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Les billets hebdos de l'actualité du GrandTerrier

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Chaque semaine, un nouveau billet annonçant un ou plusieurs articles sur le site GrandTerrier.

Une compilation des billets est publiée en fin de trimestre sous la forme des chroniques du Bulletin Kannadig.

Anciens billets hebdos : [Actualité, archives]

Les anciennes affichettes : [Accroches à la une]

Modifications d'articles : [Journal des MàJs]


Sommaire

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1 La laïcité selon la loi Goblet

Billet du 10.08.2019 - Les rapports d'inspections de rentrées scolaires à l'école privée des filles du bourg d'Ergué-Gabéric à l'occasion des changements des directrices laïques, dans des conditions d'occupation militaire des locaux en 1914 et de fermeture de l'école en 1916 pour cause d'illégalités et d'insalubrité.

En 1912-1919, après les agitations des années 1902-1905 - fermeture de l'école confessionnelle tenue par les sœurs de la congrégation du Saint-Esprit -, la loi de René Goblet du 30 octobre 1886 est appliquée pour le contrôle de l'activité scolaire de l'unique école primaire privée d'Ergué-Gabéric. Aucune religieuse n'est sensée y exercer le métier d'institutrice, les maîtresses sont obligatoirement des jeunes femmes laïques.

Les rapports d'inspections systématiques contiennent les dossiers des institutrices accédant au poste de directrice, laquelle est assistée de deux ou trois institutrices adjointes. Leur âge (21 ans au minimum), leur diplôme obligatoire de capacité (à savoir le brevet élémentaire), et leurs domiciles et activités précédentes (elles ne peuvent pas être religieuses) sont vérifiés pour établir le bordereau d'autorisation d'exercer et d'ouvrir l'école à chaque rentrée de septembre.

Ces jeunes institutrices sont en l’occurrence :

Image:Right.gifImage:Space.jpgMelle Donnard (avant 1912).

Image:Right.gifImage:Space.jpgAdèle Guiziou (1912 à 1915) : 21 ans en 1912.

Image:Right.gifImage:Space.jpgMarie Gourret (1915 à 1916) : 22 ans en 1915.

Image:Right.gifImage:Space.jpgAmélie Le Berre (1916 à 1917) : 26 ans en 1916, la première candidature d'Anne Rannou (déjà institutrice adjointe) est refusée car elle n'a que 20 ans en septembre 1916, et les deux autres institutrices en poste ont respectivement 16 ans et 17 ans.

Image:Right.gifImage:Space.jpgEuphrasie Hélou (1917 à 1918) : 39 ans en 1917, a exercé auparavant le métier de professeur de français à Lublin en Russie.

Image:Right.gifImage:Space.jpgMonique Kerjean (1918 à 1919) : 34 ans en 1918, a déjà été directrice à Montesson (Seine-et-Oise) et à Audierne.

À la rentrée de 1914 une surprise attend la directrice Adèle Guiziou : « J'ai l'honneur de vous informer que l'école libre des filles d'Ergué-Gabéric étant occupée militairement ne peut procéder à l'ouverture de ses classes ». La guerre entre la France et l'Allemagne ayant été déclarée le 3 août, l'école privée du bourg d'Ergué-Gabéric est réquisitionnée pour la mobilisation locale des soldats bretons.

Heureusement une solution est trouvée pour accueillir provisoirement les élèves : « J'ai trouvé un local composé de deux salles attenantes sises au bourg dans lesquelles j'ai l'intention d'ouvrir les classes jusqu'à cessation de l'occupation de notre établissement par les soldats ».

En 1916 de multiples rebondissements émaillent la rentrée à l'école privée : la directrice se déclare démissionnaire, une institutrice déjà en poste âgée de 20 ans propose sa candidature, l'école ouverte illégalement doit fermer.

En octobre une deuxième inspection relève une anomalie grave : « La fosse d'aisance se trouve dans le jardin, qui est lui-même séparé de la cour par un mur. Les urines et les matières fécales s'y déversent par trois ouvertures percées obliquement dans ce mur ;

 

à la base de la fosse se trouve une autre ouverture par laquelle les excréments s'écoulent dans une sorte de 2e fosse en terre et à ciel ouvert ... », ce qui entraîne une nouvelle fermeture pour motifs sanitaires.

Et enfin, en novembre, l'inspecteur relève une autre anomalie : l'école n'a pas déclaré son pensionnat, en évoquant maladroitement a posteriori l'existence d'une simple « pension de familles ». La nouvelle directrice Amélie Le Berre doit demander la reconnaissance officielle de ses deux dortoirs d'élèves internes.

Les effectifs d'élèves accueillies dans l'école privée sont relativement importants, et supérieurs à ceux de l'école publique, comme l'écrit le maire à l'Inspecteur primaire en 1916 : « 67 enfants à l'école publique. 107 à l'école privée », ce qui fait une répartition de 50 élèves dans chacune des deux classes.

Près de la première classe, une grande pièce est réservée au réfectoire, « La cour est vaste et close. Les classes et le préau sont convenablement installés ». La capacité d'accueil des dortoirs à l'étage est également précisée dans les rapports d'inspection : 37 écolières dans l'un (obligation de deux surveillantes) et 16 dans l'autre (une surveillante).

Les postes de surveillantes des dortoirs, de la cour et du réfectoire étaient tenus vraisemblablement par les religieuses (dont la sœur Félicienne présente à l'école depuis 1898), car l'obligation de personnel laïque de la loi Goblet n'était applicable qu'aux postes d'institutrices. Le rôle « de la religieuse qui appuie et corrige ses déclarations » comme vraie autorité masquée artificiellement par les maîtresses d'école, est même relevé par l'Inspecteur de l'enseignement primaire.


En savoir plus : « 1912-1919 - L'école primaire privée des filles du bourg en période de guerre »

2 Les têtes sculptées "rastas" de Kerdévot

Billet du 03.08.2019 - La flèche supérieure du clocher de Kerdévot reconstruit en 1702 après sa chute « à cause du tonnerre et un tourbillon de vent » en février 1701, est dotée de quatre têtes sculptées très expressives, aux « mèches de la peur » (traduction littérale de dreadlocks).

Dans son registre, le recteur de la paroisse précise ainsi les circonstances de l'accident : « Le jour de la chandeleur, environ sept heurs du matin. Le tonnerre et un tourbillon de vent sapérent la tour de la chapelle de notre Dame de Kerdevot par la chambre des cloches et les mate(riaux) de la Dite tour tomberent en partie sur François le Gonidec comme il estoit prés d'entrer dans (l'église) pour entendre l'office Divin. »

L'ancien cantique « Itron Varia Kerdevot » composé onze ans après en conserve le souveir : « Breman eus bet unnec vloas da Vouel or Chandelour, Gant curun hac avel-foll e voa couezet an tour. Ma voa surprenet un den, allas ! dindan ar vein. Daouzec carrat assuret a voa couet var e guein. » (Maintenant il y a eu 11 ans à la fête de la Chandeleur A cause du tonnerre et du vent fou, le clocher tomba, Un homme hélas, fut surpris par les pierres Douze charretées au moins étaient tombées sur son dos).

