L'évocation des cantiques bretons par Jean-Marie Déguignet - GrandTerrier

L'évocation des cantiques bretons par Jean-Marie Déguignet

Un article de GrandTerrier.

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-|width=60% valign=top|<i>Dans ses « Mémoires d'un paysan bas-breton », Jean-Marie Déguignet donne sa lecture critique des cantiques religieux en langue bretonne, tout en soulignant leur beauté et l'importance qu'ils avaient pour ses concitoyens. </i>+|width=60% valign=top|<i>Dans ses « Mémoires d'un paysan bas-breton », Jean-Marie Déguignet (1834-1905) donne sa vision critique des cantiques religieux en langue bretonne, tout en soulignant leur beauté et l'importance qu'ils avaient pour ses concitoyens. </i>
-Autres lectures : {{Tpg|La gwerz de la ville d'Ys chantée par Déguignet}}{{Tpg|Petite Fantaisie sur l'enfer / Ha Doue bardono nanaon / J-M. Deguignet}}{{Tpg|L'histoire de la Bossen, la peste d'Elliant, par Jean-Marie Déguignet}}+Autres lectures : {{Tpg|La gwerz de la ville d'Ys chantée par Déguignet}}{{Tpg|Petite Fantaisie sur l'enfer / Ha Doue bardono nanaon / J-M. Deguignet}}{{Tpg|L'histoire de la Bossen, la peste d'Elliant, par Jean-Marie Déguignet}}{{Tpg|DÉGUIGNET Jean-Marie - Histoire de ma vie, l'Intégrale}}
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-Les cantiques bretons sont des chants sacrés populaires chantés à l’occasion des messes et pardons en Basse-Bretagne.+Les cantiques bretons sont des chants sacrés populaires chantés à l’occasion des messes et pardons en Basse-Bretagne. Dans ses mémoires publiées en 2001 en version intégrale, Jean-Marie Déguignet a présenté trois de ces cantiques, très connus encore aujourd'hui, en citant un ou plusieurs couplets :
-* M'hoc'h ador, ma Doue ma c'hrouer, page 141 de l'Intégrale des Mémoires.+<b>A.</b> « <i>M'hoc'h ador, ma Doue ma c'hrouer</i> », "Je vous adore, Dieu mon Créateur", en page 141.
-* Guerz ar garnel, page 462 +<br><b>B.</b> « <i>Guerz ar garnel</i> », "la ballade du charnier ou de l'ossuaire", en page 462.
-* Kantik ar barados, pages 464, 474+<br><b>C.</b> « <i>Kantik ar baradoz</i> », "le cantique du paradis", en pages 464 et 474.
 + 
 +Le premier cantique a les faveurs de Déguignet pour sa mélodie reconnaissable entre toutes (cf. enregistrement de Yann-Fanch Quemener ci-contre) : « <i>il se chante sur le plus bel air que je connaisse en breton</i> ».
 + 
 +Le couplet cité par le paysan bas-breton est la prière à l'ange gardien, invoqué par lui, enfant, pour le préserver de l'esprit du mal : « <i>Va mirit ouz an drouc-speret</i> ». Mais ayant quand même des mauvaises pensées, malgré sa prière, Déguignet pose ce trait d'humour : « <i>C'était à lui de répondre de moi, et non à moi de répondre de lui</i> ».
 + 
 +Le second cantique dit du charnier a été écrit en 1750 par Fiacre Cochart <ref>Cf. « <i>Les hymnes de la fête des morts en Basse-Bretagne</i> » du chanoine Henri Pérennés, page 49.</ref>, prêtre de Ploudaniel. On chantait jadis cette « <i>Guerz ar garnel</i> » le jour des morts dans nos cimetières bretons, au moment où la procession funèbre arrivait devant l'ossuaire.
 + 
 +Cette procession a d'ailleurs été fort bien décrite par Anatole Le Braz : « <i>La foule s'avance, clergé en tête, en un long serpentement noir, dans le gris ouaté du crépuscule ; le vent gonfle les surplis des prêtres, les mantes des femmes, hérisse les chevelures floconneuses des vieillards, attise les cires ardentes aux mains des enfants de chœur. Devant l'ossuaire on s'agenouille, et l'assistance entonne une sorte d'incantation pleine à la fois d'angoisse et de fougue, et qui secoue les chanteurs eux-mêmes d'un inénarrable frisson ...</i> » <ref>« <i>la Fête des Morts en Bretagne</i>, Anatole Le Braz, publié en feuilleton dans le Journal des débats politiques et littéraires du 1er novembre 1894.</ref>.
