RIHOUAY Gilles - Le domaine congéable et les communs de village - GrandTerrier

RIHOUAY Gilles - Le domaine congéable et les communs de village

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Image:LivresB.jpgCatégorie : Media & Biblios  

Site : GrandTerrier

Statut de l'article : Image:Bullgreen.gif [Fignolé] § E.D.F.

RIHOUAY (Gilles), « Vestiges d'un droit breton - Le domaine congéable et les communs de village », dans Bulletin LE LIEN n° 53, CGF (Centre de Généalogie du Finistère), Plougastel-Daoulas, 7
Titre : Vestiges d'un droit breton - Le domaine congéable et les communs de village
Auteur : RIHOUAY Gilles Type : Article
Edition : CGF (Centre de Généalogie du Finistère) Publication : Bulletin LE LIEN n° 53
Impression : Plougastel-Daoulas Année : 1995
Pages : 7 Référence : -

1 Notice bibliographique

Cet article est intéressant pour comprendre le contexte historique et juridique des communs ou terres vaines et vagues, de leur particularité en terres bretonnes (loi spécifique du 28 août 1792), c'est-à-dire la propriété collective incessible octroyée aux habitants (et non à la commune). Et également en raison de la présence tardive de ces communs à Ergué-Gabéric, notamment dans les matrices cadastrales de 1834.

Autres lectures : « CADIOU Didier - Essai sur les issues de village » ¤ « 1834 - Référencement des communs de village dans le cadastre » ¤ « 1755-80 - Mémoire sur les droits d'usage d'un terrain non enclos propriété de la fabrique » ¤ « 1912 - Partage de terres vaines et vagues de Keronguéo Leurquer d'antraon » ¤ 

Sommaire

Des usages particuliers continuent à être reconnus par nos codes comme faisant loi localement, à défaut de disposition impérativement contraire. Il y en a partout. Sans doute y-a-t-il des pans de droits spéciaux, maintenus en d'autres régions. Nous n'envisagerons ici que deux institutions encore vigoureuses et originales en Bretagne : le domaine congéable [1] et les communs de village.

2 Le bail à convenant ou domaine congéable

C'est un régime de propriété rurale pratiqué seulement en Basse-Bretagne, avec incursion en pays gallo, jusqu'aux limites des territoires Rohan et Porhoet, depuis le XlVème siècle (Strowski).

Il en reste quelques exemples, en particulier vers Auray.

Le propriétaire "foncier" (noble, bourgeois ou paysan) concédait une terre, dont il ne conservait que le sol ou fonds, le tréfonds ou les grands arbres y prenant racine, à un exploitant dont les noms sont multiples : domanier, convenancier, édificier, colon.

Celui-ci construira ses bâtiments, ses clôtures, plantera, récoltera en toute liberté, moyennant une modeste redevance annuelle dite convenancière.

L'originalité du système est que tout ce qu'il a ainsi ajouté au-dessus du sol constitue pour lui une véritable propriété, qu'il pourra vendre, hypothéquer, transmettre par donation ou héritage (avec préférence au plus jeune enfant ou juveignerie).

 

Le foncier garde le droit de contrôler que les édifices (ou superficies) ne sont pas abusifs comme trop somptuaires, ne perdant pas de vue l'autre droit important, celui de congémente et la charge éventuelle pour lui.

Il peut en effet mettre fin à la concession, à des intervalles variables suivant les usements locaux, mais à condition de payer au domanier la valeur de sa propriété, constituant des droits réparatoires. Cela se fait sur expertise, généralement de trois experts, et les rapports que l'on retrouve se révèlent riches en enseignements.

Un autre droit du foncier touchait le cas de déshérence, le bien de son domanier décédé sans hoir [2] proche lui revenant, comme il arrivait d'ailleurs pour les vassaux nobles, et comme il arrive encore parfois aujourd'hui au profit de l'État.

