Le suicide aux charbons ardents de Jean-Marie Déguignet en 1902 - GrandTerrier

Le suicide aux charbons ardents de Jean-Marie Déguignet en 1902

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-Dans les journaux locaux on lit cet entrefilet : « <i>M. le commissaire de police trouvait jeudi matin dans son courrier une lettre d'un sieur Jean-Marie Déguignet, ex-débitant, domicilié au n° 17 de la rue du Pont-Firmin l'informant de sa détermination d'en finir avec la vie.</i> » et s'en suit la description de la découverte d'un corps inanimé et asphyxié près d'un « <i>réchaud rempli de charbons ardents</i> » et dans une chambre calfeutrée a priori volontairement.+Dans les journaux locaux on lit cet entrefilet : « <i>M. le commissaire de police trouvait jeudi matin dans son courrier une lettre d'un sieur Jean-Marie Déguignet, ex-débitant, domicilié au n° 17 de la rue du Pont-Firmin l'informant de sa détermination d'en finir avec la vie</i> » et s'en suit la description de la découverte d'un corps inanimé et asphyxié près d'un « <i>réchaud rempli de charbons ardents</i> » et dans une chambre calfeutrée a priori volontairement.
Dans la relation précise des faits dans ses cahiers manuscrits, le suicidaire confirme l'existence et le contenu de la lettre écrite la veille : « <i>Demain je vous prie de vouloir bien faire enlever mon cadavre. Vous trouverez chez moi des livres, des manuscrits et de nombreuses lettres, vous en ferez ce que vous voudrez. Je vous demande pardon des embarras que je vais vous causer, adieu Déguignet !</i> ... Dans la relation précise des faits dans ses cahiers manuscrits, le suicidaire confirme l'existence et le contenu de la lettre écrite la veille : « <i>Demain je vous prie de vouloir bien faire enlever mon cadavre. Vous trouverez chez moi des livres, des manuscrits et de nombreuses lettres, vous en ferez ce que vous voudrez. Je vous demande pardon des embarras que je vais vous causer, adieu Déguignet !</i> ...

Version du 19 septembre ~ gwengolo 2020 à 10:42

Image:Espacedeguignetter.jpg En avril 1902, la fin brutale de sa location de chambre rue du Pont-Firmin à Quimper lui ayant été signifiée par son propriétaire, Déguignet essaie de mettre fin à ses jours, il explique les circonstances dans ses mémoires et les journaux locaux en parlent.

Extraits du Cahier manuscrit n° 22 de ses Mémoires et coupures des journaux « Le Finistère » [1] et « Le Courrier du Finistère » [2].

Autres lectures : « DÉGUIGNET Jean-Marie - Mémoires d'un Paysan Bas-Bretone » ¤ « DÉGUIGNET Jean-Marie - Histoire de ma vie, l'Intégrale » ¤ « BABONNEAU Christophe et BETBEDER Stéphane - Mémoires d'un paysan bas-breton Tome 1 » ¤ « Les 24 cahiers manuscrits de la seconde série des mémoires de Jean-Marie Déguignet » ¤ 

1 Présentation

Dans les journaux locaux on lit cet entrefilet : « M. le commissaire de police trouvait jeudi matin dans son courrier une lettre d'un sieur Jean-Marie Déguignet, ex-débitant, domicilié au n° 17 de la rue du Pont-Firmin l'informant de sa détermination d'en finir avec la vie » et s'en suit la description de la découverte d'un corps inanimé et asphyxié près d'un « réchaud rempli de charbons ardents » et dans une chambre calfeutrée a priori volontairement.

Dans la relation précise des faits dans ses cahiers manuscrits, le suicidaire confirme l'existence et le contenu de la lettre écrite la veille : « Demain je vous prie de vouloir bien faire enlever mon cadavre. Vous trouverez chez moi des livres, des manuscrits et de nombreuses lettres, vous en ferez ce que vous voudrez. Je vous demande pardon des embarras que je vais vous causer, adieu Déguignet ! ...

Et il décrit ensuite sa détermination : « Après avoir tout disposé pour le départ, j'allais encore très gaiement boire quelques verres avec les amis. J'attendis vers minuit avant d'allumer mon charbon, puis je me couchais philosophiquement la tête près du fourneau. ». Sa décision est motivée par les persécutions subies depuis de nombreux années et la goutte qui fait déborder le vase : « Je viens de recevoir de mon propriétaire l'ordre de quitter mon trou dans lequel je vis depuis douze ans, sous prétexte que les voisins se sont plaints des poux lesquels, parait-il, vont de mon trou dans leur chambre ».