Les 4 statues sont placées sur chaque face de la flèche au-dessus de la chambre des cloches. On pourrait faire un rapprochement avec des « blochets » aux quatre coins d'un transept représentant

  généralement les quatre évangélistes, mais ici aucun attribut ne permet de reconnaître un personnage biblique.

Ce ne sont pas non plus des gargouilles ou des « crossettes  » placées habituellement en bas des rampants de pignon, ou des masques plats de protecteurs car leurs têtes sont ici entières et même représentées avec leur coiffure et grosses mèches de cheveux. De part et d'autre des quatre têtes et légèrement en-dessous on peut voir des masques dits « grotesques ».

AU SUD, côté calvaire : cette tête est assortie d'une moustache en forme de guidon, d'une avancée frontale arrondie de couvre-chef, et de mèches de cheveux apparentes à l'arrière.

À L'OUEST, entrée principale : face au parvis cette tête est imberbe, les longues mèches au vent, et doit plus subir les intempéries, car les joues sont garnies de lichen.

AU NORD, long de la route : la tête, comme son vis-à-vis du sud, a une belle moustache, ses dreadlocks étant par contre plus nouées avec un bandeau avant central semblable à un casque de cycliste.

À L'EST, côté du toit : la tête est imberbe, la bouche et les joues formant une grimace, les mèches cachant les oreilles et l'avancée en pointe d'un couvre-chef ressemblant à une casquette médiévale.

Qui représentent donc ces quatre statues ? Des personnalités locales de l'époque comme le recteur Ian Baudour, le fabricien Hervé Le Masson, les nobles Geslin de Pennarun, de La Marche de Lezergué, ou alors des figures imaginées par les sculpteurs et placées si haut que personne ne peut en fait les admirer : les zooms d'appareil photos n'ont pas encore été inventés.

En savoir plus : « Les quatre têtes sculptées du clocher de la chapelle de Kerdévot »

3 Domaine royal de Kroas-ar-Gac

Billet du 27.07.2019 - Une ancienne tenue en lisière de Quélennec autour du calvaire dit « Croix du Gac », via l'acte de dénombrement A87 des Archives Départementales du Finistère et son inscription au registre papier terrier de 1682 de la Chambre des Comptes de Nantes conservé aux Archives Nationales.

Les anciens, dans les années 1980, avaient gardé la mémoire d'un calvaire qui aurait été réalisé par un dénommé Le Gac avant qu'il soit détruit sous Louis-Philippe pour restaurer la chapelle voisine de Saint-Guénolé : « On dit que sans enfant l'homme aurait légué tous ses biens dans le coin » (article de Laurent Quevilly, Ouest-France 17.06.1987).

Heureusement la piéta du calvaire a été conservée sur place, protégée encore aujourd'hui dans son abri de pierres. Par contre aucun écrit n'avait jusqu'à aujourd'hui été trouvé pour authentifier l'héritage du sieur Le Gac.

Dans le registre du papier terrier de 1682, on vient de découvrir que ce Le Gac était, il y a bien longtemps, le propriétaire de toutes les terres autour du calvaire, et à la réformation du domaine en 1682 cette « terre autrefois apellée la tenüe du Gac » est déclarée comme tenue « prochement soubz le Roy notre sire ». En fait, en 1447, soit 230 ans plus tôt, un dénommé Guiomarch Le Gac déclarait détenir au Quélennec des terres dépendant de l'abbaye de Landévennec pour lesquelles il payait des droits seigneuriaux.

Au total ce sont plus de 50 parcelles de terres pour moitié cultivables (« terres chaudes ») ou incultes (« terres froides ») qui constituent cette tenue, réparties entre les villages habités de Quélennec, Pennaneac'h, Beg-ar-Menez, et la rivière d'Odet, incluant donc également les lieux-dits de Vruguic (noté « ar bruguer ») et Stang-Odet.

Les surfaces des parcelles sont mesurées pour la plupart en cordées, pour les plus grandes en journaux : en moyenne elles font 200 cordées, soit 2,5 journaux, c'est-à-dire 120 ares ou 1,2 hectare. Ce qui donne une surface totale de la tenue du Gac d'environ 60 hectares. Un champ « Parc ar croas » de près de 700 cordées (420 ares) est signalé à proximité du calvaire.

Toutes les terres sont situées de part et d'autre du « chemin dudit lieu à la dite croix du gac », le dit lieu étant d'une part Quélennec, et par ailleurs Pennaneac'h car le calvaire est placé à égale distance des deux villages. Les cinq personnes qui déclarent l'héritage de Le Gac sont domiciliées à Quélennec pour quatre d'entre elles, et la cinquième à Kerveady.

 

Détenteurs d'une ancienne dépendance d'un domaine noble distant, les propriétaires de la tenue du Gac en 1682 doivent payer une rente annuelle de 28 sols tournois au « seigneur et dame de Baregan, à chacun terme de la Chandeleur payable à Querdevot au dit Ergué ».

Les autres servitudes et devoirs sont désormais dus au roi : « roture et simple obéissance, devoirs de lods, ventes et rachats, droit de chambellenage, foy hommage, et suitte de cour et moulin ».

En savoir plus : « 1682 - Déclaration et sentence royale pour l'ancienne tenue de la croix du Gac »

4 Saint Guénolé ou saint Guénaël ?

Billet du 20.07.2019 - Au sommaire cette semaine : la transcription par Norbert Bernard de la copie de 1751 de l'acte de dénombrement A87 des Archives Départementales du Finistère, la lettre réponse de Fañch Morvannou sur saint Guénolé conservée aux Archives Municipales de Quimper, et l'inscription au registre papier terrier de 1680-82 de la Chambre des Comptes de Nantes conservé aux Archives Nationales.

Un presbytère au bourg, mais aussi un jardin à Pennarun, et deux prés sacrés entre Keranroux et Tréodet, tels étaient les biens déclarés par la paroisse dans le cadre de la Réformation du domaine royal lancée par Colbert.

Ces biens déclarés par la paroisse comme « tenus du roi » sont considérés en 1681 comme des biens roturiers, comme plusieurs dizaines biens fonciers gabéricois à la fin du 17e siècle. Contrairement au traitement des biens nobles, le roi n'exige pas du roturier un véritable hommage seigneurial, mais simplement les « devoirs d'obéissance », la « suite de cour » (justice royale), le paiement des droits de rachat et pour certains la chefrente que les nobles doivent aussi pour leurs domaines ou fiefs.

En l’occurrence, pour le presbytère paroissial, les rentes sont exonérés, mais par contre une obligation royale d'ordre ecclésiastique est ajoutée, à savoir les « prières et oraisons ». Les biens déclarés par le « général » (assemblée paroissiale) de la paroisse sont la maison du presbytère au bourg, le jardin voisin près du manoir noble de Pennarun, et enfin deux « prés fauchables » plus éloignés, à la lisière quimpéroise entre Keranroux et Tréodet et détenus depuis au moins l'an 1570.

