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Les billets hebdos de l'actualité du GrandTerrier

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Version du 19 septembre ~ gwengolo 2020 à 10:44

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Chaque semaine, un nouveau billet annonçant un ou plusieurs articles sur le site GrandTerrier.

Une compilation des billets est publiée en fin de trimestre sous la forme des chroniques du Bulletin Kannadig.

Anciens billets hebdos : [Actualité, archives]

Les anciennes affichettes : [Accroches à la une]

Modifications d'articles : [Journal des MàJs]


Sommaire

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1 Mémoires d'un désespéré en 1902

Billet du 19.09.2020 - La fin brutale de sa location de chambre rue du Pont-Firmin à Quimper lui ayant été signifiée, Déguignet essaie de mettre fin à ses jours, il s'explique dans le cahier manuscrit n° 22 de ses mémoires et les journaux locaux, « Le Finistère » et « Le Courrier du Finistère », en parlent.

Dans les journaux locaux on lit cet entrefilet les 12 et 19 avril 1902  : « M. le commissaire de police trouvait jeudi matin dans son courrier une lettre d'un sieur Jean-Marie Déguignet, ex-débitant, domicilié au n° 17 de la rue du Pont-Firmin l'informant de sa détermination d'en finir avec la vie » et s'ensuit la description de la découverte d'un corps inanimé et asphyxié près d'un « réchaud rempli de charbons ardents » et dans une chambre calfeutrée a priori volontairement.
Dans la relation précise des faits dans ses cahiers manuscrits, le suicidaire confirme l'existence et le contenu de la lettre écrite la veille : « Demain je vous prie de vouloir bien faire enlever mon cadavre. Vous trouverez chez moi des livres, des manuscrits et de nombreuses lettres, vous en ferez ce que vous voudrez. Je vous demande pardon des embarras que je vais vous causer, adieu Déguignet ! ...»

Et il décrit ensuite sa détermination : « Après avoir tout dispo-sé pour le départ, j'allais encore très gaiement boire quelques verres avec les amis. J'attendis vers minuit avant d'allumer mon charbon, puis je me couchais philosophiquement la tête près du fourneau. ». Sa décision est motivée par les persécutions subies depuis de nombreux années et la goutte qui fait déborder le vase : « Je viens de recevoir de mon propriétaire l'ordre de quitter mon trou dans lequel je vis depuis douze ans, sous prétexte que les voisins se sont plaints des poux lesquels, parait-il, vont de mon trou dans leur chambre ».

Mais les choses ensuite ne se passent pas exactement comme prévu. Le matin il se réveille très difficilement, constatant que le charbon (qu'il a acheté pour deux sous après avoir vendu quelques vêtements à un chiffonnier) et la chandelle ne se sont pas consumés entièrement. Se considérant comme « à moitié ressuscité », il rallume le tout, se rendort, et est ranimé par le commissaire et les agents de police qui sont rentrés en fracturant la porte de sa chambre.

Les articles de journaux explique l'acte du « malheureux / désespéré » par le diagnostic médical communiqué par le médecin hospitalier, à savoir « monomanie de la persécution » et la décision d'un internement d'office.

 
(bulle de Christophe Babonneau, BD "Mémoires d'un paysan bas-breton T. 1")

Quelques mois plus tard, depuis son lit d'hôpital, Déguignet s'insurge en adressant une lettre au docteur Koffec : « Vous avez déclaré par voie de journaux que j'étais fou et que je devais être interné. Déclarez maintenant que cela n'est pas vrai que le sieur Déguignet est plus saint d'esprit que de corps ... ».

Il défend même l'idée d'un droit au suicide de fin de vie : « Ce n'est du reste que le christianisme qui a créé ce malentendu en faisant d'un suicide un crime lorsqu'ailleurs on en fait une vertu, en déshonorant la mémoire du mort, quand ailleurs on l'honore. ».

En savoir plus : « Le suicide aux charbons ardents de Jean-Marie Déguignet en 1902 »

AVIS : Après une interruption d'une semaine les billets hebdos GT reprennent, dans le prochain nous présenterons un "général et d'armes en Bretagne" en 1754-62 .

2 Tourisme et poésie au Stang-Ala

Billet du 05.09.2020 - On ne voudrait pas finir l'été sans une chronique touristique : cette année 2020, de nombreux touristes avertis ont trouvé dans les étendues du site du Stangala un endroit sans possibilité de promiscuité et de propagation d'un quelconque virus, et ils ont eu raison !

Pour conforter ce choix touristique, on peut se référer à deux évocations des siècles derniers : l'une journalistique en 1930, l'autre poétique en 1894. Le premier est un article publié à la une du journal Ouest-Eclair, où le journaliste Jean Corcuff, a développé une série de plusieurs billets sur le thème « À la recherche de coins inconnus ou peu connus de notre région », passant des sites côtiers comme la pointe du Van aux paysages terrestres du Huelgoat ou du Stangala.

Ici, à la une de l'édition du 12 août 1930 c'est le site du Stangala qui est à l'honneur, avec en préambule les mauvaises conditions d'accès, ce qui peut expliquer le fait que le lieu ne soit pas connu à sa juste mesure, cette situation étant toujours à regretter aujourd'hui : « Le Stangala, hélas ! ne connaît les facilités qu'offre une voie ordonnée et entretenue, en voiture, qu'à moins d'un bon kilomètre. ».

Comme de nos jours, il y a en 1930 deux itinéraires peu pratiques pour y parvenir : « par la route de Brest » (emprunter la vieille route de Briec, à droite, pour s'enfoncer un peu, à l'aventure, il faut bien le dire, dans la campagne, au travers des champs de Beg-ar-Ménez) « ou par celle de Coray » (face à la route menant au bourg d'Ergué-Gabéric, gravir les pentes de Squividan et pousser ensuite jusqu'à une maison blanche, à 100 mètres avant le village de Quélennec).

Et là, de chaque côté, au bout du chemin non carrossable, un spectacle grandiose attend le promeneur : « Nous dominons à pic, à une hauteur de près de 100 mètres, la vallée étroite, encaissée, au fond de laquelle, parmi les blocs roulés, coule l'Odet aux eaux rapides et bouillonnantes. Cette vallée est comme un vaste sillon qu'une charrue gigantesque aurait creusé en direction de Quimper, dont on aperçoit, au loin, les deux flèches élancées de la cathédrale de Quimper ».

