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Les billets hebdos de l'actualité du GrandTerrier

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Chaque semaine, un nouveau billet annonçant un ou plusieurs articles sur le site GrandTerrier.

Une compilation des billets est publiée en fin de trimestre sous la forme des chroniques du Bulletin Kannadig.

Anciens billets hebdos : [Actualité, archives]

Les anciennes affichettes : [Accroches à la une]

Modifications d'articles : [Journal des MàJs]


Sommaire

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1 Médaillés du travail et 80 ans

22.01.2022 - Évocation d'une grande fête à la papeterie Bolloré d'Odet le 2 mai 1927 (5 ans après le centenaire) grâce aux clichés du photographe quimpérois Etienne Le Grand, une coupure du journal de L'Union Agricole et un article du bulletin paroissial « Intron Varia Kerzevot » : l'anniversaire des 80 ans de la mère du patron, une messe commémorative dans la chapelle privée et une fête du travail avec de nombreuses remises de médailles.

Léonie Marie Blanche Surrault, née le 4 mai 1847 à Saintes en Charente Maritime, épouse le papetier René Guillaume Bolloré en 1876. Ce dernier décède en 1904, et leur fils René prend la succession de l'entreprise familiale. Léonie est désormais appelée "Madame Bolloré mère" pour la différencier de sa bru. Elle décèdera dans sa 101e année le 18 février 1948.

On ne la voit pas sur les clichés du photographe Le Grand pour la fête de ses 80 ans, mais les discours lors du banquet et les commentaires de journaliste lui rendent un hommage appuyé :
Image:Right.gifImage:Space.jpg« ses qualités du cœur et de l'intelligence ont conquis l'estime et la vénération de tous »
Image:Right.gifImage:Space.jpg« Tous nous formulons le vœu que Dieu vous accorde la grâce de voir et de bénir les enfants de vos petits enfants. Ad multos annos ! »
Image:Right.gifImage:Space.jpg« vous avez vu s'élever les maisons de la Cité ouvrière de Ker-Anna qui témoignent de la sollicitude de Monsieur Bolloré pour le bien de ses ouvriers ».
Image:Right.gifImage:Space.jpg« ce qui a réjoui le plus votre piété c'est, j'en suis sûr, l'érection d'une chapelle à l'emplacement de l'ancienne »

Sa piété et ses œuvres sociales sont largement appréciées localement. On notera que la projection des films commémoratifs lors de la fête inclut : « la visite de Madame Bolloré à la cité ouvrière, les danses bretonnes autour du puits de la Cité » (ces séquences ont-elles disparu aujourd'hui ou sont-elles conservées par la famille Bolloré ?).

La fête de mai 1927 a été photographiée et filmée par plusieurs professionnels : « de nombreux photographes braquent leurs appareils, le cinéma tourne ».

Et notamment il nous reste ces 14 admirables clichés d'Etienne Le Grand, photographe originaire de Lestonan :
Image:Right.gifImage:Space.jpgOn y voit le patron René Bolloré officiant les remises de médailles, accompagné de son épouse de blanc vêtue et de son fondé de pouvoir Louis Garin à la barbichette fournie.

 


Image:Right.gifImage:Space.jpgLes ouvrières et ouvriers médaillés, tous et toutes en costumes traditionnels ou en habits de ville : « tous portaient le costume national, chupen compris ».
Image:Right.gifImage:Space.jpgLes invités à la fête à la sortie de la messe de 11 heures, dont de nombreuses femmes portant la coiffe et des enfants endimanchés.

Le nombre de médaillés pour les deux usines d'Odet et de Cascadec est impressionnant : « Il y eut plus de 60 de la nouvelle promotion, ce qui porte à 106 le nombre des médaillés d'Odet et de Cascadec. ». Le journaliste de l'Union Agricole signale que les médailles ne sont pas réservées aux ouvriers : « Il y a même un ingénieur qui reçoit sa récompense pour 27 ans de service », il s'agit de Yves Charuel du Guérand, ingénieur chimiste et beau-frère de René Bolloré. Dans la liste nominative publiée dans le bulletin paroissial on note aussi quelques contremaitres : Rannou Jean, Garin Louis, Briand Abel.

Mais la population ouvrière reste majoritaire, et notamment pour 50 ans de services la doyenne Anne-Marie Le Grand, veuve, qui reçoit sa médaille de vermeil (4 ont déjà été octroyées les années précédentes).

Image:square.gifImage:Space.jpgEn savoir plus : « 1927 - Fête du travail et 80 ans de Léonie Bolloré à Odet »

2 Bulletin n° 56 matriculaire et patrimonial

Billet du 15.01.2022 - Le premier bulletin trimestriel de 2022 avec ses 28 pages ou 7 feuillets A4 recto verso pliés en A5 ; envoi postal dans la semaine. Et toujours pour l'année entamée les billets hebdos publiés chaque samedi et rassemblés dans le prochain bulletin d'avril.

Soldats, révolutions, actes et photos …

Ce bulletin, couvrant les articles de l’automne dernier, donne une belle part aux registres-matricules de plusieurs soldats de la période 1880-1920 :

  • Un ancien du Tonkin (1885), deux poilus de 1914-18 (Pierre Tanguy et Jean Lazou), et un matelot de la Royale.
  • Grâce au premier soldat, Pierre-Marie Tonkin, le patrimoine gabéricois s’est enrichi d’une bannière de procession.
  • Avec le dernier matelot, Jos ar Saoz, on dispose de chansons en breton sur son passé de matelot et de colon au Maroc.

Les trois articles suivants sont centrés d’une part sur des documents d’archives de la révolution française, et d’autre part sur la lecture marxiste, voire trotskiste, des mémoires de Jean-Marie Déguignet.

Ensuite, les actes paroissiaux du XVIIIe siècle, grâce à la numérisation complète des doubles registres des Archives Départementales du Finistère, avec l’analyse d’un acte de 1728 autorisant l’inhumation d’un suicidé « hors les lieux saints ».

Les derniers articles incluent des photos, que ce soit les clichés aériens des Boeings de l’I.G.N. au-dessus de la campagne gabéricoise entre 1948 et 1993, ou alors un reportage en Sud-Nivernais consacré à un retable flamand du XVe siècle qui ressemble étrangement à celui de Kerdévot.

Et enfin, on vous propose une nouvelle version des aventuriers de l’Arche perdue sur le pont de Sant Alar entre Kermadoret (Landudal) et Creac’h-Ergué.


