LEMAIRE Dominique - Le retable aux korrigans - GrandTerrier

LEMAIRE Dominique - Le retable aux korrigans

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Image:LivresB.jpgCatégorie : Media & Biblios  

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LEMAIRE (Dominique), « Le retable aux korrigans », dans Site Internet de l'auteur http://perso.numericable.com/dominique.lemaire/, Le Geste à la Parole, -, 17
Titre : Le retable aux korrigans
Auteur : LEMAIRE Dominique Type : Article
Edition : Le Geste à la Parole Publication : Site Internet de l'auteur http://perso.numericable.com/dominique.lemaire/
Impression : - Année : 2002
Pages : 17 Référence : -

[modifier] Notice bibliographique

D.L.

On s'en souvient encore quand en 2002 l'écrivain public Dominique Lemaire [1], alias Perrotin, vint en séance publique animer son atelier d'écriture à Ergué-Gabéric pour les anciens et les écoliers. Et le résultat fut à la hauteur de l'enthousiasme et l'énergie qu'il communiqua.

Avec les témoignages gabéricois, il écrivit la belle histoire du Retable du Korrigan,

  • qui démarre à la grotte des nains de Keranguéo,
  • puis se poursuit à la chiffonnerie de la papeterie d'Odet,
  • sur le terrain de Kroas-Spern pour un match de foot AEG contre les Paotred,
  • dans un supermarché du quartier du Rouillen, en pleines fêtes de Noël,
  • pour se finir à la chapelle de Kerdévot en compagnie des personnages de la nativité du retable.

Texte complet :

Et le final :

[modifier] Extraits

Début de l'histoire :

Au temps où la forêt n’était encore qu’une forêt, noire en novembre et claire en mai, vivait à Keranguéo, au lieu dit « la grotte aux nains », un korrigan de bonne famille et d’excellente éducation. Il avait appris de son père, lequel le tenait du sien, que la vie était simple, la nature généreuse et le temps immobile. Il vivait seul et caché, donc heureux, forcément heureux, sous un amas de roches, dures aux pas et doux à sa quiétude, à mi-hauteur du vallon de Stang Luzigou au fond duquel chantait l’Odet. De nature craintive et volontiers casanier, il se terrait sous sa roche au moindre bruissement de feuilles prévenant l’arrivée d’un lapin, d’un chevreuil ou de tout autre intrus aux frontières de son domaine. Du fond de sa grotte, par un trou qui ouvrait sur le ciel, il s’amusait des dessins qu’inventent les nuages et s’extasiait de la puissance des arbres. Il aimait les arbres de sa forêt, tous les arbres, dont il ne connaissait en fait que les troncs car il était trop petit pour imaginer que les feuilles dans le ciel fussent le produit des racines fichées dans la terre. Écorces rouge sombre des sapins noirs, troncs lisses des hêtres, droits de peupliers clairs ou troncs noueux des houx, il vouait un culte égal à tous et tous étaient ses amis. Toutes les trois semaines, la nuit où la lune parfaitement ronde faisait danser ses ombres mouvantes dans chaque repli de la forêt, le Korrigan descendait au bord de l’Odet. Là, sur une pierre plate dressée comme une table au bord du chemin que caressaient les doigts souterrains des arbres, il trouvait du pain, des pommes, du miel et des galettes, dont il faisait festin. Une vieille légende en cours chez les korrigans prétendait que ce repas était offert par des hommes, sortes de créatures tantôt monstrueuses et tantôt comiques, capables du meilleur comme du pire dont les vieux racontaient le soir les aventures aux petits enfants. Le Korrigan de la grotte aux nains avait dépassé depuis belle lurette l’âge où de croire aux contes. Il savait bien que les hommes n’existent pas et que son repas de chaque lune venait d’un arbre voyageur qui laissait tomber ses fruits toutes les trois semaines au bord de la rivière. Il mangeait donc sans crainte et de bon appétit. Avant l’aube, le ventre plein et la tête légère quand, par, bonheur l’arbre voyageur avait ajouté à ses fruits une bolée de sa sève pétillante et enivrante aux saveurs de pomme, le korrigan regagnait sa cachette, rassasié pour une lune. Il en allait ainsi depuis que la mousse aime le granit et que le granit aime la pluie, ainsi depuis le commencement des commencements dans la forêt du Stang Luzigou, le vallon des myrtilles.

