La légende du chat noir, "foar ar c'hizier du" gant Deguignet ha Poulmac'h
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Oui, mais comment s'en défaire maintenant ! La foire des chats noirs n'avait lieu qu'une fois par an vers la Noël et le tenue fatal que ces époux avaient eux-mêmes fixé finissait en juillet. | Oui, mais comment s'en défaire maintenant ! La foire des chats noirs n'avait lieu qu'une fois par an vers la Noël et le tenue fatal que ces époux avaient eux-mêmes fixé finissait en juillet. | ||
- | Ils regrettaient maintenant de n'avoir pas fixé ce terme à un an et un jour comme on le faisait ordinairement. Car c'était toujours dans ce jour supplémentaire que le diable était roulé, s'il ne l'était auparavant. Enfin, ne sachant comment faire et se voyant perdu, le mari dit à la femme qu'il fallait aller trouver le curé pour voir ce qu'il en dirait. La femme alla donc se confesser au vieux recteur de Leu-han, et expliqua la terrible situation dans laquelle ils se trouvaient, elle et son mari. Le recteur réfléchit un moment, et lui dit qu'en effet, leur cas était des plus graves, mais que cependant, il y aurait peu être un moyen de les sortir de cette impasse où ils s'étaient si maladroitement fourrés ; il ne s'agissait que de conjurer ce chat, ce diable noir. Mais le diable est malin, du moins il l'était autrefois, puisque dans le jardin de l'Éden il avait du premier coup roulé le vieux père Éternel en se faufilant dans le corps d'un serpent, comme il roula plus tard le fils en se cachant dans les boyaux de Judas de l'Ariote <ref>Judas de l’ Ariote (Judas d’Iscariote). L’un des douze apôtres, celui qui livra Jésus aux prêtres.</ref>, | + | Ils regrettaient maintenant de n'avoir pas fixé ce terme à un an et un jour comme on le faisait ordinairement. Car c'était toujours dans ce jour supplémentaire que le diable était roulé, s'il ne l'était auparavant. Enfin, ne sachant comment faire et se voyant perdu, le mari dit à la femme qu'il fallait aller trouver le curé pour voir ce qu'il en dirait. La femme alla donc se confesser au vieux recteur de Leu-han, et expliqua la terrible situation dans laquelle ils se trouvaient, elle et son mari. Le recteur réfléchit un moment, et lui dit qu'en effet, leur cas était des plus graves, mais que cependant, il y aurait peu être un moyen de les sortir de cette impasse où ils s'étaient si maladroitement fourrés ; il ne s'agissait que de conjurer ce chat, ce diable noir. Mais le diable est malin, du moins il l'était autrefois, puisque dans le jardin de l'Éden il avait du premier coup roulé le vieux père Éternel en se faufilant dans le corps d'un serpent, comme il roula plus tard le fils en se cachant dans les boyaux de Judas de l'Ariote <ref>Judas de l’Ariote (Judas d’Iscariote). L’un des douze apôtres, celui qui livra Jésus aux prêtres.</ref>, |
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Les époux étaient contents et heureux, aussi ils firent bien déjeuner les prêtres et leur donnèrent de belles pièces d'or. Mais hélas, deux jours après les feuilles des pommes de terre commencèrent à noircir dans tout le pays, et les prêtres et les époux au chat noir savaient d'où cela venait. Le diable, Paulic, ayant manqué ses proies, se vengeait en empoisonnant les pommes de terre. L'histoire courut vite dans tout le pays, et on sut alors à qui s'en prendre de cet effroyable malheur. | Les époux étaient contents et heureux, aussi ils firent bien déjeuner les prêtres et leur donnèrent de belles pièces d'or. Mais hélas, deux jours après les feuilles des pommes de terre commencèrent à noircir dans tout le pays, et les prêtres et les époux au chat noir savaient d'où cela venait. Le diable, Paulic, ayant manqué ses proies, se vengeait en empoisonnant les pommes de terre. L'histoire courut vite dans tout le pays, et on sut alors à qui s'en prendre de cet effroyable malheur. | ||
- | Les savants, ou ceux qui se dorment pour tels, ont cherché longtemps l'origine de la maladie des pommes de terre. La voilà. On crut tellement chez nous à cette histoire de Leuhan que le nom de la maladie infectieuse des pommes de terre est toujours resté chez nos paysans. Tous les ans quand les feuilles commencent à noircir, ils disent « <i>Coued e ann diaoul var an avalou douar a dare <ref>En breton d'aujourd'hui : Kouezhet eo an diaoul war an avaloù-douar adarre.</ref></i> - Voilà le diable retombé encore sur les pommes de terre». La maladie tombe en effet, puisqu'elle est dans l' air et non dans les tubercules comme beaucoup de gens le croient encore. C' est un simple champignon microscopique noir, engendré comme tous les champignons par l'humidité et la chaleur. Ici les pommes de terre sont détruites par le champignon noir et les avoines par le champignon rouge <ref>La pomme de terre est attaquée par le mildiou et l’avoine par la rouille.