Le 15e siècle gothique et renaissant de la chapelle de Kerdévot - GrandTerrier

Le 15e siècle gothique et renaissant de la chapelle de Kerdévot

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-Il y a dans la chapelle un retable doré très ancien et restauré à plusieurs occasions. Ses quatre scènes d'origine en T inversé sont passées par les mains d’ateliers flamands du 15e siècle : « Le retable de Kerdévot n'est pas une œuvre exclusivement anversoise et du XVIe siècle comme on l'a souvent dit, mais un travail mixte de la fin du siècle précédent » (Gildas Durand). +Il y a dans la chapelle un retable doré très ancien et restauré à plusieurs occasions. Ses quatre scènes d'origine en T inversé sont passées par les mains d’ateliers flamands du 15e siècle : « <i>Le retable de Kerdévot n'est pas une œuvre exclusivement anversoise et du XVIe siècle comme on l'a souvent dit, mais un travail mixte de la fin du siècle précédent</i> » (Gildas Durand <ref name="GildasDurand">{{PR-GildasDurand}}</ref>).
-La suite sur le retable : {{Tpg|Les marques de fabrique des ateliers flamands du 15e siècle sur le retable de Kerdévot}}+La suite : {{Tpg|Les marques de fabrique des ateliers flamands du 15e siècle sur le retable de Kerdévot}}
-La statue de Notre-Dame de Kerdévot est aussi une pièce incontournable qui au siècle précédent était placé au-dessus du retable flamand. Elle correspond au thème iconographique de la « <i>Maestà</i> », très en faveur à la fin du Moyen-Age et à la Renaissance.+La statue de Notre-Dame de Kerdévot est aussi une pièce incontournable qui a été remise en perspective par Gildas Durand <ref name="GildasDurand">{{PR-GildasDurand}}</ref> qui la date du siècle de la construction de la chapelle : « <i>La Maestà de Kerdévot date probablement de la seconde moitié du 15e siècle, et semble-t-il plus précisément du dernier tiers de ce siècle. Cela coïncide trop avec la période de construction de la chapelle pour ne pas proposer une importation contemporaine, ou de peu postérieure</i> ».
-La Maestà est un terme italien désignant la Vierge Marie en majesté et de face, dans une attitude hiératique, assise sur un trône, entourée d'anges, et portant éventuellement son enfant Jésus. La représentation du trône y est matériellement importante et imposante.+Son article complet sur la statuaire de Kerdévot est publié en 1989 dans le cadre du cinquième centenaire de la chapelle de Kerdévot. Il est complété par une étude parue en parallèle dans les dossiers du Centre régional archéologique d'Alet.
-À partir de 1525-30 les ateliers d’art flamands ont produit des œuvres de Maestà entourée d’angelots. +Pour lui, la provenance de la maestà de Kerdévot n'est pas flamande comme l'autre oeuvre majeure de Kerdévot (le retable) : « <i>Toutes les références nordiques que l’on pourrait trouver à An Intron Varia Kerdevot sont des œuvres italianisantes. C’est bien en Italie qu’il faut chercher des répondants à l’œuvre d’Ergué-Gabéric</i> ».
-Mais, si l’on en croit Gildas Durant, grand connaisseur des origines de la statuaire bretonne, la provenance de la <i>maestà</i> de Kerdévot est toute autre : « <i>Toutes les références nordiques que l’on pourrait trouver à An Intron Varia Kerdevot sont des œuvres italianisantes. C’est bien en Italie qu’il faut chercher des répondants à l’œuvre d’Ergué-Gabéric</i> ».+Elle correspond au thème iconographique de la « <i>Maestà</i> », très en faveur à la fin du Moyen-Age et à la Renaissance. La Maestà est un terme italien désignant la Vierge Marie en majesté et de face, dans une attitude hiératique, assise sur un trône, entourée d'anges, et portant éventuellement son enfant Jésus. La représentation du trône y est matériellement importante et imposante.
-Les visages de la Vierge et des angelots ne sont ni bretons, ni nordiques. Le drapé, nullement flamand, est lui aussi italien dans son rejet des cassures trop marquées. Le voûtement du trône par une grande valve de coquille saint Jacques se retrouve notamment dans Botticelli et Cosmé Tura.+À partir de 1525-30 les ateliers d’art flamands ont produit des œuvres de Maestà entourée d’angelots. Les visages de la Vierge et des angelots ne sont ni bretons, ni nordiques. Le drapé, nullement flamand, est lui aussi italien dans son rejet des cassures trop marquées. Le voûtement du trône par une grande valve de coquille saint Jacques se retrouve notamment dans Botticelli et Cosmé Tura.
-La comparaison à d’autres réalisations italiennes apporte des éléments pour déterminer la date de la statue de Kerdévot. Par exemple en 1488, la Vierge de Lorenzo Costa avec ses angelots musiciens et motifs <i>all'antica</i>. +La comparaison à d’autres réalisations italiennes apporte des éléments pour déterminer la date de la statue de Kerdévot. Par exemple en 1488, la Vierge de Lorenzo Costa avec ses angelots musiciens et motifs <i>all'antica</i>. La Maestà d’Allesandro Botticelli de Florence date de 1487. La conception du trône fait penser à celui d’Ercole de Roberti réalisé en 1475.
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-La Maestà d’Allesandro Botticelli de Florence date de 1487. La conception du trône fait penser à celui d’Ercole de Roberti réalisé en 1475.+
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-La conclusion de Gildas est : « <i>La Maestà de Kerdévot date probablement de la seconde moitié du 15e siècle, et semble-t-il plus précisément du dernier tiers de ce siècle. Cela coïncide trop avec la période de construction de la chapelle pour ne pas proposer une importation contemporaine, ou de peu postérieure</i> ».+
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-Pour lui, il s’agit d'une « <i>grande oeuvre importée d'Italie</i> » à laquelle il y a lieu « <i>d’attribuer la paternité à un atelier du Nord de l'Italie</i> », et plus précisément « <i>des années 1480 comme période où ces madones étaient à la mode, entourés de riches et puissantes architectures renaissantes, aux décors parfois symboliques, et auréolées de putti.</i> »+Pour Gildas Durand, il s’agit d'une « <i>grande oeuvre importée d'Italie</i> » à laquelle il y a lieu « <i>d’attribuer la paternité à un atelier du Nord de l'Italie</i> », et plus précisément « <i>des années 1480 comme période où ces madones étaient à la mode, entourés de riches et puissantes architectures renaissantes, aux décors parfois symboliques, et auréolées de putti.</i> »
Et enfin, « <i>Par sa majesté, la Maestà de Kerdévot mérite un renom autrement plus grand que celui dont elle aura bénéficié jusqu'alors.</i> » Et enfin, « <i>Par sa majesté, la Maestà de Kerdévot mérite un renom autrement plus grand que celui dont elle aura bénéficié jusqu'alors.</i> »