C'est au sujet de ces deux prairies que Norbert Bernard s'est adressé en décembre 2001 au linguiste et historien Fañch Morvannou [1], car les parcelles sont déclarées au nom d'un saint mystérieux : « Sant Quenoe », et une chapelle en ruines est réputée être attenante aux prés.


Fañch Morvannou lui répond « Ce Sant Quenoe m'intrigue. Cela peut être une transcription de Sant Guenole. », mais « avec deux accidents : 1) perte du l, 2) transcription (fautive) du G en Q », et par ailleurs il existe bien une autre chapelle Saint-Guénolé distante de 5 km.

Sur l'acte A87 recopié en 1751, le copiste hésite manifestement avant d'écrire « Sant Quenoe », recouvrant une version rayée qui semble être « Sant Quenré ». Cette transcription

  en Quenoe est confortée par le registre du papier terrier consultable aux Archives Nationales à Paris sous la côte P//1689 dans sa mouture de 1680-82 (cf écriture cursive ci-après).


Mais la réponse de Fañch Morvannou est surprenante car centrée uniquement sur saint Guénolé, alors qu'il a publié un ouvrage savant sur saint Guenaël qui est une autre possibilité toponymique.

En effet le lieu où sont situés les deux prés est réputé être le lieu de naissance de saint Guenaël, abbé successeur de Guénolé à Landévennec et saint patron de la paroisse d'Ergué-Gabéric. On dit qu'il y avait là une fontaine consacrée et une belle croix dédiée à saint Guénaël (cf croquis ci-contre du chanoine Abgrall).

Le nom du saint est localement orthographié « Sant Guinal » à Ergué-Gabéric, et on peut donc supposer que le Q de Quenoe peut aussi cacher soit le G de Guinal, soit celui de Guénolé. Ensuite on sait que Guenaël est aussi orthographié Guenault/Guenaut, ce qui n'est pas éloigné d'un Quenoe au e final muet. « Affaire à suivre » écrivait Fañch Morvannou dans sa lettre à Norbert Bernard en décembre 2001.

En savoir plus : « 1681 - Inventaire des biens tenus roturièrement du Roi par la maison presbiteralle »

5 Haute noblesse à plèbe nobiliaire

Billet du 13.07.2019 - « Nous avons, pour combler les lacunes des montres militaires et des enquêtes de réformations, une troisième source, constitué par les aveux et dénombrements ou les minus de rachats », Nathalie Calvez, Repérage de la population noble, page 17.

La noblesse en Basse-Cornouaille aux XVème et XVIème siècles, Université de Bretagne Occidentale, Mémoire de maîtrise de 1990, sous la direction de Jean Kerhervé. Ce mémoire de plus de 300 pages soutenu par Nathalie Calvez en juin 1990 est un travail remarquable méconnu qui donne une description inspirée et documentée de la noblesse des années 1400-1600 en basse Cornouaille bretonne : « Quiconque se promène en Bretagne, en prenant son temps, peut constater la présence de nombre de portes ouvragées, de bâtiments plus cossus que ne devraient l'être les corps de ferme habituels, qui dénotent noble, le "manoir". La Bretagne n'est-elle d'ailleurs pas réputée pour cela ? Or, il n'y aurait pas eu de manoirs sans nobles ... ».

Le territoire analysé est toute la pointe sud-ouest du département actuel du finistère, des paroisses occidentales de Plogoff à Penmarc'h jusqu'au territoire d'Ergué-Gabéric à l'est de Quimper (cf carte de la page 6 ci-contre).

Le plan du mémoire, à la fois précis et didactique, est construit en trois parties : I. Caractères généraux  ; II. Les niveaux de noblesse : La haute noblesse, La moyenne noblesse, Petite noblesse et plèbe nobiliaire ; III. Un certain mode de vie (cf sommaire détaillé en ligne). Il permet d'expliquer les caractéristiques sociales de l'époque et de donner des exemples au travers des transcriptions inédites à partir de documents d'archives pour la plupart de 1480-1540 conservés aux archives départementales de Nantes.

Pour ce qui concerne Ergué-Gabéric, les nobles sont cités à de nombreuses reprises, notamment aux pages suivantes :

Image:Right.gifImage:Space.jpgPages 7 et 147 : Les jardins et courtils, présents dans les aveux, laissent supposer qu'il existe une culture maraîchère. Description : « Le manoir de Quenechgongar, o les maisons, estaige, parc, court, jardrins, vergers, courtilz ». Source : A.L.A. B 2012/8, Ergué-Gabéric, Aveu de Jehan de Bennerven, folio 1 recto.

Image:Right.gifImage:Space.jpgPage 73 : En 1460, au décès de son père, Jean du Fou, miseur de Quimper, puis chevalier, conseiller et chambellan du roi, hérite à

 

Ergué-Gabéric du manoir de Kerjestin, alors à ferme, et des villages de Keranroes, Kerriou, Kermoysan et Kernech-Daniel. Dans le chapitre « La haute noblesse », la grande famille de Rohan est largement représentée en basse-Cornouaille, et on peut y inclure aussi la paroisse d'Ergué-Gabéric car le domaine local de Kerjestin de Jean du Fou passe dans l'escarcelle des Rohan après 1492.

Image:Right.gifImage:Space.jpgPage 123 : Charles de Coettanezre dans un aveu de 1540 par son curateur Alain de Pennisquin pour le manoir de Lezergué « o ses maisons, courtils, creches, cours, étables, colombier, moulin, pourpris, jardins, rues, sartraycis et bois de haute futaie et de taillis et revenants, terres chaudes et froides » dont le revenu annuel est de trois livres, auquel il faut ajouter 63 livres pour la métairie et toutes les autres tenues, et le revenu de sa charge d'une vingtaine de livres, soit un total de moins de 100 livres.

Image:Right.gifImage:Space.jpgPage 178 : les nobles exercent également dans le clergé séculier, généralement ce sont de petits nobles qui exercent la prêtrise. Par exemple « Missire Yves Le Guen, prebstre », possessionné à Lestonan en Ergué-Gabéric. Aveu rendu par Pierre de Kerfors en 1540.

L’intérêt du mémoire pour Ergué-Gabéric est essentiellement dans le travail de transcription de 11 documents d'archives datés de 1464 à 1541, aux cotes B2011, B2012 et B2013 des « Aveux et dénombrements de la sénéchaussée de Quimper ». Quand on sait la difficulté de déchiffrer ces pièces anciennes, les 44 pages de transcriptions sont très précieuses (cf. fac-similés dans l'article).

Ces documents sont des descriptions de leurs manoirs et tenues gabéricoises pour leurs propriétaires nobles, à savoir François de Lysiard pour Kergonan en 1540, Caznevet Kerfors pour le dit lieu en 1488 et 1493, Pierre de Kerfors en 1539, Jehan Kersulgar en 1500, Jehan de Bennerven pour Cnechcongar en 1463, 1483, 1493 et 1540, Charles de Coattanezre pour Lesergue en 1540, Thomas Kermorial pour Melenec en 1541.

