Les billets hebdos de l'actualité du GrandTerrier - GrandTerrier

Les billets hebdos de l'actualité du GrandTerrier

Un article de GrandTerrier.

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Chaque semaine, un nouveau billet annonçant un ou plusieurs articles sur le site GrandTerrier.

Une compilation des billets est publiée en fin de trimestre sous la forme des chroniques du Bulletin Kannadig.

Anciens billets hebdos : [Actualité, archives]

Les anciennes affichettes : [Accroches à la une]

Modifications d'articles : [Journal des MàJs]


Sommaire

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1 Photos et films de Raphaël Binet

Billet du 07.02.2021 - Les clichés du pardon de Kerdévot et les séquences filmées du mariage de René-Guillaume Bolloré à Odet le 22 septembre 1932. Collection photographique du Musée de Bretagne de Rennes et cinq films conservés sous forme de rushs par la Cinémathèque de Bretagne.

Raphaël Binet, né en 1880, fils de photographe, pratiqua très jeune la photographie, en Normandie et Paris, puis à Saint-Brieuc où il crée son studio. Il s'est attaché à parcourir la Bretagne entre les deux guerres pour saisir, surtout à l'occasion de Pardons, les derniers témoignages de la vie traditionnelle bretonne.

Et notamment à Kerdévot dans les années 1930 où il met en scène les participants, hommes, femmes et enfants. Ceux-ci ne posent pas vraiment, leur attitude est on ne peut plus naturelles, l’œil du professionnel ayant su capté leur singularité et exprimé leur fierté d'être là, ensemble. Il n'y pas de cliché de longues processions avec bannières, mais des regroupements informels près de la chapelle, calvaire et échoppes de marchands.

A l'instar du cliché ci-dessous, une trentaine de portraits de pardonneurs en habits traditionnels, chapeaux et coiffes, ou en blouse d'ouvrier pour l'un d'entre eux, ont été publiés dans l'article détaillé. Si certains peuvent reconnaître leurs ascendants, sans doute décédés car les plus jeunes sont nés dans les années 1920, nous serions heureux de noter les identifications.

Ce qui est moins connu est le fait que Raphaël Binet était aussi cinéaste. Et lors de ses passages à Ergué-Gabéric il a immortalisé sur la pellicule le mariage du fils de l'entrepreneur papetier René Bolloré, la cérémonie ayant été organisée à Odet.

Ces films de la collection Binet, au nombre de cinq, ne sont pas forcément de très bonne qualité, mais au-delà de l'esthétique elles témoignent d'un vécu local. Le positionnement des séquences gabéricoises est le suivant :

1. Film 27977Image:Space.jpg: 15 minutes 30 de longues séquences de la fête de mariage à Odet, au manoir, la chapelle, le parc, et le banquet de noces.

2. Film 27978Image:Space.jpg: une très courte séquence de la cérémonie dans la chapelle, scènes de préparation en cuisine, puis intercalaires de titrage pour le montage du film.

3. Film 11557Image:Space.jpg: au total 15 premières minutes tournées à la papeterie d'Odet et au patronage de Keranna, les 5 dernières étant filmées ailleurs (manoir et église non identifiés) ; visite des salles de fabrication du papier, sortie de la cérémonie nuptiale à

 

la chapelle de l'usine, et de longues séquences des banquets sous chapiteau et en salle de patronage.

4. Film 11539Image:Space.jpg: seulement 30 secondes des cloches de la chapelle d'Odet, entre 4 mn pour le pardon du Sainte-Barbe au Faouët et 3 mn d'images du port de Marseille.

5. Film 28002Image:Space.jpg: seulement 1 mn 20 en salle de raffinage à l'usine d'Odet (complément du film 11557), avant les images du pardon de Sainte-Barbe.

Les deux premiers films sont intéressants pour les longues séquences extérieures de la fête de mariage dans le parc du manoir d'Odet. Certes un archevêque et un évêque viennent en grande pompe, mais c'est surtout la foule des ouvrier(e)s et des habitants du quartier qui est impressionnante.

La cérémonie nuptiale à l'intérieur est à peine filmée : 30 secondes seulement dans le 2e film. Par contre l'arrière-scène des cuisines rustiques, les jeunes fille à la fontaine du moulin, les groupes atypiques des musiciens et des chauffeurs, les discussions familiales sont bien mise en avant.

Le film était destiné à être monté, car en fin du 2e film le générique et les titres intercalaires ont été rédigés et filmés. Le plan du film complet inclut les images du banquet au patronage qui est en milieu du 3e film.

Le 3e film est intéressant pour ses 5 premières minutes, à savoir la visite technique des bâtiments de l'usine à papier. La délégation conduite par le patron René Bolloré, son fils, le fondé de pouvoir Louis Garin et une dizaine de personnes, dont un invité de marque non identifié. Ils passent d'une salle de fabrication à l'autre, des impressionnantes piles de raffinage de la pâte jusqu'aux grosses bobines de papier.

Que ce soit pour le plan panoramique des ouvrières dans une allée de l'usine, ou des ouvriers à leur machine, ou alors pour les grandes tablées aux banquets, il serait intéressant d'identifier les participants.

Image:square.gifImage:Space.jpgEn savoir plus : « Raphaël Binet, photographe du pardon de Kerdévot, v. 1930 », « Les Bolloré filmés à Odet en 1932 par le photographe Raphaël Binet »

2 Mac'honiet gant ar mecanik da zorna

Billet du 30.01.2021 - « estropié par la machine à battre » : des accidents de batteuses dans des fermes gabéricoises racontés dans Feiz ha Breiz.