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 +<big>Enregistrements sonores :</big>
 +<JplayerM url3="YFKemener-Kantig-ar-baradoz.mp3"
 +url2="GwennC-Flute-GwerzArGarnel.mp3">
 +YFKemener-Mhoch-ador-ma-Doue.mp3
 +</JplayerM>
 +
 +Dans la « <i>Guerz ar garnel</i> », ce sont les ossements qui s'adressent aux vivants : « <i>Ni zo bet war ann douar o rén kerkoulz ha c'houi, O tiviz, hag o vale , oc'h eva , o tibri</i> » (Nous avons vécu sur terre, tout comme vous, Nous avons devisé, marché, bu, mangé). Déguignet s'en sert pour dénoncer la tristesse voulue par les clercs tonsurés qui ont composés les cantiques « <i>pour effrayer leurs troupeaux</i> », alors que les bretons étaient « <i>gais et riants, en vrais enfants de Bacchus</i> », même devant la mort.
 +
 +Le troisième est le célèbre cantique du paradis. Il a été collecté par Hersart de La Villemarqué dans son anthologie du « <i>Barzaz Breizh</i> » de 1841. On l'attribue généralement à Michel Le Nobletz (1577-1652), mais la tradition populaire voudrait qu'il fût composé par saint Hervé en personne.
 +
 +Déguignet le qualifie de « <i>joli cantique breton</i> » et défend l'idée que son contenu a pour but de tromper les ouailles, de « <i>détacher complètement leur cœur des biens de ce misérable monde, de ne jamais songer qu'aux biens précieux et éternels de l'autre monde</i> ».
 +
 +Il compose même, pour se moquer, des variantes des paroles du cantique : « <i>Jesus peguen bras ve - Plujadur an dudze - Mar c'helfen kaouet tout - Ar c'hreyen ac ar yout</i> » (Jésus, combien grand serait - Le plaisir de ces gens - S'ils pouvaient avoir tout - La chèvre et le chou).
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-==Kantique "M'hoc'h ador, ma Doue ma c'hrouer"==+==Cantique "M'hoc'h ador, ma Doue ma c'hrouer"==
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{{FinCitation}} {{FinCitation}}
 +<big>Iconographie</big>
 +<gallery perrow=3 caption="Collectage, partitions">
 +Image:MhochadorPartition.jpg|Partition Per Kentel
 +Image:M'hoc'hAdorDoue-FeuilleChant.jpg|Feuille de chant
 +Image:KanaouennouSantel-001.jpg|Kanaouennou Santel, 1842, p.1
 +Image:KanaouennouSantel-002.jpg|p.2
 +Image:KanaouennouSantel-003.jpg|p.3
 +</gallery>
 +|width=4% valign=top|&nbsp;
 +|width=48% valign=top {{jtfy}}|
<big>Texte complet du chant</big> <big>Texte complet du chant</big>
{{Citation}} {{Citation}}
 +<tt>
 +Evit adoriñ Doue
 +<br><i>M'hoc'h ador, Doue va C'hrouer
 +<br>M'hoc'h ador Jezuz, va Salver
 +<br>Me zo amañ war va daoulin
 +<br>'Vit ho pediñ diouzh ar mintin.</i>
 +
 +Evit trugarekaat Doue
 +<br><i>Mil bennozh deoc'h, o va Aotrou,
 +<br>Evit hoc'h holl madoberoù
 +<br>D'am bezañ graet, prenet, miret,
 +<br>Hag en hoc'h Iliz kemeret.</i>
 +
 +Evit en em reiñ da Zoue
 +<br><i>Kement a rin, a lavarin,
 +<br>A c'houzañvin hag a soñjin,
 +<br>A ginnigan evit ho kloar,
 +<br>Keit ha ma vin war an douar.</i>
 +
 +Evit bezañ fidel da Zoue
 +<br><i>Evit plijout deoc’h, Salver karet,
 +<br>Me a dec’ho diouzh ar pec’hed,
 +<br>Hag a heulio a-benn-da-benn
 +<br>Kement a zo en ho lezenn.</i>
 +</tt>
 +<spoiler id="993" text="A-c'houde ...">
 +<tt>
 +Evit goulenn grasoù
 +<br><i>Sellit ouzhin, o va Jezuz,
 +<br>Skuilhit warnon grasoù nerzus,
 +<br>Ha dreist pep tra grit ma vo don
 +<br>Ho karantez e-barzh va c’halon.</i>
 +
 +Evit pediñ ar Werc’hez
 +<br><i>Gwerc’hez Vari, va Mamm dener,
 +<br>Bezit atav mat em c’heñver ;
 +<br>Ha pa sono eur ar c’himiad,
 +<br>Deuit da glozañ va daoulagad.</i>
 +
 +Evit pediñ an Ael-mat
 +<br><i>C’hwi, va Ael-mat, kannad Doue,
 +<br>Mirit va c’horf ha va ene ;
 +<br>Na lezit ket an droukspered
 +<br>D’am chadennañ dre ar pec’hed.</i>
 +
 +D’hor Patron pe d’hor Patronez
 +<br><i>Va Sant patron, me zo eürus
 +<br>Da gaout hoc’h anv enorus ;
