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Les billets hebdos de l'actualité du GrandTerrier

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Sommaire

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1 Caverne d'Ali-Baba à Beg-a-grip

Billet du 26.05.2017 - Les chemins balisés du Stangala ignorent complètement cet endroit bucolique que seuls quelques anciens se remémorent avec beaucoup d'émotion, tellement ils y ont crapahuté quand ils étaient enfants ; le lieu est pourtant accessible et vaut le détour.

La grotte des curés, couramment appelée « Toul ar veleien » depuis le 19e siècle de Jean-Marie Déguignet, servait d'abri pour les curés réfractaires de la Révolution et le « Grip » est l'évocation de l'animal fabuleux du lieu éponyme de Griffonès. Nous vous proposons d'y aller avec le concours des explications et d'un reportage photos inédit.

Le point de départ est le bout du chemin balisé de Griffonez depuis le parking d'Ergué-Gabéric. Ce chemin aboutit à un double promontoire dominant la vallée de l'Odet qui coule en contrebas vers la ville de Quimper. Le premier point de vue était autrefois le début d'un chemin qui descendait de façon abrupte en direction de l'Odet et du moulin de Meil-Poul. Le deuxième plateau est plus large et le point de vue vaut une visite, mais il cache un site encore plus impressionnant.

À vous de le découvrir maintenant ; il faut continuer sans l'aide d'un chemin tracé au cordeau, en restant sur la crête, direction nord-ouest. Au début, le côté praticable est plutôt coté Briec, jusqu'à un endroit où la crête rocheuse est coupée par un grand passage (cf photos de l'étape 1). On se croirait au col de Roncevaux, mais sans le risque d'être attaqué.

Pour continuer la balade, longez toujours la crête, cette fois côté Quimper-Kerfeunteun et vous pourrez admirer les parois rocheuses, les cavités et la grotte dite « Toul ar velien », le trou où les curés anti-constitutionnels se réfugiaient à la Révolution. L'endroit est vraiment enchanteresse (photos étape 2). L'une des cavités est assez profonde pour qu'on s'y glisse.

Jean-Marie Déguignet, dans ses mémoires datées de la deuxième moitié du 19e siècle, a évoqué ce lieu : « Dans cette grotte qu'on appelle toujours Toul ar Veleien (le Trou des Prêtres), on peut se loger facilement et largement et on y serait à  l'abri  des  visites

  importunes car il faut avoir de la hardiesse, de l'adresse et de l'agilité pour arriver jusque-là. Il faut même connaître le secret d'Ali Baba. »

Mais la balade n'est pas terminée, il faut toujours progresser vers le bout de la crête, et vous arrivez bientôt sur un petit promontoire. Contrairement aux premiers plateaux entourés d'arbres, celui-ci permet de voir très loin à 360 degrés, à gauche les versants opposés de Kerfeunteun et à droite sur les prairies de Briec et le pylône de Tréouzon (étape n° 3).

Et enfin les derniers mètres, tout au bout de la crête, une surprise vous attend, un beau rocher qu'on croirait qu'il a été sculpté pour représenter un animal légendaire : cf photos de l'étape n° 4. Certes le rocher ressemble plus à un gros chien qu'à un lion ailé, mais le toponyme évoque bien la légende du griffon :

Image:Right.gif « beg » : "pointe ou embouchure", issu du moyen breton bec est comme son homologue français bec, mais au sens plus restreint, un emprunt au gaulois becos (Source Deshayes).

Image:Right.gif « grip » : ancien français grip, du latin gryphum emprunté au grec, évoquant le griffon, animal fabuleux mi-aigle, mi-lion (Jean Tosti). Grippy, griffon animal fabuleux, génie soit mauvais, soit bon (dictionnaire celtique de Jean-Baptiste Bullet).

Selon la légende, l'animal logeait dans une grotte près de Griffonès (celle des curés réfractaires ?) et terrorisait le voisinage. Chaque mois on devait lui apporter une jeune fille pour sa nourriture. Le griffon fut finalement tué par un seigneur voisin qui ne supportait pas de voir sa promise livrée à l'affreuse créature.

En savoir plus: « Découverte de la grotte des curés dite "Toul ar veleien" à la pointe de Beg-a-grip »

2 Des enquêtes concordataires

Billet du 20.05.2017 - “Enquêtes de 1804 à 1814 sur l'état de la paroisse, du personnel ecclésiastique, de l'église et des chapelles”, Collections numérisées. Documents conservés aux Archives Diocésaines de Quimper et Léon, mis en ligne sur le site Internet diocese-quimper.fr

Il s'agit de cinq enquêtes émises par les services diocésains auxquels doivent répondre les curés desservants d'Ergué-Gabéric, sur les revenus et les charges de leurs églises et chapelles.

Les deux curés sont respectivement François Pennec jusqu'en 1809 et au-delà son remplaçant Jean-Guillaume Le Bescou. Le premier est directeur du petit séminaire de Plouguernevel au moment de la Révolution et s'oppose à la Constitution civile du clergé. Il doit émigrer en pays espagnol et à son retour, en raison de « ses talents et sa moralité », est nommé recteur d'Ergué-Gabéric en 1802.

Les positions réfractaires aux autorités révolutionnaires exprimées par Le Bescou lui génèrent plus de soucis. Il est arrêté et détenu plusieurs fois au château de Brest. En 1797, alors qu'il est en transit à la maison d'arrêt de Quimper avant d'être déporté à Rochefort et Madagascar, il s'échappe en pleine nuit avec 5 autres prêtres. Il est réintégré après le Concordat, en 1804, comme desservant de St-Evarzec, puis Ergué-Gabéric en 1810.

La taille de la paroisse, « environ 2000 âmes, environ 1500 communiants », est un peu surévaluée car les recensements donnent plutôt 1800 habitants. On peut aussi s'interroger sur la différence de 500 entre le nombre d'âmes et de croyants : sans doute l'addition des jeunes enfants pas encore en âge de communier et les non-catholiques minoritaires.

D'après Le Bescou, la situation financière de la paroisse n'est pas florissante : « Les chapelles de St-Guénolé et St-André sont onéreuses à la fabrique », « Le produit des offrandes est insuffisant pour remplir les charges ».

Le cas particulier du presbytère est intéressant : « Ici il y a un presbitère, il n'appartient pas à la commune, il y a cependant un acte d'obligation de vendre et d'acheter signé de part et d'autre ». En fait le presbytère avait été vendu en 1796, comme biens nationaux à l'instar des chapelles et propriétés nobles, et en 1804 le propriétaire Salomon Bréhier confirme qu'il continue à affermer cette bâtisse à la commune, et qu'il s'engage prochainement à la revendre.

