LE LOUET Mathias - Je viens de la part de Fernand - GrandTerrier

LE LOUET Mathias - Je viens de la part de Fernand

Un article de GrandTerrier.

(Différences entre les versions)
Jump to: navigation, search
Version du 25 juin ~ mezheven 2019 à 18:52 (modifier)
GdTerrier (Discuter | contributions)

← Différence précédente
Version du 25 juin ~ mezheven 2019 à 18:54 (modifier) (undo)
GdTerrier (Discuter | contributions)

Différence suivante →
Ligne 63: Ligne 63:
Les portes de la clandestinité Les portes de la clandestinité
-Le premier trimestre s’achevait, nous étions aux vacances de Noël 1940. Mme Lazou, dont le mari capitaine dans l’armée française fut tué au combat dès les premiers jours de l’invasion allemande, vint me voir chez mes parents et me demanda de l’accompagner chez elle pour y rencontrer Malou, sa fille, et son gendre, René Le Herpeux, tous deux étudiants en médecine à Rennes. Le long du bref chemin qui séparait notre habitation de l’école, elle me demanda si je voulais bien faire partie d’un mouvement appelé le Front national 1 et distribuer des tracts et journaux clandestins. À Mme Lazou, pour qui j’avais une admiration sans borne et une profonde reconnaissance, je n’aurais rien su refuser. Cela aurait été pour moi inconcevable. Je lui répondis par l’affirmative mais objectai cependant que je n’étais pas communiste, que je souhaitais une collaboration de classes. Ce dont je ne m’ouvris pas à elle, c’est du fait que j’étais croyant. Elle le savait, d’ailleurs. J’avais été élevé dans la religion catholique. Depuis ma première communion, à l’âge de douze ans, je n’allais plus guère à la messe qu’une fois par an, à Pâques - c’était une tradition-, mais je restais croyant. Or, pour moi, le fait d’être croyant et celui d’être communiste étaient incompatibles. Je n’avais pas aimé non plus, avant-guerre, les chants bruyants de ceux qui revenaient en car de fêtes communistes et qui entonnaient à leur retour L’Internationa1e, les poings levés. Et puis que savais-je du marxisme ? Mon livre de philo au lycée, le Cuvelier, y consacrait cinq ou six lignes. Mme Lazou eut la délicatesse de ne pas me contredire. Mes sentiments antiallemands et anti-pétainistes lui suffisaient. +Le premier trimestre s’achevait, nous étions aux vacances de Noël 1940. Mme Lazou, dont le mari capitaine dans l’armée française fut tué au combat dès les premiers jours de l’invasion allemande, vint me voir chez mes parents et me demanda de l’accompagner chez elle pour y rencontrer Malou, sa fille, et son gendre, René Le Herpeux, tous deux étudiants en médecine à Rennes. Le long du bref chemin qui séparait notre habitation de l’école, elle me demanda si je voulais bien faire partie d’un mouvement appelé le Front national 1 et distribuer des tracts et journaux clandestins. À Mme Lazou, pour qui j’avais une admiration sans borne et une profonde reconnaissance, je n’aurais rien su refuser. Cela aurait été pour moi inconcevable. Je lui répondis par l’affirmative mais objectai cependant que je n’étais pas communiste, que je souhaitais une collaboration de classes. Ce dont je ne m’ouvris pas à elle, c’est du fait que j’étais croyant. Elle le savait, d’ailleurs. J’avais été élevé dans la religion catholique. Depuis ma première communion, à l’âge de douze ans, je n’allais plus guère à la messe qu’une fois par an, à Pâques - c’était une tradition -, mais je restais croyant. Or, pour moi, le fait d’être croyant et celui d’être communiste étaient incompatibles. Je n’avais pas aimé non plus, avant-guerre, les chants bruyants de ceux qui revenaient en car de fêtes communistes et qui entonnaient à leur retour L’Internationale, les poings levés. Et puis que savais-je du marxisme ? Mon livre de philo au lycée, le Cuvelier, y consacrait cinq ou six lignes. Mme Lazou eut la délicatesse de ne pas me contredire. Mes sentiments antiallemands et anti-pétainistes lui suffisaient.
{{FinCitation}} {{FinCitation}}

Version du 25 juin ~ mezheven 2019 à 18:54


Image:LivresB.jpgCatégorie : Media & Biblios  

Site : GrandTerrier

Statut de l'article : Image:Bullgreen.gif [Fignolé] § E.D.F.