Malgré la rareté des congéments et des retraits successoraux, le régime du domaine congéable [1] a été vivement critiqué au XVIIIème siècle et à l'approche de la Révolution, qui l'a successivement amendé, supprimé, rétabli. Notre Code Rural lui consacre un titre.

3 Les communs de villages

Les juristes, surtout étrangers à la Bretagne, citent plutôt, comme intéressant principalement l'histoire, "les terres vaines et vagues" [3], formule éloquente.

Ces terres étaient très nombreuses, en France comme dans toute l'Europe. En Bretagne, on a pu affirmer qu'elles couvraient le tiers de la surface agricole. A défaut de titulaire précis, elles étaient considérées comme appartenant aux seigneurs ou, à défaut, au roi.

Au XVIIIème siècle, cette situation et, surtout, le maintien en jachère de la majorité de ces terres apparaissaient de plus en plus choquants et, sous l'influence des promoteurs du progrès agricole (Physiocrates, Société d'Agriculture, Turgot...), leur partage était souhaité. Quelques seigneurs en appréhendèrent une partie pour les concéder à des entrepreneurs privés, mais la réaction des paysans fut de se sentir dépossédés, et des manifestations violentes en résultèrent (Affaires des Abbayes de Fanton, près de PLOUGUENAST, contre le Duc de Penthièvre ; Vassaux de l'Abbaye de Redon, etc...)

Dès le début de la Révolution, on parla évidemment de ces fameux partages et les juristes, majoritaires parmi les députés, débattirent sur le droit de ces terres, obstacles au progrès et figurant en bonne place, selon eux, parmi les signes de féodalité. Après bien des projets, fut finalement adopté un décret, dit loi depuis, du 28 août 1792, sous l'empire de laquelle se trouvent toujours nos communs bretons.

L'admirable de ce texte est d'abord dans l'ambiance dramatique qui l'a vu naître : depuis la sanglante émeute du 10 août (massacre des Suisses), le roi, ayant demandé asile à l'assemblée, a été incarcéré et ses pouvoirs suspendus ; on prépare les massacres de septembre et, le soir de ce 28 août, on allait fermer les portes de Paris et commencer à arrêter les "suspects", prochaines victimes. La Commune insurrectionnelle exerce sa dictature sur la ville et l'Assemblée Législative, ou ce qu'il en reste.

 

La loi sur les vagues est dans l'esprit du temps : pas de détail, ils appartiendront aux nouvelles communes. Ceux qui subsistent aujourd'hui sont appelés communaux : tel est du moins le sort de ces terres pour le reste de la France. Mais, "pour les cinq départements qui composent la ci-devant province de Bretagne", une exception : ils appartiendront pour l'essentiel (les autres attributaires potentiels ayant été assez vite éliminés) aux "habitants des villages... actuellement en possession du droit de communer... "

Ainsi s'exprime l'article 10 de la loi, qui n'a jamais été remis en cause, et constitue encore aujourd'hui le seul fondement de la propriété de nos communs. Ils appartiennent donc aux ayants-droit des habitants de 1792, qui possédaient sur ces terrains des droits d'usage, eux-mêmes très étudiés par les juristes et les tribunaux de l'Ancien Régime.

Il était admis, depuis la "Très Ancienne Coutume", et plus encore depuis un rachat fait par les États de la Province, au XVIIème siècle, que le roi n'avait pas de propriété en cette Province (le franc-alleu n'y existait pas). A défaut d'autre titre, il n'était "nulle terre sans seigneur". C'est donc sur ces travaux anciens que nos bretons de la Législative firent admettre l'exception qui continue à constituer une curiosité historique et juridique. Ce fut là compétence, loyauté et courage, rares.

Il n'y eut pas d'empressement de la part des paysans ou leurs propriétaires à revendiquer le droit nouveau, pour différentes raisons, et l'on en vint vite à une impossibilité de procéder à des partages de forme "ordinaire", entre des gens souvent très difficiles à retrouver.