 +<br>Peogwir em eus ken bras enor,
 +<br>Ho pet truez ouzh ho filhor.</i>
 +
 +Pe
 +<br><i>Va fatronez, me zo eürus
 +<br>Da gaout hoc’h anv enorus ;
 +<br>Ha me ho ped, va maeronez,
 +<br>Da henchañ mat ho filhorez.</i>
 +</tt>
 +</spoiler>
{{FinCitation}} {{FinCitation}}
-|width=4% valign=top|&nbsp;+ 
-|width=48% valign=top {{jtfy}}|+
<big>Traduction française</big> <big>Traduction française</big>
{{Citation}} {{Citation}}
-{{FinCitation}}+<tt>
 +Pour adorer Dieu
 +<br><i>Je vous adore, Dieu mon Créateur
 +<br>Je vous adore Jésus, mon Sauveur
 +<br>Je suis ici à genoux
 +<br>Pour vous priez ce matin.</i>
-<big>Iconographie</big>+Pour remercier Dieu
-<gallery caption="Feuilles volantes, collectage ">+<br><i>Mille bénédictions à vous, ô mon Seigneur
-Image:MhochadorPartition.jpg|Partition Per Kentel+<br>Pour tous vos bienfaits
-</gallery>+<br>D'avoir été créé, racheté, gardé
 +<br>Et d’être membre de votre Eglise.</i>
-<br><big>Enregistrements sonores</big>+Pour se donner à Dieu
 +<br><i>Tout ce que je ferai, je dirai
 +<br>Je supporterai et je penserai
 +<br>Je vous le donne pour votre gloire
 +<br>Tant que je serai sur la terre.</i>
 + 
 +Pour être fidèle à Dieu
 +<br><i>Pour vous plaire, Sauveur aimé,
 +<br>Je fuirai le péché,
 +<br>Et je suivrai en tout point
 +<br>Ce qui est dans votre loi.</i>
 +</tt>
 +<spoiler id="994" text="Suite ...">
 +<tt>
 +Pour demander des grâces
 +<br><i>Regardez vers moi, o mon Jésus,
 +<br>Répandez sur moi vos grâces
 +<br>Et surtout mettez profondément
 +<br>Votre amour dans mon cœur.</i>
 + 
 +Pour prier la Vierge
 +<br><i>Vierge Marie, ma tendre Mère,
 +<br>Soyez toujours bonne à mon égard
 +<br>Et quand viendront les adieux
 +<br>Venez me clore les yeux.</i>
 + 
 +Pour prier l’ange-gardien
 +<br><i>Vous, mon bon Ange, messager de Dieu,
 +<br>Gardez mon corps et mon âme ;
 +<br>Ne laissez pas le démon
 +<br>M’enchaîner par le péché.</i>
 + 
 +A notre saint patron ou sainte patronne
 +<br><i>Mon saint Patron, je suis heureux
 +<br>De porter votre nom honorable ;
 +<br>Parce que c’est un grand honneur,
 +<br>Prenez pitié de votre filleul.</i>
 + 
 +Ou
 +<br><i>Ma Patronne, je suis heureuse
 +<br>De porter votre nom honorable ;
 +<br>Et je vous prie, ma patronne,
 +<br>De bien guider votre filleule.</i>
 +</tt>
 +</spoiler>
 +{{FinCitation}}
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<big>Texte de Déguignet, p. 462</big> <big>Texte de Déguignet, p. 462</big>
{{Citation}} {{Citation}}
-Non, l'amour en Bretagne, ni les chansons qu'il inspire ne sont pas tristes comme chez les peuples dits civilisés.Mais ce qu'il y a de triste pour les ignorants et les fanatisés, ce sont les <i>guers</i>, complaintes fabriquées par les prêtres pour leurs troupeaux,+Non, l'amour en Bretagne, ni les chansons qu'il inspire ne sont pas tristes comme chez les peuples dits civilisés. Mais ce qu'il y a de triste pour les ignorants et les fanatisés, ce sont les <i>guers</i>, complaintes fabriquées par les prêtres pour effrayer leurs troupeaux,
-<spoiler id="991" text="la suite ...">complaintes sur les miracles opérés par les saints et les saintes, complaintes sur les crimes +<spoiler id="991" text="la suite ...">complaintes sur les miracles opérés par les saints et les saintes, complaintes sur les crimes commis par des impies sur les choses sacrées et les punitions effroyables infligées immédiatement aux criminels, complaintes sur l'enfer et le purgatoire, complainte des morts (<i>an Nanaon</i>) et des ossements des cimetières, etc. etc. Et dans les derniers couplets de toutes ces complaintes, il est toujours fait appel à la bourse des ouailles pour dire des messes pour la conversion des impies et des hérétiques et pour la délivrance des âmes du purgatoire, surtout pour les âmes abandonnées (<i>evit an Nanaon abandonet</i>).