Au début du 19e siècle, le statut sur l'église et les 6 chapelles de la paroisse est le suivant :

Image:Right.gif L'église paroissiale, dédiée à St-Guinal, « pour ainsi dire à une extrémité de la commune » nécessite quelques réparations en 1814.

Image:Right.gif Dès 1804 trois chapelles) sont en ruine : St-Gildas (ou Loqueltas), St-Joachim (à côté de Lezergué) et Ste-Apolline (à côté de Kerdudal-Sulvintin). Les deux  dernières  ont  été  ven-

  dues à la Révolution à des propriétaires privés, et pour ce qui concerne St-Gildas le curé-desservant a un doute.

Image:Right.gif Trois chapelles sont opérationnelles : St-André, St-Guénolé et Kerdévot. Les deux premières sont réputées avoir été vendues à la commune : « Les 3 autres, m'a-t-on dit, avoient été vendues. La commune elle-même avoit acheté deux,  » (en fait sur les actes de vente aux enchères de St-André et St-Guénolé figurent deux gabéricois qui sont sans doute des prête-noms en délégation de la collectivité).

Image:Right.gif La chapelle de Kerdévot est aussi achetée, mais un doute est entretenu sur la nature du mode d'acquisition  : « la 3e avoit été achetée par un particulier pour la commune, de ses propres deniers, ou comme disent plusieurs, des deniers de la commune. ».

François Le Pennec demande en 1804 dans sa réponse aux services épiscopaux d'organiser la restitution à la communauté : « Il y a dans la commune une chapelle pour l'ouverture de laquelle soupire toute la commune et même tout le canton, et celui qui l'acheta est content de la rendre gratis ».

Cette restitution de Kerdévot sera effective en 1807 par « acte déposé au secrétariat de l'évêché ». Et en 1809, dans un document authentifié, le maire rétablira la vérité sur l'origine des fonds qui ont servi à l'achat de 1794 : tous les paroissiens ont versé leur dons lors d'une quête communale et paroissiale pour garder leur lieu de culte.

En savoir plus: « 1804-1814 - Enquêtes diocésaines sur l'état de la paroisse d'Ergué-Gabéric »

3 Une fabrique de pâte hors sol

Billet du 13.05.2017 - Un échange de lettres à entête entre le papetier d'Odet René Bolloré et le préfet du Finistère pour une demande d'ouverture d'une fabrique de pâte à papier à proximité de la ville de Quimper. Dossier conservé aux Archives Départementales du Finistère.

Dans l'objectif d'étendre les activités des papeteries d'Odet et de Cascadec, l'entrepreneur René Bolloré a le projet en 1923 de créer une fabrique de pâte à papier en aval de l'usine d'Ergué-Gabéric, le long de la rivière de l'Odet, à l'entrée de la ville de Quimper. Il en fait la demande à J. Deismars, préfet du Finistère de 1921 à 1925. Cette initiative, qui ne sera pas concrétisée à notre connaissance, lève un certain nombre de remarques et de questionnements :

Image:Right.gif Le lieu tout d'abord est « "La Forêt" sur la rive droite de la rivière l'Odet à proximité de la ville de Quimper » : il s'agit donc de la rive de l'Odet, aujourd'hui dans le quartier dit de l’hippodrome, et jusqu'au début du 20e siècle en bordure sud du domaine du très beau manoir en ruines de la Forêt. Le plan joint indique les parcelles concernées, avec une localisation probable de l'usine projetée sur les bâtiments de la parcelle 851. René Bolloré en était-il devenu propriétaire, ou allait-il les louer ?

Image:Right.gif Le mode de fabrication de la pâte reste très traditionnel, « au moyen de matières usagées (drilles, vieux chiffons, etc ...) par lessivage alcalin », c'est-à-dire par le malaxage de ballots de chiffons, et non de bois, de paille ou de vieux papier. Le lessivage alcalin indique un traitement à base de soude.

Image:Right.gif Les réserves administratives du préfet et de l'inspection du travail ne sont pas excessives : le classement en catégorie 3 en terme de risques d'insalubrité d'une part, et d'autre part les recommandations particulières en termes de « cabinets d'aisances », de fourniture d'eau et de vestiaires au personnel.

Image:Right.gif En demandant l'avis des autorités locales, le préfet ne s'adresse qu'au maire d'Ergué-Gabéric, où est le siège et l'usine principale de fabrication du papier, et non à celui de Kerfeunteun où est projetée la production de la pâte. Par  ailleurs  l'inspecteur

 
[ "Croquis du manoir de La Forêt en 1843 ; longtemps en ruines, complètement détruit vers 1942, domaine s'étendant jusqu'aux rives de l'Odet ]

du travail et des établissements classés, basé à Lorient, donne également un avis favorable. Il est étrange que l'enquête n'ait pas inclus des considérations de risques de pollution de la rivière en amont de la préfecture, alors que quatre ans plus tôt les esprits s'étaient un peu échauffés sur l'efficacité des déversoirs d'Odet.

Nous ne savons pas les raisons exactes de l'abandon du projet de cette fabrique de pâte à papier à Kerfeunteun. Une des raisons est sans doute le maintien des chiffonneries d'Odet et de Cascadec, avec ses cylindres lessiveurs et raffineurs, à proximité des machines à papiers. Peut-être il y eut également d'autres complications administratives de nature à empêcher sa mise en œuvre.

Toujours est-il que les chiffons continuèrent à arriver à Odet jusqu'au années 1950 et le bâtiment de la chiffonnerie de préparation de la pâte fut un lieu emblématique aussi important que les cylindres et des machines à papier.

Marianne Saliou se rappelle : « Du temps de ma mère, les femmes amenaient leurs enfants travailler à l'usine. A la chiffonnerie, ils pouvaient ramasser les chiffons. On gagnait plus ainsi, parce qu'on était payé à la tâche. C'était dur de ce temps là. A la chiffonnerie, les femmes coupaient la corde avec des hachettes. ».

Et Marjan Mao, à la chiffonnerie d'Odet pendant 41 ans, complète : « Quand les lessiveuses étaient bien remplies, on avait du mal à les remuer avec le bâton. Elles étaient très grandes, ce n’était pas facile de remuer les chiffons. On allait dedans, les pieds, les mains, on se mettait à genoux. ».

En savoir plus: « 1923 - Projet d'une fabrique de pâte à papier Bolloré à La Forêt en Kerfeunteun »

4 Lieu noble, sauvage et féminin

Billet du 10.05.2017 - Une enquête documentaire sur un lieu noble très isolé, dominant la vallée du Stangala, sur une terre de légendes avec au départ une « griffonne », puis une mystérieuse « Alix de Griffonez », et enfin les avouantes Françoise de Kergadalen et Françoise de Grassy.