Un article du journal « Feiz ha breiz » du 28 août 1876 relate en langue bretonne trois accidents de personnes, survenus l'un à Ergué-Armel et les deux autres à Ergué-Gabéric, alors que ces personnes alimentaient ou surveillaient une machine à battre dans leurs fermes respectives.

Ce type de machine est appelé « ar mecanik da zorna » en breton, ou « ar mecanik » tout simplement car elle préfigure le début de la mécanisation agricole. En 1876 l'énergie de cette batteuse est fournie par un carrousel de chevaux, lequel sera remplacé plus tard par une « locomobile motrice » et l'ensemble sera alors appelé « dornerezh » (batteuse).

Les accidents d'Ergué concernent deux hommes et une jeune fille de 16 ans. Les deux premiers ont eu respectivement une jambe estropiée - « paket he vragou hag he c'har gant rodou he vecanik da zorna » (son pantalon et sa jambe entrainés par les engrenages de sa machine à battre) - et une main broyée (pour l'accident d'Ergué-Armel). Quant à la jeune fille, elle aurait perdu sa jambe « paneved ma'z euz gellet derc'hel ar c'hezek a za crenn » (si on n'avait pas pu stopper net de suite les chevaux).

Autant elle a eu de la chance : « Dre c'hrass Doue e bet kuitez evit he aon hag eur glaz dister. » (grâce à Dieu, on a été quitte pour une frayeur et une égratignure bénigne). Autant c'est plus dramatique pour les deux autres : « Azalec he uvern betec he gof gar eo mac'haniet, truez he velet » (depuis sa cheville jusqu'à son entrejambe, il a été estropié, triste à voir) ; « Ar midisin galvet var an heur en deuz troc'het ar membr brevet. » (le médecin appelé immédiatement a amputé le membre brisé).

  Si l'on regarde de plus près les autres faits divers du mois d’août 1876, notamment dans le journal « Le Finistère », on se rend compte que les accidents graves dus aux machines à battre sont très nombreux : amputations pour éviter la gangrène au Perget et à Port-Launay, commotions mortelles à Saint-Méen ...

Les journaux accusent certes les agriculteurs d'être imprudents - « deffot teuler evez » (à défaut d'être attentif) - mais ils demandent aux autorités d'imposer des mesures de sécurité plus drastiques, à savoir allonger la table des machines à battre et recouvrir les manèges de protections.

En effet, pour cette dernière mesure, un ouvrier agricole « assis sur le petit banc placé sur l'axe du manège, et les chevaux tournant en cercle autour de lui » peut tomber tout simplement de fatigue, et se retrouver broyé par les engrenages.

Ce danger est évité, dans les décennies suivantes, lorsque le manège est remplacé par une motrice à vapeur. Ainsi la description de celle de la ferme de Creach-Ergué mise en vente en 1911 : « batteuse à grand travail et sa locomobile motrice, fabrication Merlin et Cie de Vierzon ».

Image:square.gifImage:Space.jpgEn savoir plus : « Mac'honiet gant ar mecanik da zorna - machines à battre, Feiz ha breiz 1876 »


Scène de battage à Pannarun en Ergué-Gabéric, non datée :

3 Une méthode pour lire le Français

Billet du 23.01.2021 - Comment Déguignet déchiffre pour la première fois des journaux en langue française grâce à un nouveau colloque et vocabulaire français / breton : origine de cet ouvrage via une étude d'Adolphe Le Goaziou en 1950 et facsimile complet de l'édition d'Eugène Blot de 1854.

Lorsque, dans ses mémoires (Intégrale page 142), Jean-Marie relate ses souvenirs de l'année 1854, il note qu'il vient de passer de l'état d'esclave agricole à celui de domestique dans une grande ferme où il profite de ses loisirs dominicaux pour étudier le français. Pour cela il achète un livre précieux : « J'avais acheté une petit colloque français / breton avec lequel j'allais me cacher tous les dimanches dans l'étable s'il faisait froid, ou dans un coin de champ s'il faisait beau temps, car je ne voulais pas que l'on sache que j'étudiais. ».

Ce "colloque" est en fait un lexique de vocabulaire et de conversation bilingue : « Il est particulièrement utile aux habitants de la campagne qui désirent apprendre le Français » (Avis de l'imprimeur / Ali ar mouler). Et ainsi il peut déchiffrer les articles de journaux de son patron, mais il note la difficulté de comprendre les mots français décrivant l'actualité internationale, notamment les conditions de la déclaration de la guerre de Crimée.

Il n'a pas de problème pour traduire les termes de l'agriculture, mais pour le reste « malheureusement, souvent, je ne trouvais pas le mot que je cherchais, car le breton est si vieux et si pauvre qu'il ne renferme pas la moitié des mots qui se trouvent aujourd'hui dans toutes les langues modernes  ».

Une question se pose : quelle édition Déguignet a-t-il utilisée ? Car cet ouvrage a fait l'objet entre le XVIIe siècle et le début du XXe de plus de 50 publications différentes qui sortirent des imprimeries de Morlaix, Brest, Quimper, Vannes, Saint-Brieuc, Landerrneau, Rennes et Caen. Adolphe Le Goaziou dans son étude historique note un véritable engouement populaire  : « Aucun ouvrage en langue bretonne n'a connu une vente aussi régulière que ces œuvres dont le succès fut bien supérieur à celui de toutes les publications lexicographiques. ».

Il est très probable que l'édition achetée en 1854 soit celle de l'imprimerie du quimpérois Eugène Blot qui a publié une nouvelle version cette année-là, légèrement augmentée par rapport à sa précédente de 1840. Ce colloque et vocabulaire français / breton a en fait été publié à Morlaix pour la première fois par réaction à de précédents colloques (au pluriel cette fois) trilingues français-bretons-latins beaucoup moins riches en vocabulaire.