Image:square.gifImage:Space.jpgLire le bulletin en ligne : « KANNADIG n° 56 JAN. 2022 »
 

3 Enterrement pour une mort suspecte

08.01.2022 - En fin d'année 2021 les Archives Départementales du Finistère ont numérisé et mis à disposition la collection communale des actes BMS (Baptêmes, Mariages, Sépultures) pour les années 1629-1752, comblant les années lacunaires du second exemplaire départemental déjà numérisé, notamment cet acte de décès de janvier 1728 traitant de la mauvaise réputation des suicidés et fêtards et de leurs inhumations hors des cimetières.

« Appelé pour sonner à une noce », c'est-à-dire jouer du biniou ou de la bombarde pour le grand plaisir des danseurs d'un mariage, Hervé Riou, après avoir bu plus que de raison, s'enferme dans un four à pain encore chaud. La mort étant considérée comme un suicide, il est enterré dans une fosse « hors les lieux saints », près du calvaire de Kergaradec, et non dans le cimetière.

Hervé Riou, né aux environs de 1668, est veuf en première noce de Marie Monfort. Huit enfants sont nés dont Hervé, témoin à l'enterrement de son père. Hervé Riou épouse en seconde noce Josèphe Jourdren le 28.01.1723 à Ergué-Gabéric et un enfant est né de ce mariage.

Plusieurs mariages ont eu lieu en ce début 1728, mais la présence de Maurice le Barz comme témoin lors de l’inhumation incite à croire que les faits se sont déroulés durant les réjouissances de son mariage avec Françoise le Meur, le 26.01.1728 à Ergué-Gabéric. Il est le fils de Mathieu le Barz et de Marie Lozeach, et son père est qualifié de « Messire » lors des naissances à Kernaon de certains de ses 12 enfants.

À Kernaon, il y a toujours un très vieux cellier qui possède à son extrémité nord un four à pain dont l'accès se trouve à l'intérieur : est-ce le lieu du drame de 1728 ? Un doute subsiste, car l'acte du recteur précise qu'il s'agissait du « four du village » et selon les anciens il existait autrefois un four plus important dans le jardin au sud de l'habitation principale.

Quant à l'inhumation, « attendu son genre de mort extraordinaire », le recteur Jean Edy estime qu'elle ne peut se faire qu'en dehors des lieux saints de l'église paroissiale et de son cimetière. Il choisit de faire creuser « une fosse faite exprès et bénite » (et non une fosse commune) au bord du chemin à proximité du calvaire de Kergaradec. Outre la mort "volontaire", il lui reproche également « l'abus et le mépris qu'il a fait pendant les dernières années de sa vie des principaux devoirs de la religion », malgré les remontrances de son prédécesseur l'abbé François-Hyacinthe de la Haye, recteur d'Ergué-Gabéric de 1722 à 1726.

Il faut dire qu'au XVIIIe siècle la question du lieu d'inhumation génère de multiples conflits à Ergué-Gabéric : ainsi, suite à l'interdiction de 1719 par le Parlement de Bretagne des tombes à l'intérieur des églises au profit des cimetières extérieurs, des femmes gabéricoises organisent en 1742 une inhumation illégale dans l'église St-Guinal à laquelle le recteur Edy doit s'opposer.

 
(Archives Départementales du Finistère. Référence 1049 E DEPOT 2. Voir la transcription textuelle réactualisée dans l'article.)

À cette même époque les prêtres ont la latitude de refuser l'accès au cimetière aux décédés de mort violente et aux protestants. Avec la déclaration du 9 avril 1736, signée par le chancelier d'Aguesseau et Louis XV, les enterrements de morts suspectes sont tolérés moyennant l'ordonnance d'un juge criminel. Ici, en 1728, le desservant ecclésiastique d'Ergué-Gabéric exécute une mesure intermédiaire : il ne diligente pas d'enquête, il organise une inhumation à minima à l'écart du bourg et relate les circonstance dans l'acte de sépulture.

Dans un article publié par l'association Arkae de janvier 2003, Yves-Pascal Castel utilise l'expression d'« inhumations foraines » pour ce type d’obsèques et cite quelques exemples d'autres lieux d'enterrements civils et/ou épidémiques près de calvaires en Finistère (Bourg-Blanc, Locmaria-Plouzané).

* * *

Depuis quelques années déjà, à la fin de l'année scolaire et juste avant la période estivale, un jeu et une balade bilingues sont organisés autour du bourg d'Ergué-Gabéric par le service patrimoine de la commune sous la forme d'une enquête sur la mort suspecte (« Enklask war dro maro an den kevrin ») d'Hervé Riou et son inhumation à Kergaradec. Versions française et bretonne proposées par Gaëlle Martin et Jean Billon. Rien ne vaut un jeu de piste pour mieux comprendre le contexte de cette affaire.

Image:square.gifImage:Space.jpgEn savoir plus : « 1728 - Inhumation hors des lieux saints suite à une mort tragique dans un four à pain » et « Enklask war dro maro an den kevrin ~ Enquête sur la mort d'une personne mystère »

4 Emgann ar renkadoù ~ Lutte des classes

01.01.2022 - « Bloavezh mat e 2022, kalz a hunvreoù da gas war-araok » : encore une année révolutionnaire et plein de rêves fous à partager !

Jean-Marie Déguignet (1834-1905) est en quelque sorte contemporain de Karl Marx (1818-1883), mais dans ses mémoires il n'y a pas une seule évocation du théoricien de la luttes des classes. Sans doute parce que les livres, tracts ou journaux dits marxistes n'étaient pas disponibles dans les bibliothèques publiques quimpéroises où notre paysan bas-breton s'est forgé ses opinions politiques.

Mais pourtant les idées de Déguignet peuvent s'inscrire dans cette vision du monde, ainsi qu'il l'écrit en introduction dans la première version de ses cahiers manuscrits : « Quoique appartenant à cette classe, au sein de laquelle j’ai passé toute ma vie, je vais essayer d’écrire, sinon avec talent, du moins avec sincérité et franchise, comment j’ai vécu, pensé et réfléchi dans ce milieu misérable, comment j’y ai engagé et soutenu la terrible lutte pour l’existence. »

Dans la deuxième série des cahiers publiés en 2001 sous forme d'Intégrale des Mémoires, c'est un florilège de déclarations et d'explications sur ces classes sociales en perpétuel affrontement :

Image:Right.gifImage:Space.jpgPage 350, il expose sans ambages ses convictions sociales : « En politique, je suis un républicain des plus avancés, et en religion, libre-penseur, philosophe, ami de l'humanité », malgré sa méfiance vis-à-vis du socialisme page 516 : «  L'histoire du socialisme depuis un siècle, c'est l'histoire du socialisme bourgeois, des jésuites et autres tonsurés qui ont et font toujours de mieux en mieux du vrai socialisme pratique. ».

