LARTIGUE Jacques-Henri - L'Émerveillé, écrit à mesure (1923-1931) - GrandTerrier

LARTIGUE Jacques-Henri - L'Émerveillé, écrit à mesure (1923-1931)

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-Jacques-Henri Lartigue est un peintre et photographe majeur du XXe siècle, né en 1894 d'un père qui pratiquait la photographie en amateur. Passionné par l’automobile, l’aviation et tous les sports il photographie de nombreuses manifestations sportives et, ensuite, menant une vie luxueuse et mondaine il met en scène toutes les célébrités, ce qui le rend célèbre aux Etats-Unis.+Jacques-Henri Lartigue est un peintre et photographe majeur du XXe siècle, né en 1894 d'un père qui pratiquait la photographie en amateur. Passionné par l’automobile, l’aviation et tous les sports il photographie de nombreuses manifestations sportives et, ensuite, menant une vie luxueuse et mondaine il met en scène toutes les célébrités, ce qui le rend célèbre aux Etats-Unis. On le présente comme « <i>le génie du noir et blanc</i> ».
-Parallèlement, il entreprend la rédaction d’un journal qu’il poursuivra toute sa vie. Ce journal publié pour la période de 1923 à 1931 sous le titre de « <i>L'Émerveillé</i> » inclut de belles pages sur sa rencontre en juillet 1926 avec René Bolloré qu'il présentera plus tard comme « <i>son ami</i> ».+Parallèlement à la photo et la peinture, il entreprend la rédaction d’un journal qu’il poursuivra toute sa vie. Ce journal publié pour la période de 1923 à 1931 sous le titre de « <i>L'Émerveillé</i> » inclut de belles pages sur sa rencontre en juillet 1926 avec René Bolloré qu'il présentera plus tard comme « <i>son ami</i> ».
Quelques extraits, qu'il est intéressant de pouvoir rapprocher des planches de son album-photo de l'été 1926 : Quelques extraits, qu'il est intéressant de pouvoir rapprocher des planches de son album-photo de l'été 1926 :

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LARTIGUE (Jacques-Henri), L'Émerveillé, écrit à mesure (1923-1931), Stock, Paris, 1981, ISBN 978-2234013902
Titre : L'Émerveillé, écrit à mesure (1923-1931)
Auteur : LARTIGUE Jacques-Henri Type : Livre/Brochure
Edition : Stock Note : -
Impression : Paris Année : 1981
Pages : 366 Référence : ISBN 978-2234013902

Notice bibliographique

Couverture

Jacques-Henri Lartigue est un peintre et photographe majeur du XXe siècle, né en 1894 d'un père qui pratiquait la photographie en amateur. Passionné par l’automobile, l’aviation et tous les sports il photographie de nombreuses manifestations sportives et, ensuite, menant une vie luxueuse et mondaine il met en scène toutes les célébrités, ce qui le rend célèbre aux Etats-Unis. On le présente comme « le génie du noir et blanc ».

Parallèlement à la photo et la peinture, il entreprend la rédaction d’un journal qu’il poursuivra toute sa vie. Ce journal publié pour la période de 1923 à 1931 sous le titre de « L'Émerveillé » inclut de belles pages sur sa rencontre en juillet 1926 avec René Bolloré qu'il présentera plus tard comme « son ami ».

Quelques extraits, qu'il est intéressant de pouvoir rapprocher des planches de son album-photo de l'été 1926 :

  • jjj ...

Autres lectures : « René Bolloré (1885-1935), entrepreneur » ¤ « Album-photo de 1926 de J.H. Lartigue en croisière sur le Dahu II et en villégiature à Odet » ¤ « Jacques-Henri Lartigue et sa photo-mystère de René Bolloré en 1926 » ¤ « BOLLORÉ Gwenn-Aël - Mémoires parallèles » ¤ 

Extraits

15 juillet, Royan

Surprise. Denise Grey, dont nous n’avions plus de nouvelles depuis son opération est ici. Elle est au port à bord d’un petit yacht arrivé ce soir, dont le propriétaire est Bolloré. Ce riche Breton connu l’été dernier à Aix-les-Bains et rencontré avec elle cet hiver à Paris. C’est un homme d’apparence rustre, gaie et simple, qui ne se donne aucun mal pour qu’on le croie intelligent. Cet après-midi, il vient à la maison nous demander de venir déjeuner à bord du yacht.


16 juillet, Royan

Au port avec René Bolloré.
Son bateau, Dahu-II, est très blanc, très propre. Il a cet air neuf de tous les yachts.
Denise est plus épanouie que jamais avec sa peau hâlée sous ses cheveux cendrés.
Le pont sent le pain chaud et brille entre l’éblouissement du ciel et celui de l’eau.

Voiles blanches, peintures blanches, bois vernis, encaustiqués ou lavés. Six cabines de luxe. La chambre des gros moteurs à mazout. La salle à manger sent l’acajou.