En savoir plus : « CALVEZ Nathalie - La noblesse en Basse-Cornouaille aux XVème et XVIème siècles »

6 Les chroniques de l'été grandterrien

Billet du 06.07.2019 - Le présent bulletin rassemble les chroniques gabéricoises du 2e trimestre 2019 publiées chaque semaine sur le site Internet Grandterrier.bzh, 32 pages au format papier A5 agrafées et envoyées par la poste dans les chaumières sympathisantes.

Pour commencer, un article sur le trésor d’orfèvrerie cultuelle datant de l’époque XIV et siècle suivant.

Puis, deux articles scolaires, l’un à propos de l’obligation d’instruction primaire après la loi de 1833 et l’autre sur l’imbroglio du projet d’une école mi-publique mi-privée à Saint-André en 1929.

Les deux sujets suivants concernent les militants et résistants communistes à Lestonan, à savoir les Lazou, Le Louet et Le Herpeux.

Ensuite les sports, le foot et le vélo, dans une vidéo inédite, et les fêtes sonorisées de la St-Jean et St-Pierre selon Déguignet.

Quelques documents d’archives datés de 1790-1837 sont également analysés : les arrestations et interrogatoires d’un jeune sorcier turbulent, la cession du presbytère à la commune et fabrique après la Révolution, et enfin la réquisition des parcelles de bois à fabriquer des sabots pour cause de pénurie et spéculations.

Et enfin, le bulletin de ce trimestre se finit en chanson : il s’agit des différentes versions d’un chant breton d’un conscrit de 1840 qui exhorte Notre-Dame de Kerdévot à le protéger avant qu’il ne parte en Algérie combattre les Maures.

Que l’été et le soleil 2019 brillent pour tout le monde !

* * *

Un jeu pédagogique estival a été ajouté au bulletin et devrait permettre d’animer les visites guidées de la chapelle de Kerdévot pendant tout l’été.

Le principe est simple : c'est un jeu de piste de 7 étapes de découverte des richesses du lieu dont il faut trouver les pays d’origine ou de référence, pour réviser tranquillement nos connaissances géographiques en dehors de tout programme scolaire.

Les pays en question sont dans le désordre : FLANDRE, ITALIE, PRUSSE, PAYS DE GALLES, ESPAGNE, VIETNAM, BRESIL.

 


Visionner le bulletin : « Kannadig n° 46 Juillet 2019 »

Jouer en ligne : « Un jeu à base d'énigmes pour une visite guidée de la chapelle de Kerdévot »

7 De Lestonan jusqu'au maquis de l'Argonne

Billet du 29.06.2019 - LE LOUET (Mathias), Je viens de la part de Fernand. Récits de la Résistance et de prison 1941-1944, édité à compte d'auteur par J. Le Louët (Saint-Evarzec), achevé d'imprimé en février 2004 sur les presses des Impressions du Sagittaire (Cesson-Sévigné)

Dans ce livre édité par sa veuve Jacqueline, Mathias Le Louët (1921-1987) raconte ses souvenirs d'enfant de Lestonan et de jeune adulte entré dans la résistance, de son arrestation en mars 1943 comme pro-communiste, de son procès et détention dans différentes geôles du gouvernement de Vichy, et enfin de son évasion et passage dans le maquis en 1944.

Né à Briec, il arrive très tôt avec ses parents à Ergué-Gabéric : « J’avais trois ans lorsque mon père trouva de l’embauche, comme manœuvre, à la papeterie d’Odet (Bolloré), fabrique de papier à cigarettes, située à une dizaine de kilomètres de Quimper. Mes parents se rendirent acquéreurs d’une modeste petite maison de deux pièces et d’un petit jardin d’environ quatre cents mètres carrés situé dans le village de Lestonan, sur la commune d’Ergué-Gabéric. »

Son regard de futur militant social lui fait noter une injustice constatée localement dans les années 1926-27 : « Deux ans après, M. Bolloré, le potentat de la papeterie, fit construire à ses frais, sur un terrain lui appartenant, deux écoles libres, l’une pour les garçons, l’autre pour les filles. Il mit en demeure ses ouvriers d’y inscrire leurs enfants pour la rentrée d’octobre. Un seul ouvrier refusa. Il était athée et, chose rare à l’époque, marié civilement. Il était sourd et muet. Malgré son infirmité et ses grandes qualités professionnelles, il fut licencié le jour de la rentrée scolaire.  »

Par la force des choses Mathias Le Louët intègre l'école publique de Lestonan : « Quant à moi, mes parents furent donc contraints de m’envoyer à l’école privée. Je n’y restai qu’un an. En effet, dans le courant de l’année, Bolloré avait acheté deux nouvelles machines et congédié un certain nombre de manœuvres, devenu personnel en surnombre. Mon père faisait partie de cette charrette de licenciés. »

Il se lie avec le couple d'instituteurs laïques : « M. et Mme Lazou étaient deux pédagogues extraordinaires, doués chacun d’une grande conscience professionnelle. Ils étaient aimés, estimés et respectés de toute la population. Une ou deux fois par semaine, M. Lazou organisait à titre bénévole des cours du soir pour les jeunes

 

agriculteurs. » Lieutenant dans l'armée françaises, Jean Lazou est tué au combat lors de l'offensive allemande de 1940.

Mathias Le Louët est arrêté en mars 1943 dans un rendez-vous avec un policier qui lui délivre un mot de passe falsifié d'agent résistant de liaison : « Il me demanda du feu et, après qu’il eut allumé sa cigarette, me dit : "Je viens de la part de Fernand". C’était le mot de passe convenu. »
Fernand est le pseudo de René Le Herpeux, résistant et gendre de Francine Lazou. Cette dernière est interpellée également.

Emprisonné et interrogé, il signe une reconnaissance d'activités communistes, alors qu'il ne s'était encarté jusqu'à présent qu'au mouvement du Front National de lutte pour la libération. Il est condamné à deux ans de prison, et Francine Lazou à un an.

Il connaîtra successivement les prisons de Vitré, Poissy, Melun, Châlons-sur-Marne. Les colis en provenance de Lestonan sont les bienvenus, notamment grâce à Anne-Marie Combot, épouse Manach, venue remplacer sa sœur Francine Lazou comme institutrice à l'école primaire de Lestonan : « Si vous n'avez pas encore acheté de Sarcoptol, ce ne sera pas la peine de me l'expédier. Par contre je n'ai plus de plumes et si Madame Manach y pense, elle sera bien aimable de me mettre quelques-unes dans mon prochain colis. »

Après son évasion et une période près de Sainte-Ménéhould dans le maquis de l'Argonne Marnaise, il revient à Lestonan en octobre 1944 : « Tous les habitants du village manifestèrent leur joie, même ceux, peu nombreux (deux ou trois je crois), qui avaient eu l’impudence de dire à mes parents après avoir appris mon arrestation : "C’est bien fait pour lui, il n’avait pas besoin d’être communiste". »


En savoir plus : « LE LOUET Mathias - Je viens de la part de Fernand »

8 La loi Guizot d'instruction primaire

Billet du 22.06.2019 - « La loi du 28 juin 1833 dispose dans son article 9 que toute commune est tenue soit par elle-même, soit en se réunissant à une ou plusieurs communes voisines, d'entretenir au moins une école primaire élémentaire », Comité d'Instruction Primaire de Quimper, 1841.