Version du 4 mai ~ mae 2018 à 11:01

Catégorie : Patrimoine
 Site : GrandTerrier

Statut de l'article :
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§ E.D.F.
La chapelle de Notre-Dame de Kerdévot, « Intron-Varia Kerzevot », est un bel exemple d’architecture gothique du 15e siècle, tout comme la cathédrale de Quimper, avec des apports extérieurs au duché de Bretagne comme son retable flamand et sa "Maestà" italienne.

Résumé des travaux des spécialistes Roger Barrié [1], Philippe Bonnet [2] et Gildas Durand [3].

Autres lectures : « MORVAN Jean-Louis - La chapelle de Kerdévot » ¤ « BARRIÉ Roger - La construction de la chapelle de Kerdévot au XVème siècle » ¤ « BONNET Philippe - Historique et description de la chapelle de Kerdévot » ¤ « DURAND Gildas - La statuaire à Kerdévot » ¤ « Les marques de fabrique des ateliers flamands du 15e siècle sur le retable de Kerdévot » ¤ « Espace Chapelle de Kerdévot » ¤ 

1 Les chantiers gothiques, 1439 - 1489

En 1439, dans un document rédigé en latin, il y a cette mention de la chapelle de Kerdévot : « Item do volo et lego ecclesia sen capelle beate maria de Kerzevot in parochia de ergue gaberic duae ad librae cira » (Et ceci aussi je veux et lègue à l'église ou chapelle sainte Marie de Kerdévot en la paroisse d'Ergué-Gabéric deux livres de cire), attestant d’un don de cire de cierges pour éclairer la chapelle et peut-être comme aujourd'hui pour y faire des vœux.