Image:Right.gifImage:Space.jpgPage 857, il dit sa déception vis-à-vis de ses amis prolétaires : « malheureusement, la plupart de ces prolétaires sont ignorants au suprême degré, insouciants, inconscients ... ».

Image:Right.gifImage:Space.jpgPage 839, il dénonce le tzar à l'initiative d'une guerre meurtrière contre l'Empire du Japon : « cet empereur théo-autocrate de toutes les Russies ». Mais les cahiers s'achèvent en août 1905, à la mort de son auteur qui n'a pas pu commenter la révolution bolchévique. On aurait aimé l'entendre.

Image:Right.gifImage:Space.jpgPage 137, juste avant de changer son statut de vacher à celui de domestique, Déguignet donne une belle image animalière : « Un jour, le maire me demanda si je me plaisais dans cet état de vacher qui était, il est vrai, un véritable esclavage. Je ne pouvais jamais bouger de là, ni dimanche ni fête ; je lui avais répondu par le proverbe breton : « El lec'h m'emañ stag ar c'havr eo ret dezhi peuriñ» ("où la chèvre est attachée, elle est obligée de brouter"). - Quelquefois, dit-il, la chèvre casse sa corde et va brouter plus loin. ».

 
Image:Right.gifImage:Space.jpgPage 514-515, il y a cette longue description des effets de la mécanisation aux papeteries Bolloré à Odet. L'extrait ci-dessous a été mis en exergue dans un article de Yolande Levasseur dans les Cahiers du mouvement ouvrier édités par le C.E.R.M.T.R.I. (Centre d’Études et de Recherches sur les Mouvements Trotskystes et Révolutionnaires Internationaux) en 2000 : « Une nouvelle machine est arrivée l'autre jour du Creusot. Elle fait à elle seule l'ouvrage de dix ouvriers et, par conséquent, le patron a mis dix ouvriers dehors. On entend des économistes dire qu'on ne peut pas arrêter l'essor du génie.
Mais ce génie va à l'encontre du but vers lequel il devrait tendre, c'est-à-dire à égaliser un peu le bonheur en ce monde entre tous les individus, tandis qu'il tend au contraire à accabler de richesses et bonheur quelques privilégiés seulement, en en éloignant de plus en plus des millions de malheureux.
 »

Est-ce que finalement Déguignet n'aurait pas été marxiste-léniniste s'il avait vécu un peu plus longtemps ? En tout cas, voici ce que pense de ses mémoires une militante trotskiste en mai 2000 : « Ce livre est bien dangereux. Il l'est pour tous les tenants du consensus général, du politiquement correct. »

Image:square.gifImage:Space.jpgEn savoir plus : « Jean-Marie Déguignet et la lutte des classes au XIXe siècle » et « LAVASSEUR Yolande - Une parution inattendue »

5 Le matelot chanteur de la Royale

25.12.2021 - Trois chansons en 1976 collectées par les Daspugnerien Bro C'hlazig (fonds Dastum, transcriptions de Bernez Rouz d'Arkae), registre matricule (classe 1903, numéro matricule 566, archives départementales du Finistère), et évocation littéraire d'Hervé Jaouen ("Les soeurs Gwenan").

Joseph-Marie Le Saux est né le 9 juin 1883 au village de Réunic, près de Kerdévot en Ergué-Gabéric, son père Pierre et sa mère Marie-Anne Quéméré étant les cabaretiers du lieu-dit.

Boulanger installé à Plogastel-Daoulas, il s'engage dans la Marine Nationale en 1904 et part pour deux ans en Indochine, puis toujours militaire en Afrique, au Maroc où il s'installe en 1919 comme colon. À l'indépendance du Maroc, il revient en France et finit ses jours en maison de retraite à Fouesnant en 1978.

C'est là, en 1976, que les Daspugnerien Bro Ch'lazig l'enregistrent, chantant ses trois chansons favorites : « Chanson va buhez », « Ar martolod yaouank », et « Ti bras koad ar voc'h », 11 à 18 complets de deux vers en rimes, le tout dans sa langue natale bretonne cornouaillaise.

La première « Chanson va buhez » (Chanson de ma vie) a pour thème ses voyages  : « Yaouank c'hoazh me oa kuitaet va bro gozh Breizh-izel, Evit mont da c'hounez ma boued e-barzh ar broioù pell » (Jeune encore, j’ai quitté mon vieux pays de Basse-Bretagne Pour gagner mon pain dans de lointaines contrées).

Et son installation sur les terres marocaines : « Boulanjerezh da gomaéns e barzh Kasbah Ben Ahmed Kafe, hotel ha restaurant ‘barzh ar vro-se em eus graet. Defrichet em eus douaroù, pevar c'hant devezh-arat Savet am eus eno tier evit an dud da lojañ. » (J’ai été boulanger au début à la Casbah Ben-Ahmed Puis j’ai tenu un café, hôtel, restaurant dans ce même endroit. J’ai défriché deux cents hectares de terres, J’y ai construit des logements pour que les ouvriers y vivent).

La deuxième « Ar martolod yaouank » (Le jeune matelot) s'attarde sur les premières années à Saïgon, sur la canonnière cuirassée "Acheron", où il reçoit une lettre de sa dulcinée : « Setu aze konfidañsoù da vestrezik Mari En em hastit martolod yaouank da zont d'he c'honsoli  » (Voilà les confidences de ma chère Marie En pressant son jeune marin de rentrer la consoler).

La troisième chanson « Ti bras koad ar voc'h » (Résidence "Bois du bourg") est pour ses congénères de l'EHPAD de Fouesnant : « E-barzh an ti bras-se bremañ tud kozh kazi abandonet A gav c'hoazh tammoù plijadur digant o c'hamaraded » (Dans cette grande maison maintenant vieux quasi abandonnés Trouvent encore des plaisirs dans la camaraderie).

 

Le parcours militaire de Joseph-Marie Le Saux est bien précisé dans sa fiche matriculaire :

1.Image:Space.jpgSes deux années dans la Marine Nationale qu'on appelait toujours la Royale : « Engagé volontaire pour cinq ans à la mairie de Brest le 18 février 1904 pour les équipages de la flotte ».
2.Image:Space.jpgSa période complémentaire à Tunis et Casablanca, comme matelot, puis comme agent de police des voies ferrées.
3.Image:Space.jpgSon rappel dans l'armée en 1914 dans le bataillon de la Chaouïa, jusqu'en 1919, avec tentatives de reforme.
4.Image:Space.jpgSon installation définitive à Ben-Ahmed, à proximité de Casablanca, comme commerçant et ses multiples condamnations pour fraude alimentaire ou mouillage de vin.