Le griffon, cet animal fabuleux au corps de lion et aux ailes d'aigle, donne son nom au lieu-dit « Griffonez ». La terminaison /ez/ pourrait être en breton une marque de féminin et désignerait donc une « griffonne ». Celle-ci logeait dans une grotte et terrorisait le voisinage. Chaque mois on devait lui apporter une jeune fille pour sa nourriture. La griffonne fut finalement tuée par un seigneur voisin qui ne supportait pas de voir sa promise livrée à l'affreuse créature.

En 1426, lors de la Réformation des fouages, c'est-à-dire de la validation des exemptions fiscales des métayers détenteur d'un domaine noble, le Manoir de Griffonez est détenu par la dame Alix de Griffonez et exploité par « Hervé Le Livec, métayer à Alix de Griffonez, noble, exempt ».

En 1451, 1626 et 1636, dans les aveux cotés ADF-A85, le manoir et le domaine incluant un moulin et plusieurs villages voisins sont respectivement présentés noblement par Riou de Lesmais, Charles du Parc , et enfin « Charles de Grassy et Françoise Kergadallen sa compagne », lesquels sont les parents de Françoise de Grassy, l'héritière de 1680.

Dans le papier terrier de 1680 l'ensemble est présenté et signé par Françoise Degrassy, « damoiselle, dame de Launez », et donne des informations sur un domaine tenu « prochement et noblement du Roy » :

Image:Right.gif Le manoir de Griffonez, terre légendaire du(de la) griffon(ne), est situé sur le promontoire de la vallée du Stangala « soubz terre froide  » au milieu de « soixante dix huict journaux remplis de rochers et vagues  ».

Image:Right.gif Le manoir tenu en domaine congéable, est habité et exploité par François de Chalony lequel paie une rente annuelle à sa propriétaire noble.

Image:Right.gif Le moulin de Griffonès connu aussi sous le nom de « Meil Poul » est exploité par Allain Le Bronnec.

 
"Moulin à eau du dit Griffonnes sur la rivière d'Odet" en 1902


Image:Right.gif Les villages proches déclarés également en domaine congéable dans le domaine Degrassy sont Kernoaz ou « Querernoaz » et Kerberon, orthographié ici « Quiverberen ».

Image:Right.gif Le village de Quélennec bihan est détenu par le meunier Allain Le Bronnec pour ce qui concerne la maisons et les terres agricoles en fief royal de Françoise Degrassy, et pour ses terres froides par l'abbé de Landévennec, ce dernier ayant les terres de Quélennec bras et la chapelle de St-Guénolé voisine.

Image:Right.gif L'héritage de Françoise de Grassy, dont la famille est connue comme détentrice au 17e et 18e siècle du chateau de Keranmoal en Landrévarzec, est déclaré par «  la succession de deffunte dame Françoise de Quergadalen, vivante dame de La Motte sa mère décédée en l'an mil six cents soixante quatre ».

Image:Right.gif Il existe deux Françoise de Grassy, la première née avant 1643, l'autre née en 1663 et filleule de la première. Cette dernière ayant seulement 17 ans en 1680, il est plus plausible que la demoiselle « advouante » soit son aînée car son frère Charles est sieur de La Motte.

En savoir plus: « 1426 - Exemptions gabéricoises à la Réformation des fouages », « 1475-1636 - Adveux de Griffones extraicts de l'inventaire de Kempercorentin », « 1680 - Papier terrier du lieu et manoir noble de Griffonez »

5 Chat noir de la foire du diable

Billet du 29.04.2017 - Jean-Marie Déguignet dans ses mémoires et ensuite Maurice Poulmac'h ont raconté à leur façon les légendes ancrées du pays bas-breton, et notamment « ar c'hazh du », le chat noir mis en vente à la foire de Gourin pour apporter des pièces d'or à son acquéreur.

Il s'agit au départ des pages 282-298 du cahier n° 2 de souvenirs rédigés dans les années 1900  ; puis le premier des « Contes et Légendes populaires de la Cornouaille bretonne recueillis par F.-M. Déguignet » publiés par Louis Ogès dans le Bulletin de la Société Archéologique du Finistère de 1963 ; réédité par la Commission Extra-municipale de recherches historiques d'Ergué-Gabéric en 1984 ; inclus en 1998 dans le chapitre "Enfance" des « Mémoires d'un paysan bas-breton » aux éditions an Here (Arkae) et dans un livre de contes illustrés par Laurent Quevilly.

Déguignet en parle ainsi : « une des plus curieuses légendes de Basse-Bretagne, quoique je ne l'ai vue rapportée nulle part par les chercheurs de légendes bretonnes ».

Ensuite le paysan bas-breton remet la légende dans le contexte des années 1840-45 lorsqu'une crise de mildiou frappa l'agriculture locale de la pomme de terre, et qu'on attribua naturellement une cause diabolique à cette catastrophe.

Le déroulé de l'histoire est le suivant :

Image:Right.gif Il y avait autrefois une foire dite du diable qui se déroulait tous les ans à Gourin, vers la Noël, et on y trouvait des chats noirs que les acquéreurs se faisaient payer par les précédents propriétaires qui voulaient s'en débarrasser.

Image:Right.gif Ce jour-là, les consignes étaient transmises, à savoir l'obligation de nourrir l'animal de bouillie de froment et de lait de nourrice, et l'obligation de rendre l'animal au diable à une date précise en échange de l'âme du propriétaire, ou alors de le vendre à la prochaine foire.

Image:Right.gif La contrepartie du pacte avec le diable était bien sûr l'assurance d'une grande richesse, car le chat noir ramenait chaque soir des tas de pièces d'or et d'argent de tous pays.

Image:Right.gif Et voilà qu'un couple de Leuhan qui s'était enrichi de cette façon, voyant arriver l'échéance fatale en juillet, soit bien avant la foire de Gourin, dut demander à leur recteur de bien vouloir combattre le diable contre quelques pièces d"or.

Image:Right.gif Le recteur, accompagné de ses collègues prêtres avec qui il avait copieusement dîné, tous intéressés par l'appât du gain, s'en allèrent un soir à la ferme du chat noir, et dans la nuit firent leur conjuration.

Image:Right.gif Au matin on entendit un grand bruit, et les prêtres sortirent de la maison, leurs surplis blancs devenus noirs cramoisis, le chat noir qui avait lâché un effroyable pet s'étant enfin enfui.

 

Image:Right.gif Les jours suivants, le diable, pour se venger, provoqua l'apparition du mildiou sur les feuilles des pommes de terre de la région.