Tout au long du 15e siècle plusieurs chantiers successifs ont été menés pour finaliser l’élévation de la chapelle de Kerdévot. Roger Barrié, conservateur général honoraire du patrimoine, a étudié les différents éléments d’architecture de l’édifice  : « La chapelle fut commencée par le mur du chevet raidi, à l'extérieur, par six contreforts droits, et, à l'intérieur par deux murs de refend que terminent deux groupes de trois colonnes dans le chœur. Les premières colonnes du chœur sont encore dans la tradition du gothique de la première moitié du XVe siècle qui souligne clairement la fonction des supports autour d'un noyau central. »

Pour la datation il propose : « L'analyse du chœur de Kerdévot laisse apparaître la progression de la construction. Tout d'abord, à partir de 1470 environ, mise en place des colonnes au revers du chevet ; puis élévation des colonnettes pour donner plus d'élan au volume du chœur. La nef et l'ensemble du massif occidental restent en projet, et l'aménagement intérieur, notamment le recouvrement par une charpente et la pose des vitraux du chœur dont l'un d'eux porte la date de 1489. »

Un fragment du vitrail en bas de la deuxième lancette du côté sud porte l’inscription fragmentaire en lettres gothiques : « ... (I)III XX et IX / ... (ce)ste vistre / ... ocnec esto / ... bique », ce qui donnerait la date d'élévation de la maîtresse-vitre 1489, si l'on admet que le (I) est caché dans la ferrure. L'épaisseur excessive du joint en ciment moderne obstrue en partie l'inscription dont la dernière ligne avec le nom du fabricien, discernable encore sur les photographies de 1948, n'a jamais été déchiffrée.

On peut donc dire que l’élévation du cœur, du chevet et de la maitresse-vitre de Kerdévot est contemporaine au chantier voisin de la cathédrale de Quimper. Pour Roger Barrié, il est probable que la nef, c’est-à-dire la partie occidentale, et la finalisation de la couverture ont été exécutées qu’après l’an 1500.

Une autre hypothèse est proposée par Philippe Bonnet, professeur associé à l’université de Bretagne-Sud et conservateur en chef du patrimoine : « Tout en observant que les premières colonnes du chœur sont encore dans la tradition du gothique de la première moitié   du 15e

 
Plan de la chapelle de Kerdévot, Bernard Feinte  et Karine Lion, Inv. général 1989
Plan de la chapelle de Kerdévot, Bernard Feinte et Karine Lion, Inv. général 1989

siècle, R. Barrié propose pour l´édifice une chronologie basse : implantation du chœur dans les années 1470, achèvement du mur du chevet vers 1480, construction de la nef dans les premières décennies du 16e siècle. Il nous semble au contraire, à voir l´homogénéité du parti, que l´œuvre peut fort bien s´inscrire en totalité dans la seconde moitié du 15e siècle. À cet égard, la simplicité des chapiteaux et des grandes arcades de la nef peut être interprétée comme une volonté de hiérarchiser les espaces par le biais du décor, plutôt que comme l´indice d´une campagne tardive. »

Philippe Bonnet résume ainsi les nombreux traits stylistiques communs de Saint-Corentin et de Kerdévot :

  • « la coexistence des formes en plein-cintre et des arcs brisés, des nervures en pénétration et des chapiteaux,  »
  • « la modénature qu'on retrouve identique à la croisée du transept de Quimper et à l'arc triomphal de Kerdévot,  »
  • « le répertoire formel des portes [4], des remplages et des pinacles. »

Et il rejoint Roger Barrié sur ce constat : « En bref, tout indique que les travaux de la chapelle ont été conduits au 15e siècle en parallèle avec le grand chantier quimpérois, ou du moins dans sa suite immédiate, par des maîtres formés sur celui-ci. »

L’édifice complètement achevé n’aurait été consacré que très tardivement, en 1556, si l’on croit l’architecte René Couffon [5] , le document attestant cette consécration n’ayant pas été retrouvé .

2 Les influences artistiques européennes au 15e

Il y a dans la chapelle un retable doré très ancien et restauré à plusieurs occasions. Ses quatre scènes d'origine en T inversé sont passées par les mains d’ateliers flamands du 15e siècle : « Le retable de Kerdévot n'est pas une œuvre exclusivement anversoise et du XVIe siècle comme on l'a souvent dit, mais un travail mixte de la fin du siècle précédent » (Gildas Durand [3]).

La suite : « Les marques de fabrique des ateliers flamands du 15e siècle sur le retable de Kerdévot » ¤ 

La statue de Notre-Dame de Kerdévot est aussi une pièce incontournable qui a été remise en perspective par Gildas Durand [3] qui la date du siècle de la construction de la chapelle : « La Maestà de Kerdévot date probablement de la seconde moitié du 15e siècle, et semble-t-il plus précisément du dernier tiers de ce siècle. Cela coïncide trop avec la période de construction de la chapelle pour ne pas proposer une importation contemporaine, ou de peu postérieure ».

