Le conte de Noël du Korrigan et du retable de Kerdévot - GrandTerrier

Le conte de Noël du Korrigan et du retable de Kerdévot

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Catégorie : Mémoires+ Patrimoine
Site : GrandTerrier

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Une histoire pleine de fantaisie, écrite en 2002 par les enfants et les anciens de la commune, qui finit comme un conte de Noël et qu'un écrivain public créatif a retranscrite avec un indéniable don d'évocation poétique.

Ces dernières scènes sont localisées dans un supermarché du quartier du Rouillen et dans la chapelle de Kerdévot.

Autres lectures : « LEMAIRE Dominique - Le retable aux korrigans » ¤ « Exploration et réhabilitation de la véritable grotte des nains d'Odet » ¤ « La nativité du retable de Kerdévot » ¤ « Retable flamand de Kerdévot » ¤ « La reine mère en visite à Kerdévot, Ouest-France 1990-2009 » ¤ 

[modifier] 1 Intro et final du conte

À l'issue de l'atelier d'écriture de Dominique Lemaire [1] en 2002 à Ergué-Gabéric, le texte produit commençait ainsi : « Au temps où la forêt n’était encore qu’une forêt, noire en novembre et claire en mai, vivait à Keranguéo, au lieu dit "la grotte aux nains", un korrigan de bonne famille et d’excellente éducation. »

Et s'en suit une belle balade du petit korrigan au pays des chiffons et des paotred, pour finir en pleine féerie de Noël.

* * *

. . . Le korrigan à moitié groggy sentit qu’il s’envolait. Il plana, Saint Guénolé à bâbord, le bourg à tribord, à l’aplomb de Kerdual, jusqu’aux usines et la voie express, jusqu’au grand magasin Champion. A la réception, la couture du ballon céda, le Korrigan glissa, glissa et atterrit en bout de course au rayon frais du supermarché. Le paradis ! Comme sur sa pierre autrefois, on avait disposé des pommes rouges et du pain blanc. Le goût n’était pas celui d’hier, mais c’était si bon de manger après de pareilles émotions. Entre les rayons passaient des habitants du Rouillen, de Lestonan et du Bourg qui se saluaient en souriant. Le korrigan avait une faim de loup. Il dévora tout ce qu’il trouva à sa portée, le pain, le beurre et les pommes, les galettes et l’andouille, le miel et la saucisse. Il avait cent cinquante ans de jeûne à rattraper. Comme un humain, il continua à manger sans avoir faim. Un coup de cidre pour faire passer et, comme un humain, un coup de vin pour ne pas rester sur une patte. Comme un humain, voilà qu’il découvrit sa main, dans le pot de miel, ses petits pieds rouge sur les oranges jaunes. Cela aussi les légendes des korrigans le racontaient : à trop fréquenter les hommes, on perd son pouvoir d’invisibilité. C’était exactement ce qui était en train de lui arriver. A deux gondoles des produits frais, on proposait aux chalands toutes sortes de décorations pour Noël. Le Korrigan se glissa parmi les santons de la crèche et, pour parfaire son déguisement, se colla un code barre sur le ventre.

— Maman, regarde le grand berger, il est drôle avec son nez rouge et sa bouche de travers ! On peut l’acheter ? S’il te plaît ...

Sans attendre de réponse, le gamin installa le korrigan entre le baril de lessive et la litière du chat. Le soir même, il trônait en vedette sur la cheminée entre deux figurines de plâtre peu bavardes qui attendaient le petit Jésus qu’on ne mettrait en place qu’à minuit. Quand tout le monde fut couché, après les cadeaux, le chat de la maison monta sur la table face à la cheminée et regarda longuement le nouveau venu d’un air qui ne laissait guère de doute sur ses intentions.

— Tu peux bien jouer la statue, dit le chat. Je sais ce que tu es. Je t’ai senti. Après les fêtes, on te rangera dans une boîte, et moi, je sais où on range les boîtes. Du korrigan, ça me changera des conserves ...

Dès que le chat eut regagné la chambre du petit garçon, le Korrigan s’enfuit sans plus attendre. Maintenant qu’il était visible, il n’était pas question de revenir à la grotte des nains. Le ciel était plein d’étoiles. Il suivit la route qu’indiquait celle qui brillait le plus fort et arriva bientôt à la chapelle de Kerdevot.

— Je crois que je touche au but, murmura-t-il dans la nuit. Deux grands boeufs blancs qui paissaient dans le pré acquiescèrent gravement en hochant la tête. Le Korrigan entra dans la chapelle, salua respectueusement les dames patronnes et vint prendre sa place dans le retable auprès de deux autres bergers.

— Bonsoir, dit-il

— Bonsoir, répondirent les deux autres. Comment tu es arrivé ici ?

 

—Je ne sais pas, dit le nouveau korrigan du retable, c’est une longue histoire, mais je ne suis pas certain d’avoir tout compris.

— Comme nous, dit un berger. Tu verras, on est bien ici. On a des fleurs et des fêtes. Les humains s’occupent bien de nous. Un jour, ils nous ont même amené la reine d’Angleterre pour qu’on la voie. Tu sais ce qu’elle a dit en entrant ?

— Splendid, but where is the castle ? fit le second berger en essayant de prendre l'accent british. Les trois éclatèrent de rire, mais une voix gronda au-dessus de leur tête.

— Taisez-vous les bergers, si vous nous faites repérer, on finira tous dans un musée.

— C’est qui ? souffla le korrigan.

— Lui, c’est Dieu le Père. Il habite au troisième. Il connaît bien les hommes, il a toujours peur qu’il y ait des problèmes avec eux.

— et Marie, Joseph, le petit Jésus, ils sont où ?

— Chut, firent ensemble les deux bergers. Maintenant, tu es une œuvre d’art.

— D’accord, chuchota le Korrigan de Keranguéo. Ce fut son dernier mot.

Inédit ©Dominique Lemaire 2002.

[modifier] 2 La nativité de Kerdévot

[modifier] 3 Annotations

  1. Romancier, producteur acteur de théâtre, Dominique Lemaire est surtout connu pour ses séances d'écrivain public lors desquelles il produit des œuvres de collectage dans de nombreuses villes et villages de France. Formés de fragments des témoignages locaux de toutes générations, ses contes et nouvelles sont des révélations. Son site Internet : Le Geste à la Parole [Ref.↑]


Thème de l'article : Patrimoine culturel d'Ergué-Gabéric

Date de création : Décembre 2015    Dernière modification : 30.12.2015    Avancement : Image:Bullorange.gif [Développé]