Cette loi proposée par François Guizot, ministre de l'Instruction publique, et qu'il contribua activement à mettre en place, précède celles de Jules Ferry. Un des textes majeurs de la monarchie de Juillet, il impose que chaque commune doit, dans les six ans qui suivent, devenir propriétaire d'un local d'école, et loger et entretenir un ou plusieurs instituteurs.

En réalité il faudra attendre 1856, date d'ouverture de l'école communale de filles, pour cela devienne réalité à Ergué-Gabéric, car l'instruction primaire n'est pas une priorité communale, comme le démontrent les nombreux atermoiements municipaux :

Image:Right.gifImage:Space.jpgDès le 1er septembre 1833 le ton est donné : « Le Conseil municipal pense qu’une instruction primaire serait inutile dans cette commune, voyant la proximité de Quimper, et surtout notre bourg ne se trouvant pas au centre de la commune. »

Image:Right.gifImage:Space.jpgL'argument de la localisation est important car le débat autour d'un projet de translation du Bourg vers le quartier de Lestonan divise la population de la commune.

Image:Right.gifImage:Space.jpgEn mai 1834 le maire consent, toujours comme réponse à la loi du 28 juin 1833, à mettre le salaire annuel d'un instituteur de 183 francs dans le budget communal.

Image:Right.gifImage:Space.jpgEn 1841 le conseil est réticent à s'associer aux communes de Kerfeunteun et Ergué-Armel pour la construction d'une maison centrale : « Est d'avis de conserver les fonds que la commune a en caisse, pour y construire plus tard une maison d'école. »

Image:Right.gifImage:Space.jpgEn fin d'année le comité d'instruction primaire de Quimper, devant le refus gabéricois de s'associer, rappelle la loi, et enjoint le maire à nommer un instituteur ou une institutrice qui sera, si refus d'obtempérer, nommé et affecté d'office aux élèves de la commune d'Ergué-Gabéric.

Image:Right.gifImage:Space.jpgEn novembre 1847 le conseil informe le préfet que la commune est désormais prête financièrement pour la construction ou la location d'une maison d'école, mais recommande d'éviter que le bâtiment ne soit « placé au milieu de la masse des cabarets de la commune et dans une position qui n'en permettrait l'accès qu'à une faible part de la population ».

 

Image:Right.gifImage:Space.jpgEn 1848 le conseil prend acte de l'approbation de leur nouveau choix de maison d'école au bourg par le préfet, et le mois suivant du rejet préfectoral pour raisons de préférence d'un déplacement hors du bourg.

Image:Right.gifImage:Space.jpgEn janvier 1849 le conseil s'émeut de la tentative de pression du préfet sur le maire, comme s'il voulait leur faire « revivre l'enfer du déplacement du bourg chef-lieu de la commune » en plaçant ailleurs la nouvelle école.

Image:Right.gifImage:Space.jpgEn 1850, le comité quimpérois d'instruction primaire demande à l'inspecteur d'académie d'intervenir suite à une nouvelle délibération : « le conseil municipal d'Ergué-Gabéric exprime le vœu qu'il soit établi dans cette commune une école mixte dont la direction serait confiée à des sœurs. »

On ne peut pas dire que cette dernière position, défendue de manière lapidaire comme un « avantage réel dans l'institution des sœurs », bien qu'elle ne soit pas interdite par « l'instruction publique et la liberté de l'enseignement » de 1833, n'est pas vraiment dans l'esprit de la loi Guizot.

En savoir plus : « 1833-1850 - Positions municipales sur la loi Guizot d'instruction primaire »

9 Une guerre des écoles évitée en 1929

Billet du 15.06.2019 - Le désaccord du recteur Louis Pennec face au projet de l'industriel René Bolloré de créer une école laïque dans le quartier rural de Saint-André, au travers de documents conservés aux Archives Diocésaines de Quimper et de Léon.

En juin 1929, Louis Pennec, recteur d'Ergué-Gabéric depuis 1914, est amené à donner son avis à l'Inspecteur diocésain Octave Salomon sur le projet de René Bolloré de créer une école laïque à Saint-André au centre de la paroisse d'Ergué-Gabéric, alors que l'industriel vient de construire deux écoles privées de filles et de garçons, à proximité immédiate de l'école laïque de Lestonan qu'il compte transformer en « asile de vieillards et de son usine à papiers d'Odet.


Le désaccord du recteur est donné sans détour : « Affaire malheureuse à mon avis, et pour moi incompréhensible de la part de Mr Bolloré ... Et chose extraordinaire je me trouve d'accord avec les conseillers opposants, mais naturellement pour des motifs tout différents ... L'influence d'une école plus centrale avec des instituteurs et institutrices très laïques ne peut être que pernicieuse. »

Lorsqu'il écrit à son évêque Adolphe Duparc le chanoine Salomon surenchérit : « On va donc établir à St-André une école de garçons et une école de filles ! Résultats : les instituteurs et institutrices n'ayant plus devant eux le prêtre pour combattre leur sinistre influence, vont faire ce qu'on fait partout, et plus vite qu'ailleurs : déchristianiser le pays ... Ce que je redoute le plus, c'est la création des écoles de hameau, car c'est le loup dévorant les brebis, sans que le Pasteur puisse les défendre. »

Un des arguments qui portent à l'époque est la peur de la répétition de l'affaire de Lesconil : « voilà 4 paroisses souillées, Langolen, Elliant, Landudal, Ergué, ce sera un nouveau Lesconil » (cf. ci-contre la carte décalquée par le chanoine indiquant les paroisses impactées par le foyer corrompu potentiel de St-André). La commune de Plobannalec-Lesconil étant déchirée entre paysans cléricaux à Plobannalec et marins-pêcheurs laïques à Lesconil, une nouvelle paroisse a été créée en 1924 à Lesconil où un recteur missionnaire tente de convertir des paroissiens en organisant des prêches sur les quais du port de pêche. Ceci a très bien été décrit par Pierrick Chuto dans son livre « Du Reuz en Bigoudénie. Blancs de Plobannalec et Rouges de Lesconil (1892-1938) ».

Finalement, face aux arguments des ecclésiastiques craignant le développement d'un foyer de résistance laïque, René Bolloré abandonne son projet d'école laïque à St-André en notifiant sa décision le 22 juillet au conseil municipal et en évitant ainsi une poussée ultime de guerre des écoles.