Son article complet sur la statuaire de Kerdévot est publié en 1989 dans le cadre du cinquième centenaire de la chapelle de Kerdévot. Il est complété par une étude parue en parallèle dans les dossiers du Centre régional archéologique d'Alet.

Pour lui, la provenance de la maestà de Kerdévot n'est pas flamande comme l'autre oeuvre majeure de Kerdévot (le retable) : « Toutes les références nordiques que l’on pourrait trouver à An Intron Varia Kerdevot sont des œuvres italianisantes. C’est bien en Italie qu’il faut chercher des répondants à l’œuvre d’Ergué-Gabéric ».

Elle correspond au thème iconographique de la « Maestà », très en faveur à la fin du Moyen-Age et à la Renaissance. La Maestà est un terme italien désignant la Vierge Marie en majesté et de face, dans une attitude hiératique, assise sur un trône, entourée d'anges, et portant éventuellement son enfant Jésus. La représentation du trône y est matériellement importante et imposante.

À partir de 1525-30 les ateliers d’art flamands ont produit des œuvres de Maestà entourée d’angelots. Les visages de la Vierge et des angelots ne sont ni bretons, ni nordiques. Le drapé, nullement flamand, est lui aussi italien dans son rejet des cassures trop marquées. Le voûtement du trône par une grande valve de coquille saint Jacques se retrouve notamment dans Botticelli et Cosmé Tura.

La comparaison à d’autres réalisations italiennes apporte des éléments pour déterminer la date de la statue de Kerdévot. Par exemple en 1488, la Vierge de Lorenzo Costa avec ses angelots musiciens et motifs all'antica. La Maestà d’Allesandro Botticelli de Florence date de 1487. La conception du trône fait penser à celui d’Ercole de Roberti réalisé en 1475.

 
Statue de la Maestà Intron Varia Kerzevot
Statue de la Maestà Intron Varia Kerzevot

Pour Gildas Durand, il s’agit d'une « grande oeuvre importée d'Italie » à laquelle il y a lieu « d’attribuer la paternité à un atelier du Nord de l'Italie », et plus précisément « des années 1480 comme période où ces madones étaient à la mode, entourés de riches et puissantes architectures renaissantes, aux décors parfois symboliques, et auréolées de putti. »

Et enfin, « Par sa majesté, la Maestà de Kerdévot mérite un renom autrement plus grand que celui dont elle aura bénéficié jusqu'alors. »

3 Annotations

  1. Roger Barrié, conservateur général honoraire du patrimoine, a œuvré pour l'enrichissement de l'inventaire général du patrimoine de Bretagne. Spécialiste de l'art gothique, il a produit en 1979 une étude sur les vitraux du XVIe siècle en Cornouaille. [Ref.↑]
  2. Philippe Bonnet, historien, diplômé de l'Ecole nationale des chartes, inspecteur des monuments historiques de 1980 à 1998, professeur associé de l'Université de Bretagne-Sud de 2000 à 2009, est conservateur en chef du patrimoine et auteur de plusieurs ouvrages sur l'histoire des arts en Bretagne du Moyen Âge à nos jours. [Ref.↑]
  3. Gildas Durand, spécialiste des origines de la statuaire bretonne, a publié de nombreuses études dans les dossiers du Centre Régional Archéologique d'Alet. [Ref.↑ 3,0 3,1 3,2]
  4. Notamment la porte occidentale de Kerdévot, avec son ébrasement en plein-cintre à quatre tores retombant sur des colonnettes à chapiteaux, surmonté d'une accolade à fleuron et de plusieurs écus effacés, qui offre beaucoup de ressemblances avec la porte percée dans la quatrième travée du bas-côté nord de la cathédrale, qui date des années 1450. [Ref.↑]
  5. Répertoire des églises et chapelles de René Couffon et Albert Le Bars, « L'édifice de Kerdévot a été consacré le 26 octobre 1556 ». Le document l’attestant n’a pas été retrouvé, et aucun autre mémorialiste n’a mentionné cette sanctification. [Ref.↑]


Thème de l'article : Richesses patrimoniales

Date de création : Mai 2018    Dernière modification : 4.05.2018    Avancement : Image:Bullorange.gif [Développé]