Les billets hebdos de l'actualité du GrandTerrier - GrandTerrier

Les billets hebdos de l'actualité du GrandTerrier

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Chaque semaine, un nouveau billet annonçant un ou plusieurs articles sur le site GrandTerrier.

Une compilation des billets est publiée en fin de trimestre sous la forme des chroniques du Bulletin Kannadig.

Anciens billets hebdos : [Actualité, archives]

Les anciennes affichettes : [Accroches à la une]

Modifications d'articles : [Journal des MàJs]


Sommaire

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1 Sergenterie féodée en 1538-1544

Billet du 26.07.2020 - Un registre de 117 folios conservé aux Archives départementales de Loire-Atlantique sous la cote B 2036 contenant l'ordonnance de réformation du nouveau domaine de roi de France après Union de la Bretagne, et deux mentions de l'office de sergenterie féodée d'Ergué-Gabéric.

Nous devons à Raymond Delaporte la preuve de la charge détenue par Alain Kersulgar de Mezanlez, l'annexe de son étude sur la sergenterie féodée, page 185, donnant ce détail : « B. 2036. Réformation du rôle rentier ; mentions des offices féodés. Folio 70 verso : sergenterie féodée de Mezanlez. Folio 72 verso : Kergamon et Kergastel, gages de la sergenterie d'Ergué-Gabéric. »

Du 13e au 16e siècle, la charge de sergent féodé, ou fieffé, est octroyée à certains nobles pour mettre à exécution les mandements de justice et le recouvrement des rentes ducales ou royales.

Le registre rentier B. 2036 de 1538-1544, conservé aux Archives départementales de Loire-Atlantique, fait suite au rapport nominatif préparatoire de 1536, en donnant la fiscalité précise de chaque lieu. Il est introduit par l'ordonnance du roi de France du 8 février 1837 sur le sujet de la réformation de son domaine en Bretagne. François Ier ayant épousé Claude, fille d'Anne de Bretagne, a hérité d'un vaste territoire qu'il veut réformer en demandant la consignation dans un registre de toutes les rentes féodales.

L'ordonnance de 1537 reprend rigoureusement l'adresse du célèbre édit de Nantes de 1532 traitant de l'Union de la France et la Bretagne : « François par la grâce de Dieu Roi de France et père et légitime administrateur et usufruitier des biens de notre très cher et très aimé fils le Dauphin, Duc et seigneur propriétaire des pays et Duché de Bretagne. »

  Le rentier aux 117 feuillets parchemins, est d'une même écriture typique du 16e siècle avec ses "d" à la barre inclinée à gauche. Son contenu est riche, et n'a fait l'objet à ce jour d'aucune transcription complète ou étude de chercheur en histoire. Y sont listés tous les biens nobles sujets à chefrentes royales de basse-Cornouaille, avec y compris les riches maisons de la ville close de Quimper. Les lieux, propriétaires et montants dus sont précisés, ainsi que les noms des officiers chargés du recouvrement.

Comme détenteur de la sergenterie d'Ergué-Gabéric apparaît donc « Allain Kersulgar seigneur de Maisanlez » pour d'une part les chefrentes de Kerfors (50 s.), et d'autre part celles de Kergamon et Kergastel (27 s.) : «  soubz le Roy pour gaiges de la dicte sergenterie féodée ». Cet Alain Kersulgar, époux de Marie Botigneau, est aussi cité dans l'ébauche de Réformation de 1536, et le manoir de Mezanlez restera propriété des Kersulgar jusqu'à la fin du 17e siècle.

Les générations de Kersulgar, détenteurs de Mezanlez :

Alain I de Kersulgar (réform. 1426)
 x Jeanne de Mezanlez
 |- Jan de Kersulgar
 |- Yvon de Kersulgar, seigneur de Mez-en-Lez (montre 1481)
 |   x 1448 Beatrix de Kervezaout
 |   |- Jean de Kersulgar, sr de Mesanlez
 |   |   x Jeanne de Kergoff
 |   |   |- Alain II de Kersulgar, sr de Mesanles (reform. 1536)
 |   |   |   x Marie Botigneau
 |   |   |   |- Jan de Kersulgar, sr de Mezanlez
 |   |   |   |   x 1616 Marye de Kerourfil
 |   |   |   |   |- Alain III de Kersulgar, sr de Mezanlez (1636)
 |   |   |   |   |   x Claude de Moellien
 |   |   |   |   |   └ François de Kersulgar, sr de Mezanlez (1638, 1668)
 |   |   |   |   |      x Marie Billoart, dame de Mezanlez
 |   |   |   |   └ Marguerite et Françoise de Kersulgar
 |   |   |   |- Claude de Kersulgar x Guillaume Le Guerriou
 |   |   |   └ Françoise de Kersulgar x Tanguy de Finamour
 |   |   └ Marye, Françoise et Izabeau de Kersulgar
 |   └ Marye de Kersulgar x Louis Lesmais
 └ Henri de Kersulgar (1475 pour Kernaou)


En savoir plus : « 1538-1544 - La sergenterie féodée de Mezanlez dans le rentier des recettes de Quimper », « Les Kersulgar, nobles de Mezanlez et Kernaou, 15e-17e siècles »

2 Un document parchemin de 1540

Billet du 18.07.2020 - Jusqu'à cette présente semaine, nous ne connaissions que le registre d'inventaires conservé à Quimper sous la cote A85 pour authentifier les déclarations nobles de propriété, dont notamment celle du manoir et lieu noble de Kernaou par les Kersulgar en 1475 et 1540.

Nous avons retrouvé aux Archives départementales de Loire-Atlantique l'aveu original de Kernaou, présenté en 1540 par Charles Kersulgar, qui est en papier parcheminé et de belle facture avec d'élégantes calligraphies. Il donne la description du lieu et manoir de Kernaou (orthographié Kernou) et les terres et villages rattachés au domaine tenu « prochement et noblement à foyhommage »  :

On sait très peu peu de choses sur ce Charles, « escuyer seigneur de Kernou », si ce n'est qu'il représente la 3e génération détentrice de Kernaou (son père et son grand-père se prénommaient Henri, et son arrière grand-père Alain a fondé également la succession des Kersulgar du village voisin de Mezanlez) et que les deux générations suivantes y resteront jusqu'au 17e siècle.

Charles est déclaré dans les registres de Réformation de la Noblesse de Cornouaille en 1536 : « Charles de Kersulgar, sieur de Kernouë ».