Et par ailleurs il faut signaler le livre « Les soeurs Gwenan » d'Hervé Jaouen, ce magnifique roman consacré aux filles du marin de la Royale Joseph Gwenan et où la figure tutélaire du chanteur est évoquée : « Un matelot chantait, accompagné par la douce musique de l’eau sur la coque, « La chanson de ma vie », écrite au début du siècle par Jos ar Saoz, un gars d’Ergué-Gabéric engagé dans la Royale : Da Saigon en Indochin digentañ e oan bet, Goude oan deuet d’an Afrik da vro an Arabed (D’abord j’ai été à Saigon, en Indochine, Et ensuite je suis allé en Afrique, au pays des Arabes.) ».
Image:square.gifImage:Space.jpgEn savoir plus : « 1904-1919 - Joseph Le Saux à la Royale et au bataillon marocain de la Chaouïa » et « Kanaouennou brezhonek kompozet ha kanet gant Jos ar Saoz »

6 Un officier très crâne au feu

18.12.2021 - Nouvelle occasion d'enrichir notre "Espace des Poilus" : la grande guerre de Jean Lazou, né en 1895 à Plougasnou et futur instituteur en Alsace-Lorraine et à Lestonan, avec ses combats, citations et médailles., grâce à son registre matricule, l'historique du 25e RI et les journaux officiels.

Jean-François Lazou est né en 1895 à Plougasnou d'un père maçon. Alors qu'il est élève-maître à l’École Navale de Brest, il est incorporé le 16 décembre 1914, et se retrouve au front dans les rangs du 25e régiment d'infanterie où il sera successivement soldat de 1ère classe en mars 1915, caporal en juin 1915, sergent début avril 1916, adjudant fin avril 1916, sous lieutenant en mai 1916, et enfin lieutenant en septembre 1918.

Outre ses nominations, sa fiche matriculaire fait état de 4 citations, au fur et à mesure des combats et de l'avancement de son régiment sur le front :

Image:Right.gifImage:Space.jpgChilly-Maucourt, Somme, sept. 1916 : « Plein d'ardeur, a conduit brillamment sa section, à l'assaut d'un village puissamment organisé. » (ordre du jour de la brigade). Le village en question de Chilly sera pilonné par les obus pendant 6 jours.

Image:Right.gifImage:Space.jpgProsnes, Champagne, avril 1917 : « Officier d'un dévouement et d'un courage à toute épreuve, s'est particulièrement distingué le 30 avril 1917 en entrainant sa section à l'attaque d'une tranchée ennemie. » (ordre de la division). L’attaque générale des monts par la 4e armée est fixée ce 30 avril à 12 h 40 et l'assaut final au Mont-Cornillet le 20 mai.

Image:Right.gifImage:Space.jpgLes Éparges, Meuse, décembre 1917 : « Officier d'une admirable crânerie et d'un dévouement sans limite. A exécuté avec méthode et une habilité remarquable une série de reconnaissances. » (ordre de la division). Il est blessé le 16 décembre 1917, aux Éparges - lieu de « combats terribles » en février 1915 - par éclats de grenades aux jambes.

Image:Right.gifImage:Space.jpgVerdun, Meuse, avril 1918 : « Officier très crâne au feu. Le 17 avril 1918, au cours d'un violent coup de main ennemi sur nos tranchées, s'est défendu avec la dernière énergie sur les positions de repli reconnues d'avance. S'est élancé en avant de ses hommes ... » (ordre du corps d'armée). Certes ce n'est pas la bataille de Verdun de 1916, mais les combats y sont encore violents.

Pour tous ses états de service, Jean Lazou reçoit la Croix de guerre et le droit de mettre sur son ruban une étoile de bronze, deux étoiles argent et une étoile vermeil. Et il est inscrit au tableau spécial pour chevalier de la légion d'honneur (J.O. du 10 décembre 1920) avec un bel éloge. Ce tableau est une procédure qui permet de nommer des militaires dans la Légion d'honneur, sans instruction immédiate du dossier et avec régularisation et officialisation ultérieures, et pour Jean Lazou ce sera fait trente ans plus tard.

 


En 1919, après l'armistice, il se « retire à Grosblittersdorff », village de Moselle rebaptisé Grosbliederstroff quand l'Alsace-Lorraine redevient officiellement française par le traité de Versailles en 1919. Il y reste pour pour participer en tant qu'instituteur à la réintroduction de la langue française dans l’enseignement primaire. Il est rejoint par son épouse Francine Combot, également institutrice, et en octobre 1919 ils ont une petite fille prénommée Marie-Louise-France ou Malou.

De retour dans le Finistère, Jean et Francine Lazou enseignent à Roscoff en 1924. Puis au 1er octobre 1926, ils sont tous deux affectés aux écoles de Lestonan en Ergué-Gabéric où ils vont rester respectivement 13 et 18 ans.

Jean Lazou a laissé le souvenir d’un instituteur militant actif du Parti Communiste Français, engagé dans la formation des élèves et la défense de l’école laïque, et très investi dans la vie locale ouvrière et rurale.

Mobilisé comme capitaine à la seconde Guerre mondiale, il trouve la mort le 15 mai 1940 à Montcornet (Aisne) lors d’une « violente attaque ennemie ». La Légion d’Honneur lui sera enfin attribuée en 1950 (J.O. du 7.1.1950) à titre posthume en régularisation du tableau spécial de 1920.

Image:square.gifImage:Space.jpgEn savoir plus : « 1914-1919 - Les actions d'éclat et la légion d'honneur posthume de Jean Lazou »

7 Croix de guerre et fourragère

11.12.2021 - Un poilu dans les tranchées de la grande guerre, blessé lors d'un assaut, étoile de vermeil, fourragère et croix de guerre : carnet militaire personnel, registre matricule (classe 1911, numéro matricule 302, archives départementales du Finistère) et Historique du 12e Cuirassiers (Gallica BnF).

Le 1er octobre 1912, Pierre Tanguy, natif du village de Quillihuec, est incorporé, et ne reviendra sur ses terres qu'en 1919, après ses 4 années de combats dans les tranchées françaises, l'armistice et des opérations en Belgique et Allemagne. Décoré de la Croix de guerre 1914-18, il se mariera en 1920 avec Marie-Jeanne Le Roux de Kerellou et sera élu maire d'Ergué-Gabéric de mai 1929 jusqu'en avril 1945.