Le nouveau colloque utilisé par Déguignet est un petit recueil in.16 (largeur : 14-16 cm) de 164 pages, incluant environ 2000 mots répartis en 45 thèmes (de l'Univers aux Mots familiers, en passant par les Métiers et les Parties du corps), 39 conversations usuelles (entre une gouvernante et une demoiselle, bretons se rencontrant à Paris, entre un médecin et un malade ...), 18 lettres types, des proverbes et des noms de villes et d'îles.

Les éditions d'Eugène Blot de 1840 ou de 1854 que Déguignet a utilisées sont bien enrichies par rapport aux autres versions de

 
l'époque, notamment celles de Prud'homme à Saint-Brieuc qui a été éditée à l'identique jusqu'en 1893.

Les termes français francisés ont été remplacés par leurs équivalents authentiques (« fautou > faziou ; avoui > anzao  ; eloignamant > pellidiguez ; cheffretes > gaour-vor »). Des mots nouveaux apparaissent comme poivrier, pipe à tabac et coqueluche. La lettre de change est rédigée en francs et non en livres, le mot carosse est remplacé par voiture.

Et pourtant cette évolution ne suffit pas à Déguignet pour appréhender le monde moderne. Il faut dire que les 32 premiers mots du vocabulaire, avant le 1er thème séparé de l'Univers, sont empreints de religiosité catholique : « Dieu - Doue ; la Trinité - an Dreindet ; Jésus-Christ - Jezuz Christ ; le Saint-Esprit - ar Spret-Santel ... », ce qui devait certainement agacer notre paysan autodidacte très anti-clérical.

Image:square.gifImage:Space.jpgEn savoir plus : « Le petit colloque/vocabulaire français/breton de Jean-Marie Déguignet »

4 Bulletin n° 52 ~ Vidéos, mémoires, archives et patrimoine

Billet du 16.01.2021 - Articles publiés du dernier trimestre 2020, 32 pages A4 ou 8 feuillets A5 recto verso, envoi postal dans les chaumières dès lundi.

Ce bulletin démarre par 5 vidéos et une émission de radio : le centenaire des papeteries Bollo-ré, des noces bretonnes en 1912, le baptême de Gwenn-Aël et le roman d’amour des Naufrageurs, le reportage sur la cité de Ker-Anna, et enfin une chronique radio sur un crime de 1930.

Quant aux mémoires d’ancien, on saluera le militant René Huguen et ses souvenirs du Front Populaire.

Les documents d’archives sont nombreux dans ce bulletin : le 18e siècle avec le manoir de Griffonez et une pétition en faveur des domaines congéables ; le 19e siècle avec le domaine de la légion d’honneur, l’épidémie de variole et la maison de maître de Kervéady.

Et enfin le patrimoine : l’avant-dernier article traite de l’ouverture au public du site de la carrière de Kerrous, le dernier porte sur la place de la future mairie qui sera inaugurée prochainement.

Une proposition de drapeau municipal trouvée sur le site drapeauxbzh, avec une variante de déport des croisettes par rapport à l’écu héraldique des Cabellic, les fondateurs de la commune.

Contrairement au blason, l’adjectif "cantonné" est ici conjugué au masculin car s'appliquant au champ et non à la croix potencée : « de gueules à la croix potencée d'argent, cantonné de quatre croisettes de même ; au chef danché d'argent chargé de trois mouchetures d'hermines de sable »

 
Image:square.gifImage:Space.jpgLire le bulletin en ligne : « Kannadig n° 52 Janvier 2021 »

5 Gwenn-Aël Bolloré en vidéos et tabloïd

Billet du 09.01.2021 - Deux vidéos avec comme participant ou producteur Gwenn-Aël Bolloré, son baptême à Odet et « Les Naufrageurs » : films numérotés 10033 et 3961 dans la collection des films professionnels de la Cinémathèque de Bretagne, et article de présentation dans la revue Détective.

Le premier film est une vidéo N&B filmée le 9 septembre 1925 à Odet où l'on voit René et Marie Bolloré-Thubé organiser le baptême de leur fils cadet Gwenn-Aël, avec les invités au manoir, les habitants du village à la sortie de la chapelle, les ecclésiastiques en habit, la sœur et le frère aînés, et enfin le héros du jour dans les bras de sa nourrice.

Le film est fait de plans fixes avec une caméra placée à quelques endroits stratégiques extérieurs, face à l'entrée du manoir pour assister à l'arrivée des voitures avec chauffeurs des invités privilégiés, sur le chemin du parc à la chapelle, et à la sortie de la cérémonie religieuse où les villageoises en coiffe et les enfants se précipitent sur les dragées du baptême.

Les participants principaux à la fête sont :

  • René Bolloré et son épouse Marie Thubé, accueillant leurs invités et à la sortie de messe.
  • Les ecclésiastiques, dont certains sans doute de la famille Thubé-Bolloré, à savoir peut-être l'abbé André-Fouet et/ou le jésuite René-Marie de La Chevasnerie.
  • Le chauffeur ou garde avec une casquette, accompagné d'un homme à la longue barbe blanche.
  • La sœur et frère ainé de Gwenn-Aël, à savoir René-Guillaume que l'on surnommait "Pouffic", et Jacqueline.
  • Et bien sûr Gwenn-Aël et sa longue traîne blanche, dans les bras de sa nourrice mademoiselle Hillairet.

Si vous aviez des identifications supplémentaires, notamment des membres de la famille, des invités ou des participants au lancer des dragées, nous vous serions reconnaissants.