Le recteur Louis Pennec soulève aussi le problème de l'organisation du ministère dans deux lettres, l'une au vicaire général en septembre, et l'autre à l'évêque en décembre 1929. La première concerne la répartition laborieuse entre les 3 prêtres

 
paroissiaux et Auguste Hanras, vicairenommé en résidence à la papeterie Bolloré d'Odet par l'Evêché. Le recteur se félicite d'avoir conclu un accord avec M. et Mme Bolloré : « Trois fois par semaine, pour Madame Bolloré et les femmes de l'Usine, une messe serait dite vers 7h 1/2 par le clergé de la paroisse d'Ergué-Gabéric. », toutes les autres messes continuant à être assurées par le vicaire en résidence.


La seconde lettre est adressée à Monseigneur Duparc pour le supplier de conserver une équipe paroissiale de 3 prêtres en plus du vicaire d'Odet : « Même après la nomination du vicaire en résidence à Odet la paroisse d'Ergué reste encore une paroisse étendue et difficile à desservir. [...] il y a donc des paroissiens très éloignés qui réclament, le Dimanche, une messe à l'une des trois chapelles, dont Kerdévot très fréquentée. Il me semble impossible de leur donner satisfaction avec un seul vicaire. ».


Le dernier document est daté de janvier 1930 et concerne une enquête diligentée par l'Evêché suite à certains reproches remontés par René Bolloré et par le recteur quant à l'inefficacité du vicaire d'Odet. Il est notamment accusé de favoriser le manque de dynamisme de l'association sportive des « Paotred Dispount » créée et financée par l'entreprise d'Odet. Pour comprendre les tenants et aboutissants, le représentant diocésain veut convoquer les Paotred qui déclinent : « Ils ont fait dire qu'ils viendraient si on les payait l'un 50 f par dimanche, d'autres 12 francs. »

Auguste Hanras ne restera à Odet que jusqu'en 1931, il sera muté à Taulé, puis recteur à Combrit. Les vicaires de l'équipe paroissiale de Louis Pennec assureront les missions d'aumônier en résidence à la papeterie, notamment les abbés Le Gall et Le Goff.

* * *

En savoir plus : « 1929 - La critique des initiatives de René Bolloré par le recteur Pennec »

10 Militants communistes et résistants d'Odet

Billet du 08.06.2019 - Autour de Jean et Francine Lazou, instituteurs à Odet-Lestonan, la mémoire des militants gabéricois affiliés au P.C.F., engagés dans la résistance, dans le dictionnaire des militants ouvriers et résistants finistériens d'Eugène Kerbaul.

Le journaliste et militant communiste Eugène Kerbaul a produit cet incontournable dictionnaire des militants ouvriers et résistants finistériens de la période 1918-1945, et parmi ces résistants on note les fiches de Jean Lazou, Francine-Jeanne Lazou, Mathias Le Louët et René Le Herpeux.

Les Lazou sont tous deux instituteurs à Lestonan depuis 1926. Eugène Kerbaul résume le sort de Jean Lazou au début de la 2e guerre mondiale : «  Mobilisé en 1939. Lieutenant dans l'armée françaises tué au combat lors de l'offensive allemande de 1940 ». Et son action militante avait commencé très tôt à Ergué-Gabéric : « Militant du P.C.F. dans la région quimpéroise au cours des années 30. Il avait organisé des cours du soir d'instruction générale et d'agriculture pour les jeunes paysans et ouvriers. »

Son épouse Francine, appelée Jeanne dans le réseau de résistants quimpérois : « Elle sera arrêtée le 2 mars 1943 dans la même affaire que Mathias Le Louet, condamnée à un an de prison par les juges de Pétain pour propagande résistante en avril 1943 ». Elle est libérée le 9 mars 1944 ; interdite de séjour dans le Finistère, elle part pour Paris chez une de ses sœurs et y restera jusqu'à la Libération de Paris. Elle revient ensuite à Lestonan pour y continuer à exercer son métier d'institutrice.

Le père de Mathias Le Louet, originaire de Briec, déménage à Lestonan lorsqu'il devient employé à la papeterie Bolloré. Mathias fréquente l'école publique et a pour maître Jean Lazou : « Il adhère au P.C.F. clandestin sous l'occupation allemande à la Noël 1940, par Le Herpeux, à Quimper et il faut sa première distribution de tracts résistants en janvier 1941 à Ergué-Gabéric ».
En fait comme il l'écrit dans son livre-souvenirs, il adhère au Front National, qui n'est pas à l'époque le parti d'extrême droite mais le mouvement communiste de résistance, et il n'adhère au P.C. qu’une fois la guerre terminée.

Le Louet est arrêté dans le hall de la gare de Quimper le 1er mars 1943 alors que des contacts présumés résistants, qui sont en fait des policiers de la Police Spéciale de Rennes, l'abordent avec cette phrase servant en principe de mot de passe : « Je  viens  de  la  part  de  Fernand »

 
(lequel Fernard est le pseudo de René Le Herpeux). Mathias s'évade de prison, et après-guerre il a « une intense activité militante à Quimper. Son épouse Jacqueline sera longtemps au bureau de l'U.D.-C.G.T. du Finistère » et publiera son livre en 2004 sous ce titre « Je viens de la part de Fernand ». Mathias et Jacqueline Le Louet ont chacun leur fiche dans le Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier et social de Jean Maitron.

René Le Herpeux, étudiant en médecine à Rennes et dirigeant des étudiants communistes, fait la connaissance de sa future épouse Malou Lazou, laquelle fait également ses études à Rennes. Le Herpeux intègre la famille Lazou de Lestonan, où il se lit également avec Mathias Le Louet. « Il sera arrêté, alors qu'il est devenu médecin, en mars 1944, à Paris. Déporté à Blumenthal il participa à l'organisation d'évasions, mais déclarait " je suis médecin, je reste pour les copains ". » Après la libération du camp il est abattu à Lücbeck lors du bombardement du cargo dans lequel il tient le poste de médecin-infirmier.

Bien que les résistants gabéricois ne soient pas tous revenus au pays, Guillaume Kergourlay note néanmoins dans son mémoire « Au pays des vivants et des morts » que les communistes de Lestonan-Odet d'après-guerre sont réputés dans sa commune d'Elliant pour être les plus virulents de la région : « en juin 1946, nouvelles élections d'une Assemblée constituante et en octobre un ultime référendum adopte enfin la Constitution de la Quatrième République ... Il y a à gauche les socialistes, et plus à gauche les communistes qui sont actifs et virulents, et plus à gauche que l'extrême-gauche on trouve même des trotskistes dont le noyau dur et actif vient nous voir depuis Lestonan et les Papeteries Bolloré. »
En savoir plus : « Les résistants communistes d'Ergué-Gabéric en 1939-45 », « KERBAUL Eugène - Militants du Finistère (1918-1945) »

11 Corn-boud pour faire braire les paesles

Billet du 01.06.2019 - On sonnait du corn boud ... Non, je n'ai vu nulle part, quoique j'aie vu bien des musiques, une semblable à celle-là. Le Dieu Triton, le trompette de Neptune, ne savait pas faire de la musique semblable. » Jean-Marie Déguignet, Mémoires d'un paysan bas-breton, Intégrale page 119.