LE LOUET (Mathias), Je viens de la part de Fernand. Récits de la Résistance et de prison 1941-1944, J. Le Louët, Saint-Evarzec, 2004, ISBN n/a
Titre : Je viens de la part de Fernand. Récits de la Résistance et de prison 1941-1944
Auteur : LE LOUET Mathias Type : Livre/Brochure
Edition : J. Le Louët Note : préface d'Eugène Kerbaul
Impression : Saint-Evarzec Année : 2004
Pages : 205 Référence : ISBN n/a

Notice bibliographique

Couverture

Dans ce livre édité par sa veuve Jacqueline, Mathias Le Louët (1921-1987) raconte ses souvenirs d'enfant de Briec et Lestonan et de jeune adulte entré dans la résistance.

Autres lectures : « KERBAUL Eugène - Militants du Finistère (1918-1945) » ¤ « Les résistants communistes d'Ergué-Gabéric en 1939-45 » ¤ « MAITRON Jean - Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier et social » ¤ « Jean et Francine Lazou, instituteurs de 1926 à 1950 » ¤ « KERGOURLAY Guillaume - Le pays des vivants et des morts » ¤ « Souvenirs d'enfance de fin de guerre 1939-45, par Michel Le Goff » ¤ 

Extraits

Page 17-21, les origines familiales et sociales

Je suis né le 19 mars 1921, dans un petit penti au village de Guelen, en la commune de Briec-de-l’Odet, dans le département du Finistère. Le penti, qui veut dire en breton « un bout de maison», était une petite maison d’une ou deux pièces, où le propriétaire d’une ferme logeait une famille d’ouvriers agricoles gagée à l’année à son service. Mon père était ouvrier agricole. Ma mère, journalière agricole, n’était employée à la ferme qu’occasionnellement et surtout à l’époque des gros travaux. Mes parents élevaient une vache dans une petite étable attenante au penti et la nourrissaient à l’aide d’herbe, de foin et de pommes de terre qu’ils cultivaient sur une parcelle de terre, mise à leur disposition par le propriétaire. C’est ainsi que, pendant les trois premières années de ma vie, j’ai été élevé successivement à Guelen et Kerecun, situés tous deux sur la commune de Briec-de-l’Odet.

J’étais l’aîné de trois enfants dont le deuxième décéda à la naissance. J’avais trois ans lorsque mon père trouva de l’embauche, comme manœuvre, à la papeterie d’Odet (Bolloré), fabrique de papier à cigarettes, située à une dizaine de kilomètres de Quimper. Mes parents se rendirent acquéreurs d’une modeste petite maison de deux pièces et d’un petit jardin d’environ quatre cents mètres carrés situé dans le village de Lestonan, sur la commune d’Ergué-Gabéric.

En plus de ses six jours de travail hebdomadaires à la papeterie, mon père, tous les dimanches, travaillait son jardin ou, pendant l’hiver, allait abattre des talus dans les fermes environnantes pour pouvoir récupérer à son profit les souches et les branches, ce qui évitait d’avoir à acheter le bois de feu.

§ l’époque du foin et de la moisson ...

