La publication des mémoires Déguignet par Martial Ménard d'an Here, Bretons 2011 - GrandTerrier

La publication des mémoires Déguignet par Martial Ménard d'an Here, Bretons 2011

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§ E.D.F.

Martial Ménard nous a quitté en ce début septembre 2016. Il restera pour les gabéricois celui qui a osé la publication des mémoires du paysan bas-breton en 1998. Interviewé par Didier Le Corre du magazine Bretons, il nous rappelle les circonstances de cette publication.

Autres lectures : « Espace Déguignet » ¤ « Les manuscrits de Déguignet, OF-LQ 1984 » ¤ « DÉGUIGNET Jean-Marie - Mémoires d'un Paysan Bas-Breton » ¤ « DÉGUIGNET Jean-Marie - Histoire de ma vie, l'Intégrale » ¤ 

1 Présentation

 
Bretons, n° 61 de janvier 2011
Bretons, n° 61 de janvier 2011

2 Article interview

01/2011 Il y a douze an, l'incroyable succès des mémoires d'un paysan bas-breton

De 1983 à 2006, Martial Ménard dirigea la maison d’édition An Here. En 1998, il publie Mémoires d’un paysan bas-breton de Jean-Marie Déguignet. Au total, dans ses différentes versions, le livre a atteint les 400 000 ventes. Retour sur un phénomène.

Qu’est-ce qui fait qu’un livre rencontre un succès ? Pourquoi l’équation auteur, éditeur, vendeur, lecteur fonctionne-elle parfois parfaitement et propulse un livre vers des tirages inattendus ? « Difficile à dire », juge Martial Ménard. « Je vous dirais très franchement que je n’ai pas vu arriver le succès des Bretonnismes. Mais vraiment pas du tout. » Ancien éditeur, journaliste et linguiste – il signe chaque dimanche dans Ouest-France la rubrique À la petite école du breton -, Martial Ménard se dit « très surpris » par l’aventure de ce petit livre.

« Sur quoi repose le succès d’un livre ? Il faut d’abord une vraie idée. Sinon ce n’est pas la peine. Mais après… Un sujet parfaitement dans l’air du temps me semble une condition indispensable, mais ça ne suffit pas. Il faut aussi un bon titre, déterminer le bon format et le bon prix. La renommée de l’auteur n’est pas une garantie. Un inconnu n’empêche pas de vendre beaucoup. Tout ça est une mayonnaise très difficile à monter ... ». Martial Ménard a vécu ce moment de grâce. L’aventure extraordinaire d’un manuscrit écrit justement par un inconnu et qui deviendra un best-seller.

Tout commence au mois de mai 1998. Bernez Rouz, alors rédacteur en chef de France 3 Iroise à Brest, se voit confier par une famille d’Ergué-Gabéric un sac de supermarché où figurent quelques cahiers écrits par un aïeul. En compagnie de Laurent Quevilly, journaliste à Ouest-France, il se plonge dans la lecture des manuscrits. Les deux hommes sont enthousiastes. Ils le proposent naturellement aux Éditions Plon, qui avaient connu un énorme succès auparavant avec Le Cheval d’orgueil. Sans réponse, ils se tournent alors vers les Éditions Ouest-France qui ne donnent pas suite. « Bernez Rouz vient alors me voir et me confie le manuscrit », raconte Martial Ménard. « Je le dévore et je décide alors de l’éditer en me disant que je vais bien en vendre 3 000 et réaliser une bonne petite opération. On réalise donc un premier tirage de 2 500 exemplaires. Ça démarre pas mal car le bouche-à-oreille fonctionne bien. Mais là il se passe un événement étonnant. Un ami de Michel Polac l’achète en Bretagne pendant l’été et lui en parle. Et le 8 décembre, je me rappelle bien de la date, il en parle de façon dithyrambique sur France Inter. Moi, je n’avais pas écouté l’émission, mais quand je suis rentré chez moi, mon répondeur était saturé d’appels. Alors là, je me suis dit : ça va cartonner ! J’en retire 10 000 exemplaires. Tous vendus en trois semaines ! Puis, je fais des retirages réguliers à coups de 20 000 exemplaires. »

 

Un mendiant devenu intellectuel

Au total, les Mémoires d’un paysan bas-breton vont s’écouler à 170 000 exemplaires dans cette version de 462 pages éditée par An Here. « On en vendra aussi 7 000 de la seconde version, un pavé de plus de mille pages qui propose le texte intégral. » Martial Ménard cède ensuite des droits de traduction en anglais, en italien et en tchèque. Et les droits en poche à Press Pocket. « Je ne sais pas combien d’exemplaires ont été vendus en poche mais sans doute 150 à 200 000 », estime-t-il. Au total, le livre s’est écoulé à près de 400 000 exemplaires en France. Un énorme succès. Et qui dit succès dit bien sûr suspicion et jalousie. « Il y a eu beaucoup de sceptiques. Certains ont même prétendu que c’était un faux. »

Il est vrai que l’histoire de Jean-Marie Déguignet est assez extraordinaire au sens propre du terme. Né à Guengat, près de Quimper, en 1834, il est issu d’une famille très modeste où on ne sait ni lire ni écrire et où le français est une langue inconnue. Enfant, le petit Jean-Marie est mendiant. Il parvient à se faire engager comme employé de ferme. Il apprend alors, seul, à écrire et parler le latin et le français. À 20 ans, il s’engage dans l’armée et profite de ses différentes campagnes (guerre de Crimée, Italie, Algérie, Mexique...) pour apprendre l’espagnol et l’italien et entrer en contact avec toute personne cultivée. Il dévore des livres et se façonne ses idées républicaines. Revenu en Bretagne à l’âge de 35 ans, il se marie, devient un fermier prospère puis agent d’assurances et commerçant mais toutes ses activités prennent fin du fait de son anticléricalisme viscéral. Retombé dans la misère, il consacre les dernières années de sa vie à rédiger ses fameux cahiers. Il les rédigea deux fois car, ayant vendu une première version à Anatole Le Braz en 1897, qui ne la fit pas éditer, il se replongea alors dans l’écriture pour en fournir une seconde. Pourtant, le grand écrivain breton avait été très impressionné par cette rencontre et en avait publié une première partie dans La Revue de Paris en 1904. Un an après, Jean-Marie Déguignet était mort, laissant le témoignage – rare – d’un homme du peuple sur son époque.

Didier Le Corre


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    Thème de l'article : Reportage sur Ergué-Gabéric

    Date de création : Septembre 2016    Dernière modification : 12.09.2016    Avancement : Image:Bullgreen.gif [Fignolé]