Maurice Poulmac'h, grand conteur du Huelgoat et animateur de Radio-Kerne, commence cette histoire par ces mots : « Bez e oa c'hoaz mad bremañ zo kant ha hanter-kant bloaz-so e voa eur foar e C'hourin, foar ar c'hizier du ... » (Autrefois il y a bien déjà maintenant 150 ans avait lieu une foire à Gourin, la foire des chats noirs ...).

Écoute en ligne sur Youtube, video [7j7T4L_PFWg] , sur la chaine TAB.TV "Chadenn ar Vrezhonegien".

En savoir plus: « La légende du chat noir, "foar ar c'hizier du" gant Deguignet ha Poulmac'h »

6 Aumônerie d'Ergué en 1312-1451

Billet du 22.04.2017 - Une charte en latin rédigée par le duc de Bretagne Conan IV (1135-1171) au profit de l'Ordre des Hospitaliers, et citant en particulier l'aumônerie de « Arke/Erke », dans des documents sans doute apocryphes, voire falsifiés.

Dom Morice dans ses « Mémoires pour servir de preuves à l'histoire ecclésiastique et civile de Bretagne » cite cette charte qu'il certifie de 1160 et lui donne ce titre « Charte du Duc Conan IV pour les Templiers ». L'authenticité supposée de ces informations et l'existence de l'établissement d'Ergué ont conduit les mémorialistes locaux à considérer cette année 1160 comme étant la première marque écrite de la paroisse primitive d'Ergué-Gabéric et d'Ergué-Armel.

Mais la transcription de Dom Morice contient au moins deux erreurs : d'une part la transcription en « Elré » pour Ergué au lieu de « (A ou E) rke » (cf facsimilés de 1312 et 1451 ci-après), et d'autre part les bénéficiaires des dons de Conan IV ne sont pas les Templiers, mais l'ordre des Hospitaliers.

Il existe bien une autre charte présumée de 1182 qui est relative aux biens bretons des Templiers cédés par Conan IV, mais celle de 1160 est explicitement pour la « domui Ierolosomitane Hospitalis » (maison de l’Hôpital de Jérusalem) dont les établissements bretons sont dirigés par « fratris Eguen » (frère Even). Et dans la charte les établissements des hospitaliers sont désignés par les termes de « elemosine » (lieux d’aumône ou aumôneries, à Ergué par exemple), ou de « hospitalis » (hôpitaux dans les plus grandes villes).

Quant aux dates de 1160 et 1182, elles sont aussi sujets de discussions, aucun exemplaire original des deux chartes n'ayant été retrouvé, surtout après l'étude d'Anatole de Bartélémy qui les considère comme apocryphes [1]. En effet certaines bizarreries ont été repérées dans les textes reproduits : en 1182 le duc Conan IV était décédé, en 1160 des témoins signataires n'étaient pas encore en fonction (évêque de Quimper, abbé de Quimperlé) et certaines terres sont en dehors du domaine ducal de Conan IV.

François Colin, dans sa publication « Quand l’historien doit faire confiance à des faux : les chartes confirmatives de Conan IV, duc de Bretagne, aux Templiers et aux Hospitaliers » (ABPO, 2008), a étudié les deux copies de 1312 et de 1451. La première est présentée par le commandeur hospitalier de Quessoy et le notaire Geoffroy Pélion au procureur du roi pour la défense les biens des Hospitaliers en Bretagne et inclut in extenso le texte de la charte de Conan IV. La deuxième copie est une charte de confirmation accordée aux Hospitaliers le 1er novembre 1451 par le duc Pierre II qui reprend également le texte de 1312.

On voit donc que les Hospitaliers de 1312 et 1451 avaient un intérêt politique à faire croire que la propriété de leurs biens datait des siècles précédents.

C'est avec une certaine curiosité que nous avons voulu voir de visu le « Trésor des chartes » des Archives Nationales et des Manuscrits de la Bibliothèque Nationale de France où sont conservées respectivement la copie de 1312 et celle de 1451.
 
Carte de François Colin - Possessions des Hospitaliers en Bretagne :
Le premier document est consultable aux Archives Nationales (site Caran de Paris) sous la forme du microfilm MIC-J//241/Dossier 26 qui inclut 22 pièces, la plupart ornées du symbole de la croix de Malte. Grâce à la transcription complète du texte latin dans l'étude d'Elisabeth Lalou et Xavier Hélary, on peut repérer la charte de Conan IV au milieu de la 21e pièce avec cette introduction « annotatas in hec verba : Conanus, dux Britannie et comes Richemondie ... et l'aumônerie d'Ergué y est visiblement orthographiée « Arke ».

La copie de 1451 est un manuscrit de la BnF-Richelieu, dont l'original à la belle calligraphie gothique est consultable dans un registre protecteur. Le même texte attribué à Conan IV y est également, avec pour Ergué une écriture légèrement différente : « Erke ».

En savoir plus: « 1312, 1451 - Premières copies de la charte apocryphe du duc Conan IV pour les Hospitaliers »

7 Bulletin printanier et primesautier

Billet du 15.04.2017 - Le dernier Kannadig rassemblant les articles et billets du trimestre passé, enrichis des échanges privilégiés organisés entre nous après les publications hebdomadaires, dans la bonne humeur naturellement. Les exemplaires papiers et attestations fiscales 2016 ont été postés illico.

Nous ne vous referons quand même pas le coup du poisson d’avril 2017, la « découverte par un jeune pêcheur de saumons argentés suivant l’article du Télégramme de ce jour signé Yannick Peskebrel ».

Vous avez été quelques-uns, paraît-il, à vous rendre sur le site de Pont-Mein sur le Jet pour y chercher la fameuse croix gravée, mais elle était en réalité à Longjumeau sous le Pont des Templiers, le plus vieux pont conservé en son état de la région parisienne.

Mais ceci dit, c’était l’occasion de faire sérieusement le point sur la croix potencée des Cabellic, seigneurs de Lezergué, objet du premier article du bulletin.

Sinon, les autres articles et billets hebdos du trimestre touchent des sujets d’histoire, de mémoires et de patrimoine qui sont toujours aussi éclectiques :

Image:Right.gif La guerre d’Algérie par le témoignage de Josig Huitric à propos d’une opération militaire historique.

Image:Right.gif La création d’une foire à bestiaux sur le site de la chapelle de Kerdévot.

Image:Right.gif La « grève du feu » à la mine de Kerdévot en décembre 1913 et une photo extra.

Image:Right.gif Des registres de documents anciens, à savoir les 237 folios du papier terrier de 1680, et la liste des mouvances suivies par le Présidial de Quimper.