Les 5 générations de Kersulgar à Kernaou :

 Henri de Kersulgar (1475)
 x Jeanne Prévost (dame héritière de Kernou)
 └>Henri II de Kersulgar (1475)
      x Marie Moysan
     └> Charles de Kersulgar, (1540, 1536, 1554)
          └> Louis de Kersulgar, seigneur de Kernaou (1562, 1580)
               x Marie Saludenn
               └> René de Kersulgar, écuyer, seigneur de Kernaou
                    x 1624 Marie Autret, fille de René Autret

Le lieu de Kernaou a fait l'objet d'un acte daté de 1475 et présenté par Henri Kersulgar père et fils, avec cette formule transcrite dans le registre A85 : « Henri Kersulgar garde naturel de Henri son fils pour le manoir de Kernou et apartenances », le premier Henri ayant hérité des lieux par le biais de son épouse Jeanne Prévost. Dans un acte daté 27 février 1479, Henri de Kernaou et Yvon de Mezanlez sont qualifiés de « freres germains ». Henri se fait représenter en 1481 à la montre militaire de Carhaix : « Henry Kersulgar, par Jehan Provost le Jeune, archer en brigandine et vouge ».

On trouvera dans l'article détaillé une tentative de transcription du document original de 1540, avec en regard ce qui a été retenu et résumé dans le registre d'inventaire A85 plus tardif.

 

Le manoir est décrit "ET PREMIER" en première des 8 pages : « où demeure le sieur Kersulgar en la dite paroisse d'Ergue Caberic, contenant soubz maisons, ayre, pourpris et terres chaudes envyron treize journaux ».

Les villages et terres constituant le domaine noble de Kernaou sont dans l'ordre Coat Piriou (Quoet Quiriou), Lezouanac'h (Lesonmenech), Kerdohal, Chevardiry, Kernéno-Kerdilès (Keranhenaff), Meouet (Mezhouet) et également quelques terres à Briec et à Chateaulin. Au 17e siècle le domaine de Kernaou tombera par succession maritale dans l'escarcelle des familles nobles voisines de Kerfors et Lezergué, à savoir les Autret et de La Marche.

En savoir plus : « 1540 - Adveu du manoir de Kern(a)ou présenté par Charles Kersulgar », « Les Kersulgar, nobles de Mezanlez et Kernaou, 15e-17e siècles »

* * *

La semaine prochaine nous publierons un autre document inédit d'archives nantaises sur les Kersulgar, mais cette fois pour détailler la branche de Mezanlez.

3 Bulletin Kannadig estival n° 50

Billet du 11.07.2020 - Ce bulletin rassemble les chroniques gabéricoises du deuxième trimestre 2020 publiées chaque semaine sur le site Internet Grandterrier.net. L'envoi postal dans les chaumières inclut aussi le n° précédent qui avait été mis en ligne, mais gardé au frais pour raison de confinement.

Pour oublier un peu la pandémie, on se remémore tout d’abord dans ce Kannadig la première grande fête républicaine au Cleuyou en 1890.

Ensuite les identifications collectives d’avril des vidéos d’Alain Quelven mises à disposition par la Cinémathèque de Bretagne : scènes de chasse, pêche, basket-ball féminin, processions des années 1950.

Le sujet suivant, daté de 1680, évoque l’entrée de Lestonan et ses patibulaires dans le domaine du Roi.

Deux autres sujets se passent à la veille et pendant la Révolution : le paiement de la dîme ecclésiastique à l’Evêque et le tout premier mandat de maire. Pour la seconde moitié du XIXe siècle, le livre d’un anglais en vacance à Kerdévot, les sciences naturelles selon Déguignet et enfin le vol de la caisse des salaires ouvriers de la papeterie d’Odet.

Au XXe siècle, on a un étrange arrêté préfectoral sur la conduite à gauche des chevaux, les mesures de protection des monuments historiques, et le vol d’habits à Tréodet, avec aussi l’évocation d’une gwerz de Marjan Mao.

Et, pour finir, on revient au thème de la fête : la gavotte aux garages de la rue de Croas-ar-Gac en 2008, un chant que Marjan a aussi interprété 30 ans avant.

 
Pour évoquer le soleil de l’été, nous proposons la chanson Heol Glaz des Tri-Yann : « Rag eun heol glaz eo hennez, O hunvréal ennañ e-unan en deiz Hag o teuzi da noz E hunoù ar Vretonned » (Elle est un soleil bleu-vert, Qui se rêve lui-même le jour Et se dissout la nuit Dans les sommeils bretons)

Lire le bulletin en ligne : « Kannadig n° 50 Juillet 2020 »

4 Accordéon, chant et gavotte aux garages

Billet du 04.07.2020 - Une vidéo amateur pour la clôture d'un rassemblement de musiciens et chanteurs qui se sont déchaînés en impros et répétitions dans les sous-sols du haut de la rue de Croas-ar-Gac autour d'un chant traditionnel « Son ar Meilher », rebaptisé à l'occasion « Gavotte aux garages ».

Le 20 septembre 2008, une session préparatoire du festival d'accordéons de la sympathique association « Boest an Dioul » dont le nom signifie "boîte du diable" - surnom donné autrefois à l'accordéon diatonique par les prêtres pour ses facultés diaboliques d'appels à la danse - était organisée à Ergué Gabéric du côté du quartier de Lestonan-Quélennec.

Trois garages en sous-sol de la rue de Croas-ar-Gac avaient été ouverts pour cette manifestation : chez Françoise et Dédé Larvol, chez Marie Thé et Didier Le Meur et chez Monique et Didier Coustans-Roland. La rue était barrée et déviée par Pontlen, les gens pouvaient déambuler d'un garage à l'autre, et sous le barnum installé au milieu de la rue pour la buvette et les "billigs". Les gens du quartier étaient venus nombreux et avaient bien apprécié cette très belle soirée.

Et notamment tout le monde se souvient de cette "gavotte aux garages" super entraînante. En fait c'est une reprise du chant traditionnel « Son ar Meilher » (chant du meunier) avec cette orthographe et prononciation locale "meilher", équivalente des "miliner" ou "meliner" plus classiques à l'écrit. La chanson est connue aussi sous le titre complet « Son eur miliner yaouank d'e vestrez » (la chanson d'un jeune meunier à sa bien aimée). Les paroles sont transcrites et traduites dans l'article (après la vidéo et les photos vignettes), avec la copie du cahier de chants des années 1970 et de la feuille volante des années 1900, la version complète ayant été fournie par le chansonnier Kolaik Pennarun (1871-1919) de Landrevarzec.