</spoiler> </spoiler>
 +Dans la complainte des ossements (<i>Guers ar garnel</i>), ce sont les os eux-mêmes qui parlent. Ils disent aux vivants :
 +
<tt> <tt>
<i>« Nint zo bet var an douar o ren ken coulz a c'hout <i>« Nint zo bet var an douar o ren ken coulz a c'hout
-<br>Hovale+<br>Hovale ac o tivis, o c'heva, o tebri
-<br>Cetu+<br>Cetu nint aman brema er stat mar zom renter
<br>Goude mom bet an douar o vesur ar prenvet. »</i> <br>Goude mom bet an douar o vesur ar prenvet. »</i>
-<br>("Nous avons+<br>("Nous avons été sur la terre aussi bien que vous
-<br>Marchant,+<br>Marchant, causant, buvant et mangeant
-<br>Et voilà+<br>Et voilà maintenant en quel état nous sommes
<br>Après avoir été dans la terre nourrir les vers.") <br>Après avoir été dans la terre nourrir les vers.")
</tt> </tt>
Mais les derniers vers de cette complainte du charnier en montrent parfaitement le but : Mais les derniers vers de cette complainte du charnier en montrent parfaitement le but :
 +
<tt> <tt>
-<i>« Lest+<i>« Lest ta madou ar bed man gred brezel dar visou
-<br>Disale ... er besiou. »</i>+<br>Disale c'houi vo ivez vel deomp ni er besiou. »</i>
-<br>("Laissez+<br>("Laissez donc les biens de ce monde, faites la guerre aux vices
-<br>Car sans tarder ... tombeau.")+<br>Car sans tarder vous serez comme nous au tombeau.")
</tt> </tt>
-<spoiler id="992" text="complément ...">Et les malins tonsurés ... ces fabricateurs d'âmes ?+<spoiler id="992" text="complément ...">Et les malins tonsurés qui composèrent cela en rirent comme des tourtes disant : « ces bonnes ouailles vont gober tout ça et nous laisseront les biens et les vices dont nous savons si bien user, tandis que ces imbéciles n'en savent que faire. » Cependant, ces tonsurés doivent avoir aussi l'âme de la Bretagne, car ils sont tous de purs Bretons, tous fils de paysans. Je ne vois pas cependant que ces fripons soient tristes, bien au contraire, je les vois toujours gais et riants, en vrais enfants de Bacchus. Ils n'ont rien à faire, que manger, boire et chanter. Où diable ont-ils donc trouvé cette âme triste de la Bretagne, ces chercheurs ou ces fabricateurs d'âmes ?
</spoiler> </spoiler>
{{FinCitation}} {{FinCitation}}
 +<big>Iconographie</big>
 +<gallery perrow=3 caption="Collectage, partitions">
 +Image:GuerzArGarnel-FeuilleVolante.jpg|FV Médiathèque Q.
 +Image:GuerzArGarnelPartition.jpg|Partition
 +Image:LégendeDeLaMort-280.jpg|Légende de la mort, p. 280
 +Image:LégendeDeLaMort-281.jpg|p. 281
 +Image:LégendeDeLaMort-282.jpg|p. 282
 +Image:LégendeDeLaMort-283.jpg|p. 283
 +Image:ALB-UnionAgricol-nov1889-GwerzArGarnel.jpg|Le Braz, Union Agricole, 1889
 +Image:KanaouennouSantel-270.jpg|Kanaouennou Santel, 1842, p.270
 +Image:KanaouennouSantel-271.jpg|p.271
 +Image:KanaouennouSantel-272.jpg|p.272
 +Image:ThèseEvaGuillorel2008-p77.jpg|Thèse Eva Guillorel, 2008
 +</gallery>
 +|width=4% valign=top|&nbsp;
 +|width=48% valign=top |
<big>Texte complet du chant</big> <big>Texte complet du chant</big>
{{Citation}} {{Citation}}
 +<tt>
 +Deomp d'ar garnell, kristenien, gwélomp ar relegou
 +<br>Euz hor breudeur, c'hoarezed, bon tadou hor mammou,
 +<br>Demeuz hon amezein, bor brasa mignoned,
 +<br>Gwélomp ar stad truezuz e pini 'maint rentet.