De sa campagne au front, jusqu'en 1915 au 11e Régiment des Cuirassiers, puis à la 5e compagnie du 12e régiment des cuirassiers. D'abord simple soldat ou « grenadier », puis brigadier et enfin brigadier fourrier, il sera sur presque tous les fronts, de la Marne jusqu'en Allemagne, en passant par les Ardennes, comme en atteste son carnet militaire, tenu scrupuleusement avec indication de tous ses déplacements, batailles, et permissions.

Pierre Tanguy et son régiment de cuirassés se sont énormément déplacés pendant les 4 années de conflit, à pied essentiellement, et quelquefois en camion ou train, ces derniers déplacement étant notés « embarquements / débarquements ». Ils feront les tranchées et les camps de la Marne, Seine-et-Marne, Oise, Aisne, Meuse, Nord, Belgique, Luxembourg, Allemagne ...

Notre soldat gabéricois, pendant sa campagne de 43 mois, aura le droit à seulement 4 périodes annuelles de repos ou permission : 7 jours après Noël 1916, 10 jours de repos en aout 1917, 14 jours en septembre 1918, un mois en décembre 1918, un mois en avril 1919.

Les périodes en première ligne face à l'ennemi, dans les tranchées, attaques et retraites, sont notées de couleur rouge dans son cahier de campagne, et les périodes de repos ou de retrait du front sont intercalées en noir :

Image:right.gifImage:Space.jpgLe Mont Cornillet : Pierre Tanguy est dans les « Tranchées devant le Mont Cornillet » près de Reins du 27 octobre 1915 (il note ce jour-là la présence de « gaz ») jusqu'au 13 juin 1917.

  Image:right.gifImage:Space.jpgLe fort de la Pompelle : après avoir quitté la Champagne pour une période dans les tranchées de Somme, Oise et Aisne, il y revient un an après, du 5 mai 1917 au 16 janvier 1918, dans la zone de la Pompelle, près du Mont-Cornillet (lequel sera repris par les français le 20 mai 1917).

Là, dans la nuit du 10 mai, son régiment des 12e Cuirassiers doit faire face à une attaque surprise : « des obus de gros calibre, des projectiles lacrymogènes et incendiaires s'abattent d'abord sur les tranchées, puis l'ennemi arrive, précédé de lance-flammes dont il se sert pour arroser nos premières lignes  ».

Ce jour-là Pierre Tanguy est blessé : « Atteint au visage pour des liquides enflammés au visage au cours d'une attaque a continué le combat et ne s'est fait passer que sur l'ordre de son officier lorsque tout fut rentré dans le calme. » (inscription au registre matricule)..

Image:right.gifImage:Space.jpgSt-Pierre-Aigle : Pierre Tanguy est dans les carrières de ce village les 10 et 11 juin 1918, et pour les 3 jours suivants il note « Attaque de St-Pierre-Aigle, Couvres, Ferme Tabery. ». Sur le monument commémoratif local il est gravé : « À la gloire des soldats français et alliés qui ont combattu victorieusement sur ce plateau du 29 mai au 25 juillet 1918 ».

Image:right.gifImage:Space.jpgMort-Homme : il y est du 10 au 17 août 1918. Disparu totalement sous l'acharnement des pilonnages des obus français et allemands, c'est l'un des neuf villages français détruits durant la Première Guerre mondiale qui n'a jamais été reconstruit.

Image:right.gifImage:Space.jpgAprès l'armistice du 11 novembre, Pierre Tanguy reste incorporé dans son régiment qui poursuit sa progression vers l'Allemagne, jusqu'aux environs de Mayence, en passant par la Belgique et le Luxembourg.

Le 4 juin 1918 Pierre Tanguy est nommé brigadier, puis brigadier fourrier (chargé du ravitaillement) le 6 août 1918. Un certificat de bonne conduite lui est accordé et il est qualifié d' « excellent grenadier ».

Pour toute sa campagne, et notamment pour son acte de bravoure à la Pompelle, Pierre Tanguy reçoit aussi plusieurs décorations : « Croix de guerre. Étoile Vermeil. Port à titre individuel de la fourragère aux couleurs de la Croix de Guerre accordé au 12e Cuirassiers ». À noter que la fourragère étant l'attribut signifiant une décoration collective, elle n'est que rarement portée à titre individuel.

Image:square.gifImage:Space.jpgEn savoir plus : « 1915-1919 - Les combats de Pierre Tanguy en Marne, Somme, Aisne, Meuse et Allemagne »

8 La bannière de "Tonkin kozh"

Billet du 04.12.2021 - Une bannière pour remercier Dieu, Notre-Dame de Kerdévot et ses saints pour le retour "magnifique" d'un soldat de ses campagnes militaires au Tonkin : témoignages familiaux et registres matricules militaires des Archives Départementales du Finistère (cote 1 R 944).

« Bet ban l'Annam, ban Tonkin, ban Afriq, ha deut bet d'ar ger magnifik !  » (j'ai été à Annam, au Tonkin et en Afrique, et je suis revenu à la maison "magnifique"), ainsi s'exprimait Pierre-Marie Quintin (1861-1930) de Niverrot quand on l'interrogeait sur ses années d'opérations militaires de 1882 à 1887.

On le surnommait affectueusement « Tonkin kozh », le vieux Tonkin, et par cette expression « magnifik » il disait sa fierté d'être revenu en bonne santé de ses pays en guerre. Et pour cette bannière de procession « Tonkin 1885 » que ses parents avaient fait faire à son retour à Niverrot, Pierre-Marie répétait souvent « C'est ma bannière ».

D'ailleurs son registre matricule confirme bien son incorporation dans le 2e régiment de zouaves, et ses campagnes respectives : « En Afrique du 26 novembre 1882 au 18 janvier 1885. Expédition du Tonkin du 19 janvier 1885 au 4 juillet 1886. En Annam du 5 au 30 juin 1886. Opération d'occupation du Tonkin du 1er juillet 1886 au 3 janvier 1887. En Afrique du 4 au 16 janvier 1887. ».

On a pu penser que la bannière avait été réalisée en l'honneur d'un autre soldat du Tonkin, Corentin Signour de Keranroux, car Anatole Le Braz lors d'une description du pardon de Kerdébot en 1899 écrit : « Elle a été offerte par Signour ». Or Corentin Signour, qui est bien de la même classe que Pierre-Marie Quintin, n'est allé ni en Afrique, ni en Annam, ni au Tonkin. Certes les initiales C.S. sont brodées sur la bannière, mais elles pourraient avoir été ajoutées ultérieurement, et marquent peut-être sa contribution financière par solidarité avec les vétérans du Tonkin ou alors une appropriation du fait de la représentation de saint Corentin.