Les chanteurs qui se sont joints aux accordéonistes et autres musiciens de « Boest an Dioul » sont le gabéricois Jean Billon et l'elliantais Christophe Kergourlay, avec l'aide rapprochée du scaërois Guy Pensec. Sur la vidéo ils chantent sur un air de gavotte, plus précisément le deuxième temps « ton doubl » à la rythmique musicale redoublée et plus vive qui suit le « ton simpl » et le bal ou « tamm kreiz » plus lents.

Mais il se trouve que cette chanson, et ses paroles à l'identique, étaient dans le répertoire de la chanteuse Marjan Mao qui habitait à Stang-Odet tout près de Croas-ar-Gac. Sous la forme d'une complainte ou « gwerz », ses couplets disent aussi le bonheur d'un enfant meunier de la région et de sa douce amie, puis l'éloignement forcé et le départ du pays, et enfin, au bout de 14 ans, le retour et les tentatives du meunier pour renouer, mais qui se heurte à une réalité sociale bien figée.

La vidéo et les paroles du « ton doubl » se terminent par un couplet spécial qu'on qualifierait aujourd'hui de sexiste : « Ar plant yaouank hall breman dougen frouez ha bleiniou ; Mez prestig teuy da zevel keonid war o zreujou » (Les jeunes plantes peuvent maintenant porter fruits et fleurs Mais bientôt se lèveront Des toiles d'araignée sur leurs tiges).

 

Ce texte est dans la version de Kolaik Pennarun, mais Marjan Mao en 1979 l'a ignoré ostensiblement. Elle a continué son chant par treize autres strophes qui expliquent la distanciation sociale entre le pauvre meunier et la riche fille d'agriculteurs. Et cette interprétation complémentaire, dont le texte est aussi dans la feuille volante, est exécutée de mémoire seulement, car Marjan ne savait pas lire du tout.

Les musiciens de la fête des garages sont principalement les accordéonistes Jean Marc Guéguen, plus connu sous le nom de Gaston, et l'incontournable Thierry Beuze de Plonéis, ainsi que les violonistes Loïc Le Grand-Lafoy et sa fille Emilie, accompagnés de leurs amis guitariste, saxophoniste et flûtiste.

Et les nombreux spectateurs sont venus en voisins, tous ou presque des alentours de la rue de Croas-ar-Gac. Pour les identifier, des vignettes d'arrêt sur images, avec numéros de chrono-vidéo, ont été créées. Si vous vous reconnaissez, ou reconnaissez vos amis, n'hésitez pas à nous communiquer leurs noms et/ou prénoms (infos à admin @ grandterrier.net).

En savoir plus : « La "gavotte aux garages" de la rue de Croas-ar-Gac, Boest an dioul 2008 », « Les chants de Marjan Mao, collectage des Daspugnerien Bro C’hlazig en 1979 »


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À l'occasion du 20ème anniversaire du groupe LIRZHIN, un spectacle intitulé « Scènes & ripailles à Ker Anna » mettra à l'honneur la chanteuse Marjan Mao dimanche 20 septembre prochain à 16 H au centre culturel Athéna, avec en première partie les Gabiers de l’Odet. Une belle fresque musicale imaginée par Pascal Rode, entouré des chanteurs et musiciens de Lirzhin, et d’autres invités surprises.

Ce spectacle relate la vie des ouvriers(ères) dans la cité de Ker Anna avec la dualité de deux époques : avant 1950, la tradition, autour des chants de Marjan Mao ; après 1950, l’arrivée de la modernité à travers les propos recueillis auprès de Jean Hascoët ; tous les deux anciens ouvriers du moulin à papier d'Odet.

5 Premier mandat municipal historique

Billet du 27.06.2020 - Ce week-end de fin juin est organisé le second tour des élections municipales gabéricoises : c'est l'occasion de se remémorer ce qui a marqué le tout premier mandat communal, à savoir deux pétitions signées par son maire pour le maintien des prêtres et l'exil d'une fille de mauvaise vie.

Jérome Kergourlay, né le 6 décembre 1737 à Ergué-Gabéric, est installé comme agriculteur à Squividan. Il est le premier maire de la commune créée en 1790, cette nouvelle structure remplaçant celle de la paroisse, et son nom avec ce titre de maire apparaît dans deux documents de 1791.

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Le premier document est conservé aux Archives Départementales de Quimper sous la cote 18 L 24. La lettre, datée du 1er février 1791, contresignée par le nouveau maire Jérôme Kergoulay, agriculteur au village de Squividan, et par plusieurs officiers municipaux et notables, est l'expression de la toute nouvelle assemblée communale « tenue en la sacristie de la dite paroisse où a présidé Jerôme Kergourlay maire ».

La demande est adressée au District et au Département pour le maintien en postes des prêtres de la commune qui n'ont pas prêté serment à la Constitution Civile du Clergé : « ne voulant pas que l'office divin et l'administration de sacrements soient interrompus, elle prie ces Messieurs de vouloir bien continuer leurs fonctions à l'avenir comme au passé ».

Les prêtres réfractaires de la paroisse sont au nombre de quatre : Alain Dumoulin, recteur (émigrera à Prague en Bohème) ; Vallet, curé (sera nommé recteur de Kerfeunteun) ; Jean-Baptiste Tanguy, prêtre ; Le Breton, clerc tonsuré. Aucun d'entre eux ne restera en place, car un curé constitutionnel sera nommé.

* * *

Le deuxième dossier, également conservé aux Archives Départementales du Finistère (sous la cote 12 L 4) et comprenant une pétition communale et les réponses des autorités révolutionnaires, constitue de notre point de vue un véritable morceau d'anthologie.