L'article est accompagné de deux photographies agrestes de l'atelier de photographie de la maison quimpéroise Villard.

Et les légendes locales sont évoquées par les propos du mémorialiste Louis Le Guennec : « Les paysans vous raconteront comment saint Alar, poursuivi par une bande de mécréants qui en voulaient à sa vie, sauta d'un bond par-dessus la vallée en laissant l'empreinte de sa chaussure sur le rocher d'où il avait pris sont miraculeux élan. Ils vous feront voir cette empreinte et aussi la fontaine de saint Alar, dont l'eau se change en vin pendant une heure chaque année ... »

La deuxième évocation du Stangala est extraite d'un recueil de poèmes publié en 1894 par Adolphe Paban, littérateur, journaliste au Finistère, conservateur du musée de Keriolet et fondateur-directeur de la Revue de la province.

 

Derrière le titre « Au Stang-Ala » des pages 97 et 98, cinq jolies strophes glorifient la beauté du site naturel des gorges du Stang-Ala. Les deux premières recopiées ci-dessus se poursuivent ainsi  :

Avec son feuillage mourant,
L'arbre évoque le deuil du fond de la pensée ;
Descendons la pente boisée
Jusqu'à la rive du courant.

Du moulin que la menthe embaume
J'entends le tic-tac sourd, à côté du vieux pont,
Un frêle oiseau qui lui répond
S'est posé sur le toit de chaume

Ah ! qu'il fait bon vivre là
Quelque intime roman que seul le rêve étoile,
Un dernier amour qui se voile
Dans les gorges du Stang-Ala.


En savoir plus : « Un beau paysage terrestre : Le Stangala, Ouest-Eclair 1930 » et « PABAN Adolphe - Au Stang-Ala "au bord de la mer bretonne" »

AVIS : La semaine prochaine pas de billet, pour raisons de vacances du webmestre au cœur du massif de Belledonne, en zone blanche sans connexion aucune.

3 Baux et incendie de Kervéguen

Billet du 29.08.2020 - On se souvient tous de l'incendie de la boulangerie Barabio à Kervéguen en 2016 ; mais qui se rappelle qu'en avril 1887 le toit en chaume de la grande métairie du même lieu a subi le même sort ? Merci à Romain Le Bards de nous avoir transmis des éléments de sa mémoire familiale.

Le carton d'archives n° 60J68, versé aux archives départe-mentales du Finistère par l'étude notariale Pouliquen à Pont-L'Abbé, contient uniquement des pièces relatives aux métairies du village de Kervéguen, depuis les actes de ventes en 1754-62 jusqu'aux baux de fermage de la fin du XIXe siècle.

Et parmi ceux-ci les baux des deux métairies de Kervéguen, courant sur deux fois neuf ans de 1859 à 1868, octroyés par les propriétaires de l'époque : Luigi Borghi, ingénieur de la Marine Royale Italienne, et son épouse Amélie Gobert de Neufmoulin. Cette dernière, par sa branche maternelle, a hérité de son bien gabéricois de Jean-François Le Déan, officier de la Compagnie des Indes, lequel le détenait de François-Louis de La Marche, seigneur de Lezergué, qui l'avait acquis de Laurent Le Galant, héritier du convenant de Kervéguen qui était autrefois inclus dans le fief de Botbodern (Elliant). ***

Les actes de fermages sont accompagnés d'extraits cadastraux qui permettent de situer les deux métairies voisines : la plus grande au sud centrée sur sa maison d'habitation en parcelle 198, et la petite au nord avec son logis en 195 (cf. plan ci-contre).

Le contrat mentionne un document dit « état des stus », valorisant les biens laissés par les fermiers successifs, essentiellement les foins et fumiers, une sorte de résurgence du domaine congéable de l'ancien régime, où si le propriétaire foncier pouvait congédier, le fermier sortant recevait le fruit de l'amélioration de son exploitation.

On trouve aussi, dans la description des obligations associées à une fin de bail, les termes pittoresques suivants : « aoûter » et « amulonner », à savoir l'obligation de moissonner et de mettre la paille et le fumier en meulons (tas, bottes).

Les bénéficiaires et fermiers de Kervéguen en 1859 et 1868 sont Auguste Hémon, né en 1823, et sa femme Pauline Hélou.

En 1887, leur fils Hervé, né en 1849, et son épouse Marie Jeanne Rannou, ayant pris la suite à Kervéguen, vivent une catastrophe imprévue : « Au moment où il venait de se lever vers cinq heures du matin, il remarqua en sortant que le toit était enflammé ; il ne

 

restait après l'incendie que les murs et les poutres fortement endommagés. Hémon suppose que le feu s'est communiqué à la toiture, qui était couverte en chaume, par les crevasses de la cheminée ».

Propriétaires et fermiers étaient assurés (cette obligation d'assurance contre l'incendie est explicitée dans le bail de 1868), mais cela n'a pas suffi pour reconstruire la grande métairie de Kervéguen.

Leur fils Auguste, né en 1876, après un apprentissage de boulanger, part en 1896 pour faire son service militaire à Nantes où il s'installe dans le quartier de Chantenay, lieu de concentration des immigrés bretons, et où il fait progressivement venir ses frères Hervé, Jean Louis et Alain. Ses parents, Hervé Hémon et Marie Jeanne Rannou, quitteront eux aussi Ergué Gabéric : la mémoire familiale garde l'image de la grand mère bretonne, ne parlant pas un mot de français et avec qui elle doit communiquer par signes.

Auguste, épargné par son statut de boulanger dans les services auxiliaires, doit partir tout de même pour Verdun en 1916. Embauché à son retour comme manœuvre à l'usine de savonnerie Talvande, il participe avec sa fratrie à la vie communautaire de ce quartier ouvrier, en prenant notamment la direction de L'Union Nationale des Combattants.

En savoir plus : « 1859-1887 - Fermage des métairies de Kervéguen, incendie et exil nantais »

(***) Nous publierons prochainement les documents et aveux de ce dossier 30J68 présentant la propriété noble avant la Révolution et issue du fief de Botbodern.