En tous cas, Pierre-Marie Quintin est bien le soldat gabéricois des 2e Zouaves, parti en campagne plus de 5 ans de chez lui, de 1882 à 1887. Il participe aux opérations coloniales dans le Sud-Oranais algérien, et aux dernières batailles de la guerre franco-chinoise dans les nouveaux protectorats français d'Annam et du Tonkin. Le passage de l'un à l'autre des fronts est détaillé dans le journal du géographe Paul Sainmont, soldat du 2e zouaves lui aussi  : «  Vive la France, vive le Colonel, vive le Commandant, en avant pour le Tonkin ! » (discours à Oran le 7 janvier 1885).

 


Pierre-Marie recevra pour ses services un certificat de bonne conduite et la médaille commémorative du Tonkin, et la bannière rouge du Tonkin est bien la sienne.

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Image:square.gifImage:Space.jpgEn savoir plus : « La bannière et la médaille de Pierre-Marie Quintin alias "Tonkin Kozh" »

9 Les finances de l'an II

Billet du 27.11.2021 - Dans le cadre d'un décret de 1793 portant sur la refonte des finances publiques, un avoué quimpérois est mandaté un an plus tard pour produire l'état de l'actif et passif de la nouvelle municipalité d'Ergué-Gabéric : document 28 L 82 des Archives Départementales du Finistère.

Charles Le Blond est un commissaire et avoué de Quimper, qui a participé avec son collège Salomon Bréhier à un certain nombre d'expertises et évaluations de biens gabéricois confisqués à la noblesse et au clergé local dans les années 1790-95.

Ici, le 8 thermidor ou 26 juillet 1794, il est chargé par le District, dans le cadre du décret du 24 août 1793 de l'an II de la République, d'établir l'état de l'actif et passif de la municipalité d'Ergué-Gabéric, cette dernière étant représentée par le maire François Laurans de Squividan et l'officier municipal Jean Le Jour de Boden.

Comme le décret de 1793 exige l'établissement d'un livre de compte dans chaque commune, l'expert Le Blond est dépêché auprès de toutes « les municipalités en retard » autour de Quimper dans la période d'un mois après la commission du 24 messidor.

Le rapport d'Ergué-Gabéric détaille tout d'abord l'actif immobilier constitué des rentes et fondations annuelles qui jusqu'à présents étaient versées aux conseils de fabrique, à savoir les corps politiques affectés à l'église paroissiale et dans chacune des chapelles de Kerdévot, St-Guénolé et St-André. L'actif dit mobilier est « le produit des comptes qu'ont deub rendre les différentes fabriques successivement » restitué en début d'année 1793 et non relatif au culte, pour une somme trouvée dans la caisse de 245 livres.

Le montant total de l'actif immobilier est de 576 livres et 5 sols, mais ces rentes et dons payées annuellement par une quarantaine de propriétaires fonciers ou domaniers sont loin d'être acquises car « les articles de rentes sont la plupart arriérés depuis la Révolution malgrez avertissements fréquents donnés de venir paier ».

Par contre les biens confisqués aux noble et clergé sont exclus du total car relevant désormais des domaines nationaux. Sont cités par exemple pour mémoire « la fondation du Cleuyou supprimée par confusion dans la propriété devenue nationale », « une rente de 48e paiable sur le clergé propriété nationale ».

 

Le premier objectif du décret du 24 août 1793 est d'ordonner « la formation d'un grand Livre pour inscrire et consolider la Dette publique non viagère ».

Mais ici en Basse-Bretagne, les assignats ou autre créance sur les fonds publics ne sont pas d'actualité, et pour Ergué-Gabéric il n'y en a rigoureusement aucune selon l'expert : « déclare aussy n'avoir aucun passif ».

Mais les objectifs secondaires sont bien « la remise et annulations des anciens titres de créances, l’accélération de la liquidation, la suppression des rentes dues aux Fabriques », et le rapport gabércicois en est l'exécution conforme.

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Image:square.gifImage:Space.jpgEn savoir plus : « 1794 - Etat de l'actif et passif de la commune et suppression des fabriques »

10 La municipalité de l'an III

Billet du 20.11.2021 - Une affichette publique, en date du 26 pluviôse de l'an 3 du calendrier révolutionnaire, pour officialiser l'installation de la municipalité d'Ergué-Gabéric après la période troublée de la Terreur : document 10 L 58 des Archives Départementales du Finistère.

Ce document pré-imprimé est émis et signé par les représentants du peuple établis à Brest, et libellé « près les ports et côtes de Brest et de L'orient ». Cette mention des cités portuaires de Brest et de Lorient est un allusion à l'organisation militaire révolu-tionnaire, à savoir notamment à l'« Armée des côtes de Brest » de Lazare Hoche, en charge de la lutte contre les Chouans et de protéger les côtes bretonnes contre un éventuel débarquement anglais.

Les représentants du peuple et du gouvernement, envoyés en mission de réorganisation à Brest en août 1794, sont Bernard Thomas Tréhouart de Beaulieu et Gilbert-Amable Faure-Conac, tous deux députés de la Convention et organisateurs du Tribunal Révolutionnaire de Brest qui, en février 1794, fait exécuter 175 personnes et condamner 66 accusés à la guillotine pour crimes contre l'intérêt général.

Le 14 février 1795 ou 26 pluviôse de l'an 3, date d'émission du document, les représentants brestois représentent encore l'autorité révolutionnaire car la fixation du chef-lieu du département dans la ville de Quimper n'a été rétabli officiellement que le 5 novembre 1794, après contestations et transfert provisoire à Landerneau.

L'annotation manuscrite en bas de document indique que « la municipalité d'Ergué-Gabéric a été installée par le soussigné Commissaire du Dictrict le 20 ventôse du 3e de la République », soit un mois plus tard le 10 mars, et que donc le représentant du district et imprimeur Jean Louis Derrien a obtempéré à la décision préalable prise à Brest.

L'installation de la municipalité gabéricoise passe par la nomination du citoyen Jean Riou, agriculteur à Creac'h-Ergué, comme maire de la commune (après Jérome Kergoulay et François Laurans). Jean Riou n'exercera son rôle que deux mois, car le 17 avril 1795 est créé le canton d'Ergué-Armel et la municipalité d'Ergué-Gabéric y étant rattachée perd son statut réel de commune jusqu'en 1800, seuls seront maintenus un agent municipal et un adjoint.