* * *

Le deuxième film de la Cinémathèque de Bretagne est une production et un scénario de Gwenn-Aël Bolloré en 1958 : « Les Naufrageurs », réalisé par Charles Brabant.

Le synopsis : en 1852, sur une île bretonne où sévit la famine, la sorcière Moïra brise le fanal signalant les écueils, et un navire chargé de vivres vient s'y briser. Il est pillé et les survivants sont massacrés. La jeune orpheline Moïra, rejeté par les îliens, est amoureuse du jeune pêcheur Yann ...

 

Le rôle de Moïra est joué par Renée Cosima qui n’est autre que l’épouse de Gwenn-Aël Bolloré.

* * *

Pour rendre compte de la sortie du film des Naufrageurs et de l'avant-première au cinéma Odet-Palace de Quimper, le journal national Détective détaille la rencontre amoureuse du producteur Gwenn-Aël Bolloré et l'actrice Renée Cosima son épouse.

Le mariage est évoqué avec l'idée d'un abandon difficile de carrière de comédienne : « Ils se marièrent. Ils eurent une petite fille qui s'appelle Anne et qu'on appelle Pomme. Ils furent, ils sont très heureux. Mais au cœur de Renée sommeillait toujours l'amour du théâtre. »

Mais, bien heureusement le film des Naufrageurs fut l'occasion pour Gwenn-Aël Bolloré de se rattraper : « Alors il lui écrivit une belle histoire de la côte bretonne et lui offrit, comme un bijou, un rôle fascinant et sans amour. »

Un rôle sans amour, car « pénible, brutal ... Moïra n'est pas aimée dans son île de rudes pêcheurs. Elle vit à l'écart. Chacun la fuit et souhaite ardemment son départ. »

Mais le titre de l’article accrocheur reste romantique et fleur bleue : « Renée Cosima a reçu le plus beau gage d’amour », grâce à ce film.

L'article est rédigé par la journaliste et romancière Hélène Mornay. Les photos de Jean-Gabriel Seruzier sont un mélange de scènes du film, de diners littéraires, dont l'un avec « le grand Jouvet », et familiales en couple et avec leur fille « Pomme » (Anne).

Image:square.gifImage:Space.jpgEn savoir plus : « Le baptême de Gwenn-Aël Bolloré au manoir d'Odet, film NB de 1925, « BRABANT Charles - Le film Les Naufrageurs, « Le gage d'amour du film "Les Naufrageurs", Détective 1958 »


En fin de semaine prochaine, le bulletin trimestriel KANNADIG n° 52 de janvier 2021, un peu plus épais que d'habitude (huit pages recto-verso supplémentaires), sera mis en ligne et expédié dans les chaumières de nos fidèles abonnés.

6 Bloavezh Mat deus Plas-an-Intron

Billet du 02.01.2021 - « Kozh ha yaouank, bras ha bihan, bloavezh mat deoc'h a reketomp, dilhad didoull war ho tivskoaz, ha krampouezh lardet a gorfadoù » (Vieux et jeunes, grands et petits, bonne année 2021, des vêtements sans trous sur vos épaules et de pleines ventrées de crêpes grasses)

La nouvelle mairie d'Ergué-Gabéric va bientôt ouvrir courant 2021 : c'est l'occasion de se remémorer l'histoire de la métairie où les services municipaux seront bientôt installés.

La métairie de Plas-an-Intron, dépendant du manoir de Pennarun avant la Révolution, était intégreé au domaine noble des seigneurs de Geslin. Le manoir et la métairie encadrent de part et d'autre le bourg d'Ergué-Gabéric, la ferme étant au nord, sur le chemin menant à l'autre manoir de Lezergué.

L'origine ancienne du nom « Plas-an-Intron » (place de la grande dame) fait peut-être référence à une "haute et puissante dame" attachée au lieu, à l'instar d'une veuve douairière comme Louise de Kergoat (mère de Charles Provost l'écuyer propriétaire de Pennarun en 1540). En 1794 le dernier seigneur de Pennarun, le chouan Marie-Hyacinthe de Geslin, est réputé émigré et sert comme officier dans l'armée de Georges Cadoudal.

La maison d'habitation de Plas-an-Intron est décrite ainsi dans le document d'expertise de 1794 précédant son adjudication en tant que bien national : « Maison mannale de simple maçonne couverte de gled à une porte, une fenêtre au midy sur chemin menant du bourg à Lezergué aiant de longueur trentre pieds franc à deux pignons quinze et demy, hauteur sept.  »

  Cette maison "mannale", c'est-à-dire ressemblant à un manoir, au toit de chaume (« gleds »), n'est pas la bâtisse actuelle construite au milieu du 19e siècle, mais l'antique maison basse qui a été détruite en 2018 pour élargir l'accès à la nouvelle mairie d'Ergué-Gabéric.

L'expertise du 21 et 22 prairial an 2 (9 et 10 juin 1794) de la propriété de Plas-an-Intron avec crèches, jardins et terres aboutit à un prix estimatif de 2475 livres, document signé par l'avoué expert Salomon Bréhier, futur maire d'Ergué-Gabéric. Lors de la vente aux enchères le 19 germinal an 3 (8 avril 1795), le prix d'acquisition remporté par un notable quimpérois, Jacques Debon (négociant et ancien maire éphémère de Quimper) ne dépasse les 1300 livres.

Il est vraisemblable que Jacques Debon n'a pas occupé la métairie acquise, et laissera son exploitation au fermier Pierre Lozac'h qui la louait déjà aux Geslin moyennant une rente de 175 livres.