Jean-Marie Déguignet (1834-1905) a bien décrit dans ses mémoires comment se passaient les fêtes villageoises de la Saint-Jean (24 juin) et de Saint-Pierre (29 juin) dans les campagnes de Basse-Bretagne au 19e siècle.

Jean-Marie Déguignet s'oppose à là l'idée qu'il n'y avait qu'un feu unique à la Saint-Jean, ce « Tantad », feu du 24 juin autour duquel quelques paysans se rassemblaient pour dire des grâces.

Pour lui « c'était au contraire une des plus grandes réjouissances des paysans bretons, où tout le monde d'un même village se trouvait depuis les plus vieux jusqu'aux nourrissons. Il y avait deux feux et par conséquent deux fêtes nocturnes, et non un ; le premier s'appelait non Tantad, mais bien Tan San Yan en l'honneur duquel on l'allumait et l'autre, quatre ou cinq jours après s'appelait Tan San Per. »

Tout le monde participait au feu : « On y brûlait des charretées de lande, de ronces et d'épines ; et chaque habitant, grands et petits, pauvres et riches, était obligé d'y apporter un fagot ou une brassée d'épines en s'y rendant sous peine d'amende ou d'avoir un doigt coupé. »

Le début des réjouissances était annoncé de façon à être entendu de très loin : « On annonçait la fête par des coups de fusil, puis de grands coups frappés sur de grandes bassines en cuivre et on sonnait du corn boud. Et on y jouait une musique que je n'ai jamais vu jouer nulle part ailleurs. »

La pratique du corn-boud était la suivante :

Image:Right.gifImage:Space.jpg«Image:Space.jpgOn posait une bassine sur un trépied puis un individu prenait deux joncs de pré très longs et résistants et les posait en travers sur la bassine au fond de laquelle on mettait de l'eau ; »

Image:Right.gifImage:Space.jpg«Image:Space.jpgalors, une femme qui avait l'habitude de traire les vaches prenait ces joncs que le premier tenait appuyés sur le bord de la bassine, se mettait à tirer sur ces joncs en faisant [glisser] ses doigts tout le long, absolument comme si elle eût tiré sur les trayons d'une vache. »

Image:Right.gifImage:Space.jpg«Image:Space.jpgAlors, comme chez les spirites et mieux sans doute, la bassine se mettait à trembler et à danser sur le trépied »

Image:Right.gifImage:Space.jpg«Image:Space.jpgpuis deux ou trois autres femmes ou enfants tenant des clefs suspendues à des fils les mettaient en contact avec l'intérieur de la bassine. Ces clefs de différentes grosseurs faisaient des notes différentes par leur trépidation sur le bord de la bassine en mouvement. »

Image:Right.gifImage:Space.jpg«Image:Space.jpgcela faisait une musique extraordinaire qui s'entendait d'un bout de la commune à l'autre, surtout quand, dans les grands villages on employait plusieurs bassines de grandeur et d'épaisseur différentes. »

  Ensuite « les jeunes gâs s'essayaient au saut du feu, jeu assez dangereux car il y en avait qui s'y brûlaient les pieds. Il s'agissait de sauter par dessus le feu qui avait plusieurs mètres de largeur, et lorsque la flamme était à sa plus grande hauteur. »

Vidéo Youtube dans laquelle on voit des amis s'essayer au tirage de joncs (attendez les séquences 1:47 ou 2:20 pour entendre le son grave) :

Extrait de l'album « Mamalasecska » du groupe de fest-noz du Pays de Dol-de-Bretagne Rozaroun, plage n° 12 Laridé, le paesle est joué par Cécile Louyer :

À Jersey on faisait aussi "braire les peiles" comme l'atteste ce texte en vieille langue Jèrriaise (Wikipedia) :

Faithe braithe les peîles est eune couôteunme qué nou soulait pratitchi l'travèrs d'la Nouormandie et la Brétangne. Nou l'fait acouo par des bords en Brétangne, et nou-s'a ravigoté la bachinn'nie en Jèrri à ches drein. Nou fait braithe les peîles à la St. Jean pouor chasser les mauvais esprits. I' faut un bachîn, un ros (du jonc) et dé l'ieau. Deux pèrsonnes peuvent faithe braithe la peîle: iun tchi tcheint l'ros sus l'bord du bachîn, l'aut' à traithe lé ros auve de mains mouoillies. La tressonn'nie du ros fait tressonner tout l'bachîn et nou vait coumme tchi qu'l'ieau bouort et danse. La braithie fait eune manniéthe dé mûsique.


En savoir plus : « Les deux fêtes des feux de Saint-Jean et de Saint-Pierre selon Jean-Marie Déguignet »

12 Arrestations et interrogatoires d'Yves Pennec

Billet du 25.05.2019 - Ses procès eurent lieu en 1838, et Stendhal dans ses « Mémoires de touriste » en a fait une recension  : « Il y a beaucoup de sorciers en Bretagne ... Yves Pennec, enfant de l'Armorique, est venu s'assoir hier sur le banc de la cour d'assises. Il a dix-huit ans. »

Mais il en faudra de peu pour qu'il n'y ait point de procès, car à sa première arrestation il est immédiatement disculpé, et ce n'est que sa deuxième arrestation pour acte de vandalisme à Kerdévot qui lui vaudra d'être présenté à la justice.

Yves Pennec est interrogé en juin 1836 par la gendarmerie après un vol nocturne de 420 francs chez son ancien employeur qui le soupçonne fortement. Il est immédiatement disculpé par les gendarmes : « il ne s'élève à cette procédure, aucune charge contre cet individu » ; et par la justice « Le tribunal, après en avoir délibéré, faisant droit aux conclusions de Monsieur le procureur du roi, déclare Yves Pennec déchargé du délit qui lui est imputé, et dit qu'il n'y a lieu à poursuivre ».

La deuxième arrestation a lieu un an après dans des conditions rocambolesques sur le site de Kerdévot, le jour du grand pardon, fait qu'il reconnaît sans façon : « J'avais en effet secoué la pierre qui couronne le clocher et qui était déjà mal asservie. Je me trouvais dans un grand état d'ivresse, je ne sais comment je ne me suis pas cassé le cou. ». Sans doute était-il monté sur ce clocher pour faire le fanfaron devant ses compagnons de boisson.

Suite à son arrestation sur place à Kerdévot sur réquisition du maire, le prévenu n'a pas cesser d'insulter les gendarmes pars les expressions « de salauds, de cochons et de canailles ». Yves Pennec ne maîtrisant pas le français, pour preuve ses interrogatoires ont toujours lieu avec le support de « l'organe d'un interprète de la langue bretonne ». Nous pouvons supposer que les insultes en breton étaient « Salopenn, penmoc'h ha kanailhez ». Il passe sa première nuit au « violon » de la mairie de Quimper et est interrogé le lendemain. Un gendarme, celui qui l'avait arrêté 13 mois plus tôt, joue le rôle d'interprète.