Le 14 mai 1791, les conseillers de la commune nouvellement créée formulent une pétition auprès des instances administratives révolutionnaires pour se plaindre des agissements d'une fille de mauvaise fréquentation : « 1° Elle n'est pas originaire de notre paroisse, 2° elle a la vérole, 3° elle se lave dans neuf fontaines dans la persuasion de se guérir, superstition, elle est de mauvais exemple, elle a fréquenté les soldats, elle a eu un enfant.  »

 

" Nous soussignés officiers municipaux assemblés de la paroisse d'Ergué-Gabéric, nous supplions très humblement de prendre en considération la plainte que nous vous portons, avec confiance, d'une fille de mauvaise vie que nous avons sur notre paroisse ... "

À la réception de la requête signée par Jérôme Kergourlay, premier magistrat de la commune, le Directoire du District de Quimper se prononce pour « enjoindre à la fille de se retirer incessamment de la dite paroisse, et au cas qu'elle y reparaisse, à la faire arrêter et conduire aux prisons de cette ville », au nom du principe de « la liberté qu'a incontestablement toute communauté de chasser de son sein les individus qui n'ayant aucun titre à son assistance, lui paroitroient dangereux ».

In fine, craignant que l’intéressée communique à tout le canton le mal dont elle est atteinte, le Directoire décrète « qu'à la diligence du maire et procureur de la commune de la municipalité d'Ergué-Gabéric, la fille dont il s'agit sera incessamment appréhendée et conduite aux prisons de Quimper et ensuite transférée au frais de l'Etat à l'Hopital vénérien de la ville de Brest pour part les gens de l'art, les remèdes convenables, lui être administré, jusqu'à parfaite guérison, et ensuite renvoyé à la municipalité de droit ».

L'hôpital militaire de Brest est bien chargé au 18e siècle du traitement anti-vénérien en Cornouaille et Léon. En 1763 le chirurgien-major M. de Montreux rapporte à son Ministère y avoir traité avec succès des centaines de Vénériens, ceci grâce aux dragées de Jean Keyser. Ces dernières sont en fait des pilules d'acétate de mercure et d'amidon dont la formule est vendue par son inventeur au gouvernement français en 1772.

On peut penser que le remède administré à l’hôpital de Brest sera efficace et que la fille gabéricoise, guérie de son mal, pourra revenir dans sa commune d'origine pour y élever son enfant.

En savoir plus : « Jérôme Kergourlay, maire (1790-1792) », « 1791 - Demande du maire pour le maintien de prêtres réfractaires »,
« 1791 - Requête municipale contre une prostituée »

6 Des "conchennou" anti-gauchistes

Billet du 20.06.2020 - La colère d'un conseiller municipal conservateur qui s'insurge contre l'autorité préfectorale républicaine qui voudrait imposer la conduite pédestre des chevaux sur les routes pour éviter des accidents de circulation. Délibérations municipales et journaux locaux finistériens.

Jean Mahé, né en 1872, neveu de l'ancien maire d'Ergué (également Jean Mahé), est cultivateur à Mezanlez. En septembre 1906 il est nommé conseiller de l'équipe du maire conservateur Louis Le Roux de Kerellou, et reste conseiller jusqu'en 1917, bien que mobilisé.

Au conseil municipal du 4 août 1907, élu secrétaire pour la délibération du jour, Jean Mahé fait écrire dans la délibération du jour : « Le maire entretient le conseil des multiples inconvénients que présente pour les cultivateurs la mise en application de l'arrêté préfectoral en date du 26 juin 1907 préconisant que tout individu conduisant un cheval en main, attelé ou non, devra se placer à gauche de l'animal ».

Et il demande au préfet François Joseph Ramonet de surseoir car « le susdit arrêté est difficilement applicable à la campagne et qu'il est de nature à produire de nombreux accidents, tant dans les petits chemins creux et encaissés ».

Il faut dire qu'en juillet Jean Mahé a publié une lettre ouverte au préfet dans laquelle il se moque du nouveau pouvoir républicain : « Je sais bien, l'exemple venant du haut, que le char de l'État a des tendances à marcher toujours plus à gauche et que la droite est un sujet d'aversion aiguë ». Et en conclure par cette provocation : « Parmi les habitudes, il est sage de conserver les bonnes, et celle de mener à droite en fait partie. »

Et pour appuyer son argumentation, il fait parler les plus âgés, paysans et chevaux : « J'entendais, l'autre jour, les plaintes d'un vétéran des champs, de 65 ans, dont le cheval s'en allait lentement, alourdi par le poids de 25 années de travail : "Comment veux-tu, mon pauvre ami, que je conduise à gauche, je n'ai toujours connu que ma droite" ... Tout ça c'est des changements qui ne disent rien, ce sont des conchennou (*). »

Et il imagine un accident avec un guide à gauche : « Une automobile apparaît brusquement au tournant d'une de nos routes si pittoresques, avec sa trépidation et le mugissement de sa trompe, le cheval s'effraie, fait un écart et le conducteur à gauche, projeté sous les roues du terrible teuf-teuf ... se remue, s'agite comme un ver coupé. Adieu cheval et charrette !  ».

 
(inspiré par un dessin de Laurent Quevilly, 1998)

Une autre réaction dans le même hebdo catholique rebondit sur les propos de Jean Mahé et propose de façon humoristique une réécriture de l'arrêté contesté : « Art. 1er. - Les chevaux qui ne pourraient être conduits à gauche et par la tête, pourront l'être par la queue ».

Et les jours suivants les autres journaux rendront compte de l'émotion soulevée dans la population paysanne de tout le département et des débats houleux aux séances du Conseil général.

En fin d'année, le texte de l'arrêté est révisé par le nouveau préfet Eugène Allard : « Considérant que l'arrêt sus-visé a soulevé de nombreuses protestations, motivée par une habitude invétérée de se tenir à droite des attelages, et qu'il y a lieu de tenir compte de ces protestations en ce qui concerne les chevaux attelés, tenus en main ». L'article 1er est donc modifié en conséquence, la technocratie républicaine a dû reculer devant la contestation locale.


En savoir plus : « 1907 - Un conseiller contre l'arrêté préfectoral sur la conduite à gauche des chevaux », « Arrêté préfectoral sur le guide des chevaux à gauche, journaux locaux 1907 »

(*) Koñchennoù, sf. pl. : bretonnisme, « histoires, bavardages, balivernes ». Konchenner, c'est commérer. Source : Les bretonnismes d'Hervé Lossec, "de retour".

7 Vol au moulin à papier en 1887

Billet du 13.06.2020 - Le vol dans des circonstances rocambolesques de la caisse contenant l'argent liquide servant à payer le personnel du moulin à papier d'Odet. Comptes rendus des audiences d'assises dans les deux journaux locaux « L'Union Agricole » et « L'Union Monarchique du Finistère ».