4 Coups mortels à Kerfréis 2/2

Billet du 22.08.2020 - Une affaire de coups mortels portée en Cour d'assises. Une liasse de 29 documents conservée aux Archives départementales du Finistère sous la cote 4U2-305, découverte et communiquée par Pierrick Chuto (*) + arrêts d'acquittement et dommages-intérêts classés en 4U1-73.

Il s'agit d'un dossier complet de prévention dont les pièces ont été entièrement retranscrites ci-après. Les rapports d'auditions, et de dépositions par les domestiques et membres de la famille, organisées sur place sur les lieux du crime de Kerfrez, « en l'endroit », donnent une sorte de reconstitution d'un huis-clos villageois du fin de 19e siècle. L'ambiance y est telle qu'on pourrait en tourner un téléfilm à la manière des romans policiers de Georges Simenon.
Cela commence chronologiquement par une scène digne de « La guerre des boutons » de Louis Pergaud, avec une bagarre d'enfants sur le chemin de retour de l'école : « j'ai entendu ma sœur qui venait également de l'école, qui me disait que Moysan voulait la frapper. J'ai couru après celui-ci et l'ai atteint au moment où il montait sur un talus pour rejoindre ma sœur. Je l'ai saisi par les effets et l'ai fait tomber à terre ... ».

S'ensuit la visite matinale dominicale du père René-Jean Moysan venant se plaindre auprès de sa voisine de Kerfrès, mère du sacripant et sa belle-sœur, et qui, chassé de la maison à coup de balai, revient et se fait de nouveau repousser par cette « femme Feunteun » par le moyen d'un râteau. Tout l'enjeu des premiers interrogatoires par les gendarmes est de savoir si les coups ont été portés par le manche en bois, le dos de la partie métallique ou carrément les piques de fer.

Le souci pour le juge d'instruction et les forces de l'ordre pour pouvoir appréhender les faits est d'interroger des témoins qui ne parlent que le breton ; pour ce faire un « interprète de la langue bretonne » les accompagne systématiquement, et le texte transcrit par le greffier conserve des bretonnismes ou expression orales autochtones.

Ainsi des insultes en breton par la victime des coups à l'encontre de l'inculpée sont évoquées de façon lapidaire : « mon beau frère Moysan est venu dans ma maison m'insulter, me traitant de P. et de G. ». Et un peu plus loin dans la déposition : « il est revenu sur le seuil de ma porte, m'insultant encore de (Pot Lourd) en français Lourdeau ». Les initiales P. et G. pourraient signifier en français Putain et Garce, mais en breton le mot « Gast » recouvre en principe la double connotation. La précision « (Pot Lourd) », quant à elle, est sans doute la déformation de « Paotrez lourd », où la féminisation de Paotr signifiant gars est insultante, et l'expression entière veut tout simplement dire Grosse Garce.

D'autres scènes sont marquantes dans les témoignages : le cidre doux demandé par la victime à sa femme « pour le faire vomir pensant qu'il irait mieux », l'autopsie organisée sur le lieu de décès à Kerfrez entraînant l’enlèvement du cadavre enlevé du lit clos pour raison d'insuffisance d'éclairage et d'espace.

 

Bien qu'accusée de coups mortels, l'inculpée bénéficie d'un acquittement par le jury qui répond négativement aux deux questions posées :

  • « est-elle coupable d'avoir volontairement porté des coups et fait des blessures ? »
  • « ces coups portés et ces blessures faites volontairement ont-ils occasionné la mort de la victime ? »

Le jury a certainement considéré qu'elle s'est défendue contre un agresseur, et qu'il y avait un doute quant à l'explication du médecin de la mort survenue 36 heures par hémorragie cérébrale. En tout état de cause, la personnalité de la femme Feunteun est clivante : d'un côté elle est qualifiée de « caractère vif et emporté », et de l'autre elle sait le français (elle n'a pas recours à l'interprète lors de ses interrogatoires), elle signe ses dépositions, elle est « cultivatrice » et non « ménagère », elle fait preuve d'une certaine mansuétude vis-à-vis de son agresseur. Son mari Alain Feunteun semble tenir un rôle secondaire dans l'exploitation familiale, il n'intervient qu'à la fin du procès comme proposant à titre solidaire de son épouse une rente à vie à la veuve de René-Jean Moysan.

Ce dernier, par ailleurs, bien qu'« honnête cultivateur », est enclin à la boisson, cherche querelles quand il est ivre, a un casier judiciaire pour avoir écopé de 8 jours de prison pour « Coups et blessures volontaires », s'est fait congédier de son emploi de domestique ...

Les journaux se sont étonnés à la lecture du verdict d'acquittement, ont mis cela sur le compte de la plaidoirie de l'avocat Chamaillard au nom prédestiné, mais la vérité est sans doute plus prosaïquement autour de circonstances où une femme a dû se défendre contre les agressions répétées d'un beau-frère éméché et querelleur.


En savoir plus : « 1887-1888 - Enquête, instruction et procès en assises pour un drame familial à Kerfréis »

(*) Pierrick Chuto, passionné d'histoire régionale, est l'auteur de nombreux articles (Le Lien du CGF, La Gazette d'Histoire-Genealogie.com ... ) et de livres sur les pays de Quimper et de Plobannalec. Sa dernière parution est la réédition des Les exposés de Créac'h-Euzen dans une version réactualisée et très enrichie.

5 Coups mortels à Kerfréis 1/2

Billet du 15.08.2020 - Ces présente et prochaine semaines, une expérience d'interprétation d'une affaire d'assises : tout d'abord la vision journalistique partiale des entrefilets et comptes-rendus d'audience dans les journaux locaux « Le Courrier du Finistère », « L'Union Agricole » et « Le Finistère ».

Le premier journal relate l'audience du 31 novembre 1887 à Quimper via un entrefilet en langue bretonne en première page : « Ar c'hreg Feunteun, d'euz Erge-Vraz, zo bet kondaonet da baoa mil skoed dizomach da intanvez ar Moysan he breur-Kaër marvet dre an taoliou hen d'oa paket digant ar c'hreg Feunteun. » (La femme Feunteun, d'Ergué-Gabéric, a été condamnée à payer mille écus pour dédommager la veuve de Moysan, son beau-frère mort sous les coups donnés par la femme Feunteun.)