Le couvert est mis. C’est brillant, c’est ravissant, étincelant, appétissant.

Propriétaire des fabriques de papier à cigarettes, Bolloré est le roi des Bretons avec ses îles, ses plages, ses histoires, ses légendes, ses fantômes et ses goûts de seigneur féodal.

« Venez avec nous. Nous partons tout à l’heure... Je vous ferai voir ce que c’est que la Bretagne... »

Pourquoi refuser puisque l’imprévu double tous les plaisirs ?

Un tour en mer avant de rentrer faire les valises. Coups de fusil sur des marsouins, coups de carabine sur des bouteilles vides.

Cinq heures du soir. Nos valises sont à bord. Nous partons. Comme une chenille, le bateau sort doucement du port.

Pleine mer. Elle est grise et houleuse. Le ciel bleu s’est enfui avec la marée. Il n’en reste qu’une bande là-bas, très loin.

Denise, une mèche sur le nez, écosse des petits pois. Bibi a abandonné un fauteuil pour s’allonger sur des coussins préparés par Bolloré. Elle tire une grande couverture sur elle.

Le port s’éloigne... puis la terre... Je suis sur le désert de la mer, sous le désert du ciel. Un désert sombre qui pèse sur moi... Plouff ! Boum ! Plouff ! Boum ! Le bateau exécute une lente mazurka qui me surprend... Le ciel s’épaissit... Plouff ! Boum ! Plouff ! Boum !... Et pourtant je sais bien que le soleil là-bas derrière, ne doit pas encore avoir envie de se coucher !...

Nous sommes en mer depuis une heure. Tous les quatre côte à côte, nous sommes maintenant allongés sous la grande couverture. Des petits frissons parcourent ma peau et j’ignore si c’est agréable ou désagréable... Tout est neuf pour moi puisque c’est ma première croisière. Je ne sais si j’adore ou déteste ces sensations nouvelles : la première fois que l’on goûte une drogue, elle vous fait mal au cœur et c’est tout. (Je dis ça sans le savoir puisque je ne me suis jamais drogué... et si je parle de mal de cœur, c’est pour ne pas laisser Bibi et Denise y penser seules...)

Les vagues se creusent. Le bateau se fait petit. Il monte, descend, se penche, se redresse. Bibi tout à coup est très mal. Elle est angoissée et suppliante. « Dis qu’on arrête... » Arrêter où ? Nous taillons la route depuis deux heures et demie... Il faudrait trois heures pour rallier le port le plus proche.

La couleur du ciel me déplaît. On se sent de plus en plus petit... Un peu perdus... Drôle de cauchemar... Où suis-je subitement ? Où est ma plage ? Mon beau soleil de Royan... Où sont toutes mes habitudes ?...

Il me semble que je rêve, que je suis dans une prison sans mur, sans plafond, sans plancher. Un « contraire de prison » d’où je ne peux pas partir parce qu’elle n’a ni sortie ni entrée. Prisonnier dans l’infini. [...]

Bolloré est calme, l’équipage aussi. Quand je suis très malade, je ne crois pas au calme rassurant des médecins. J’ai même envie de les engueuler en les traitant d’hypocrites !...

Je marche... Je circule. Le pied marin, ça devrait s’intituler la « danse marine ».

Bolloré est si simple qu’on ne remarque sa gentillesse que lorsqu’on en a besoin. Depuis une demi-heure, il cherche avec le capitaine le moyen d’abréger les désagréables moments que passent Bibi... et Denise aussi malade qu’elle...

Un bateau de pêche au loin. Il se dandine comme un fantôme ivre. Nous l’accostons. Si nous avions un pilote, nous pourrions atteindre Le Pertuis-de-Montmisson et là, entre les îles et les récifs, nous serions à l’abri.

Un bateau au loin. Il remue. Je me penche par-dessus le bastingage. L’horizon remue. Tout remue. La réalité remue. L’imagination remue.

Huit heures du soir. Une petite île. Derrière, l’eau est calme comme un lac qui ondule. Nous mouillerons là pour la nuit.

Minuit et demi. L’eau chuchote contre la coque du bateau. Elle ne répète pas inlassablement une petite phrase courte comme un train. Elle chante une interminable chanson et le bateau l’accompagne avec trois ou quatre bruits toujours les mêmes qui commencent à m’appartenir...

 

17 juillet

En mer, Bolloré se réveille le fusil à la main. Voudrait-il se tuer un marsouin comme petit > déjeuner ?

Les machines se réveillent, les femmes aussi. Le petit déjeuner étincelle déjà dans la salle à manger.