On appelait cette bande « Les voleurs de Quimper » car pendant de nombreuses années ils écumèrent la région quimpéroise en commettant d'importants vols d'argent bien organisés. L'un d'entre eux était d'origine gabéricoise : Pierre Le Roy, né en 1857 à Guillyhuec, de profession aide-agricole ou potier.

C'est grâce à lui que la bande, menée par un certain Pierre-Louis Motion, a pu commettre le vol par effraction à l'usine de fabrication de papier à Odet : « Le Roy, qui a travaillé pendant longtemps au moulin, savait que le paiement du personnel devait être effectué le 7 mai et il avait acquis la certitude que son oncle, charretier de l'usine y avait porté de Quimper, dans l'après-midi, le 6 mai, une caisse contenant le billon nécessaire à cette paie. ».

Le compte-rendu des assises détaille précisément leur méfait : « ils se couchèrent dans une allée d'arbres plantés le long du jardin et attendirent là jusqu'à minuit, heure à laquelle les ouvriers se relèvent au travail de l'usine. ». Grâce aux informations de l'oncle charretier et avec l'aide d'un « ciseau à froid » de serrurier, ils réussissent à s'emparer et à ouvrir la caisse en bois de la paie, mais échouent à ouvrir le coffre-fort.

On apprend que le montant de la paie de début de mois des ouvriers est de 280 francs en « billon » (menue monnaie). Cette paie ne couvre pas les indemnités d'une quinzaine, car l'entreprise compte 120 salariés au total à l'époque et le salaire moyen, d'un ouvrier homme est de l'ordre de 2,5 à 3 euros par jour. Certes femmes et enfants sont nombreux à travailler à Odet (cf photos ci-contre), mais l'équation semble improbable.

Dans les articles de journaux, pour désigner les propriétaires du moulin à papier, il est question soit de Madame ou de Monsieur Bolloré, soit de « Messieurs Bolloré, manufacturiers à Ergué-Gabéric ». Ceci s'explique d'une part par le fait que le premier dirigeant Bolloré, Jean-René, est décédé en 1881, et que sa veuve Eliza, née Le Marié et sœur du fondateur Nicolas Le Marié, a conservé la direction de l'entreprise jusqu'en 1891.

 
hommes, femmes et enfants ouvriers d'Odet vers 1880-90

femmes ouvrières d'Odet vers 1894

Et d'autre part parce que le fils aîné, René-Guillaume Bolloré, travaille dans l'entreprise avec ses deux frères Charles et Léon sous la supervision de leur mère : « Après quelques années de tâtonnements et de collaboration, l'aîné des trois fils, toujours M. René, prit seul en main la direction : il devait la conserver vingt-quatre ans. » (abbé Édouard André-Fouet), jusqu'à son décès en 1904.

En tous cas, les malfrats du vol du moulin à papier d'Odet n'ont pas échappé à un verdict relativement sévère : 20 ans et 15 ans de travaux forcés pour les deux meneurs, et 5 ans de prison pour leur complice gabéricois Pierre Le Roy.

En savoir plus : « Vol de la caisse de la paye du personnel à Odet, journaux locaux 1887 », « Elisabeth Bolloré (1824-1904), nièce, fille, épouse et mère de fabricants de papier », « René-Guillaume Bolloré (1847-1904), entrepreneur papetier »

8 Du côté de Lestonan en 1680

Billet du 06.06.2020 - Voici comment le village orthographié Lezdonant et trois de ses parcelles nommées Parc Rupin est entré dans le domaine de sa Majesté le Roy, après avoir servi de lieu d'implantation des poteaux de justice ou patibulaires de Kerfors et de Lezergué.

En cette fin de 17e siècle, la réformation du domaine royal a bouleversé la perception des droits seigneuriaux sur le territoire d'Ergué-Gabéric, notamment du fait que certains seigneurs locaux comme ceux de Kerfors et de Lezergué se sont vus déboutés des droits de justice et de chefrentes sur certaines mouvances de leur proche-fief.

Les terres et le village de Lestonan qui dépendaient auparavant de Kerfors et de Lézergue font désormais partie des lieux roturiers « réunis au domaine de sa majesté sous sa garde royale ».

Nous avons transcrit les déclarations publiées dans le volume du papier terrier conservé aux Archives nationales. Mais comme le premier dénombrement est quasi illisible, nous avons complété par les folios originaux du « Livre de sentences contenant les ordonnances de correction et de réception rendues par les commissaires réformateurs du papier terrier du Domaine de Quimper » (Archives de Nantes, cote B 2050).

Les déclarations et sentences concernent d'une part le village de Lestonan, avec « maisons, four, ayres, pourpris, issues à framboy, issues », et d'autre part trois champs dépendant du dit village, dénommés « Parc Rupin » en breton.

Le lieu-dit Lestonan est orthographié avec plusieurs variantes : Lezdonnant, Lezdonant, Lestonan, Lestonnan, Lestonant. Le toponyme avec un d est une version ancienne déjà repérée au 15e siècle mais qui semble donc toujours en usage, et qui pourrait être dédié à l'origine à saint Don (ou Donan par diminutif). Le village est aussi précisé « huella » (haut) regroupant sans doute les fermes de Lestonan « vian » (petit) et « vraz » (grand) exploitées aux XIXe et XXe siècles, et pas du tout au centre-Lestonan actuel, pas plus qu'au lieu-dit intermédiaire de Kerhuel (qui fait l'objet d'une sentence séparée d'inclusion dans le domaine royal).

Les détenteurs en titre des biens concernés à Lestonan, village et parcelles, sont essentiellement de la famille Lozeac'h, présents à Lestonan depuis plusieurs générations. Parmi les déclarants de cette famille, il y un prêtre Michel Lozeach, demeurant a priori à Pennamenez, qui est identifié en 1665 comme l'un des vicaires gabéricois du recteur Jean Baudour.

L'objet des déclarations est de noter que les biens relèvent maintenant « prochement, & roturièrement du Roy », prochement car il n'y plus de seigneur intermédiaire, et roturièrement parce que non noble. Plus explicitement, la cheffrente due au seigneur de Kerfors (et à Lezergué jusqu'au début du 17e siècle) est à présent « convertie en rente censive » au roi, avec transferts également des autres droits : Chambellenages (droits de vassalité), Lods et ventes (taxes sur ventes à des acquéreurs tiers) et Rachats (droits de succession familiale).

