak ar sal e tremen dirazo ar mestr-skolaer lik, an Ao. Flaouter, gant e wreg hag e verc’h Mona. An diou vaouez a bleg o fenn d’an Aotrou Person ha Gwennole en deus merzet n’o deus ket int-i aer drouk. Kaout a ra d'ezan zoken he deus ar p1ac’h yaouank sellet mat outan met ne c’hoar ket pe he deus mousc’hoarzet pe he deus diskouezet digas.

An Aotrou Person a ro dioustu da anaout pesort den eo ar mestr- skolaer, eun den lik penn-kil-ha-troad. Badezet eo, em eus klevet lavarout, met ne gred mui e Doue. E wreg koulskoude, Anna, hag e verc'h, Mona a vez en oferenn-bred bep sul. An tad a garfe mirout outo met ar verc’h eo a zo mestrez en ti hag ar verc'h a zo pennek evel an tad. An tad a rank plega rak karout a ra kenan Mona.

Falloc’h eo c’hoaz an daou skolaer a zo gantan ; an Ao. Poulpriz, kevredigezour pe sosialist, hag an Ao. Bourdellec, boutiner pe komunist. An daou-se eo a rankomp da gas kuit araok pell ha mont a raint en devez ma teuy bugale Kerdorozenn d’ar skol-mañ. Da c'hedal, bezomp war evez, rak diaes bras e kavont gwelout ar skol-mañ o tigeri. Pep tra a raint evit derc'hel paotred ar barrez en o skol. C’hoari mat a rankimp eta, mar fell ganimp kaout an trec’h.

  Traduction française (Francis Favereau)

La première fois qu'il a vu cette école, pauvre parmi les pauvres, Gwennole n'a pu s'empêcher de se dire à lui-même, quoique suffisamment fort pour que Monsieur le Recteur l'entende :

- C'est la crèche de la Nativité [de Bethléem] l... Tant mieux l

- Oui, tant mieux, Gwennole. Sur la crèche de Bethléem l'on a maintenant bâti une grande et belle église, l’église Sainte-Catherine. J'ai bon espoir qu'ici aussi, sur les bases de cette crèche, se construira une belle école ... lorsqu'il plaira à Dieu et le plus tôt que nous le pourrons. Tu ne crois pas, Gwennole ?

- Si, Monsieur le Recteur, c'est de la crèche de Bethléem qu'a jailli pour tous et la lumière et la paix. De cette modeste maison, en attendant que l'on en fasse une qui soit plus grande et plus belle, j'espère bien répandre quelques rayons de cette lumière de vérité et de cette chaleur de l'amour dans l'esprit et dans le coeur des habitants de Kerdorozenn.

Les habitants, en passant devant la pauvre école, hochaient la tête. Certains prétendaient s'en moquer, d'autres laisser deviner du mépris. J'ai le sentiment que bien des chrétiens et chrétiennes ont rougi un peu également, se disant probablement : "Si j'avais fait mon devoir, l’école chrétienne aurait disposé d’un établissement plus grand et plus spacieux ...".

Monsieur le Recteur, accompagné de Gwennole, se rend à l'école après les vêpres. Où iraient-ils ailleurs que dans cette chère petite maison, alors qu'ils ne pensent, surtout aujourd'hui, qu'à elle ?

Alors qu'ils pénètrent dans la petite cour d’école qui est devant la pièce, passent devant eux Monsieur Flaouter, l'instituteur laïc, ainsi que sa femme et sa fille Mona. Les deux femmes baissent la tête, en signe de salut à Monsieur le recteur et Gwennole a remarqué qu'elles n’ont pas, quant à elles, l'air d’être hostiles. Il lui semble même que le jeune fille l'a regardé d’un air sympathique, mais il ignore si elle a souri ou fait montre d'indifférence.

Monsieur le Recteur lui dévoile tout de suite quel homme est cet instituteur, ce laïc pur et dur convaincu. Il est baptisé, a-t-il entendu dire, mais ne croit plus en Dieu. Sa femme Anna, pourtant, ainsi que sa fille Mona. assistent à la grand-messe chaque dimanche. Le père voudrait les en empêcher. mais c'est la fille qui fait la loi à la maison et elle est aussi têtue que son père. Le père doit donc céder. car il adore sa fille Mona.

Les deux autres instituteurs ont encore plus mauvaise réputation : Monsieur Poulpriz. socialisant ou même socialiste, et Monsieur Bourbellec, collectiviste ou communiste. Ce sont ces deux-là dont nous devons nous débarrasser au plus tôt et ils partiront le jour où les enfants de Kerdorozenn viendront dans cette école. En attendant. soyons sur nos gardes. car cela les irrite énormément de voir s'ouvrir notre école. Ils feront tout pour garder les garçons de la commune dans la leur. Nous devons donc jouer serré, si nous voulons être victorieux.

Annotations

  1. Le Père ou R.P. Jean-Louis Rozec (Plouscat 1898-1946 Guipavas) était prêtre-missionnaire, écrivain de langue bretonne, qui signait Brogarour (patriote). Il est l'auteur de trois romans, publiés à Guingamp par les éditions d'Armor : « Trec'h ar garantez », « Onenn », « Kontammet ». [Ref.↑]
  2. « Paotred dispont » ou « dispount » : les Gars sans peur, équipe de football d'Ergué-Gabéric, fondée comme association sportive en 1913. [Ref.↑]
  3. Jean Lazou est né le 29 juillet 1895 à Plougasnou. Instituteur, affecté à l’école des garçons de Lestonan à partir du 1er octobre 1926, en même temps que son épouse. Il est nommé directeur de la même école à compter du 1er janvier 1931. Il a laissé le souvenir d’un instituteur très engagé dans la formation des élèves et la défense de l’école laïque. Militant actif du Parti Communiste Français. Il est mobilisé en 1939 en tant que Capitaine au 337e Régiment d’Infanterie. Décédé le 15 mai 1940 à Moncornet, dans l’Aisne, à 32 km au N.O. de Laon. Il aurait été tué en tentant de ramener dans les lignes françaises un soldat blessé. Son épouse poursuivra son travail d'institutrice à Lestonan, après avoir subi un long emprisonnement pour faits de résistance. [Ref.↑]
  4. Yann Sohier de son nom breton (Jean Sohier pour l'état-civil), né le 7 septembre 1901 à Loudéac et mort le 21 mars 1935 à Plourivo, est un instituteur, militant de la langue bretonne et internationaliste. Il se marie le 31 janvier 1929 avec Anne Le Den, institutrice originaire de Lannilis, qui collabore à Ar Falz sous le pseudonyme de Naïg Sezny, et plus tard à la revue pédagogique An Eost. Mona (future Mona Ozouf) naît en 1931, elle est élevée en breton. Il fonde le nouveau Bulletin Ar Falz (La Faucille) en janvier 1933 et en fait en moins de deux ans le centre de tout un mouvement en faveur du breton à l'école laïque. [Ref.↑]
  5. Mona Ozouf, « Composition française. Retour sur une enfance bretonne », Gallimard, 2009, 262 p. [Ref.↑]
  6. Yaouerien : les "Cadets de Bretagne" (patronage rennais) [Ref.↑]


Thème de l'article : Fiche bibliographique d'un livre ou article couvrant un aspect du passé d'Ergué-Gabéric

Date de création : février 2007    Dernière modification : 25.04.2015    Avancement : Image:Bullgreen.gif [Fignolé]