Cet article, qui ne dit pas que l'inculpée a été acquittée, signale une condamnation au civil pour une somme de « mil skoed ». Cela équivaut à 5.000 francs, car l'unité monétaire populaire de l'écu valait 100 sous (« gwenneg » en breton), soit 5 francs.

Les autres articles précisent un peu ce qui s'est passé : la femme Feunteun a tabassé à coups de râteau son beau-frère qui serait décédé des suites de ses blessures dans la nuit subséquente.

On pourrait donc s'attendre à une sévère condamnation, les journalistes ne se privant pas d’encenser la victime : « Moysan était un honnête cultivateur, père de six enfants en bas âge. ».

Pour « L'Union Agricole », le jury s'est prononcé hâtivement : « le jury rentre en délibération et en sort cinq minutes après rapportant un verdict d'acquittement. ». Et ceci après « une brillante plaidoirie de Maître de Chamaillard, défenseur de la femme Feunteun ». Ce dernier, Henri Marie Charles Ponthier de Chamaillard, est un sénateur monarchiste du Finistère et installé comme avocat à Quimper.

Les articles de presse reflètent une certaine surprise quant au verdict, et ne rendent pas la complexité du huis-clos malheureux qui s'est déroulé le 14 nov. 1887 dans le petit village de Kerfrez (orthographié « Kerfréis » à l'époque, et tenant son nom d'un emprunt au vieux français « fres » qui signifierait vif, ardent !).

Par contre le dossier de justice, conservé aux Archives départementales du Finistère, avec ses 29 pièces d'interrogatoires, auditions, dépositions, acte d'accusation, réquisitoires, délibérés, avis du jury, plaidoiries, décrivent beaucoup mieux la complexité et

 

la spécificité des disputes villageoises et de leurs néfastes conséquences, et sans doute aussi les raisons d'acquittement. Nous développerons en détail la transcription et l'analyse de ces pièces d'archives la semaine prochaine.

En savoir plus : « Acquittement suite aux coups mortels à Kerfréis, journaux locaux 1888 »

6 Des terres bretonnes en héritage

Billet du 09.08.2020 - « Je trouve en Bretagne des âmes plus droites que des lignes, aimant la vertu, comme, naturellement, les chevaux trottent » : lettre de Mme de Sévigné à sa fille, en réponse aux critiques sur ses autres phrases dénonçant les mutineries et excès d'ivrognerie bretonnes au 17e siècle.

Cette semaine un document inédit conservé aux Archives Départementales de Loire-Atlantique (cote B 2035), à savoir l'acte de succession suite au décès de la marquise de Sévigné et portant sur le domaine gabéricois du manoir de Keranmelin (Kerveil aujourd'hui), relevant noblement du roi, et d'autres propriétés à Plomeur, Gourlizon, Beuzec et Quimper.

Le manoir de Keranmelin, orthographié aujourd'hui Kerveil, a été la propriété des Tréanna et des d'Acigné de la Roche-Jagu et de Grand-Bois. L’héritière de ces derniers, une « dame Dacigné » l'a vendu en 1683 à une « dame Marie de Rabutin Chantal veuve de haut et puissant seigneur messire Henry marquis de Sévigné », autrement dit l'épistolière marquise de Sévigné.

Les lieux constitutifs du domaine sont proches de Kerveil pour ce qui concerne Keryann, Kervernic et Niverrot, et un peu plus éloignés à Kerveady. Tous ces lieux, y compris le manoir de Keranmelin, sont tenus en domaine congéable, cela signifiant que les domaniers pouvaient être congédiés d'une année sur l'autre, mais s'ils payaient leurs rentes foncières en nature, à savoir un nombre conséquent de mesures de céréales (froment, seigle, avoine) et quelques chapons (jeunes coq châtrés).

La marquise décède le 17 avril 1696 et son fils Charles de Sévigné hérite des biens et doit déclarer au roi les rentes qu'il perçoit et payer ses droit de succession dits de « rachapt » de 400 livres au fermier général. Déjà en 1683, au moment de l'acquisition des terres en 1683 par sa mère, il avait produit une déclaration similaire (inventaire A85 dans lequel la date transcrite de 1633 est vraisemblablement erronée).

Ce Charles de Sévigné est moins connu que sa sœur Madame de Grignan, car les lettres publiées de leur mère étaient majoritairement adressées à sa fille. Néanmoins le côté intellectuel et débridé de Charles est bien proche de celui de la marquise. Mais leur attachement à la Bretagne se limitait a priori à leur château des Rochers-Sévigné près de Vitré, et ni l'une ni l'autre ne rendirent visite au manoir de Keranmelin et ses villages en

 

dépendance ; ils se contentèrent d'une administration réduite à la perception des rentes sur le domaine qu'ils appelaient « les terres de Madame d'Acigné »

En savoir plus : « 1696 - Déclaration du manoir de Keranmelin et autres par le marquis Charles de Sévigné », « 1683 - Vente à la marquise de Sévigné de quelques terres gabéricoises et cornouaillaises »

7 Une classe de cours préparatoire

Billet du 01.08.2020 - En ce premier août, c'est l'occasion de raviver un souvenir attendri de fin d'année scolaire 1967 à Lestonan. Tous nés en 1960, ils sont susceptibles de bénéficier aujourd'hui en 2020 d'une retraite selon leurs trajectoires professionnelles : tout cela ne nous rajeunit guère, pourrait-on dire !

Voici les 15 petits bouts de chou de la classe de CP de l'institutrice Madame Le Lec. Cette classe intégrera la classe mixte CE1-CE2 de Maryse Le Berre qui viendra avec son mari Jean remplacer le couple Imprez à la rentrée de septembre.

En haut au 2e rang : Nadine LE LANN, Jean BILLON, Marie-Pierre MIGNON, Pascal VIGOUROUX, Guy AUFFRET, Nicole LE BEC, Martine SAGET

  Devant au 1er rang : Pierrick COGNARD, Didier LE STER, Marthe LE MOIGNE, Sylvie LE BERRE, Roger HENVEL, Patricia BRÉUS, Nicole LE GUERN, Brigitte LE MOIGNE

Avis est donné aux futur(e)s retraité(e)s pour qu'ils/elles nous envoient leurs souvenirs de classe !