Image:Right.gif Les cartes locales façonnées par un géographe du 18e siècle et la création de la carte des 5 départements bretons en 1790.

Image:Right.gif Et enfin, quatre articles centrés sur les fondateurs de la papeterie d’Odet, en commençant par René Bolloré (et ses descendants) engagé dans la défense du patrimoine naturel de l’île d’Houat.

Image:Right.gif Le billet suivant est politique : la campagne électorale conservatrice de Jean-René Bolloré en 1877. Le troisième est familial et industriel : une papeterie et une fabrique de chapeaux tenues par Le Marié et son beau-frère Jean-Guillaume Bolloré.

 

Image:Right.gif Et le dernier article concerne les papiers à cigarettes OCB, avec un facsimile de la publicité « Si vous les aimez bien roulées » publiée dans les pages du Bottin de 1945.

Le bulletin en ligne : « Kannadig n° 37 Avril 2017 »

8 Engagement pour l'île d'Houat

Billet du 08.04.2017 - Des îles Bolloré, on connaît celle du Loch dans l'archipel des Glénan, acquise en 1920 avec son lac aux canards et ses 54 hectares. René Bolloré était un amoureux de la mer, et il accostait aux Glénans avec son yacht de 32 m « Le Dahu II », mais également à Houat dès l'été 1926.

L'article de 43 pages paru dans le numéro 14 de la belle revue Melvan est une enquête documentaire menée par Alain Vielvoye sur les quatre époques ayant marqué le plan d'occupation des sols de l'île d'Houat et impliqué plusieurs générations de Bolloré.

A. L'option d'achat de 1927

L'arrivée de René Bolloré (1885-1935) accostant à Houat sur son bateau baptisé « Dahu II » est illustrée par un extrait du feuilleton romancé « L'Île » de Roger Le Grand : « Un matin, lorsque le recteur ouvrit les volets de sa chambre, il aperçut par dessus les toits du village, sous les dunes de Trach-er-Gouret, la silhouette élégante d'un yacht à vapeur, blanche sur les eaux vertes et calmes de la baie. "- Tiens, dit-il à haute voix, voilà Réthoré ! », Réthoré étant l'alias de fiction de Bolloré.

Témoignage du recteur Le Bec en 1929 : « Je dois rendre hommage reconnaissant à quelqu'un qui s'est montré d'une générosité magnifique pour sauvegarder les intérêts religieux de Houat et en même temps défendre ce pays contre l'invasion étrangère : Monsieur René Bolloré, riche industriel à Odet près de Quimper ».

En mai 1927, ayant constaté le risque de voir les terres de l'île vendues à des acquéreurs extérieurs, René Bolloré signe une promesse d'achat (qui ne peut être effectif que 20 ans plus tard, ou anticipé uniquement par la municipalité) à 2000 francs l'hectare de 55 hectares (partie ouest de l'ile, dunes de Treac'h-er-Gouret, pointes d'En Tal et de Toul-er-Brer), contre la contrepartie d'amener de l'eau potable au bourg et de moderniser le vieux port et son quai.

B. L'acte d'échange en 1932

L'adduction d'eau, c'est-à-dire le bâti du château d'eau, l'éolienne pour l'énergie requise pour l'amenée d'eau au bourg, le puisage de l'eau à 25 mètres de profondeur, sont bien réalisés aux frais de Bolloré, mais l'eau puisée est saumâtre.

Quant aux travaux au port ils seront financés par les 106.862 francs apportés par l'entrepreneur dans le contrat d'échange de 1932 avec la commune.

Dans cet acte, Bolloré prend possession des 55 hectares, contre les parcelles acquises entre-temps et les travaux d’eau engagés : « Les échangistes prendront les immeubles dans l’état où ils se trouvent sans pouvoir réclamer aucune indemnité pour qui que ce soit ».

 
René Bolloré en 1922
René Bolloré en 1922

C. Le projet immobilier de 1971

En 1971, le rapport de conseil municipal précise que « Le quai Cappio a bien été réalisé grâce au produit de la vente. Les terres Bolloré sont restées sans construction depuis 40 ans ».

En juillet 1971 Michel Bolloré, fils de René, et l’architecte Le Maresquier proposent au maire d'Houat un projet de construction de 44 petites maisons près du vieux port de Toul-er-Brer. Mais ce projet est critiqué, sur la base notamment des engagements de Bolloré père, décédé en 1935, à « préserver Houat de l'invasion étrangère ».

Le projet inclut une proposition de céder gratuitement à la commune deux hectares des dunes pour y faire un camping municipal. Mais, in fine, ces terres sont « situées dans des sites dignes d’être protégés en priorité » et le projet jugé « préjudiciable à la protection de la flore ».

Après certaines polémiques (cf article du Nouvel Obs) et une étude locale du projet, le conseil municipal demande un certain nombre d’amendements, et finalement l'idée sera abandonnée.

(Le Dahu II, yacht blanc de 32 m de René Bolloré, dans les années 1920)

D. Le conservatoire du littoral en 1981-1995

Au décès de Marie-Amélie Thubé, veuve de René Bolloré, en 1977, la succession de la propriété des terres de la pointe du Goret aux quatre enfants va permettre la cession progressive de 40 hectares au conservatoire du littoral.

En savoir plus : « VIELVOYE Alain - L'engagement de la dynastie Bolloré à Houat »

9 Croix potencée du Saint-Sépulcre

Billet du 01.04.2017 - En ce début de printemps, une découverte par un jeune pêcheur de saumons argentés - cf article du Télégramme de ce jour signé Yannick Peskebrel - a fait sensation dans les milieux archéologiques finistériens et les associations historiques saint-sépulcriennes (*) :

Suite à un léger déport du Jet au niveau de Pont-Mein, une pierre encore verte de l'arche nord a révélé une croix potencée similaire au blason des fondateurs d'Ergué-Gabéric, évoquant une origine de chevalerie et de croisade. Et plus bas sous l'eau, on y distingue aussi une inscription supplémentaire en lettres latino-gothiques : « HODIE I.IV », à la signification mystérieuse, mais marquant sans doute la présence localement d'Ordres de chevalerie et de nature cabalistique.

Ce charmant petit pont, appelé "pont romain" par certains et plus connu sous le nom de « Pont Mein » (pont en pierres), situé au bout d'un chemin à la hauteur du village de Mélennec, avait pour vocation d'assurer un passage à pied ou en charrette sur le Jet entre les communes d'Ergué-Gabéric et Ergué-Armel en amont de l'Eau-Blanche. A-t-il été le lieu de passage de troupes de croisés comme sur cette photo de la reconstitution organisée sur le dit pont par la Ligue des Templiers Anonymes du Saint-Sépulcre ? (*)

Image:Right.gif On en profite donc pour dénouer les arcanes des anciennes chartes du duc de Bretagne Conan IV et des symboles des ordres de chevalerie créés après les croisades, et pour élaborer quelques explications inédites sur l'origine du blason des Cabellic et seigneurs de Lezergué.