Mais les choses ensuite ne se passent pas exactement comme prévu. Le matin il se réveille très difficilement, constatant que le charbon (qu'il a acheté pour deux sous après avoir vendu quelques vêtements à un chiffonnier) et la chandelle ne se sont pas consumés entièrement. Se considérant comme « à moitié ressuscité, il rallume le tout, se rendort, et est ranimé par le commissaire et les agents de police qui sont rentrés en fracturant la porte de sa chambre.

Les articles de journaux explique l'acte du « maheureux / désespéré » par le diagnostic médical communiqué par le médecin hospitalier, à savoir « monomanie de la persécution » et la décision d'un internement d'office.

Quelques mois plus tard, depuis son lit d'hôpital, Déguignet s'insurge en adressant une lettre au docteur Koffec : « Vous avez déclaré par voie de journaux que j'étais fou et que je devais être interné. Déclarez maintenant que cela n'est pas vrai que le sieur Déguignet est plus saint d'esprit que de corps ... ».

 
(bulle de Christophe Babonneau, BD "Mémoires d'un paysan bas-breton T. 1")

Il défend même l'idée d'un droit au suicide de fin de vie : « Ce n'est du reste que le christianisme qui a créé ce malentendu en faisant d'un suicide un crime lorsqu'ailleurs on en fait une vertu, en déshonorant la mémoire du mort, quand ailleurs on l'honore. ».


2 Transcriptions

Article du Finistère du 12 avril 1902

Un désespéré.

La semaine dernière, M. Téréné, commissaire de police de Quimper, recevait une lettre de M. Jean Déguignet, 68 ans, ancien débitant, qui lui annonçait son intention de se suicider. Aussitôt, M. Téréné se rendit au domicile de ce malheureux, rue du Pont-Firmin, 17, au 3e étage ; il enfonça la porte, qui était solidement barricadée, et entra dans l'appartement.

La pièce était remplie de fumée ; sur le parquet, se trouvait un réchaud rempli de charbons ardents ; Jean Déguignet était étendu sur son lit, inanimé. Aussitôt la chambre fut aérée et les soins les plus empressés furent donnés au malheureux qui reprenait ses sens quelques instants après.

Jean Déguignet avait reçu les jours précédents de son propriétaire l'ordre de quitter la maison ; comme il est atteint de la monomanie de la persécution on croit que c'est pour ce motif qu'il a cherché à se donner la mort.


Article du Courrier du Finistère du 19 avril 1902

Tentative de suicide

M. le commissaire de police trouvait Jeudi matin ans son courrier une lettre d'un sieur Jean-Marie Déguignet, ex-débitant, domicilié au n° 17 de la rue du Pont-Firmin l'informant de sa détermination d'en finir avec la vie.

Le magistrat se rendit aussitôt à l'adresse indiquée, en compagnie de son secrétaire. La porte du cabinet qu'occupait Déguignet au 2e étage était fermée et barricadée en dedans avec une table.

D'un coup d'épaule le secrétaire la fit sauter. Aussitôt les deux hommes furent enveloppés par un épais nuage de fumée ; ils pénétrèrent cependant ans la pièce et trouvèrent étendu sur son lit le désespéré qui ne donnait plus signe de vie. Au milieu de la chambre, dont les ouvertures avaient été soigneusement bouchées, brûlait un réchaud de charbon. On ouvrit la fenêtre, on établit un courant d'air, on fit respirer du vinaigre à l'asphyxié qui, au bout de vingt minutes, avait repris ses sens.

Ce vieillard, âgé de 68 ans, s'était déterminé au suicide parce que son propriétaire lui avait donné congé ces jours derniers.

Transporté à l'hôpital, il a été examiné par M. le docteur Coffec, qui a reconnu en lui la manie de la persécution et a conclu à son internement.