En savoir plus : « 1967 - Classe de CP à l'école publique de Lestonan »

8 Sergenterie féodée en 1538-1544

Billet du 26.07.2020 - Un registre de 117 folios conservé aux Archives départementales de Loire-Atlantique sous la cote B 2036 contenant l'ordonnance de réformation du nouveau domaine de roi de France après Union de la Bretagne, et deux mentions de l'office de sergenterie féodée d'Ergué-Gabéric.

Nous devons à Raymond Delaporte la preuve de la charge détenue par Alain Kersulgar de Mezanlez, l'annexe de son étude sur la sergenterie féodée, page 185, donnant ce détail : « B. 2036. Réformation du rôle rentier ; mentions des offices féodés. Folio 70 verso : sergenterie féodée de Mezanlez. Folio 72 verso : Kergamon et Kergastel, gages de la sergenterie d'Ergué-Gabéric. »

Du 13e au 16e siècle, la charge de sergent féodé, ou fieffé, est octroyée à certains nobles pour mettre à exécution les mandements de justice et le recouvrement des rentes ducales ou royales.

Le registre rentier B. 2036 de 1538-1544, conservé aux Archives départementales de Loire-Atlantique, fait suite au rapport nominatif préparatoire de 1536, en donnant la fiscalité précise de chaque lieu. Il est introduit par l'ordonnance du roi de France du 8 février 1837 sur le sujet de la réformation de son domaine en Bretagne. François Ier ayant épousé Claude, fille d'Anne de Bretagne, a hérité d'un vaste territoire qu'il veut réformer en demandant la consignation dans un registre de toutes les rentes féodales.

L'ordonnance de 1537 reprend rigoureusement l'adresse du célèbre édit de Nantes de 1532 traitant de l'Union de la France et la Bretagne : « François par la grâce de Dieu Roi de France et père et légitime administrateur et usufruitier des biens de notre très cher et très aimé fils le Dauphin, Duc et seigneur propriétaire des pays et Duché de Bretagne. »

  Le rentier aux 117 feuillets parchemins, est d'une même écriture typique du 16e siècle avec ses "d" à la barre inclinée à gauche. Son contenu est riche, et n'a fait l'objet à ce jour d'aucune transcription complète ou étude de chercheur en histoire. Y sont listés tous les biens nobles sujets à chefrentes royales de basse-Cornouaille, avec y compris les riches maisons de la ville close de Quimper. Les lieux, propriétaires et montants dus sont précisés, ainsi que les noms des officiers chargés du recouvrement.

Comme détenteur de la sergenterie d'Ergué-Gabéric apparaît donc « Allain Kersulgar seigneur de Maisanlez » pour d'une part les chefrentes de Kerfors (50 s.), et d'autre part celles de Kergamon et Kergastel (27 s.) : «  soubz le Roy pour gaiges de la dicte sergenterie féodée ». Cet Alain Kersulgar, époux de Marie Botigneau, est aussi cité dans l'ébauche de Réformation de 1536, et le manoir de Mezanlez restera propriété des Kersulgar jusqu'à la fin du 17e siècle.

Les générations de Kersulgar, détenteurs de Mezanlez :

Alain I de Kersulgar (réform. 1426)
 x Jeanne de Mezanlez
 |- Jan de Kersulgar
 |- Yvon de Kersulgar, seigneur de Mez-en-Lez (montre 1481)
 |   x 1448 Beatrix de Kervezaout
 |   |- Jean de Kersulgar, sr de Mesanlez
 |   |   x Jeanne de Kergoff
 |   |   |- Alain II de Kersulgar, sr de Mesanles (reform. 1536)
 |   |   |   x Marie Botigneau
 |   |   |   |- Jan de Kersulgar, sr de Mezanlez
 |   |   |   |   x 1616 Marye de Kerourfil
 |   |   |   |   |- Alain III de Kersulgar, sr de Mezanlez (1636)
 |   |   |   |   |   x Claude de Moellien
 |   |   |   |   |   └ François de Kersulgar, sr de Mezanlez (1638, 1668)
 |   |   |   |   |      x Marie Billoart, dame de Mezanlez
 |   |   |   |   └ Marguerite et Françoise de Kersulgar
 |   |   |   |- Claude de Kersulgar x Guillaume Le Guerriou
 |   |   |   └ Françoise de Kersulgar x Tanguy de Finamour
 |   |   └ Marye, Françoise et Izabeau de Kersulgar
 |   └ Marye de Kersulgar x Louis Lesmais
 └ Henri de Kersulgar (1475 pour Kernaou)


En savoir plus : « 1538-1544 - La sergenterie féodée de Mezanlez dans le rentier des recettes de Quimper », « Les Kersulgar, nobles de Mezanlez et Kernaou, 15e-17e siècles »

9 Un document parchemin de 1540

Billet du 18.07.2020 - Jusqu'à cette présente semaine, nous ne connaissions que le registre d'inventaires conservé à Quimper sous la cote A85 pour authentifier les déclarations nobles de propriété, dont notamment celle du manoir et lieu noble de Kernaou par les Kersulgar en 1475 et 1540.

Nous avons retrouvé aux Archives départementales de Loire-Atlantique l'aveu original de Kernaou, présenté en 1540 par Charles Kersulgar, qui est en papier parcheminé et de belle facture avec d'élégantes calligraphies. Il donne la description du lieu et manoir de Kernaou (orthographié Kernou) et les terres et villages rattachés au domaine tenu « prochement et noblement à foyhommage »  :

On sait très peu peu de choses sur ce Charles, « escuyer seigneur de Kernou », si ce n'est qu'il représente la 3e génération détentrice de Kernaou (son père et son grand-père se prénommaient Henri, et son arrière grand-père Alain a fondé également la succession des Kersulgar du village voisin de Mezanlez) et que les deux générations suivantes y resteront jusqu'au 17e siècle.

Charles est déclaré dans les registres de Réformation de la Noblesse de Cornouaille en 1536 : « Charles de Kersulgar, sieur de Kernouë ».