Le dossier de pré-inventaire du bâti réalisé en 1972 dans le cadre du Patrimoine Culturel de Bretagne, grâce à ses plans manuscrits de masse des bâtiments, permet de comprendre la transformation au 19e sièce de la « Ferme de Plas-an-Intron : Habitation ancienne située au bourg (à l’est du chemin vicinal n°3, dernière maison au nord du bourg) ». On lit notamment que la maison dite "actuelle" en bordure de route a cette inscription : « « E P P FRANCOIS LE ROUX ET MARIE FRANCOISE LE GUYADER 1857 », ce qui atteste d'une construction par François Le Roux (1814-1862) et son épouse Françoise Le Guyader.

Cette maison devrait être prochainement transformée en maison du patrimoine communal. La maison antique au toit de chaume en 1794 et en « tôle ondulée » en 1972 a par contre être démolie pour permettre l'accès aux nouveaux bâtiments communaux.

Un dernier mot sur les si nombreux Le Roux gabéricois : la place d'accès à la mairie et à la médiathèque a été baptisée Louis Le Roux en la mémoire de l'appelé mort en Algérie en 1961, mais ce dernier n'était pas apparenté aux propriétaires de la ferme de Plas-an-Intron. Les anciens se souviennent par contre de Pierre Le Roux, petit-fils du François Le Roux sus-nommé, on l'appelait même « Per Rouz Plas-an-Intron ».

Une raison peut-être pour baptiser la future maison du patrimoine avec ce qualificatif bilingue si mystérieux « place de la grande dame / plas an intron », ... et de déployer le drapeau communal rouge et noir aux hermines et croisettes sur la nouvelle mairie à inaugurer courant 2021.

Image:square.gifImage:Space.jpgEn savoir plus : « La métairie de Plas-an-Intron transformée en mairie en 2021, « 1794-1795 - Estimation et vente de la métairie de Place-an-Intron au Bourg

7 Nedeleg laouen deus Kerrouz

Billet du 25.12.2020 - « Hetiñ a ra skipailh GrandTerrier Nedeleg laouen deoc’h » - « Le GT vous souhaite un joyeux Noël avec ce houx de Kerrous ! ».

Le sort de l'excavation minière de Kerrous est désormais fixé pour les quelques décennies à venir : un réservoir alimenté tout l'hiver par les eaux de l'Odet sera déversé en période d'étiage vers l'affluent quimpérois du Steir en amont de l'usine de production d'eau potable du Trohéir en Kerfeunteun.

Et en guise de remerciements aux gabéricois, le site a été transformé avec un petit sentier damé de randonnées, un parking pour les voitures, des plantations d'arbres, un point de vue protégé aux abords du réservoir. Voir dans l'article détaillé les photos et vidéo décrivant le site depuis la première zone d'extraction jusqu'à son aménagement actuel.

Un panneau bilingue a été également réalisé avec ces titrages : en français « Ancienne carrière de Kerrous. Propriété du Département. Commune d'Ergué-Gabéric » et en breton « Mengleuz kozh Kerrouz. Per'hentiezh an Departatamant. Kumun an Erge-Vras ». On fera abstraction de la belle faute du tout premier paragraphe en français à propos du dernier tir de mine en mai 2017.

Comme l'inauguration du site est datée de la 2e semaine de décembre, on pourrait penser à un Noël attendu et espéré localement depuis un certain temps, avec un paquet cadeau illustré des boules rouges du houx qu'on trouve sur le site.

Mais le vrai cadeau de Noël sera sans doute le prochain, en 2021, lorsque le sentier de randonnée sur la berge gabéricoise de l'Odet sera ouvert depuis le nouveau parking de Kerrous jusqu'au site de Meil-Poul en amont. Et si une passerelle est créée les promeneurs pourront faire une boucle en revenant par le GR 38 qui court sur la berge quimpéroise.

Le sentier gabéricois existe déjà (en vert ci-contre), mais il demande à être repensé à certains endroits pour pouvoir être praticable même par temps des crues bouillonnantes de la plus belle rivière de France.

 


Image:square.gifImage:Space.jpgArticle plus détaillé : « Ancienne carrière de granulats et site naturel de Kerrous

8 Interrogations vaccinales en 1851

Billet du 19.12.2020 - Les réponses au questionnaire du Comité départemental d'hygiène du Finistère par le maire d'Ergué-Gabéric et un médecin : grand merci à Pierrick Chuto pour nous avoir communiqué ce dossier conservé aux Archives Départementales du Finistère.

La variole du latin "variola" qui signifie « petite pustule » est une maladie infectieuse d'origine virale, très contagieuse et épidémique, et très ancienne. En Bretagne elle n'est éradiquée qu'en 1955 (dernière épidémie à Vannes), mais c'est au XIXe siècle qu'elle a le plus frappé et que les campagnes vaccinales ont commencé.
Le vaccin antivariolique découvert par l'anglais Edward Jenner n'est introduit en France qu'à partir de 1820. Et en 1851 le Comité départemental d'hygiène du Finistère organise auprès des médecins une « enquête sur la marche de l'épidémie variolique » et de son traitement à Quimper et dans les communes avoisinantes.

Pour Ergué-Gabéric le maire Pierre Nédélec, cultivateur à Kergoant, est invité à répondre à ce questionnaire. A priori il est bien initié à la pratique médicale, car, avec sa fille, il a une longue pratique de soins aux animaux et aux personnes atteintes de la rage ou d'hydrophobie, et en 1877 il sera même inculpé pour exercice illégal de la médecine.