</ref>. | + | Les savants, ou ceux qui se dorment pour tels, ont cherché longtemps l'origine de la maladie des pommes de terre. La voilà. On crut tellement chez nous à cette histoire de Leuhan que le nom de la maladie infectieuse des pommes de terre est toujours resté chez nos paysans. Tous les ans quand les feuilles commencent à noircir, ils disent « <i>Coued e ann diaoul var an avalou douar a dare <ref>En breton d'aujourd'hui : Kouezhet eo an diaoul war an avaloù-douar adarre.</ref></i> - Voilà le diable retombé encore sur les pommes de terre». La maladie tombe en effet, puisqu'elle est dans l'air et non dans les tubercules comme beaucoup de gens le croient encore. C' est un simple champignon microscopique noir, engendré comme tous les champignons par l'humidité et la chaleur. Ici les pommes de terre sont détruites par le champignon noir et les avoines par le champignon rouge <ref>La pomme de terre est attaquée par le mildiou et l’avoine par la rouille.</ref>. |
Que les savants qui ont trouvé le moyen de faire tomber la pluie trouvent aussi le moyen de l'empêcher de tomber sur les champs de pommes de terre et les champs d'avoine durant les mois de juin et juillet, et ni les pommes de terre ni les avoines ne seront atteintes du champignon infestant. Ou que les paysans bretons, mes collègues, qui attribuent toutes choses et toute puissance à leur dieu, lui demandent de suspendre les pluies durant ces deux mois, et alors ni le diable noir ni le diable rouge ne viendront empoisonner leurs pommes de terre ni leur avoine! Autrefois, ce dieu savait arrêter la pluie de tomber pendant sept ails, nous dit la Bible, pourquoi ne pourrait-il pas l'arrêter pour deux mois aujourd'hui ? | Que les savants qui ont trouvé le moyen de faire tomber la pluie trouvent aussi le moyen de l'empêcher de tomber sur les champs de pommes de terre et les champs d'avoine durant les mois de juin et juillet, et ni les pommes de terre ni les avoines ne seront atteintes du champignon infestant. Ou que les paysans bretons, mes collègues, qui attribuent toutes choses et toute puissance à leur dieu, lui demandent de suspendre les pluies durant ces deux mois, et alors ni le diable noir ni le diable rouge ne viendront empoisonner leurs pommes de terre ni leur avoine! Autrefois, ce dieu savait arrêter la pluie de tomber pendant sept ails, nous dit la Bible, pourquoi ne pourrait-il pas l'arrêter pour deux mois aujourd'hui ? |
Version du 26 avril ~ ebrel 2017 à 07:42
Bien que critique sur la naîveté de ses contemporains, Jean-Marie Déguignet a raconté à sa façon, dans ses mémoires, les légendes ancrées du pays bas-breton, et notamment « ar c'hazh du », le chat noir qui venait de la foire du diable.
Maurice Poulmac'h, merveilleux conteur en langue bretonne, a aussi raconté cette même histoire dans la langue truculente de nos campagnes, et la chaine Youtuge TAB.TV l'a enregistré sous le titre « Foar ar c'hizier du » (foire des chats noirs). Autres lectures : « Espace Déguignet » ¤ « OGÈS Louis - Contes et Légendes populaires recueillis par F.-M. Déguignet » ¤ « DEGUIGNET François-Marie et LE GUENNEC Louis - Contes et légendes du Grand-Ergué » ¤ « DÉGUIGNET Jean-Marie - Contes et légendes de Basse-Cornouaille » ¤ « La mort subite des pommes de terre rouges en juillet 1845 » ¤ |
1 Présentation
Déguignet en parle ainsi : « une des plus curieuses légendes de Basse-Bretagne, quoique je ne l'ai vue rapportée nulle part par les chercheurs de légendes bretonnes ». Ensuite le paysan bas-breton remet la légende dans le contexte des années 1840-45 lorsqu'une crise de mildiou frappa l'agriculture locale de la pomme de terre, et qu'on attribua naturellement une cause diabolique à cette catastrophe. Le déroulé de l'histoire est le suivant :
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Écoute en ligne Youtube :
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2 Morceaux choisis
Premier conte des « OGÈS Louis - Contes et Légendes populaires de la Cornouaille bretonne recueillis par F.-M. Déguignet » publiés par Louis Ogès dans le Bulletin de la Société Archéologique du Finistère de 1963, et pages 33-38 de l'Intégrale des « Mémoires d'un paysan bas-breton » éditée par l'association Arkae :
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3 Annotations
- Orthographe unifiée : Kerzh da foar an diaol da C’hourin. [Ref.↑]
- Judas de l’Ariote (Judas d’Iscariote). L’un des douze apôtres, celui qui livra Jésus aux prêtres. [Ref.↑]
- Paulic (Paolig) : Petit Paul, surnom breton du diable. [Ref.↑]
- En breton d'aujourd'hui : Kouezhet eo an diaoul war an avaloù-douar adarre. [Ref.↑]
- La pomme de terre est attaquée par le mildiou et l’avoine par la rouille. [Ref.↑]
Thème de l'article : Ecrits de Jean-Marie Déguignet Date de création : Avril 2017 Dernière modification : 26.04.2017 Avancement : [Développé] |