Les 5 générations de Kersulgar à Kernaou :

 Henri de Kersulgar (1475)
 x Jeanne Prévost (dame héritière de Kernou)
 └>Henri II de Kersulgar (1475)
      x Marie Moysan
     └> Charles de Kersulgar, (1540, 1536, 1554)
          └> Louis de Kersulgar, seigneur de Kernaou (1562, 1580)
               x Marie Saludenn
               └> René de Kersulgar, écuyer, seigneur de Kernaou
                    x 1624 Marie Autret, fille de René Autret

Le lieu de Kernaou a fait l'objet d'un acte daté de 1475 et présenté par Henri Kersulgar père et fils, avec cette formule transcrite dans le registre A85 : « Henri Kersulgar garde naturel de Henri son fils pour le manoir de Kernou et apartenances », le premier Henri ayant hérité des lieux par le biais de son épouse Jeanne Prévost. Dans un acte daté 27 février 1479, Henri de Kernaou et Yvon de Mezanlez sont qualifiés de « freres germains ». Henri se fait représenter en 1481 à la montre militaire de Carhaix : « Henry Kersulgar, par Jehan Provost le Jeune, archer en brigandine et vouge ».

On trouvera dans l'article détaillé une tentative de transcription du document original de 1540, avec en regard ce qui a été retenu et résumé dans le registre d'inventaire A85 plus tardif.

 

Le manoir est décrit "ET PREMIER" en première des 8 pages : « où demeure le sieur Kersulgar en la dite paroisse d'Ergue Caberic, contenant soubz maisons, ayre, pourpris et terres chaudes envyron treize journaux ».

Les villages et terres constituant le domaine noble de Kernaou sont dans l'ordre Coat Piriou (Quoet Quiriou), Lezouanac'h (Lesonmenech), Kerdohal, Chevardiry, Kernéno-Kerdilès (Keranhenaff), Meouet (Mezhouet) et également quelques terres à Briec et à Chateaulin. Au 17e siècle le domaine de Kernaou tombera par succession maritale dans l'escarcelle des familles nobles voisines de Kerfors et Lezergué, à savoir les Autret et de La Marche.

En savoir plus : « 1540 - Adveu du manoir de Kern(a)ou présenté par Charles Kersulgar », « Les Kersulgar, nobles de Mezanlez et Kernaou, 15e-17e siècles »

* * *

La semaine prochaine nous publierons un autre document inédit d'archives nantaises sur les Kersulgar, mais cette fois pour détailler la branche de Mezanlez.

10 Bulletin Kannadig estival n° 50

Billet du 11.07.2020 - Ce bulletin rassemble les chroniques gabéricoises du deuxième trimestre 2020 publiées chaque semaine sur le site Internet Grandterrier.net. L'envoi postal dans les chaumières inclut aussi le n° précédent qui avait été mis en ligne, mais gardé au frais pour raison de confinement.

Pour oublier un peu la pandémie, on se remémore tout d’abord dans ce Kannadig la première grande fête républicaine au Cleuyou en 1890.

Ensuite les identifications collectives d’avril des vidéos d’Alain Quelven mises à disposition par la Cinémathèque de Bretagne : scènes de chasse, pêche, basket-ball féminin, processions des années 1950.

Le sujet suivant, daté de 1680, évoque l’entrée de Lestonan et ses patibulaires dans le domaine du Roi.

Deux autres sujets se passent à la veille et pendant la Révolution : le paiement de la dîme ecclésiastique à l’Evêque et le tout premier mandat de maire. Pour la seconde moitié du XIXe siècle, le livre d’un anglais en vacance à Kerdévot, les sciences naturelles selon Déguignet et enfin le vol de la caisse des salaires ouvriers de la papeterie d’Odet.

Au XXe siècle, on a un étrange arrêté préfectoral sur la conduite à gauche des chevaux, les mesures de protection des monuments historiques, et le vol d’habits à Tréodet, avec aussi l’évocation d’une gwerz de Marjan Mao.

Et, pour finir, on revient au thème de la fête : la gavotte aux garages de la rue de Croas-ar-Gac en 2008, un chant que Marjan a aussi interprété 30 ans avant.

 
Pour évoquer le soleil de l’été, nous proposons la chanson Heol Glaz des Tri-Yann : « Rag eun heol glaz eo hennez, O hunvréal ennañ e-unan en deiz Hag o teuzi da noz E hunoù ar Vretonned » (Elle est un soleil bleu-vert, Qui se rêve lui-même le jour Et se dissout la nuit Dans les sommeils bretons)

Lire le bulletin en ligne : « Kannadig n° 50 Juillet 2020 »

11 Accordéon, chant et gavotte aux garages

Billet du 04.07.2020 - Une vidéo amateur pour la clôture d'un rassemblement de musiciens et chanteurs qui se sont déchaînés en impros et répétitions dans les sous-sols du haut de la rue de Croas-ar-Gac autour d'un chant traditionnel « Son ar Meilher », rebaptisé à l'occasion « Gavotte aux garages ».

Le 20 septembre 2008, une session préparatoire du festival d'accordéons de la sympathique association « Boest an Dioul » dont le nom signifie "boîte du diable" - surnom donné autrefois à l'accordéon diatonique par les prêtres pour ses facultés diaboliques d'appels à la danse - était organisée à Ergué Gabéric du côté du quartier de Lestonan-Quélennec.

Trois garages en sous-sol de la rue de Croas-ar-Gac avaient été ouverts pour cette manifestation : chez Françoise et Dédé Larvol, chez Marie Thé et Didier Le Meur et chez Monique et Didier Coustans-Roland. La rue était barrée et déviée par Pontlen, les gens pouvaient déambuler d'un garage à l'autre, et sous le barnum installé au milieu de la rue pour la buvette et les "billigs". Les gens du quartier étaient venus nombreux et avaient bien apprécié cette très belle soirée.

Et notamment tout le monde se souvient de cette "gavotte aux garages" super entraînante. En fait c'est une reprise du chant traditionnel « Son ar Meilher » (chant du meunier) avec cette orthographe et prononciation locale "meilher", équivalente des "miliner" ou "meliner" plus classiques à l'écrit. La chanson est connue aussi sous le titre complet « Son eur miliner yaouank d'e vestrez » (la chanson d'un jeune meunier à sa bien aimée). Les paroles sont transcrites et traduites dans l'article (après la vidéo et les photos vignettes), avec la copie du cahier de chants des années 1970 et de la feuille volante des années 1900, la version complète ayant été fournie par le chansonnier Kolaik Pennarun (1871-1919) de Landrevarzec.