Il donne tout d'abord les chiffres bruts de contamination sur le territoire gabéricois : « Il n'y a eu aucun cas en 1850. Il y en a eu 14 du 1er janvier 1851 jusqu'au 27 avril 1851. Sur les 14 personnes atteintes, neuf sont décédées. Toutes les victimes avaient plus de 20 ans, l'une d'elles avait 56 ans. La période où il y a eu plus de malades est celle des hommes de 20 à 25 ans. »

Les questions abordent le sujet des effets des vaccins : « La maladie a atteint plusieurs enfants qui avaient été vaccinés depuis moins de 10 à 12 ans. ». Qu'il nuance par « Les enfants vaccinés ont moins souffert et la maladie était moins grave. Dans un village il y avait 4 enfants dont 3 avaient été vaccinés, il n'y a eu d'atteint de la petite vérole que celui qui n'avait pas été vacciné. ». Et le médecin Jean Natten (si l'on lit bien sa signature en bas de son témoignage) confirme les faits : « À Ergué-Gabéric j'ai observé six enfants inoculés et quatre ont une variole confluente. ».

À noter que la formule « petite vérole » est l'expression populaire désignant la variole. Et, dans le cas d'une variole dite confluente, les pustules forment une plaque uniforme sur le visage ou le corps.

  L'épidémie variolique touche les enfants, mais aussi les « vieilards », ou du moins à un âge où, à Ergué-Gabéric en 1851, on était vieux après 50 ans : « Il est mort une femme âgée de 56 ans, et un homme âgé de 54 ans [...]. Un habitant de ma commune, qui avait eu la petite vérole à l'âge de 14 ans, en a été atteint de nouveau au mois de février 1851 ; il est âgé de 54 ans. Il a été très gravement malade mais il est bien actuellement. »

La mortalité due à la variole, d'après Pierre Nédélec, est nulle pour l'année 1850, et de 9 décès constatés pour les 4 premiers mois de 1851, ce qui ferait environ 25 pour l'année entière. Si l'on se réfère à la mortalité annuelle globale d'Ergué-Gabéric, elle est quand même à peine supérieure à la moyenne pondérée de 50 décès, mais en augmentation pour atteindre 72 morts en 1852.

Ergué-Gabéric connaitra une vague plus importante de variole en 1881 avec une surmortalité annuelle globale de 113 décès, qui sera suivie d'une campagne vaccinale efficace, pour faire disparaître progressivement le fléau de nos campagnes.

Avant 1850 il y a eu aussi trois pics de mortalité : 1832, 1837 et 1849. Parmi les 102 décès de 1849, quelques-uns sont peut-être varioliques, mais c'est surtout l'année funeste d'une autre vague épidémique, le choléra-morbus, qui a touché toute l'Europe, et qui s'est répandu dans la basse-Bretagne par ses ports sardiniers. Et les années 1832 et 1837 sont aussi marqués par la précédente pandémie de choléra.

En savoir plus : « 1850-1851 - Enquête sur la marche de l'épidémie variolique

9 Kervéady et sa maison de maître

Billet du 12.12.2020 - Des archives notariales donnant une photographie de la propriété rurale de Kerveady, composée d'un métairie et d'un manoir (désigné aussi sous le terme de "maison de maître"), ceci avant sa vente par adjudication en 1868.

En cette moitié du XIXe siècle, les propriétaires fonciers de Kervéady sont Mr et Mme Pelle-Desforges, à savoir Fortuné Louis Marie (1817-1877) commerçant brestois ou « représentant du commerce » natif de Morlaix, et son épouse quimpéroise Désirée Anne Marie Morvan (1818-1884), officiellement séparés « quant aux biens » en 1866 mais « débiteurs solidaires ».

Les époux y ont habité : « propriétaires et commerçants, demeurant ordinairement à Ergué-Gabéric, présentement à Brest » ; « la jouissance - par le fermier - de la maison de maître et la réserve de terrain que mon mari s'était conservée ainsi que le jardin ». Mais en 1859-68 Désirée Morvan en est la vraie propriétaire comme l'atteste la correspondance incluse dans le dossier avec son notaire Maitre Lesneven.

Mais dans le contexte de séparation d'avec son mari et du fait que ses enfants sont encore jeunes, ses revenus sont inférieurs à ses dépenses. C'est sans doute la raison des nombreuses prises d'hypothèque sur sa propriété de Kerveady : dette maternelle en 1856, crédit bancaire en 1859, prêts d'un pâtissier-confiseur, d'un aubergiste et d'un gendarme à cheval en 1866.

Et par ailleurs elle demande à son notaire d'augmenter les rentes annuelles des fermiers et de les forcer à faire les réparations nécessaires. Elle s'intéresse aussi à la valorisation des bois et obtient du fermier de Kerveady le rachat de 22 pins maritimes (on notera le terme qu'elle utilise pour désigner cet arbre : « prussier » qui pour le dictionnaire Littré est le « nom vulgaire, dans le département du Finistère, du pin maritime, que l'on croit y avoir été apporté de la Prusse  »).

  Les 20 hectares de Kerveady sont composés de « métairie, maison de maitre (couverte en ardoises), terres chaudes, terres froides, prairies, courtils, jardins et bois ». Les numéros de parcelles étant référencés, on constate que le lieu-dit entier détaillé dans le cadastre est concerné :

Tout le monde conseille à Désirée Morvan de vendre son bien, mais elle est réticente : « je ne voudrais convertir en bien le peu de bien qui me reste qu'après la liquidation complette de ses affaires de crainte qu'on ne tracasse à ce sujet ». Elle y consent néanmoins en fin d'année 1868, le notaire Lesneven faisant apposer des affiches grands formats et trois insertions réglementaires dans le journal « L'impartial du Finistère » pour une mise à prix à 12.000 francs.

A cette date Kerveady est affermé à Hervé Caugant (ses enfants nés entre 1858 et 1868 y sont déclarés), ce pour un bail courant jusqu'en 1874. On ne connait pas le nom du propriétaire foncier qui remporte la mise aux enchères de 1868. Dix ans plus tard, le cultivateur Jean-Louis Thépaut rachète les lieux et s'y installe comme cultivateur.