 

Lors de cet interrogatoire il improvise une histoire de trésor trouvé dans une cache derrière une pierre déjointée de mur, sans doute inspirée par son exploit de la veille sur la pierre du clocher de Kerdévot. Cette justification de ressources pour ses dépenses d'habillement et de jeu le rend cette fois très suspect quant au vol des 420 francs de l'année précédente.

Yves est emprisonné pendant les 4 mois qui précèdent son procès. Plus de 70 pièces de procédure conservées (cf copies intégrales dans l'article) rassemblent les comptes-rendus des interrogatoires, plaidoiries, réquisitoires, lesquels témoignent d'une fascination pour la personnalité de l'inculpé, induisant un doute sur sa culpabilité. Un non-lieu pour le vol est prononcé par le jury de première instance en janvier 1838 : « M. le Président a prononcé qu'Yves Le Pennec est acquitté de l'accusation portée contre lui, et a ordonné qu'il sera sur-le-champ mis en liberté ».

En février 1838 Yves Pennec passera en jugement pour la dégradation de la chapelle de Kerdévot et l'outrage aux gendarmes. Le substitut réclamera un mois de prison et 500 francs d'amende, soit plus que le montant du vol aux époux Le Berre, mais le tribunal ramènera le montant de l'amende à 100 francs, ce qui équivaut quand même pour lui à presque trois ans de salaires.
En savoir plus : « 1836-1837 - Arrestations et interrogatoires d'Yves Pennec, voleur et auteur de vandalisme »

13 Une vitrine religieuse grand siècle

Billet du 18.05.2019 - Où il est question de belles pièces d'orfèvrerie religieuse des 17e et 18e siècles, classées au titre des Monuments historiques le 10 mars 1994, et depuis ce printemps 2019 exposées dans une vitrine sécurisée dans l'église paroissiale Saint-Guinal d'Ergué-Gabéric.

Pierre-Marie Auzas et René Couffon ont noté la beauté de ces pièces d'orfèvrerie dans leurs inventaires « L'orfèvrerie religieuse bretonne » (1955) et « Répertoire des églises et chapelles du diocèse de Quimper » (1959).

La liste complète des pièces est celle de l'édition réactualisée du répertoire Couffon :

Image:Right.gifImage:Space.jpgCalice et patène n°1, argent doré, du 18e siècle ; poinçon de l'orfèvre Guy-Baptiste Gérard sur le calice et celui d'Augustin-Jean Mahieu sur la patène

Image:Right.gifImage:Space.jpgCalice n°2, argent, du 17e siècle

Image:Right.gifImage:Space.jpgCiboire en argent, époque Louis XIV, poinçon de l'orfèvre Joseph Bernard

Image:Right.gifImage:Space.jpgBoîte aux saintes huiles en argent, poinçon d'A.-J. Mahieu, seconde moitié du 18e siècle

Image:Right.gifImage:Space.jpgEncensoir et navette en argent, époque Louis XIV ; poinçon de Joseph Bernard sur l'encensoir

Image:Right.gifImage:Space.jpgLampe de sanctuaire en argent, époque Louis XIV, poinçon de Joseph Bernard

Image:Right.gifImage:Space.jpgCroix d'autel et six chandeliers en argent, époque Louis XIV

Image:Right.gifImage:Space.jpgQuatre chandeliers en bronze, 17e siècle, ou du 18e siècle comme le suggère Louis Le Guennec .

De l'encensoir (cf photo Le Doaré ci-contre), de l'époque Louis XIX et du maître orfèvre Joseph Bernard de Quimper, il écrit : « Bien peu ont été conservés et bien peu sont en bon état, car ils sont malmenés par les enfants de chœur ... L'encensoir se compose de deux parties : la coupe avec pied, qui parfois, comme à Ergué-Gabéric (F.), est décorée de têtes d'angelots ailés rapportés et de gros fruits, et le couvercle ajouré. Un système de chaînes réunit le tout et permet le balancement et l'encensement. »

Des chandeliers d'autel il précise : « Le seul bel ensemble que nous connaissions est celui de l'église Saint-Guénaël, à Ergué-Gabéric (F.), qui comprend, avec la croix d'autel, six chandeliers (2 grands, 2 moyens, 2 petits). L'ensemble est d'époque Louis XIV, et probablement parisien. »

Louis Le Guennec complète dans le bulletin de la Société d'Archéologie du Finistère : « L'église d'Ergué-Gabéric possède six beaux chandeliers d'argent du XVIIIe siècle, trois grands, trois moyens et trois petits. Ces derniers ont une ornementation soignée, décelant le faire d'un habile orfèvre. J'y ai relevé deux types de poinçons, un T surmonté d'une couronne, qui pourrait être la marque du bureau de Quimper à l'époque, et deux fleurons ou fleurs de lys superposées, surmontées d'une couronne, avec la lettre A accolée à la fleur inférieure. Sur le pied de deux ou trois  de  ces  chande-

  liers sont les trois lettres séparées B. A.R. Il y a aussi une jolie croix d'argent ayant pour unique poinçon le T couronnée. »

Alors que P.-M. Auzas suggère une réalisation parisienne du 17e siècle, Louis Le Guennec note l'existence de poinçons lettrés T ou A qui contrairement aux 2 ou 3 syllabes des maîtres orfèvres dénotent une production probable du 18e siècle signée par une communauté de jurande. Par contre il est peu probable que la lettre T désigne la jurande de Quimper, laquelle a utilisé les lettres A à D, mais plutôt celle Morlaix dans les années 1779-1780. Par contre les initiales B A R ne correspondent pas à un atelier d'orfèvre breton connu.

Hormis l'encensoir, deux autres pièces datées du 17e siècle, le ciboire d'une part et la lampe de sanctuaire autrefois dans la chapelle de Kerdévot d'autre part, proviennent le maître orfèvre Joseph Bernard qui signe par un poinçon I. B. à l'hermine héraldique couronnée. Joseph Bernard (1647-1719), formé à Paris et d'autres villes, a livré notamment de nombreuses pièces pour la cathédrale de Quimper et l'église de Pont-Croix, et 16 rues en Bretagne portent son nom.

Les deux autres maîtres orfèvres identifiés sont Augustin-Jean Mahieu, dont le poinçon aux lettres A I M a été insculpé en 1779 et Guy-Baptiste Gérard qui démarre sa carrière en 1721. Le premier signe la patène (petite assiette) et la boîte aux saintes huiles en argent. Le deuxième est identifié pour le calice en argent doré.

* * *

En mars 2019, toutes les pièces d'orfèvrerie gabéricoises des 17e et 18e siècles, accompagnées d'objets religieux plus récents, ont été installées dans une armoire métallique avec vitre blindée contre le bras nord du transept :

© Benoit Bondet de La Bernardie (Le Télégramme)
En savoir plus : « Trésor d'orfèvrerie religieuse de l'époque Louis XIV à l'église St-Guinal », « La vitrine du trésor de Saint-Guinal, Le Télégramme 2019 », « AUZAS Pierre-Marie - L'orfèvrerie religieuse bretonne »

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