Les chanteurs qui se sont joints aux accordéonistes et autres musiciens de « Boest an Dioul » sont le gabéricois Jean Billon et l'elliantais Christophe Kergourlay, avec l'aide rapprochée du scaërois Guy Pensec. Sur la vidéo ils chantent sur un air de gavotte, plus précisément le deuxième temps « ton doubl » à la rythmique musicale redoublée et plus vive qui suit le « ton simpl » et le bal ou « tamm kreiz » plus lents.

Mais il se trouve que cette chanson, et ses paroles à l'identique, étaient dans le répertoire de la chanteuse Marjan Mao qui habitait à Stang-Odet tout près de Croas-ar-Gac. Sous la forme d'une complainte ou « gwerz », ses couplets disent aussi le bonheur d'un enfant meunier de la région et de sa douce amie, puis l'éloignement forcé et le départ du pays, et enfin, au bout de 14 ans, le retour et les tentatives du meunier pour renouer, mais qui se heurte à une réalité sociale bien figée.

La vidéo et les paroles du « ton doubl » se terminent par un couplet spécial qu'on qualifierait aujourd'hui de sexiste : « Ar plant yaouank hall breman dougen frouez ha bleiniou ; Mez prestig teuy da zevel keonid war o zreujou » (Les jeunes plantes peuvent maintenant porter fruits et fleurs Mais bientôt se lèveront Des toiles d'araignée sur leurs tiges).

 

Ce texte est dans la version de Kolaik Pennarun, mais Marjan Mao en 1979 l'a ignoré ostensiblement. Elle a continué son chant par treize autres strophes qui expliquent la distanciation sociale entre le pauvre meunier et la riche fille d'agriculteurs. Et cette interprétation complémentaire, dont le texte est aussi dans la feuille volante, est exécutée de mémoire seulement, car Marjan ne savait pas lire du tout.

Les musiciens de la fête des garages sont principalement les accordéonistes Jean Marc Guéguen, plus connu sous le nom de Gaston, et l'incontournable Thierry Beuze de Plonéis, ainsi que les violonistes Loïc Le Grand-Lafoy et sa fille Emilie, accompagnés de leurs amis guitariste, saxophoniste et flûtiste.

Et les nombreux spectateurs sont venus en voisins, tous ou presque des alentours de la rue de Croas-ar-Gac. Pour les identifier, des vignettes d'arrêt sur images, avec numéros de chrono-vidéo, ont été créées. Si vous vous reconnaissez, ou reconnaissez vos amis, n'hésitez pas à nous communiquer leurs noms et/ou prénoms (infos à admin @ grandterrier.net).

En savoir plus : « La "gavotte aux garages" de la rue de Croas-ar-Gac, Boest an dioul 2008 », « Les chants de Marjan Mao, collectage des Daspugnerien Bro C’hlazig en 1979 »


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À l'occasion du 20ème anniversaire du groupe LIRZHIN, un spectacle intitulé « Scènes & ripailles à Ker Anna » mettra à l'honneur la chanteuse Marjan Mao dimanche 20 septembre prochain à 16 H au centre culturel Athéna, avec en première partie les Gabiers de l’Odet. Une belle fresque musicale imaginée par Pascal Rode, entouré des chanteurs et musiciens de Lirzhin, et d’autres invités surprises.

Ce spectacle relate la vie des ouvriers(ères) dans la cité de Ker Anna avec la dualité de deux époques : avant 1950, la tradition, autour des chants de Marjan Mao ; après 1950, l’arrivée de la modernité à travers les propos recueillis auprès de Jean Hascoët ; tous les deux anciens ouvriers du moulin à papier d'Odet.

12 Premier mandat municipal historique

Billet du 27.06.2020 - Ce week-end de fin juin est organisé le second tour des élections municipales gabéricoises : c'est l'occasion de se remémorer ce qui a marqué le tout premier mandat communal, à savoir deux pétitions signées par son maire pour le maintien des prêtres et l'exil d'une fille de mauvaise vie.

Jérome Kergourlay, né le 6 décembre 1737 à Ergué-Gabéric, est installé comme agriculteur à Squividan. Il est le premier maire de la commune créée en 1790, cette nouvelle structure remplaçant celle de la paroisse, et son nom avec ce titre de maire apparaît dans deux documents de 1791.

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Le premier document est conservé aux Archives Départementales de Quimper sous la cote 18 L 24. La lettre, datée du 1er février 1791, contresignée par le nouveau maire Jérôme Kergoulay, agriculteur au village de Squividan, et par plusieurs officiers municipaux et notables, est l'expression de la toute nouvelle assemblée communale « tenue en la sacristie de la dite paroisse où a présidé Jerôme Kergourlay maire ».

La demande est adressée au District et au Département pour le maintien en postes des prêtres de la commune qui n'ont pas prêté serment à la Constitution Civile du Clergé : « ne voulant pas que l'office divin et l'administration de sacrements soient interrompus, elle prie ces Messieurs de vouloir bien continuer leurs fonctions à l'avenir comme au passé ».

Les prêtres réfractaires de la paroisse sont au nombre de quatre : Alain Dumoulin, recteur (émigrera à Prague en Bohème) ; Vallet, curé (sera nommé recteur de Kerfeunteun) ; Jean-Baptiste Tanguy, prêtre ; Le Breton, clerc tonsuré. Aucun d'entre eux ne restera en place, car un curé constitutionnel sera nommé.

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Le deuxième dossier, également conservé aux Archives Départementales du Finistère (sous la cote 12 L 4) et comprenant une pétition communale et les réponses des autorités révolutionnaires, constitue de notre point de vue un véritable morceau d'anthologie.