En savoir plus : « 1859-1868 - Hypothèques et vente du manoir et métairie de Kervéady

10 L'architecture de la cité de Ker-Anna

Billet du 05.12.2020 - Une vidéo de 5 minutes 30 qui présente de façon didactique la spécificité de la vieille cité ouvrière de Ker-Anna, sous l'angle de son architecture innovante et via l'interview d'Henri Le Gars, né en 1923, occupant des lieux pendant 45 années et aujourd'hui âgé de 97 ans.

La construction de la cité de Keranna a été organisée par l'industriel René Bolloré et son architecte nantais René Ménard en 1918-19 afin de loger les salariés de la papeterie voisine d'Odet, à savoir essentiellement les contremaitres et agents de maitrise.

Cette cité dite ouvrière est une des plus anciennes du département, et son modèle architectural était précurseur pour l'époque. Le journaliste Frédéric Lorenzon s'est penché en septembre dernier sur l'originalité de cette réalisation dans son émission « Archi à l'ouest » sur Tébéo.

Grâce à de très belles vues aériennes à hauteur de drone et par un temps ensoleillé de fin d'été, on y découvre 18 maisons, certaines logeant deux familles : « On est sur l'adaptation de la maison traditionnelle bretonne, sur un schéma qui se reproduit, puisque les maisons sont presque toutes identiques. On a évidemment le granite qui est la pierre locale, des encadrements en pierre de taille. On voit certaines entrées qui ont un arc en plein cintre, tout ça est typique des maisons telles qu'on peut les voir un peu partout dans la campagne. »

Olivier Hérault du Conseil d'Architecture, d'Urbanisme et de l'Environnement explique l'originalité du lieu : « Ce qui est intéressant est qu'elle crée vraiment un dialogue entre l'espace commun, partagé, et l'espace individualisé, plus personnel.  ».

 

Le vétéran des habitants de Ker-Anna, 45 ans dans la rangée nord, témoigne et illustre l'utilisation du terre-plein au centre du U formé par les maisons en tant qu'espace commun : « Avec les gosses de mon âge, à l'époque, on se retrouvait tous à jouer au ballon entre les tilleuls. On faisait un but, et on jouait là, alors que le terrain de foot du patronage était disponible en bas, c'était comme ça que ça se passait. ».

La progression de l'espace commun au privé se passe comme suit : tout d'abord un espace commun en pelouse, puits et tilleuls, puis un petit jardin privé, ensuite la maison d'habitation au loyer modéré ou gratuit, et par l'arrière une deuxième rangée de jardins plus personnels et plus utilitaires., et enfin les dépendances excentrées pour ranger ses outils et éventuellement garer sa voiture.

Le côté moderne de cet habitat est indéniable : « Pour moi ça correspond à une vraie problématique d'aujourd'hui, une sorte de dualité, à la fois on voudrait un extérieur et on n'a pas le temps ou on n'a pas envie de s'en occuper. Ici finalement l'espace à gérer est très faible, et pourtant on peut profiter d'un espace très grand. »

En savoir plus : « La cité de Ker-Anna, émission 'Archi à l'Ouest' sur Tebeo

11 Domaines congéables et régime féodal

Billet du 30.11.2020 - Pétition demandant le rétablissement des domaines congéables en Basse-Bretagne, suite à leur suppression en août 1792, sous forme manuscrite (Médiathèque de Quimper) et imprimée (BnF), déterminante pour le rétablissement de ce régime de fermage le 9 brumaire de l'an VI.

Le régime des domaines congéables, appelé aussi convenancier, est le contrat d'affermage appliqué systématiquement pendant l'ancien régime en Basse-Bretagne pour toutes les tenues agricoles, les propriétaires fonciers étant généralement nobles.

Ces contrats avec des variantes locales (ceux d'Ergué-Gabéric étant précisés « à l'usement de Cornouaille ») prévoient pour le domanier le paiement d'une redevance convenancière annuelle, généralement en nature (en mesures de céréales), l'exécution de corvées, et optionnellement une taxation dite « champart » sur les récoltes. Et en contrepartie, le propriétaire doit payer des droits réparatoires couvrant les améliorations des édifices quand il est amené à congédier son domanier.

À la révolution, de nombreux membres du tiers-état breton réclament la suppression du régime des domaines congéables, car « il participe de la nature des fiefs ».

Moins revendicatif, l'article 8 du cahier de doléances du Tiers-Etat d'Ergué-Gabéric, rédigé en 1789, demande simplement la conversion du régime convenancier en redevance censive simple, c'est-à-dire sans les corvées (et sans les impôts sur les récoltes) et sans le paiement des droits réparatoires : « Que les aides coutumières soient supprimées, toutes corvées déclarées franchissables, le fief anomal ou domaine congéable converti en censive. »

En août 1792 une loi nationale décrète finalement la suppression des convenants dans les départements du Finistère, Morbihan et Côte-du-Nord, ceci pour permettre «  l’abolition du régime féodal ». Cette mesure déclenche cette présente pétition adressée aux députés de la Convention par des « Citoyens Propriétaires & autres Habitans de la Commune de Quimper ».

Certains arguments sont un peu spécieux, voulant prouver l'existence du Domaine congéable bien avant l'arrivée du système féodal : « ces pratiques immémoriales dont l'origine se perd dans les siècles les plus reculés de la Nation Bretonne ».

D'autres raisons sont exposées : le droit de propriété, les pertes fiscales, le dynamisme agricole ... et même la corruption d'un certain député abolitionniste du Morbihan, propriétaire terrien, qui voudrait par l'abolition échapper aux paiements de droits réparatoires conséquents.

