Modèle:GwenanJMD-803 - GrandTerrier

Modèle:GwenanJMD-803

Un article de GrandTerrier.

Jump to: navigation, search
Image:Insertion.gif (edit)

Et cela, aussi, parce que cette fameuse société dite régionaliste de la Bretagne a demandé pour son concours annuel [1] , avec beaucoup d'autres écrits bretons, un écrit donnant les meilleurs moyens d'élever les abeilles. Je vais leur en donner un, quoique cela soit bien difficile. Écrire un traité scientifique et artistique dans une vieille langue barbare comme le breton, c'est presque impossible, puisque les choses principales vous manquent : les mots. Dante se plaignait, en écrivant sa fameuse Divina Comedia, de ne pouvoir s'exprimer comme il aurait voulu, et comme le sujet demandait, dans une langue encore au berceau : « lingua chi chimai mama a babo » (langue qui appelle mère et père). Notre vieille langue bretonne, une des plus vieilles peut-être, est cependant encore au berceau, et dans lequel elle mourra sans doute. [...]

Enfin, quoiqu'il en soit, je me suis mis à écrire, en breton, ce petit traité d'apiculture, mais comme les curés en leurs sermons, je suis bien obligé d'employer beaucoup de mots français, et même de mots latins, puisque apiculture vient du latin apis (abeille) et cultor (laboureur). Et toutes les matières dont les abeilles ont besoin pour la fabrication des petits vers, et toutes les transformations que ces vers subissent pour devenir abeilles, sont toutes désignées par des mots latins ou des mots grecs. Il est vrai que les régionalistes, non bretonnants, ont dit dans leur programme en s'adressant aux poètes et autres écrivains, qu'ils devront dans leurs poèmes et dans leur prose, s'efforcer de mettre leur peine (o foan), d'enrichir la langue bretonne et de relever l'esprit des Bretons. Cela est for bien. Enrichir la langue est chose facile, je l'enrichis joliment et forcément dans mon petit traité apicole. Pour quant à relever l'esprit des Bretons, c'est une autre question, une question anatomique et anthropologique. Oui, si ces régionalistes non bretonnants donnent le premier prix à celui qui aura le plus enrichi le breton, je suis persuadé qu'il me reviendrait, en même temps que le prix d'apiculture, car je ne connais dans la Bretagne bretonnante le moindre petit apiculteur.

Or, pour faire un traité d'apiculture, il faut être apiculteur, non pas un apiculteur en chambre comme nous avons des cultivateurs en chambre. Il faut avoir pratiqué les abeilles pour les connaître, les avoir beaucoup étudiées pour connaître leurs mœurs et savoir les moyens de tirer d'elles les plus grands profits possibles. Je sais bien que les paysans, ici, ont presque tous dans leurs fermes quelques ruches d'abeilles. Mais ces abeilles sont pour ainsi dire abandonnées à elles-mêmes, dans de mauvaises ruches, souvent à moitié pourries, écrasées sous des charges de mottes, de pierres, de vieux vases de terre ou de fer, perdues parmi l'herbe et les ronces. Du reste, les superstitions dont sont entourées ces filles d'Aristée, les protègent contre tout progrès en ce pays arriéré. On sait que les superstitions sont nombreuses chez les Bretons, mais sur aucune autre chose elles ne s'étendent autant que sur mes abeilles. C'est ici surtout que l'on peut voir l'ignorance des Bretons et le manque complet d'esprit d'observation. Et en effet, je connais ici de vieux Bretons, des paysans qui cultivent des abeilles depuis 50 ans, et qui ne connaissent encore rien, absolument rien, des mœurs de ces insectes intelligents, sinon les superstitions dont ils sont entourés. Et essayer de les détourner de ces superstitions est chose inutile. Si on s'avisait à dire à un de ces apiculteurs que ses abeilles ne vont jamais et ne peuvent aller plus loin que deux kilomètres de leur demeure, on serait bien vite remisé, traité d'imbécile et d'âne : il serait prêt à vous donner des témoignages des marins qui ont vu des abeilles sur leur navire lorsqu'il se trouvait à plusieurs milliers de lieues de la terre. Cela s'est vu certainement. Mais les marins qui ont vu des abeilles sur leur bâtiment en pleine mer, c'est justement parce que ces insectes craignent la mer ainsi que toutes les grandes étendues d'eau. Ces abeilles étaient allées chercher des matières grasses sur les mâts du bâtiment lorsque celui-ci était amarré au quai, mais qui quitta ce quai alors que ces insectes étaient occupées à sucer la matière grasse qui leur sert à fabriquer la propulus dont elles ont besoin pour boucher les cellules ou alvéoles, soit sur le miel, soit sur les vers qui doivent devenir des abeilles. Une fois que le bâtiment s'est éloigné à cent mètres seulement de la terre, ces abeilles ne le quitteront plus, tellement qu'elles ont peur de l'eau. Et quand