Les autres conseillers nommés dans le placard du 14 février sont répartis en quatre catégories :

 


Image:right.gifImage:Space.jpgles officiers municipaux (conseillers adjoints actuels) : « René Le Guenno de Sulvintin, Jean Gouzien de Niverrot, René Gouezou du Lec, Jean Jaouen, Allain Rannou de Kerourvois Kerdévot », le nom de Jean Le Jour de Boden, futur maire en 1800, étant rayé et remplacé pour une raison inconnue par Jean Jaouen de Poulduic.
Image:right.gifImage:Space.jpgun agent national : « Jean Crédou de Creachergué », sans doute le frère cadet de Jérôme Crédou (futur maire en 1812). Ce poste très important lors de la Terreur assure la mission de procureur, il doit représenter le gouvernement, veiller à l'ordre public et contrôler les conspirations contre l’égalité et la liberté.
Image:right.gifImage:Space.jpgles notables (simples conseillers): « Jean Le Signour, Denis Huitric, Joseph Le Roux, Pierre Lozach, Louis Le Naour, Louis Mauguen, Guénolé Laurent, René le Maguer, Jean Kernévez, Louis Michelet de Kernoguen ».
Image:right.gifImage:Space.jpgun secrétaire greffier : « Yves Kergourlai », sans doute le frère de Jerome Kergourlay (premier maire de la commune en 1790).

Image:square.gifImage:Space.jpgEn savoir plus : « 1795 - Placard brestois d'installation de la municipalité de l'an III »

11 Remonter le temps en B-17

Billet du 14.11.2021 - À partir de 1946, l'IGN (Institut Géographique National) a fait voler ses gros avions photographes, notamment les célèbres Boeing B-17, sur le territoire français et d'outre-mer afin de prendre des clichés des villes, et ... de la campagne gabéricoise.

Les cartes de randonnées IGN de la seconde moitié du XXe siècle doivent leurs précisions aux missions de photographies aériennes menées sur le territoire français avec les équipements embarqués sur des avions militaires reconfigurés à l'issue de la seconde guerre mondiale. Des milliers de clichés argentiques N&B ou couleur ont été produits et exploités.

Il y a quelques années nous avions déjà publié sur le GrandTerrier les deux premières vues aériennes de 1948 concernant le territoire de la commune d'Ergué-Gabéric. Le nouvel espace Internet de l'IGN ayant été ouvert assez récemment avec ce nom très évocateur (« Remonter le temps ») et mettant à disposition l'intégralité des photos numériques, il était temps pour nous de compléter cette collection par les éléments dématérialisés suivants :

  • les clichés supplémentaires de 1948 couvrant les villages manquants sur les deux premiers.
  • les vues aériennes des années suivantes, toujours en noir-et-blanc : 1952, 1961, 1968, 1978.
  • les photos couleurs réalisées en 1993.
Au total 31 vues aériennes ont été ajoutées. Chaque photo aérienne est positionnée sur une carte actuelle de la commune, soit par exemple le cliché 47 du 24 mai 1952 (partie sud-ouest du Stangala à Lezergué) :
  Les photos numériques de l'IGN se présentant au départ sous forme de fichiers de haute résolution (fichier jp2 de 10000 pixels), nous les avons convertis au format du logiciel Zoomify pour permettre une navigation plus aisée à l'écran.

Pour chaque fenêtre Zoomify les villages ou lieux-dits sont repérés par un symbole "hotspot", à l'instar du bourg sur la vue aérienne couleur du 20 août 1993 :

Si l'on analyse la situation topographique de 1948-1993, on notera de nombreuses différences par rapport à aujourd'hui : des quartiers en construction (au Rouillen notamment), des routes aux tracés différents, des zones naturelles sans habitations et sans industries, des superficies de champs nettement plus petites. L'évolution du paysage est celle d'un territoire qui urbanise : la population constante de 2600 habitants de 1900 à 1948 s'accroit rapidement à partir de 1970 pour atteindre 6600 en 1993.

La liste alphabétique détaillée des hameaux et lieux dits est également annexée après les vues aériennes, avec un lien sur l'article toponymique et cartographie. La cartographie comparée de chaque village sera progressivement enrichie par le zoom sur les clichés de 1952 à 1993, comme cela avait été fait pour les vues aériennes de 1948.

Image:square.gifImage:Space.jpgEn savoir plus : « Espace des missions aériennes de l'IGN entre 1948 et 1993 »

12 Retables flamands de la Vierge

Billet du 06.11.2021 - Analyse de l’ordonnancement des deux retables de la Vierge de Kerdévot et de Ternant (Nièvre), de leurs datations respectives et ateliers d'origine, des études et plaquettes consacrées à Ternant, et enfin un reportage photo GT dans le village sud-nivernais en fin d'été 2021.

Dans l'église Saint-Roch de Ternant, deux magnifiques retables portant l'un sur la Mort de la Vierge, et l'autre sur la Passion du Christ, ont été commandés par la famille de Ternant au XVe siècle. Le retable de la Vierge, issu d'un atelier flamand, se présente comme un triptyque dont les volets peints pouvaient se rabattre sur les panneaux sculptés centraux, les panneaux sculptés formant un T renversé.

À Kerdévot les panneaux initiaux du retable de la Vierge se présentent aussi comme un T renversé, les deux scènes latérales supérieures ayant été ajoutées plus tard. Et la présentation est très voisine de celle de Ternant : registre inférieur avec ses 3 scènes centrées sur la dormition, scène supérieure avec le couronnement.

Plus précisément, si l'on compare les éléments de Kerdévot (avant le vol de 1973) et de Ternant, les 4 scènes se présentent ainsi :

Image:Right.gifImage:Space.jpgScène 1 : l'Adoration des bergers à Kerdévot, la Visite des apôtres à Ternant. Dans les deux cas les visiteurs expriment leur déférence à la Vierge.

Image:Right.gifImage:Space.jpgScène 2 : la Dormition sur les deux retables. Les deux scènes sont presque identiques : la Vierge est de profil sur son lit mortuaire, les apôtres l'entourent, saint Jean imberbe tout près, des lecteurs qui prient au premier rang ...

la Dormition de Ternant
la Dormition de Ternant

Image:Right.gifImage:Space.jpgScène 3 : les Funérailles sur les deux retables. Le convoi funèbre et son brancard porté par saint Paul, saint Jean en tête, les juifs au sol avec les mains coupées (deux à Ternant, quatre à Kerdévot où elles restent collées au brancard).