Immobile à l’avant. Le bateau vient de partir à travers l’immense néant qui brille. Le seul vent est l’air qu’il déplace. Rien ne se reflète sur le miroir à perte de vue. Le temps est sombre et lumineux, couvert et aveuglant... Je ne bouge pas et regarde loin, loin, dans du rien du tout. Sur l’eau, partout, c’est pâle, indéfinissable, mystérieux comme un fantôme de plein jour. A peine visible, c’est d’une force qui fait rire. Est-ce bleu ou doré ? C’est doré. C’est bleu. C’est fort. C’est immense. Ça m’étreint, augmente, éblouit. Ah ! un trou de ciel bleu ! Un autre ! Ce ne sont pas des nuages. C’est une fumée bleue, une fumée or, une fumée rose pâle qui se dissipe. Elle se volatilise dans le ciel et à travers la mer. Le soleil est chaud. Il dilate mes poumons. Avais-je donc froid ? C’est un rêve vivant qui m’enveloppe. C’est le paradis qui s’éveille.

Midi. Chaleur. Les femmes toutes nues sur le pont supérieur. Bolloré en profite pour me raconter son roman avec Denise. Je l’écoute en me faisant cuire par l’immense soleil qui règne au milieu du ciel. Est-ce l’histoire d’une vedette et d’un paysan ou celle d’un seigneur médiéval et d’une bergère ?

Une heure vingt-deux. (Je n’ai pas de montre mais un officier de bord parle toujours à une minute près.) Nous accostons un bateau de pêche pour embarquer une raie. Une raie molle et lourde comme une femme évanouie.

Trois heures cinq. Quand j’étais petit, je rêvais d’aller me promener sur la ligne d’horizon. Aujourd’hui, je me promène sur toutes les lignes de tous les horizons.

Mes yeux sont libres. Mon âme aussi (comme si j’étais dégagé de l’humanité).

Soir. Sables-d’Olonne. Il y a des minutes insolites qui pèsent plus lourd qu’une semaine. Dans ma mémoire, le poids de celles de mon arrivée ici est concentré comme celui d’un medecine-ball. C’est un mélange de radieux et d’abominable.

Promenade sur la digue : devant, derrière, à droite, à gauche, des gens passent, se croisent, se saluent. D’affreux bourgeois déguisés en estivants. C’est comme si tous les trains de plaisir venaient de débarquer ensemble sur le grand quai de la plage. La chaleur est immense. Elle enveloppe tout sans s’occuper du soleil qui est en train de disparaître.

Mes yeux, mes oreilles, mes sens, mon imagination, subitement, sont aux prises avec un cocktail diabolique qui saoule, écœure, enchante...

Les hanches minces, une fille jeune passe la bouche très peinte. Effrontée comme une gazelle hindoue, ses yeux visent les miens.

Le crépuscule, la terre, le ciel, la mer !... Ils se taisent, retiennent leurs souffles. Ils sont en extase dans leurs mutuelles beautés...

Bolloré arrive de la poste. La livre est à « cent vingt-six » ! Il parle de révolutions, de guerres.


18 juillet

Dimanche. A bord. Le ciel est en cristal d’azur. La brume s’était enfuie. Elle commence à revenir par paquets de petits nuages. Ils se dépêchent comme l’avant-garde d’une armée. Ils volent très bas, vont se grouper à l’horizon pour je ne sais quelle étrange bataille... Hier, les marins avaient tort. J’avais raison. M’écouteront-ils aujourd’hui quand je pense que nous ferions mieux de ne pas appareiller ?

Bolloré décide de continuer le voyage par la route.

Vent du sud. Le ciel est lourd comme si ses nuages étaient en plomb tiède. L’orage est partout. Bolloré ne pense qu’au ministère tombé ce matin et au cours de la livre qui est à « cent trente ».

Route. Le ciel est sombre, mais loin des humains. Rien n’est laid, rien n’est triste, ni angoissant... Dieu m’a dit d’aimer mon prochain autant que moi-même... Mais, au fond, est-ce que je ne me déteste pas moi qui fais fuir les oiseaux, les rats des champs, les belettes et qui ne suis capable d’avoir de relatives relations parmi les animaux qu’avec sa domesticité. Je suis un humain... Mais je suis en vacances d’ « humanité ».



20 juillet

Tibidy, c’est une petite île surmontée d’un château à tourelles. Quel beau jouet à donner à une femme qu’on aime !... Réflexion faite, René ne l’a pas offert à Denise. Il l’a gardé pour lui. C’est sa garçonnière.


21 juillet, Odet

Je me suis réveillé dans un grand parc. J’ai été faire ma prière dans une petite chapelle déserte. Je n’ai rien entendu que des conversations d’oiseaux. Le franc dégringole toujours. C’est peut-être la fin de mon bonheur. Alors quel merveilleux sourire avant de disparaître ! Je suis assis dans l’herbe, à l’abri de tous les humains, comme quand j’étais petit dans mon parc de Courbe voie. Si ce sont mes dernières heures de lumière, j’en aurai dégusté chaque seconde.

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    Thème de l'article : Fiche bibliographique d'un livre ou article couvrant un aspect du passé d'Ergué-Gabéric

    Date de création : Février 2008    Dernière modification : 20.05.2022    Avancement : Image:Bullgreen.gif [Fignolé]