Pour ce qui concerne les parcelles de terres, essentiellement froides et incultes, elles sont au nombre de trois et nommés « Parc Rupin ». Ce nom de micro-toponymie n'est pas un synonyme de richesse, il est décomposable en « Run » (signifiant tertre ou som-

  met) et « Pin » (sapin, pin), ce qui laisse à penser qu'il s'agit d'une hauteur plantée de pins.

Le parcellaire du cadastre de 1834 confirme la localisation en hauteur des terres de « Parc Rupin », sur les parcelles n° 1100, 1102, 1103 et 1104, entre l'ancien village de Lestonan et Kerouzel.

Dans les sentences et déclarations de 1680-82 il est bien rappelé que les Lozeach devaient à « la seigneurie de Querfors la somme de trois sol six deniers de cheffrante » pour exploiter le champ Parc-Rupin. Et si l'on remonte aux aveux de 1634 concernant le domaine de Lezergué (qui va devenir la propriété du seigneur de La Marche de Kerfors) on trouve aussi ces « trois parcs nommés Rupin proche de Lestonan ».


Dans ce même document de 1634, il est question des « patibulaires à deux piliers en la montaigne de Lestonnan », de là à penser que ces poteaux de justice où on pendait les mécréants étaient précisément sur les hauteurs de « Parc Rupin ». Nous vous proposons, sur la base de la localisation précise des dites parcelles, d'organiser sur place cet été une chasse au trésor à la recherche des fameuses fourches patibulaires.

En savoir plus : « 1680-1682 - Papier terrier des terres royales roturières de Lestonan »

9 Boniments de vulgarisateurs charlatans

Billet du 30.05.2020 - Page 228 de l'Intégrale des « Mémoires d'un paysan bas-breton », publication des cahiers manuscrits de Jean-Marie Déguignet, les notes de bas de page de l'éditeur indiquent : 181. Mangin : personne non identifiée, et 182. Jules Radu : ibid. Nous avons voulu en savoir un peu plus.

En remontant aux pages précédentes du cahier, nous comprenons que Déguignet défend l'importance de s'initier aux sciences naturelles et à la physiologie dans les musées, les cours et même les théâtres. Mais a contrario il s'insurge sur la nullité des méthodes imprimées produites par des vulgarisateurs qu'il qualifie de charlatans.

En début d'année 1859, alors qu'il est en congé à Paris après sa campagne de Crimée, avant de repartir servir Napoléon III dans sa guerre d'Italie, le soldat Déguignet se focalise sur l'apprentissage autodidacte : « le meilleur moyen de s'instruire dans les sciences naturelles, les seules utiles, était d'étudier les choses dans leur nature même ».

Et il multiplie ses visites éducatives gratuites dans les musées de la capitale : « Or, toutes ces choses se trouvent ainsi à Paris, clans les musées du Louvre, du Luxembourg, de Cluny, de la Marine, des Arts et Métiers, du Jardin des Plantes, les théâtres, les cours de physiologie, de physique, de chimie et d'histoire naturelle » ; « Et au Jardin des Plantes, on peut voir et contempler toutes les autres créatures de notre petit globe terrestre, avec tous les végétaux qu'il produit naturellement et artificiellement, et les divers minéraux qui forment sa charpente ».

Il ne néglige pas non plus quelques sorties culturelles : « quand mes économies le permettaient, j'allais au théâtre », n'ayant pas à faire la queue en tant que militaire, alors que ses collègues voltigeurs préfèrent aller se distraire dans les « bastringues des barrières » (les guinguettes implantées dans les faubourgs parisiens à l'extérieur de l'enceinte des Fermiers généraux).

Par contre, il note dans son camp retranché d'Ivry, l'intrusion commanditée de pédagogues se disant les apôtres de l'instruction et de l'éducation moderne : « Ces charlatans, dont le célèbre Mangin était le roi, venaient jusque dans nos casernes nous donner des séances de somnambulisme et de prestidigitation ». Arthur Mangin (1824-1887) est un écrivain et vulgarisateur, auteur de nombreux ouvrages soi-disant scientifiques, notamment « Les phénomènes de l'air » ou « Voyage scientifique autour de ma chambre ».

La scène, dont Déguignet est le témoin direct, est celle de Jules Radu (1810-1899) faisant une opération de promotion de sa méthode de "lecture, écriture, calcul, orthographe, dictionnaire français, agriculture, géographie, histoire" approuvée et autorisée par l'Académie : « Quand il eut terminé son boniment, les sergents-majors passaient devant leurs hommes, demandant qui en voulait, et inscrivant d'autorité certains individus qui secouaient

 


la tête. Enfin, moins d'une heure après, nous recevions presque tous le livre merveilleux, pour le prix de cinq francs qui devait être retenu sur notre petite solde. ».

Le verdict de l'apprenant autodidacte est sans appel : « des modèles d'écriture avec des explications grotesques pour imiter ces modèles ... puis des extraits tronqués et falsifiés de l'histoire de France et de l'histoire sainte; et puis c'était tout, c'est-à-dire rien que des sottises » ; « Si ce grand charlatan breveté et garanti du gouvernement était revenu à la caserne, je crois bien qu'il y aurait passé un mauvais quart d'heure ».

En savoir plus : « Déguignet étudie les sciences naturelles sans les vulgarisateurs charlatans »

10 Les reliques de saint Kerdévot

Billet du 23.05.2020 - « A l'extérieur, de nombreux groupes, les hommes la tête nue, processionnaient lentement autour de l'édifice, disant des prières et leurs chapelets tout en marchant ; alors que d'autres, en majorité des femmes, tournaient autour de la chapelle en progressant lentement sur les genoux. »

Charles Richard Weld (1813–1869), écrivain historien de la Royal Society, a écrit une série de récits de ses voyages de touriste en vacances au Canada, en Irlande, en Ecosse, en Italie et dans plusieurs régions françaises dont celui-ci « A Vacation in Brittany » ("un séjour de vacance en Bretagne"). Dans ce journal de voyage, le site gabéricois de Kerdévot et son Pardon sont à l'honneur car pas moins de 11 pages leur sont consacrées, lesquelles ont été traduites ici en français pour la première fois, afin d'en comprendre la teneur.

Jean-Yves Le Disez, dans son livre « Étrange Bretagne. Récits de voyageurs britanniques en Bretagne (1830-1900) » publié en 2002, a étudié le livre de Weld dans le chapitre « Charles Richard Weld, touriste malgré lui » où il critique son journal en Bretagne comme étant très superficiel et empreint de snobisme.