Dans la charte apocryphe de 1160, copiée au 14e siècle et énumérant les biens bretons des Hospitaliers, successeurs des Templiers, il est question de l'aumônerie d'Arke qui pourrait être la  petite  paroisse  d' Ergué-Armel, la  chapelle  Sainte-Anne-du -

  Guélen étant souvent associée aux Templiers. Mais il pourrait s'agir de la grande paroisse mère d'Ergué, avant le découpage en deux territoires et en incluant donc Ergué-Gabéric, car il n'est pas certain que la chapelle du Guélen était un établissement templier (ou hospitalier, car ces 2 ordres étaient souvent confondus), les templiers étant installés peut-être en un autre lieu.

Toujours est-il que la croix blasonnée de la famille Cabellic qui a donné son nom à la paroisse d'Ergué-Cabellic (puis Gabéric), pose question, car sa symbolique ramène en ces temps troublés de la fin des croisades en terre sainte de Jérusalem. Ce n'est ni la croix pattée rouge des templiers, ni la croix blanche sur fond rouge des hospitaliers (ni de Malte).

Les croisettes et la croix potencée des Cabellic sont bien le symbole par excellence de Jérusalem et évoque le troisième ordre religieux et de chevalerie, après les Templiers et les Hospitaliers, à savoir l'Ordre du Saint-Sépulcre fondé par le croisé Godefroy de Bouillon et dont on trouvera le contexte historique en fin d'article (+ iconographie détaillée).

Mais le choix des couleurs du blason des Cabellic le démarque ; il n'est pas à enquerre car il associe un métal argenté et un émail rouge, et inverse l'ordre des chevaliers du Saint-Sépulcre : la croix est blanche d'argent sur un fond "de gueule" (rouge vif).

On ne sait pas précisément pourquoi les Cabellic avaient ces armes bien typées, mais il est sûr qu'au 13e siècle ces nobles bas-bretons vivaient avec le référentiel
religieux des croisades, ne serait-ce que parce que l'un d'entre eux était évêque de Quimper de 1267 à 1279 et qu'ils avaient de par leur manoir de Lezergué des prééminences dans l'église paroissiale d'Ergué-Gabéric avec exposition de leurs armoiries au-dessus de la maitresse-vitre.

Image:Right.gif Et si aujourd'hui on collait sur nos plaques d'immatriculation cet autocollant commémoratif ?

En savoir plus : « Ordres de chevalerie et croix potencée d'Ergué-Cabellic », « 1980 - Choix d'un blason communal »

(*) : Le texte ci-dessus en italique, ainsi que le photo-montage, est un poisson d'avril. À noter quand même que la pierre à la croix potencée existe bien, pas à Ergué-Gabéric, mais sous le pont des Templiers de Balizy en région parisienne : https://fr.wikipedia.org/wiki/Commanderie_de_Balizy. La suite du billet forme par contre une enquête très sérieuse, qui sera prochainement complétée des facsimilés de la charte de Conan IV (billet du 22.04.2017).

 

10 La bataille de Tircine en Algérie

Billet du 25.03.2017 - Belkacem Ould Mohktar HADJAIL, « Un symbole de la lutte contre le colonialisme français : Le Chahid Mekkioui Mamoune », Ibn Nadim, Beyrouth, 2016, I.S.B.N. 978-9931-599-15-9, préface de Si Dahou OULD KABLIA et citations du sergent Josig HUITRIC.

Ce livre retrace l'histoire dramatique de Mamoune Mekkioui, un « Chahid », c'est-à-dire un combattant mort pour l'indépendance de l'Algérie, tué le 26 janvier 1958 à Tircine près de Saïda. Il s'agit d'une biographie rédigée par Belkacem Hadjail, retraité de l’Éducation Nationale Algérienne et passionné par l'histoire de l'Algérie, donnant ici la vision des anti-colonialistes sur cette époque troublée.

Mamoune Mekkioui, né en 1919 dans la région de Mascara, était un professeur engagé dans la lutte armée du FLN-ALN. En 1958 il est lieutenant, chef de la zone 6, wilaya 5 au poste de commandement de Tircine. Sa position est dénoncée aux forces françaises voisines de Saïda par un traitre prénommé Youssef. L'opération militaire qui s'en suit se solde, au bout de 3 jours, par 20 morts, dont le lieutenant Mekkioui, et 5 à 8 prisonniers.

Dans la biographie du « Chahid », le témoignage de l'appelé gabéricois Josig Huitric sur la bataille de Tircine commence par cette lettre écrite à sa mère le 29.1.1958 et publiée sur Grandterrier : « Dimanche j'ai été en opération, enfin je suis parti à cause que les autres gradés étaient à l’hôpital, tous les deux ont les oreillons, et cette opération a aussi payé, une vingtaine de rebelles de tués, cinq prisonniers dont une infirmière ; plus tard je t'emmènerai la photo, cent mines de récupérées, deux mitrailleuses et plusieurs fusils de récupérés. »

Le livre de Belkacem inclut d'autres citations de Josig, témoin d'un fait d'histoire bien malgré lui, notamment sur cette photo d'une jeune infirmière prénommée Malika. Et hors livre, on pourra lire cette belle anecdote sur le raisin de Mascara.

La photo de l'infirmière Malika

Il déclare qu’il n’a pas pu la retrouver : « La photo c'est moi qui l'ai prise avec mon appareil. Je crois que je l'ai perdue lorsqu'on a fait une exposition de la FNACA à Kroas-Spern. J'avais plein de photos, dont celle-là où on voit l'infirmière, et depuis je ne la retrouve plus. »

Il en fournit, toutefois, certains détails : « Pour les prisonniers je t'ai dit que c'était une 4x4. Mais c'était une jeep d'un chef quelconque je pense. Et l'infirmière était seule à l'arrière de la jeep, avec des hommes en armes de chaque côté, et devant : le chauffeur et à côté de lui un haut-placé. Je n'ai pas vu les autres prisonniers, j'étais concentré sur l'infirmière. »

 

Le raisin de Mascara

Josig Huitric : « Une fois j'avais deux prisonniers et un m'a demandé du raisin. Je suis parti aller chercher du raisin, du mascara. Ils allaient partir en corvée de bois, et il savait que son heure était arrivée. »

Réponse de Belkacem Hadjail par mail : « Il faut lui dire, de ma part, que j’ai été très sensible à son geste, à l’égard du prisonnier, auquel il s’est donné la peine de répondre à son dernier désir  »