 

Le match de foot :

L’équipe entra sur le terrain sous les acclamations du public. Ça hurlait de tous les côtés, des voix d’hommes surtout, mais aussi des voix de femmes. Bazar ! Bazar ! Aujourd’hui, c’est un autre rythme : Allez paotred ! AEG ! AEG ! Le Korrigan sentit qu’on le posait au sol. Il y eut un coup de sifflet. La sarabande infernale se mit en branle. A droite, à gauche, à droite, à gauche, en avant, en avant, choc, en arrière, shoot, vol plané, long dégagement à l’aile, réception de la tête, et bing un grand rebond sur le poteau dur d’une cage de but. Clameur de la foule, à pleine voix, à plein poumons. Il n’y a pas que les joueurs qui se dépensent quand les Poatred Dispount affrontent l’AEG du bourg  ! Hurlements, protestation. Chiqué  ! Coup de sifflet  ! Penalty  ! Le ballon immobile. Silence sur le stade, silence de drame. Coup de sifflet et brusquement, bang ! coup de canon ! Catapulte à la vitesse de la lumière. Le korrigan plaqué contre le cuir de la balle jusqu’au ciel, jusqu’à la lune, jusqu’au soleil, jusqu’au fond des buts du gardien de l’AEG. Explosion de joie, explosion de douleur. Ça chante et ça gueule. Paotred Dispount ! Paotred dispount ! Et c’est reparti, balle au centre, une deux une deux, la passe. Mal de mer, grand roulis, les quarantièmes rugissant, le cap Horn et l’Odet en crue. Roulis, tangage, grand huit et train fantôme. Et ça monte, et ça vole, au-dessus des têtes des paotred, au-dessus des poings du gardien jaillit comme un diable de sa cage, dans la lucarne, oui ! et roulez jeunesse au fond des buts des gars sans peur. AEG ! AEG ! Un but partout. Égalité ! Pour la Fraternité, faudra repasser un autre jour ! Le pauvre korrigan saoulé de bruit et de mouvement ne sait plus où il en est, qui il est et même s’il est encore vivant. Le ballon disparaît sous les joueurs qui s’entassent dessus. Et un et deux et trois en tas ! Coups de poings, coups de pieds. Coup de sifflet, carton rouge. Penalty. Le silence à nouveau, le même silence que tout à l’heure. Le korrigan a compris. Non pas de penalty, pas le coup de canon ! Ça va être terrible. Le joueur se concentre. C’est un gars de l’AEG qui va tirer, le plus costaud, celui qui est arrivé tout à l’heure sur son tracteur juste pour le début du match. Le meilleur du bourg. Kercannon Ball ! Il prend son élan, court. Non ! Comme un hamster dans sa cage, le korrigan court à l’intérieur du ballon qui se met à bouger tout seul. Kercannon Ball arrive à pleine vitesse, shoot... dans le vide ! Clameur. Éclats de rire. La colère vire à la haine, les femmes sortent leurs parapluies. Les gars qui boivent le coup ensemble se traitent à la troisième génération, les gabiers qui chantent en canon à la MPT le jeudi soir vocalisent des injures discordantes. La confusion est totale.

[modifier] Annotations

  1. Romancier, producteur acteur de théâtre, Dominique Lemaire est surtout connu pour ses séances d'écrivain public lors desquelles il produit des œuvres de collectage dans de nombreuses villes et villages de France. Formés de fragments des témoignages locaux de toutes générations, ses contes et nouvelles sont des révélations. Son site Internet : Le Geste à la Parole [Ref.↑]


Thème de l'article : Fiche bibliographique d'un livre ou article couvrant un aspect du passé d'Ergué-Gabéric

Date de création : Octobre 2009    Dernière modification : 23.12.2015    Avancement : Image:Bullgreen.gif [Fignolé]