En effet, si on analyse les pages relatives au site de Kerdévot, on peut noter les fautes de goûts et erreurs manifestes suivantes :
Image:right.gifImage:Space.jpgSaint Kerdévot : l'auteur pense qu'un saint éponyme y est vénéré, alors qu'il s'agit d'un toponyme signifiant "village de la dévotion", et qu'il est dédié à Notre Dame de Kerdévot, représentant la Vierge Marie, laquelle a, selon la légende, vaincu la peste.

Image:right.gifImage:Space.jpgReliques du saint : le touriste anglais croit voir, en tête de la procession du Pardon, « six jeunes filles,
vêtues de robes blanches, rubans et fleurs, et portant une sorte de cadre en velours satiné : au centre, sur un coussin, reposaient les reliques du Saint et une image de la Vierge éternelle
 ». Indubitablement, comme cela est le cas aujourd'hui, ces filles portaient une petite statue de Notre-Dame.

Image:right.gifImage:Space.jpgLe paysan breton : sous ce terme, le pèlerin du Pardon de Kerdévot est présenté comme un grossier personnage qui a « trois vices , — l'avarice, le mépris des femmes, et l'alcoolisme ».

Mais le témoignage de Charles Richard Weld est néanmoins intéressant car, même s'il n'a pas pris le temps d'étudier chaque lieu, il a noté avec réalisme certaines scènes :
Image:right.gifImage:Space.jpgla description des lieux : « des tentes, kiosques et stands affichant des rafraîchissements, principalement  alcoolisés,  étaient

  disposés en lignes semi-circulaire, sur tout le placître, et l'arrière-plan du paysage est rempli par la chapelle, une grande bâtisse élégante, avec une petite sacristie adossée, et un calvaire impressionnant représentant la mort et la passion du Christ. » (tents, booths, and stalls displaying refreshments, principally of an intoxicating nature, were ranged in semicircular lines round the meadow, while the background of the picture was filled by the church, a large handsome structure, with a small chapel contiguous to it, and a rich Calvary representing the death and passion of our Lord.)

Image:right.gifImage:Space.jpgles blagues potaches : « Un de ces paysans était observé par une bande de jeunes hommes à l’affût évident de divertissements ; un tas de pierres à proximité appelait à des sottises. En en tour de main ses bragoù (braies, pantalon) en furent remplies ... »
Image:right.gifImage:Space.jpgle marchand coiffeur : « les filles entraient chez lui volontairement, et pour certaines très impatientes, pour échanger leur belle chevelure contre trois pauvres petits mouchoirs de teintes criardes, de la valeur d'à peine douze sous ! ».
Image:right.gifImage:Space.jpgles danses et les crêpes : « quand la procession est achevée, les paysans énergiques forment une grande chaîne et font une farandole comme je l'ai déjà signalé à propos de la ronde de Châtelaudren » ; « des gâteaux appelés crêpes et faites de farine, sucre et lait, roulées pour former une galette, et enfin cuites. Celles-ci, vendues en feuilles de presque un tiers de mètre carré (60 cm de diamètre), faisaient la joie des jeunes galants bretons. »


( "un paysan d'Ergué-Gabéric", cahiers de Joseph Bigot, archives privées )
En savoir plus : « WELD Charles Richard - A Vacation in Brittany »

11 Arrêtés de protection du patrimoine

Billet du 17.05.2020 - Les verrières de Saint-Guinal (1898), la chapelle et le calvaire de Kerdévot (1914), la statue de Saint-Guénolé (1924), le château de Lezergué (1929), les autels-retables et le placître de Kerdévot (1931), le site du Stangala (1932), l'église, cimetière et ossuaire Saint-Guinal (1926, 1939)

Ce dossier conservé aux Archives Départementales du Finistère (cotes 1T32, 61 et 72) inclut la presque intégralité des arrêtés des classements ou inscriptions aux Monuments Historiques du patrimoine gabéricois sur la période 1898-1939. Les décisions émanent du Palais-Royal à Paris, siège de la Direction des Beaux-Arts, dépendant à l'époque du Ministère de l'Instruction publique, le Ministère de le Culture n'existant pas encore.

L'exécution de la protection du patrimoine est régie initialement par la loi de 1887, puis celle du 31 décembre 1913, la deuxième élargissant les conditions d'accès à tous les domaines publics, privés et naturel. Le classement est réparti selon le degré d’intérêt historique ou artistique des monuments entre une simple « inscription » (sur une liste dite supplémentaire) et un « classement  » (plus contraignant et plus subventionné).

Les premiers éléments du patrimoine gabéricois à être déclarés monuments historiques classés en 1898 sont les deux verrières de l'église paroissiale : « la Verrière ancienne de la chapelle absidale » (maîtresse-vitre de 1516) et « une fenêtre du collatéral sud  » (vitrail de François et Marguerite Liziard). La démarche intègre l'avis favorable du conseil municipal.

Puis, en 1914, le premier immeuble complet classé est la chapelle et le calvaire de Kerdévot avec une procédure administrative préparée dès 1908. Comme avant 1913 seuls les monuments publics sont admis, le maire doit produire une attestation de don de la chapelle à la commune de part de Jérome Crédou qui l'avait "acheté" comme bien national à la Révolution.

La première statue classée en 1926 est celle de saint Guénolé en sa chapelle éponyme. Ensuite, le 23 juillet 1931, deux autels et retables sculptés sont classés : « Deux autels avec rétables ayant pour motifs principaux le baptême du Christ et une Piéta, bois sculpté et peint XVIIe siècle. », le premier ayant volé en 1973. Le retable flamand de la Vie de la vierge, daté du XVe siècle, est aussi classé à la même date, mais le document n'est pas inséré dans le dossier. En 1929, le château de Lezergué, propriété privée en ruines, est inscrit sur l'inventaire supplémentaire.

En 1931-32 deux sites naturels sont inscrits : d'une part le placître et l'enclos de Kerdévot et d'autre part le site du Stangala avec la déclaration de 25 parcelles du plan cadastral d'Ergué-Gabéric. À noter pour ce dernier, étendu sur trois  communes,  le  classement

 

a été un moyen de contrer un projet de barrage électrique tenté localement dès 1928-29.