Articles : « HADJAIL Belkacem - Le Chahid Mekkioui Mamoune », « 1957-1959 - Lettres de Josig Huitric, sergent à Saïda en Algérie »

11 Une foire à bestiaux à Kerdévot

Billet du 18.03.2017 - « Le Conseil, après en avoir délibéré, partageant l'avis de son président, émet le vœu qu'il soit créé une foire annuelle au lieu de Kerdévot, en cette commune, et que cette foire se tienne le lundi après le deuxième dimanche de Septembre. », délibération du 28 février 1881

En 1881 une demande de création d'une foire annuelle de vente de bestiaux sur le placître de la chapelle de Kerdévot est orchestrée par le maire Jean Mahé, agriculteur sur le même lieu-dit. La délibération du conseil municipal énumère les nombreux avantages liés au choix du lieu : « la chapelle de Kerdévot est distante de dix à quinze kilomètres de tous les grands centres où se tiennent des foires, qu'elle est située en pleine région d'élevage, qu'elle est contiguë à un placître d'une contenance cadastrale de un hectare soixante-dix ares, suffisamment ample pour contenir, outre une grande quantité de bestiaux de toutes sortes, un grand nombre d'étalages, de débits, etc. ».

Le choix de la date, à savoir le lundi qui suit le deuxième dimanche de septembre, n'est pas choisi au hasard non plus : c'est le lendemain du grand pardon, et les stands et échoppes des commerçants pourront rester sur place un jour de plus. Les bénéfices attendus sont d'une part fiscaux pour la commune, et d'autre part la foire apportera « des facilités qu'elle procurerait aux habitants de la commune pour la vente de leurs bestiaux ».

Devant cette initiative, le préfet de Quimper, le comte Léon-Paul Lagrange de Langre, doit rappeller les règles administratives, à savoir la nécessité de passer par une enquête auprès des municipalités voisines « dans un rayon de deux myriamètres (c'est-à-dire 10 km ou trois lieues) environ du lieu d'où vient la demande ». Vingt communes sont consultées, 11 sont favorables à la création de la foire, 2 sont opposées, 3 répondent qu'elles n'ont pas d'avis sur la question, et 4 ne répondent pas.

Les municipalités opposées à la foire sont Quimper et Ergué-Armel, cette dernière défendant l'idée que « les habitants d'Ergué-Gabéric, ainsi que ceux des communes voisines ont toutes les facilités pour vendre leurs bestiaux aux grandes foires de Quimper ». Les communes indifférentes, sans avis, sont Kerfeunteun, Penhars et Plomelin.

Les onze communes qui majoritairement manifestent leur support à la foire de Kerdévot sont en majorité rurales et leurs arguments sont :

Image:Square.gif « les transactions sur le bétail sont très actives au mois de septembre, ... et sur un emplacement commode et spacieux, ne peut manquer d'attirer de nombreux marchands » (Briec).

 
(Jean Caveng (1905-1993) « La foire aux bestiaux, Bretagne »)

Image:Square.gif « une foire à Kerdévot peut faciliter les transactions dans la région » (Elliant)
Image:Square.gif « l'époque choisie est favorable pour réaliser par la vente des bestiaux les fonds nécessaires au payement des loyers » (St-Evarzec), la plupart des baux de fermage se terminant à la St-Michel, c'est-à-dire le 29 septembre.

En août le préfet publie un arrêté d'exécution : « Article 1er. En exécution de la délibération sus-visée, est autorisée la création, dans la commune d'Ergué-Gabéric, d'une foire annuelle qui se tiendra à Kerdévot le lundi après le deuxième dimanche de Septembre ». Il autorise également les 3 foires voisines demandées au bourg de Langolen, dont la 3e au 30 septembre (le lendemain de la St-Michel).

Le lundi 12 septembre 1881, Jean Mahé, maire d'Ergué-Gabéric, put donc parader à la toute première foire de Kerdévot. À noter qu'un accident mortel de jeune cheval « ombrageux », en route vers la foire, endeuilla une famille elliantaise : « Le malheureux Cotten qui avait une jambe prise dans les rênes, ne put se dégager et reçut à la tête et à la poitrine de terribles blessures à la suite desquelles il a succombé lundi dernier ».

En savoir plus : « 1881 - Création d'une foire annuelle aux bestiaux sur le lieu de Kerdévot »

12 Beau-frère chapelier à Quimper

Billet du 11.03.2017 - « Avant le 18e et l'usage du poil fin de castor ou du feutre, les chapeaux étaient si grossiers, que les gens les faisaient couvrir de velours, de taffetas, ou d'étoffe de soie ; on ne les portait nus que par économie, ou pour aller à la pluie », Augris Chrystel (Histoire de la chapellerie)

Deux documents d'archives pour évoquer les activités industrielles d'un fabricant de chapeaux « fins » à Quimper. Le premier est un rapport de 1811 rédigé par le préfet de police à la demande du maire de Quimper pour valider la moralité d'un négociant quimpérois ayant élu domicile à Paris, sans doute dans le but de préparer son projet de création d'une fabrique de chapeaux à Quimper qu'il concrétisera en 1812.

Dans ce document qui fait office d'enquête de moralité, il est rappelé qu'il « s'est toujours très bien comporté. Il est doux, honnête et soumis aux lois et aux autorités. » et la famille Bolloré est « une famille honnête de cette ville ».

Le deuxième document est constitué de sept courriers datés de 1825 entre César Elzéar de Castellane, préfet du Finistère, et Athanase de Larchantel, maire de Quimper, qui ont précisément pour but de valider la demande de Jean-Guillaume Bolloré de transférer sa fabrique sur un nouveau terrain acquis entre la rue des Réguaires et les quais de l'Odet.

Le chapelier Bolloré précise tout d'abord l'historique de son affaire : « Depuis 1812 j'ai établi à Quimper une fabrique de chapeaux. Cette fabrique était d'abord placée dans la rue du Chapeau Rouge, ensuite dans la rue Obscure et elle se trouve actuellement dans la rue du Frout. »

La signature sur sa requête est « Bolloré fils ainé », car en effet il est l'ainé survivant (trois frère et sœurs décédés très jeunes en 1784-86) d'une famille nombreuse de 13 enfants. Son père René, syndic des marins et négociant-propriétaire à Quimper-Locmaria, décède en 1826. Par la suite Jean-Guillaume gardera l'habitude de signer « Bolloré ainé », lorsqu'il paraphe en 1838 le document de succession de son frère René-Corentin et cosigne en 1859 un document officiel avec son beau-frère papetier d'Odet.