Les signataires sont des notables républicains de Quimper, des négociants, avoués ou commerçants, dont certains sont des propriétaires terriens qui se sont enrichis par les ventes adjudicataires des biens nationaux confisqués aux nobles.

 


Certains pétitionnaires, dont certains sont francs-maçons, sont liés à la commune d'Ergué-Gabéric : Mermet dit « notable » est le demi-frère de Mermet « le Jeune » (nouveau propriétaire du château du Cleuyou) ; Jean-Baptiste Laurent Le Breton, membre du Directoire du District, docteur en médecine en charge des épidémies locales (dont celle d'Ergué-Gabéric en 1786) ; René Bolloré est le syndic à Locmaria, ancêtre des Bolloré qui développeront la papeterie d'Odet quelques décennies plus tard.

Mais aucun habitant d'Ergué-Gabéric ne donne sa signature, ceci très certainement du fait que les nouveaux notables de la commune sont tous agriculteurs, et qu'ils ont souffert en tant que domaniers des effets néfastes des domaines congéables (redevances seigneuriales et aspects arbitraires des congéments).

Ils préfèrent certainement l'abolition des convenants, lesquels vont subsister tout au long du 19e siècle avec une hostilité maintenue entre domaniers et fonciers, avant de disparaître définitivement en 1947 grâce à une loi à l'initiative du député communiste finistérien Alain Signor.

En savoir plus : « 1792-1797 - Pétition quimpéroise contre l'abolition des domaines congéables »

12 Manoir et moulin nobles en 1730-53

Billet du 21.11.2020 - Manoir du Griffonès, moulin et villages voisins situés sur l'éperon du Stangala, domaine noble et roturier des seigneurs de Coat-Caric relevant du fief du roi : étude et transcriptions des documents d'archives de la Chambre des comptes de Nantes sous la cote B2012.

Trois générations des seigneurs de Coat-Caric sont au 18e siècle les propriétaires fonciers du domaine de Griffonez dépendant du fief du Roi : Pierre Lesparler (<1655-1727), René Corentin Lesparler (<1690-1721) et le chevalier Jean Marie Charles Lesparler (1720-1750). Le titre de Coat-Caric leur est attribué par le manoir éponyme en Plestin-les-Grèves (Côte-d'Armor), mais cette branche réside dans le château de la Bouexière en Pleyben, acquis par le mariage de leur aïeul en 1640.

Deux liasses de documents, datés de 1730 et 1752, conservés aux Archives départementales de Loire-Atlantique, attestent du contour de leur propriété suite aux décès de René Corentin Lesparler et René Corentin Lesparler, par les déclarations de leurs veuves respectifs (Marie Sébastienne Bizien et Marie Anne Charlotte de Marigo).

Vraisemblablement Pierre de Lesparler a hérité à la fin du 17e siècle de la propriété de Griffonez des seigneurs de Grassy, la description des biens concernés et des droits seigneuriaux afférents étant identiques. Les lieux concernés sont le manoir de Griffonez, Kerberon, Kernoaz, le moulin à eau, Quélennec bihan (ce dernier village étant en partie morcelé : « le tiers est au fief du sieur abbé de Landevennec »).

Pour le moulin à eau de Griffonez, placé sur l'Odet en crontrebas et désigné aujourd'hui sous le toponyme de Meil-Poul, ses dimensions précises sont données en pieds : « de long trante sept pieds, de franc traize et demy et de hautteur six et demy », à savoir 12 mètres de longueur, 4,5 de largeur et seulement 2,1 de hauteur.

Les lieux sont décrits avec cette précision : « toutes les maisons des dits manoir, domaine et moulin cy-devant sont couverts de gleds » (chaume). Le manoir est composé de « maisons, crèches, grange », et l'on notera que le pré-inventaire établi en 1972 pour le Patrimoine Culturel de Bretagne mentionne sur le bâtiment principal et l'étable au nord plusieurs ouvertures à « piédroits chanfreinés », et également un linteau de l'étable avec une date gravée 1608 ou 1628, ceci correspondant sans doute à une extension entreprise du temps des Grassy, prédécesseurs des Coat-Caric.

L'ensemble est réputé être possédé « prochement en partie noblement et en autre partie roturièrement du Roy », ou plus précisément « qu'il ny en a de noble que le dit manoir de Griffones et le moulin et les autres estant biens roturiers » Les impôts spécifiquement levés sur les biens nobles (chefrente, droits de moutte, foy et hommage, champart ...) ne sont pas dus pour les villages de Kerberon, Kernoaz et de Quélennec où les domaniers ne doivent que la rente au titre de « domaine congéable à l'usement de Cornouaille  ».

A la suite des aveux ou rapports de succession de 1730 et 1752, le receveur du roi confirment la validité des déclarations des deux veuves, en précisant bien que le domaine de la sénéchaussée de Quimper est aliéné respectivement au comte de Toulouse et au duc de Penthièvre (père et fils) qui sont les derniers gouverneurs de Bretagne avant la Révolution française.

  Bâtisse manale de Griffonès :

Moulin de Griffonès, dit de Meil-Poul :


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La semaine dernière, il était question d'une vidéo d'une noce bretonne filmée en 1912 : on nous a fait la remarque que le film laisse à penser qu'il faisait un temps estival (ombrelles, chapeaux de soleil, feuilles des arbres). En excluant les mariages hors saison, le nombre des mariages possibles est considérablement réduit : cf. la liste dans l'article.

En savoir plus : « 1730-1753 - Manoir et dépendances de Griffonez, propriété des Coat-Caric La Bouexière »

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