Image:Right.gifImage:Space.jpgScène 4 : le Couronnement à Kerdévot, et à Ternant l'Asomption complétée du Couronnement sur 2 volets peints. La trinité y est présente : Dieu le Père couronné à gauche, le Christ à droite, la colombe du Saint-Esprit au centre (plus en hauteur à Kerdévot), les anges (musiciens à Kerdévot).

Le retable de Ternant est daté de vers 1440, via une donation de Philippe de Ternant (1400-1456), membre du Conseil du duc de Bourgogne et chevalier de la Toison d'Or. Il est représenté, ainsi que son épouse Isabeau de Roy, sur les deux volets peints extrêmes du retable.

Depuis les études récentes, notamment celle de Serge Bernard et de Fabrice Cario en 2003, on attribue les deux retables de Ternant à un atelier de Bruxelles, qualifié de brabançon ou de flamand car le duché de Brabant englobait les Pays-bas actuels et une partie de la Belgique. Ceci bien qu'aucune marque de guilde ne soit visible sur les statues, prédelle et balustrades.

 


La plaquette de présentation, visible sur place dans l'église de Ternant, confirme l'hypothèse flamande : « L'étude du style des sculptures de la période 1430/40-1460 (drapé assez lourd, proportions assez trapues et attitudes statiques) permet de proposer l'hypothèse d'un atelier bruxellois », et avance l'âge du chêne qui constitue la structure de l’œuvre, les statues étant sculptées dans des blocs de noyer : « L'arbre de 350 ans a été abattu entre 1425 et 1450 maximum. »

Le livre savant de René Journet conclue à l'unicité de l’œuvre : « Ce retable de Ternant est le seul connu illustrant le cycle de la Dormition et de la Glorification de la Vierge. »

Mais il existe bien à Kerdévot - pour lequel on ne connaissait pas d'équivalent non plus -, un retable très similaire à celui de Ternant, se partageant une même scénographie avec des personnages d'environ 30 cm, sculptés et dorés. Le triptyque de la Vierge de Ternant est peut-être un peu plus simple pour ce qui concerne sa partie sculptée, les statuettes de chaque scène sont amalgamées dans des blocs de noyer, alors qu'à Kerdévot elles sont finement ciselées et indépendantes.

Du plus, pour Kerdévot, on a bien les marques de fabrique des ateliers flamands d'Anvers et de Malines, et la proposition d'une datation à 1480, soit quarante ans après celui de la Vierge de Ternant dont le style semble effectivement plus ancien.


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Image:square.gifImage:Space.jpgEn savoir plus : « Les deux retables de la Vierge d'origine flamande et du 15e siècle à Ternant et Kerdévot », « JOURNET René - Deux retables du XVe siècle à Ternant », « BERNARD Serge & CARIO Fabrice - Les retables de Ternant »

13 Les aventuriers de l'arche perdue

Billet du 30.10.2021 - Dans la vallée de l'Odet entre Kermadoret et Creac'h-Ergué, le vieux pont médiéval de sant Alar que l'on croyait disparu : redécouverte du lieu en octobre 2021, galerie de croquis et de photos, géolocalisation et carte IGN, souvenirs des anciens.

Par un bel automne ensoleillé, quatre aventuriers - Mann Kerouredan, Jean-Noël Le Du, Jean-Pierre Le Grall et votre serviteur - sommes partis à la recherche de ce pont mystérieux sur l'Odet. Et le résultat est là : le magnifique pont de saint Eloi est toujours là, joignant les rives d'Ergué-Gabéric et de Landudal, et il mérite qu'on s'y intéresse.

Depuis la rive gauche gabéricoise, le pont est difficilement accessible et dans les bois, à la limite ouest du bief du moulin de Kergonal et près de la maison ruinée de Pont-Saint-Eloi, précisément au point géolocalisé en 48.038054 x - 3.996067 sur la carte IGN :


Mais c'est de la rive de Landudal qu'on peut mieux appréhender la dimension et la beauté de l'ouvrage : il suffit de d'emprunter le chemin agricole qui descend du village de Kermadoret et de longer un champ cultivé - en maïs en 2021 - sur sa partie orientale.

  Le pont est formé de 3 ilots de rochers consolidés en pierres de tailles, le premier du côté gabéricois étant la berge du bief de Kergonan. Une épaisse dalle de pierre de 4 mètres environ de long est toujours posée en équilibre sur les deux ilots centraux. On dirait un pont médiéval, et sa structure est bien conservée encore, malgré les crues et intempéries qui ont emporté deux dalles dans leur flot.

Pourquoi avoir dédié ce lieu à sant Alar ? Tout simplement parce que ce personnage de légende aux noms multiples (Alar, Eloi, Alour, Alanus) , ermite et évêque de Quimper, saint protecteur des orfèvres, forgerons et des chevaux, est très vénéré localement. Sur le coteau de Creac'h-Ergué Il avait sa fontaine (aujourd'hui démantelée) et ses champs ("parc sant Alour") ; sa statue est exposée à la chapelle de Kerdévot, le site et les légendes de Stangala, plus proche de Quimper, lui sont dédiés, et la vallée entre Kermadoret et Creach-Ergué était appelée aussi autrefois Stang-Sant-Alar.

Le pont, aujourd'hui en-dehors des circuits de promenade, les pêcheurs étant de moins en moins nombreux à fréquenter la nature qui devient de plus en plus envahissante, avait autrefois une utilité : il servait de passage pour les pèlerins de Compostelle qui avaient fait leur dévotions à la fontaine saint Jacques voisine (près de la chapelle de St-André) et surtout les meuniers gabéricois des deux moulins voisins de Kergonan et de Coat-Piriou.

Ces derniers livraient par là leurs sacs de farine sur les rives droites de Briec et de Landudal, après avoir doté le pont d'une structure de bois : « De chaque côté de la rive ils lancèrent une passerelle de fortune faite d'un ou plusieurs troncs, fixèrent deux pieux de bois de 1m de haut à chaque extrémité des troncs et relièrent ces deux pieux par une branche pour former une rambarde précaire.  » (Jean Guéguen, Bull. Comm. 1982).

Aujourd'hui le pont n'a plus d'utilité de circulation et de communication, mais, pour honorer la mémoire de nos prédécesseurs, ne devrait-on pas consolider l'ouvrage et aménager un circuit de randonnée, voire étendre le GR n° 38 qui passe sur les deux rives non loin de là ?

Image:square.gifImage:Space.jpgEn savoir plus : « L'arche perdue du vieux pont de sant Alar »

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