Le 14 mai 1791, les conseillers de la commune nouvellement créée formulent une pétition auprès des instances administratives révolutionnaires pour se plaindre des agissements d'une fille de mauvaise fréquentation : « 1° Elle n'est pas originaire de notre paroisse, 2° elle a la vérole, 3° elle se lave dans neuf fontaines dans la persuasion de se guérir, superstition, elle est de mauvais exemple, elle a fréquenté les soldats, elle a eu un enfant.  »

 

" Nous soussignés officiers municipaux assemblés de la paroisse d'Ergué-Gabéric, nous supplions très humblement de prendre en considération la plainte que nous vous portons, avec confiance, d'une fille de mauvaise vie que nous avons sur notre paroisse ... "

À la réception de la requête signée par Jérôme Kergourlay, premier magistrat de la commune, le Directoire du District de Quimper se prononce pour « enjoindre à la fille de se retirer incessamment de la dite paroisse, et au cas qu'elle y reparaisse, à la faire arrêter et conduire aux prisons de cette ville », au nom du principe de « la liberté qu'a incontestablement toute communauté de chasser de son sein les individus qui n'ayant aucun titre à son assistance, lui paroitroient dangereux ».

In fine, craignant que l’intéressée communique à tout le canton le mal dont elle est atteinte, le Directoire décrète « qu'à la diligence du maire et procureur de la commune de la municipalité d'Ergué-Gabéric, la fille dont il s'agit sera incessamment appréhendée et conduite aux prisons de Quimper et ensuite transférée au frais de l'Etat à l'Hopital vénérien de la ville de Brest pour part les gens de l'art, les remèdes convenables, lui être administré, jusqu'à parfaite guérison, et ensuite renvoyé à la municipalité de droit ».

L'hôpital militaire de Brest est bien chargé au 18e siècle du traitement anti-vénérien en Cornouaille et Léon. En 1763 le chirurgien-major M. de Montreux rapporte à son Ministère y avoir traité avec succès des centaines de Vénériens, ceci grâce aux dragées de Jean Keyser. Ces dernières sont en fait des pilules d'acétate de mercure et d'amidon dont la formule est vendue par son inventeur au gouvernement français en 1772.

On peut penser que le remède administré à l’hôpital de Brest sera efficace et que la fille gabéricoise, guérie de son mal, pourra revenir dans sa commune d'origine pour y élever son enfant.

En savoir plus : « Jérôme Kergourlay, maire (1790-1792) », « 1791 - Demande du maire pour le maintien de prêtres réfractaires »,
« 1791 - Requête municipale contre une prostituée »

13 Des "conchennou" anti-gauchistes

Billet du 20.06.2020 - La colère d'un conseiller municipal conservateur qui s'insurge contre l'autorité préfectorale républicaine qui voudrait imposer la conduite pédestre des chevaux sur les routes pour éviter des accidents de circulation. Délibérations municipales et journaux locaux finistériens.

Jean Mahé, né en 1872, neveu de l'ancien maire d'Ergué (également Jean Mahé), est cultivateur à Mezanlez. En septembre 1906 il est nommé conseiller de l'équipe du maire conservateur Louis Le Roux de Kerellou, et reste conseiller jusqu'en 1917, bien que mobilisé.

Au conseil municipal du 4 août 1907, élu secrétaire pour la délibération du jour, Jean Mahé fait écrire dans la délibération du jour : « Le maire entretient le conseil des multiples inconvénients que présente pour les cultivateurs la mise en application de l'arrêté préfectoral en date du 26 juin 1907 préconisant que tout individu conduisant un cheval en main, attelé ou non, devra se placer à gauche de l'animal ».

Et il demande au préfet François Joseph Ramonet de surseoir car « le susdit arrêté est difficilement applicable à la campagne et qu'il est de nature à produire de nombreux accidents, tant dans les petits chemins creux et encaissés ».

Il faut dire qu'en juillet Jean Mahé a publié une lettre ouverte au préfet dans laquelle il se moque du nouveau pouvoir républicain : « Je sais bien, l'exemple venant du haut, que le char de l'État a des tendances à marcher toujours plus à gauche et que la droite est un sujet d'aversion aiguë ». Et en conclure par cette provocation : « Parmi les habitudes, il est sage de conserver les bonnes, et celle de mener à droite en fait partie. »

Et pour appuyer son argumentation, il fait parler les plus âgés, paysans et chevaux : « J'entendais, l'autre jour, les plaintes d'un vétéran des champs, de 65 ans, dont le cheval s'en allait lentement, alourdi par le poids de 25 années de travail : "Comment veux-tu, mon pauvre ami, que je conduise à gauche, je n'ai toujours connu que ma droite" ... Tout ça c'est des changements qui ne disent rien, ce sont des conchennou (*). »

Et il imagine un accident avec un guide à gauche : « Une automobile apparaît brusquement au tournant d'une de nos routes si pittoresques, avec sa trépidation et le mugissement de sa trompe, le cheval s'effraie, fait un écart et le conducteur à gauche, projeté sous les roues du terrible teuf-teuf ... se remue, s'agite comme un ver coupé. Adieu cheval et charrette !  ».

 
(inspiré par un dessin de Laurent Quevilly, 1998)

Une autre réaction dans le même hebdo catholique rebondit sur les propos de Jean Mahé et propose de façon humoristique une réécriture de l'arrêté contesté : « Art. 1er. - Les chevaux qui ne pourraient être conduits à gauche et par la tête, pourront l'être par la queue ».

Et les jours suivants les autres journaux rendront compte de l'émotion soulevée dans la population paysanne de tout le département et des débats houleux aux séances du Conseil général.

En fin d'année, le texte de l'arrêté est révisé par le nouveau préfet Eugène Allard : « Considérant que l'arrêt sus-visé a soulevé de nombreuses protestations, motivée par une habitude invétérée de se tenir à droite des attelages, et qu'il y a lieu de tenir compte de ces protestations en ce qui concerne les chevaux attelés, tenus en main ». L'article 1er est donc modifié en conséquence, la technocratie républicaine a dû reculer devant la contestation locale.


En savoir plus : « 1907 - Un conseiller contre l'arrêté préfectoral sur la conduite à gauche des chevaux », « Arrêté préfectoral sur le guide des chevaux à gauche, journaux locaux 1907 »

(*) Koñchennoù, sf. pl. : bretonnisme, « histoires, bavardages, balivernes ». Konchenner, c'est commérer. Source : Les bretonnismes d'Hervé Lossec, "de retour".

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