 

Pages 35-41 du cahier n° 22 des mémoires Déguignet

Mais ici je suis obligé de m'arrêter pour une affaire personnelle qui n'a je pense rien de politique à moins que les procès se mêlent aussi quelquefois de ces affaires. En effet, je viens de recevoir de mon propriétaire l'ordre de quitter mon trou dans lequel je vis depuis douze ans, sous prétexte que les voisins se sont plaints des poux lesquels, parait-il, vont de mon trou dans leur chambre quoique ces bonnes bestioles que je connais depuis soixante ans ne quittent jamais les os d'un minable sur lequel ils sont mis. Moi j'ai eu il est vrai pour compagnons de toute ma vie ces bestioles plus ou moins inoffensives, plus inoffensives que les puces et les punaises, j'aime autant avoir ces bonnes ... [scan incomplet]

Car il y a certes plein de bravoure et de courage à se tuer soi-même qu'à tuer un autre. Il est plus pénible assurément de se deffaire d'un bien légitime qui vous appartient que de détruire un bien qui ne vous appartient pas, surtout quand ce bien vous porte ombrage et préjudice. Ce n'est du reste que le christianisme qui a créé ce malentendu en faisant d'un suicide un crime lorsqu'ailleurs on en fait une vertu, en déshonorant la mémoire du mort, quand ailleurs on l'honore. Je verrais peut-être chez un citoyen jeune encore qui se suiciderait pour se soustraire aux charges qui lui incomberaient dans la société. Mais pas chez un citoyen devenu inutile et à la charge de sa famille et de la société.

§ On a vu qu'au commencement de ma vie ...


Pages 66-68 du cahier n° 22 des mémoires Déguignet

Maintenant un médecin a pu me mettre hors la loi et hors l'humanité, me condamnant à mort avec dégradation civique. ~Lettre adressée au médecon Jossec le 1er juillet 1902 ... Voici la lettre que je viens de lui écrire.

Monsieur le docteur. Vous voyez bien que je suis de trop dans ce monde, et j'aurais raison de vouloir le quitter, non pas, comme vous avez déclaré dans un acte de démence, mais dans la plénitude de ma raison et de ma volonté ... Vous avez déclaré par voie de journaux que j'étais fou et que je devais être interné. Déclarez maintenant que cela n'est pas vrai que le sieur Déguignet est plus saint d'esprit que de corps ...

Lettre adressée au Docteur Koffec le 5 juillet 1902.


3 Documents

4 Annotations

  1. Le Finistère : journal politique républicain fondé en 1872 par Louis Hémon, bi-hebdomadaire, puis hebdomadaire avec quelques articles en breton. Louis Hémon est un homme politique français né le 21 février 1844 à Quimper (Finistère) et décédé le 4 mars 1914 à Paris. Fils d'un professeur du collège de Quimper, il devient avocat et se lance dans la politique. Battu aux élections de 1871, il est élu député républicain du Finistère, dans l'arrondissement de Quimper, en 1876. Il est constamment réélu, sauf en 1885, où le scrutin de liste lui est fatal, la liste républicaine n'ayant eu aucun élu dans le Finistère. En 1912, il est élu sénateur et meurt en fonctions en 1914. [Ref.↑]
  2. Le « Courrier du Finistère » est créé en janvier 1880 à Brest par un imprimeur Brestois, Jean-François Halégouët qui était celui de la Société anonyme de « l'Océan » qui éditait à Brest depuis 1848 le journal du même nom, et par Hippolyte Chavanon, rédacteur en chef commun des deux publications. Le but des deux organes est de concourir au rétablissement de la monarchie. Le Courrier du Finistère est, de 1880 à 1944, un journal hebdomadaire d'informations générales de la droite légitimiste alliée à l'Église catholique romaine jusqu'au ralliement de celle-ci à la République. Il est resté ensuite le principal organe de presse catholique du département, en ayant atteint un tirage remarquable de 30 000 exemplaires en 1926. Rédigé principalement en français, il fait une place remarquable à la langue bretonne, qui est, alors, pour certains ruraux, la seule langue lisible, grâce à l'enseignement du catéchisme. Ayant continué de paraître pendant l'Occupation allemande (1940-1944), Le Courrier du Finistère fait l'objet d'une interdiction de parution. Pour lui faire suite, le diocèse de Quimper a suscité la création d'un hebdomadaire au contenu unique, mais sous deux titres, le Courrier du Léon et le Progrès de Cornouaille. [Ref.↑]


Thème de l'article : Ecrits de Jean-Marie Déguignet

Date de création : Mai 2020    Dernière modification : 19.09.2020    Avancement : Image:Bullorange.gif [Développé]