Une législation spécifique s'avéra nécessaire pour instituer une procédure simplifiée, basée essentiellement sur la publicité et l'appel aux candidatures au partage. Une première loi intervint en 1850, reprise, prorogée, finalement encore simplifiée en 1955, pour former un chapitre du Code Rural [4]. Ainsi cet élément de droit breton a, lui aussi, les honneurs de la Loi française, sans abandonner sa particularité, ni les nombreux problèmes que sa mise en œuvre pose aux praticiens et juges.

Beaucoup de communs ont été éliminés, par ruse souvent. Ils intéressent encore quelques centaines d'hectares (4 000 en 1934), mais surtout une infinité de petites parcelles, dont le sort méritera sans doute un jour une nouvelle intervention de la loi. Bicentenaire passé.

4 Base juridique de partage des communs de village

  • Texte légal - Décret, dit Loi du 28 août 1792 (article 10) :

« Dans les cinq départements qui composent la cidevant Province de Bretagne les terres actuellement vaines et vagues non arrentées afféagés ou accensés jusqu'à ce jour connues sous le nom de communs, frost, frostages [5], franchises, galois, etc. appartiendront exclusivement, soit aux communes, soit aux habitants des villages, soit aux cidevant vassaux qui sont actuellement en possession du droit de communer, motoyer, couper des landes, bois ou bruyères, pacager ou mener leurs bestiaux dans lesdites terres situées dans l'enclave ou le voisinage des cidevant fiefs. »

L'orthographe et la ponctuation de ce texte sont ici rigoureusement reproduites d'une copie fournie par les Archives Nationales, comportant la signature de HERAULT (probablement "de Séchelles"), président, et authentifiée par une double signature de DANTON.

Au cours des nombreuses controverses auxquelles a donné lieu ce texte fondamental, on a cherché à tirer argument de sa ponctuation. Ces subtilités perdent toute force à l'examen de ce document, où l'orthographe elle-même se trouve négligée.

Il convient tout de même d'observer que, contrairement à toutes les retranscriptions qu'en ont faites les plus savants auteurs (la faute en est sans doute au premier !), il s'agit bien ici, parmi les différents noms donnés aux terres en question sur le terrain breton, de communs, et non de communes, la petite fioriture finale équivalent à un s et non à es, comme le montre abondamment le reste de la graphie.

Le terme de commune était parfois employé en ancien droit breton ; mais moins habituellement que celui de commun, dont l'usage perdure.

Quant à "frost et frostages" [5], ils ont toujours cours en langue bretonne, sous une orthographe parfois un peu différente : "fraost por Per Jakez Hélias" (= inculte, friche, ou vague) ; "fraost" semble plus particulièrement vannetais.

Galois était un des noms de communs en pays Gallo, celui de franchise est plus français que breton, mais effectivement retrouvé dans les actes notariés.

 

Cet article 10 de la loi du 28 août 1792 est le seul texte légal sur lequel repose la situation juridique des Terres Vaines de Bretagne, couramment appelées Communs de Villages.

[...] Cet article 10 de la loi constitue une exception à la règle qui, par le reste du texte, faisait des nouvelles communes les attributaires des terres vaines et vagues [3] de France. Sans doute à cause de l'ambiance très particulière qui entourait les législateurs en cette période transitoire et fort troublée, les travaux préparatoires nous manquent. On sait seulement, par des débats antérieurs, que cette exception avait été présentée comme nécessaire par les juristes bretons (notamment le député et professeur de droit Lanjuinais), se basant sur l'absence dans notre province de terre libre ou franc-alleu, considérée d'ailleurs comme relevant directement du domaine royal.

Depuis la "Très Ancienne Coutume " (1330), la règle "Nulle terre sans seigneur" était d'application stricte et constante en Bretagne. Les seigneurs propriétaires mettaient habituellement les T.V.V. [3]à la disposition des cultivateurs dépendant de leurs fiefs (aux limites différentes de celles des paroisses), principalement pour le bénéfice de leur élevage.