Page 35, Mme Lazou

CHAPITRE II

Les portes de la clandestinité

Le premier trimestre s’achevait, nous étions aux vacances de Noël 1940. Mme Lazou, dont le mari capitaine dans l’armée française fut tué au combat dès les premiers jours de l’invasion allemande, vint me voir chez mes parents et me demanda de l’accompagner chez elle pour y rencontrer Malou, sa fille, et son gendre, René Le Herpeux, tous deux étudiants en médecine à Rennes. Le long du bref chemin qui séparait notre habitation de l’école, elle me demanda si je voulais bien faire partie d’un mouvement appelé le Front national 1 et distribuer des tracts et journaux clandestins. À Mme Lazou, pour qui j’avais une admiration sans borne et une profonde reconnaissance, je n’aurais rien su refuser. Cela aurait été pour moi inconcevable. Je lui répondis par l’affirmative mais objectai cependant que je n’étais pas communiste, que je souhaitais une collaboration de classes. Ce dont je ne m’ouvris pas à elle, c’est du fait que j’étais croyant. Elle le savait, d’ailleurs. J’avais été élevé dans la religion catholique. Depuis ma première communion, à l’âge de douze ans, je n’allais plus guère à la messe qu’une fois par an, à Pâques - c’était une tradition -, mais je restais croyant. Or, pour moi, le fait d’être croyant et celui d’être communiste étaient incompatibles. Je n’avais pas aimé non plus, avant-guerre, les chants bruyants de ceux qui revenaient en car de fêtes communistes et qui entonnaient à leur retour L’Internationale, les poings levés. Et puis que savais-je du marxisme ? Mon livre de philo au lycée, le Cuvelier, y consacrait cinq ou six lignes. Mme Lazou eut la délicatesse de ne pas me contredire. Mes sentiments antiallemands et anti-pétainistes lui suffisaient.

 

Page 32 et 35-37, mot de passe et arrestation

À partir de ce moment-là, Mme Lazou et moi-même ne reçûmes aucune visite d’agents de liaison. J’étais coupé de tout contact à l’exception de ceux que j’avais établis avec une jeune professeur de Concarneau, Mlle Lucas et un employé de la préfecture, Roguès, Mais nous n’avions aucun lien avec l’échelon supérieur. Il fallut attendre les vacances de Noël pour demander à René Le Herpeux, le gendre de Mme Lazou, de rétablir un nouveau contact. René Le Herpeux décida de m’envoyer un agent de liaison pour me mettre en relation avec un responsable régional. Nous convînmes d’un lieu de rendez-vous, chez Mme Lazou, et d’un mot de passe : « Je viens de la part de Fernand.» J’attendis le rendez-vous pendant deux mois.


Le 1er mars 1943, un gars se présenta chez Mme Lazou et demanda à me voir. Mme Lazou lui dit que je ne serais rentré de mon travail que vers dix-neuf heures. Jusqu’alors elle logeait les agents de liaison. Je leur apportais un deuxième vélo à Quimper et ils me suivaient jusqu’à Lestonan. Cette fois le gars prétexta un rendez-vous à Quimper et dit qu’il ne pouvait m’attendre. Comme je devais commencer mon travail à neuf heures aux Ponts et Chaussées, il me fixa rendez-vous le lendemain à huit heures dans le hall de la gare de Quimper. Je devais fumer une cigarette, tenir un ticket de chemin de fer à la main et lire une revue peu courante, dont je ne me souviens plus du titre. À l’heure dite j’étais au rendez-vous, la cigarette aux lèvres, le ticket de chemin de fer à la main et lisant la revue. Un gars d’une trentaine d’années, vêtu d’un blouson et d’un pantalon de golf, coiffé d’un béret et chaussé de gros brodequins s’approcha. Il me demanda du feu et, après qu’il eut allumé sa cigarette, me dit : « Je viens de la part de Fernand.» C’était le mot de passe convenu. Nous nous dirigeâmes vers la sortie. Dans la cour de la gare il me présenta à un autre gars correctement vêtu de bleu marine, et me dit que ce serait désormais mon nouveau responsable régional. Je ne me souviens plus des prénoms qu’ils se donnèrent. Nous allâmes à pied vers le centre-ville. Tous deux me questionnèrent sur les possibilités de faire redémarrer l’organisation et de la développer. Ils me parurent bien renseignés sur nos activités passées. Je racontai que je n’étais plus qu’en contact très épisodique avec un gars de la préfecture, une prof de Concarneau mais que j’avais la possibilité de recruter trois autres gars à Ergué-Gabéric. Ils me demandèrent alors de faire marcher tout de suite la ronéo. Le responsable régional m’aurait apporté un stencil dans les jours à venir. Je leur répondis que la ronéo n’était plus à Lestonan, que j’ignorais même où elle était. Ils insistèrent pour que je la récupère au plus vite. Je leur assurai que ce serait fait dès qu’un ami, agent du génie rural, pourrait, pour son travail, retourner là où il l’avait transportée.

§ Tout en marchant et bavardant ...