Le maire a des arguments pour défendre le projet de 1825 : « Cet établissement mérite, on peut le dire, de fixer la sollicitude de l'autorité, il a pris depuis quelques années un certain accroissement, les chapeaux fins qu'on y fabrique sont estimés et ils peuvent recevoir, chaque jour, un nouveau degré de perfection, on y occuppe un grand nombre d'ouvriers. » On y compte 25 ouvriers pour fabriquer des chapeaux de poils fins et de feutre.

Après avis de l'expert, à savoir l'Ingénieur en chef du département, chargé de la surveillance des rivières et cours d'eau, le préfet publie l'arrêté d'exécution : « Art 1er. Le sieur Bolloré, fabricant de chapeaux à Quimper, est autorisé à établir sa fabrique dans sa propriété de la rue des Réguaires. »

 
(film de Chaude Chabrol, tourné à Concarneau et à Quimper en 1982)

Le siècle suivant, dans une publication intitulée « Papeteries d'Odet, discours des Fêtes du Centenaire (1822-1922) », une note au-dessous du facsimilé de la plaque commémorant la création de l'usine d'Odet par son beau-frère Nicolas Le Marié précise que « François Le Marié père et Guillaume Bolloré ont aussi contribué, par leurs conseils, à la création de cet établissement ». Il est question de conseil et non de co-participation de Guillaume Bolloré, car on voit bien qu'en 1825 il était encore très impliqué dans l'extension de sa fabrique de chapeaux.

On est loin du détournement documentaire de 1930 dans le « Livre d'or des papeteries » de René Bolloré qui introduit volontairement un pluriel « ont posé » (au lieu de "a posé") dans la première phrase de la plaque commémorative : « Nicolas Le Marié et R.-G. Bolloré, de Quimper ont posé la première pierre de cet établissement ».

Jean-Guillaume Bolloré n'a pas posé de première pierre à Odet (ni son hologramme « R.-G. » aux initiales inventées), mais il a prodigué des conseils à son beau-frère gabéricois et favorisera le transfert en 1861 de l'usine à papier à son neveu, tutoré et gendre Jean-René Bolloré lorsque Nicolas Le Marié sera en incapacité suite à un accident.

En savoir plus : « 1811 - Autorisation de résidence parisienne pour Jean-Guillaume Bolloré », « 1825 - Transfert de la fabrique de chapeaux de Jean-Guillaume Bolloré », « Jean-Guillaume Bolloré (1788-1873), fabricant chapelier »

13 Ordre, Paix et Religion en 1877

Billet du 05.03.2017 - Les idées politiques du premier des Bolloré, héritier en 1861 du moulin à papier de Nicolas Le Marié à Odet en Ergué-Gabéric.

Cette évocation commence par la lecture de l'ouvrage de l'historien Maurice Lucas qui décrit les transformations d'un Finistère-Sud conservateur en un « espace politique ouvert », qui se reconnaît dès juillet 1871 dans la République modérée, « sensible aux courants du radicalisme et du socialisme ». On est loin du cliché d'une Basse-Bretagne attardée et réactionnaire.

L'étude, assise sur de nombreux documents d'archives, porte essentiellement sur le territoire de la Basse-Cornouaille qu'on peut appeler également Cornouaille maritime, bordée par la presqu'île de Crozon, Cap Sizun, Cap Caval, et les larges baies de Douarnenez, Audierne et Concarneau.

Des années 1870 à 1914, les républicains vont y gagner une crédibilité politique, donnant raison au sociologue précurseur André Siegfried : « Lorsqu'il échappe à l'influence politique du prêtre et à la pression immédiate du noble, c'est-à-dire lorsqu'il est abandonné à lui-même, le peuple breton est naturellement égalitaire, républicain et démocrate ».

Page 122, Maurice Lucas fait l'analyse d'une contre-attaque en 1877 du clan conservateur via la candidature de Jean-René Bolloré, papetier gabéricois et originaire de Douarnenez : « Aux références traditionnelles à l'ordre, à la tradition et à la religion s'ajoute celle, plus nouvelle, de la compétence économique garante de prospérité et de paix. La candidature du papetier d'Ergué-Gabéric répond sans doute à la volonté de renouveler une représentation et une thématique susceptibles de démarquer la posture conservatrice d'une image passéiste, sinon réactionnaire ». Et de citer le texte de son tract pour les élections législatives d'octobre 1877.

Cette affichette au format 20x30cm, conservée aux Archives Départementales du Finistère (cote 3 M 278, élections législatives d'octobre 1877), se décompose en une première partie argumentaire sur les qualités du candidat, et une seconde listant les noms des membres notables de son comité de soutien.

 

Le premier argument est relatif à la morale : « Monsieur Bolloré a d'ailleurs vos croyances et vos sentiments. Il aime ce que vous aimez : l'Ordre, la Paix, la Religion. Il redoute ce que vous redoutez : les conflits entre les pouvoirs publics, les théories subversives et la Révolution. » Le second met en avant ses compétences : « Tour-à-tour, chirurgien de la marine, docteur-médecin, exerçant son art dans notre arrondissement, grand industriel ... Sa situation de directeur d'une grande usine ...  »

Les 32 noms de son comité de soutien sont majoritairement des propriétaires et maires des communes voisines de Quimper, un banquier, un notaire, un entrepreneur, un ébéniste ... La présidence est assurée par De Chamaillard père, c'est-à-dire Henri Pierre Charles Ponthier de Chamaillard, député royaliste du Finistère à l'Assemblée nationale de 1871 à 1876.

Le procès-verbal des résultats de la 1ère circonscription de Quimper, conservé également en 3M278, donne une majorité au candidat républicain Louis Hémon. Le détail des votes par commune permet de noter une préférence républicaine dans les grandes villes (Quimper, Rosporden) et le littoral (Concarneau, Fouesnant).

Par contre les communes rurales donnent leurs voix au candidat conservateur : Langolen, St-Evarzec, Ergué-Gabéric, Plomelin, Pluguffan, Elliant, St-Yvi, Tourc'h. Certes sur Ergué-Gabéric où il réside, le papetier Bolloré est en tête (239), mais il devance de très peu Louis Hémon (220), la commune devenant progressivement « sensible aux courants du radicalisme et du socialisme » (cf. Livre de Maurice Lucas).

En savoir plus : « LUCAS Maurice - La Cornouaille politique 1870-1914 », « 1877 - Affiche de JR Bolloré et résultats des législatives »

Nota : la semaine prochaine nous évoquerons la fabrique de chapeaux de Jean-Guillaume Bolloré, oncle, tuteur et beau-père de Jean-René, et son transfert rue des Réguaires autorisé en mai 1825.


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