Comme ces terres représentaient de vastes territoires (un tiers des terres de la province, selon certains auteurs), la tendance s'était fait jour, au cours du XVIIIème siècle, d'en concéder une partie à des entreprises spécialement bien outillées en vue d'une exploitation plus rationnelle, ce que les propriétaires considéraient, non sans raison, comme un progrès (et un profit), bien qu'il en résultât souvent des conflits avec les usagers, titrés ou non.

Dès l'établissement des premiers cadastres, il a paru suffisamment clair que que les seuls fondés à revendiquer la propriété des T.V.V. [3] étaient les "habitants des villages", et des comptes spéciaux furent établis, soit à leur nom générique, soit au "Commun de ..." tel village.

Les paysans bretons n'ont mis aucun empressement à faire établir leur nouveau droit : ils étaient quasi unanimement méfiants à l'égard de ce qui pouvait leur venir du nouveau régime et le partage s'opposait à des pratiques ancestrales, telles que le droit de pacage accordé aux pauvres sans terre.

G. RIHOUAY, Expert

5 Bibliographie sommaire

  • NADAUD H.L.L.  : Mémoire sur les terres vaines et vagues et les biens communaux et en particulier sur les propriétés de cette nature situées dans l'ancienne province de Bretagne - RENNES, 1828.
  • POULIZAC Th. : Résumé de la jurisprudence de la Cour impériale de Rennes en matière de partage des terres vaines et vagues - RENNES, 1860.
  • LEFEUVRE Pierre : Les Communs de Bretagne à la fin de l'Ancien Régime (1667-1789), étude d'histoire du droit, avec pièces justificatives - RENNES, 1907.
  • LE BRAS Jacques : Contribution à l’étude de la situation actuelle des terres vaines et vagues de Bretagne - RENNES, 1934.
  • Dictionnaire du notariat, Répertoire général de droit civil et fiscal avec formules, par les rédacteurs du Journal des Notaires et des Avocats, 1922-1941.
  • PLANIOL et RIPERT : Traité Pratique de Droit Civil Français. PARIS - 1952-1962.
  • PLANIOL Marcel : Histoire des Institutions de la Bretagne. RENNES - 1953-1955

6 Annotations

  1. Domaine congéable, s.m. : mode de tenue le plus fréquent en Cornouaille et en Trégor au Moyen-Age pour la concession des terres. Ces dernières constituent le fonds et restent la propriété des seigneurs. Par contre les édifices sont concédés en propriété aux domaniers par le propriétaire foncier (généralement noble) qui peut, en fin de bail, congéer ou congédier les domaniers, en leur remboursant la valeur différentielle des édifices nouveaux ou améliorés. Cela comprend tout ce qui se trouve au dessus du roc nu, notamment les bâtiments, les arbres fruitiers, les fossés et talus, les moissons, les engrais. Ce régime qui ne sera pas supprimé à la Révolution malgré les doléances de certaines communes bretonnes, sera maintenu par l'assemblée constituante en 1791, supprimé en août 1792 et re-confirmé en 1797. [Terme] [Lexique] [Ref.↑ 1,0 1,1]
  2. hoir : héritier. [Ref.↑]
  3. T.V.V. = terres vaines et vagues [Ref.↑ 3,0 3,1 3,2 3,3]
  4. Il s'agit du code rural dit ancien et des articles 58-2, 58-3 etc Chapitre 9 du Livre 1 (REGIME DU SOL) traitant des dispositions spéciales de procédure concernant le partage des terres vaines et vagues. Ces articles ont été abrogés en novembre 1992, et le Livre 1 supprimé [Ref.↑]
  5. Frostages, s.f.pl. : terres incultes, friches, terres vaines et vagues ou terres froides. En breton le terme existe : Fraost , ad. g. -où (en) friche, parfois clair, desserré, & brut, grossier (dictionnaire Favereau). [Terme] [Lexique] [Ref.↑ 5,0 5,1]