Et enfin l'église paroissiale Saint-Guinal, son ancien cimetière à l'entour, et son ossuaire sont classés en 1939. Pour mémoire, d'autres inscriptions et classements interviennent en deuxième partie du XXe siècle : le trésor d'orfèvrerie religieuse en 1955 et l'orgue tricentenaire de Thomas Dallam en 1975.

En savoir plus : « 1898-1939 - Arrêtés ministériels d'inscription ou classement aux Monuments Historiques »

12 La dîme à la veille de 1789

Billet du 09.05.2020 - Trois actes notariés traitant des portions de dîme ecclésiastique, dites « des gros fruits» sur les villages de Kermorvan et de Quillihouarn pour les 15 ans précédant la Révolution, le rapport des dernières dîmes dues au recteur et l'article 4 du cahier de doléances.

Juste avant la Révolution, la dîme ecclésiastique est toujours perçue à Ergué-Gabéric par le temporel du seigneur évêque de Quimper, mais seulement pour quelques fermes isolées, alors que la levée de la dîme sur les récoltes de toutes les autres fermes est faite directement par le clergé local.

On n'est plus aux siècles précédents, du XIIe au XVIIe, quand l'évêque était un gros décimateur qui admettait difficilement le droit aux recteurs et vicaires gabéricois de recevoir leur portion congrue : cf. jugement noté dans le cartulaire en 1170.

Nous avons ici les actes notariés épiscopaux des années 1773, 1774 et 1779 pour les villages de Kermorvan et de Quillihouarn où l'impôt est qualifié de « portion de dixmes des gros fruits à la quinzieme », ceci voulant dire que :

Image:right.gifImage:Space.jpgc'est une portion payée en argent et non en nature, en l’occurrence 50 livres pour les baux de 5-6 ans de 1773 et 1774, et 54 livres pour le bail de 9 ans de 1779.
Image:right.gifImage:Space.jpgle terme de quinzième rappelle la proportion des récoltes qui est en principe taxée en nature, pourcentage qui à l'origine était de 10% ; l'impôt est devenu une rente annuelle numéraire dont la perception commence toujours « à la récolte prochaine »
Image:right.gifImage:Space.jpgl'expression des gros fruits indique que la dîme est perçue sur les céréales nobles comme les « bleds, froment, seigle, avoine & orge, & autres fruits qui forment le principal produit de la terre, selon la qualité selon la qualité du terroir et l'usage du pays, tels que le bled sarrazin, dans les pays où il ne croit pas de froment. Ces dixmes appartiennent aux gros décimateurs, et sont opposées aux menues et vertes dixmes, qui appartiennent toujours au curé. », en excluant le lin et le chanvre.

  Le dernier bail de 9 ans pour la dîme épiscopale de Quillyhouarn est daté du 6 mars 1779, et son échéance nous amène à la veille de la Révolution qui mettra fin à ce type d'impôt.

Le cahier des doléances d'avril 1789 rédigé au nom du tiers-état d'Ergué-Gabéric, comme beaucoup d'autres en basse-Bretagne, n'a pas réclamé la suppression de la dîme, mais « une répartition proportionnelle de tous les biens ecclésiastiques, sans distinction, de manière que tous les membres du clergé y aient une part raisonnable et graduelle, depuis l'archevêque jusques aux simples prêtres habitués des paroisses, afin que ceux-ci soient affranchis de la honte de la quête, c'est-à-dire de celle de mendier. ».

On constate d'ailleurs qu'à cette époque le recteur Alain Dumoulin touche bien la grande majorité des ponctions en nature dues sur les céréales (seigle pour 61%, avoine pour 39%, et froment à moins de 1%) qu'il valorise à hauteur de plus de 1600 livres pour sa dernière année. La suppression de la dîme est définitivement votée lors de la nuit du 4 août 1789.

En savoir plus : « 1773-1779 - Dixmes des gros fruits pour Kermorvan et Quillihouarn », « 1790 - Lettres d'Alain Dumoulin sur la dîme et son traitement de recteur », « 1789 - Le cahier de doléances du Tiers-Etat d'Ergué-Gabéric »

13 Les Républicains contre les Réactionnaires

Billet du 02.05.2020 - La fête républicaine au Cleuyou annoncée par un quotidien local et acclamée par un journal national : plus de 6.000 personnes viennent à ce rassemblement, et la municipalité gabéricoise est qualifiée de réactionnaire et boycottant ostensiblement cette « fête du diable ».

Le journal républicain « Le Finistère » du 13 septembre 1890 annonce la grande fête laïque du dimanche 21 septembre, une semaine après le grand pardon de Kerdévot.

Elle est organisée par un comité présidé par Albert Le Guay, ancien juge de paix et propriétaire du Cleuyou. Il avait demandé au préfet son accord par un courrier daté du 6 septembre 1890 : « Le but de cette assemblée est d'organiser une fête patriotique dans une commune qui en est totalement dépourvue, même à l'occasion du 14 juillet ».

Le journal local salue l'initiative : « Les organisateurs de cette fête méritent d'autant plus des encouragements, que la municipalité réactionnaire d'Ergué-Gabéric ne fait absolument rien pour attirer chez elle les étrangers, soit par des réjouissances publiques ou dans des assemblées, à la suite desquelles les commerçants et la commune y trouvent toujours profit.  ».

Le terme réactionnaire à la fin du XIXe siècle était, dans la bouche des républicains, le qualificatif désignant les partis conservateurs, et localement à Ergué-Gabéric l'équipe municipale dirigée par Hervé Le Roux de Mélennec était également dite catholique..

Le journal national satirique et anti-clérical « La Lanterne » rend compte le 26 septembre de l'énorme succès de la fête : « Le coup d’œil était féerique : la colline couverte de spectateurs, et les amis des jeux et de la fête formaient une réunion de six mille personnes au moins. » .

Et le correspondant de « La Lanterne » ne mâche pas ses mots en rapportant l'abstention des conseillers et du recteur Guy Gourmelen : « On a remarqué l'absence des réactionnaires de la commune à la fête républicaine du Cluyou. Ils ont craint d'assister à cette fête impie, et, d'après ce que  l'on  rapporte à  la  dernière

 

heure, le recteur avait promis de récompenser les fidèles qui préféreraient assister à l'office paroissiale pour renoncer à la fête du diable. »

En savoir plus : « Fête champêtre et républicaine au Cleuyou, Le Finistère et La Lanterne 1890 »

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