Mes parents, qui étaient amoureux s’amusaient à réaliser ensemble des court-métrages, mon père ayant acquis lors d’un voyage à New-York une caméra Baby Pathé d’occasion.
À cette époque, un « court » et des actualités précédaient le grand film dans toutes les salles de cinéma de France. Il y avait donc de nombreuses occasions, pour des amateurs éclairés avec quelques bonnes relations, de faire projeter leurs réalisations. Les « courts » avaient leurs festivals,et mes parents gardèrent un bon souvenir du festival de Punta del Este. Bien que située sur la côte uruguayenne, Punta del Este est une des plages de la gentry argentine. Un des meilleurs amis de mon père, un camarade du n°4 Commando, mon futur parrain, avait, par mariage, élu domicile en 1949 dans la pampa. Ma mère avait, comme actrice, participé à un voyage de l’Alliance Française en Uruguay et en Argentine. J’ai une photo sur laquelle elle pose avec Gérard Philipe, Martine Carole et Danielle Darrieux à côté d’Evita Perron, devant le portrait du Président Perron.
Les « courts » de mes parents portaient sur les sujets qui intéressaient mon père : « la Vie d’une Rivière », c’était l’Odet qui passe dans la propriété familiale ; « Requins sur nos côtes » relatait avec une voix off à faire frémir les enfants, une pêche au harpon du requin pèlerin, inoffensif, mais impressionnant quand sa dernière fuite entraîne sur des miles ensanglantés son agresseur.
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Pour chacun de ces films, mon père demandait à un artiste de réaliser un portrait de Maman qui servirait de fond pour le générique.
Il y a ainsi un portrait par Bernard Buffet, où Maman, sur fond de paysage méditerranéen, ressemble à Bernard Buffet ; un Goerg, sur lequel Maman tient dans les bras une corne d’abondance qui se confond avec la haie qui borde la poissonneuse Odet ; un Carzou, où la silhouette de Maman, sur fond de mâts, me faisait un peu honte tant il av ait exagérément moulé ses seins dans un tricot de marin. Certains portraits étaient moins heureux : j’assistais aux séances de pose avec Kérouédan, Maman étant assise sur une table basse dans le salon d’hiver, riche de souvenirs africains, d’où l’on voyait couler la rivière, mais sur ce tableau, elle portait quinze ans de plus qu’elle n’en avait. Il est préférable d’oublier la toile sur laquelle elle se détache d’un ciel nuageux, la tête surmontée de la coiffe en huit de Scaër, ou celle sur laquelle sa chevelure jure avec un vert épinard. Plus tard, il y eut un tableau de Marcel Jacno, où, au contraire, la présence de ma mère n’était en rien diminuée par le capuchon de la naufrageuse. Il parait qu’il y eut un portrait qui fut renvoyé à l’artiste, la grossesse de ma mère s’y voyant trop. Je n’ai vu que la photo d’un portrait par Vidal Cuadras, mais c’est normal : il avait été commandé par le premier mari de Maman, qui l’emporta au Venezuela.
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