 +
 +Gwélet a reot anezho torret ha bruzunet,
 +<br>Ha memès ann darn-vuia a zo e poultr kouezet ;
 +<br>Ne wéler mui ho noblanz, ho danvez, ho ghened,
 +<br>Ar maro hag ann douar ho deuz ho dismantret.
 +
 +Ar paour hag ar pinvidik, ar mestr hag ar mevel,
 +<br>Oll int dishévélébet, oll int lekeat henvel,
 +<br>N'ez euz mui nemed eskern, poultr ha breinadurez
 +<br>Dellezeg a zismeganz, ma na vent a druez.
 +
 +Hoghen er stad truezuz e pini 'maint rentet,
 +<br>E komzont hag ho c'homz-mut zo bhelavar meurbed,
 +<br>Oc'h peb-unan e preegont, mar keromp profita,
 +<br>Dre rua plijo gand Doue hol lezel er bed-ma.
 +
 +Klevit eta ho c'hentel, ba taolit ho plet-mad,
 +<br>Gand eur galon ioulek da brofita ervad.
 +<br>Lavaret a rint d'e-hoc'b skler ez int bet er bed-ma,
 +<br>Hag e varfot eveld-ho, pa zonjol nebeuta.
 +
 +Ni zo bet war ann douar o rén kerkoulz ha c'houi,
 +<br>O tiviz, hag o vale , oc'h eva , o tibri,
 +<br>Ha chetu ama brema ar stad ma'z omp rentet
 +<br>Goude m'omp ber enn douar o vesur ar prenved.
 +
 +M’oa eunn den krén ha galant, ha me eunn dijentil,
 +<br>Me oa eunn den pinvidik, ha me eunn den habil ;
 +<br>Me 'm euz kollet va noblanz, ha me va oll zanvez
 +<br>Me va nerz ha va ghened, ha me va gwisieghez.
 +
 +N'hon euz kavet nemed-omp hag hon oberiou mad
 +<br>Da ghinniga d'hor barner, d'hor roue ha d'hon tad ;
 +<br>List eta madou 'nn douar, argarzit ar ziou
 +<br>Ha gwiskit hoc'h eneou a bep seurt vertuziou.
 +</tt>
 +<spoiler id="995" text="A-c'houde ...">
 +<tt>
 +Mar goulennit da béleac'h eo eat hon eneou ;
 +<br>Er purgator emaint-hi, pell c'hoaz euz ann envou ;
 +<br>Emaint enn tann o tévi, da beur-baea dlé
 +<br>Dastunmet war ann douar, e kenver gwir Doue.
 +
 +Euz a wéled ar flammou n'ehanont o krial,
 +<br>O choulenn ho pedennou, da zont er mez raktal
 +<br>Euz ar prizoniou tenval e pere int taolet ;
 +<br>Hastit, hastit d'ho zikour, ha na zaléit ket.
 +
 +D’ehoc'h-hu en em erbedomp, kerent ha mignoned,
 +<br>Ho pezit koun ac’hanomp, pa'z eot dre ar véred
 +<br>Lavarit, enn eur dremen ; Doué ra bardono
 +<br>D'ann anaoun er purgator, rak hou-nez eo hor bro.
 +
 +Eunn alusen, eur beden great a greiz ar galon,
 +<br>Eur iun pe eunn oferen, pe ar gommunion
 +<br>A hell kalz her zoulaji, ha berraat hor poaniou,
 +<br>Hag bon tenna enn eunn taol a weled ar flammou.
 +
 +Béleien karantezuz, hoc’h euz hor chundurt
 +<br>Enn hend hor zilvidighez pa edomp war ar bed,
 +<br>Dalc'hit-mad c'hoas eunn nebeud da gaout truez ouz-omp,
 +<br>Ha d'ober, dre drugarez, pep seurt mad evid-omp.
 +
 +Pa. bignit euz ann aoter evid oferenni,
 +<br>Pa zeu Doue daved-hoc'h, klevit neuze hor kri,
 +<br>Euz a wéled, ar flammou a c’houlenn dighen-e-hoc’h
 +<br>Ma teuot dre ar zakrifis d'ober gant-ban hor peoc'b.
 +
 +Ha p'her bezo peur-baëet ar boan dlet d'hor pec’hed,
 +<br>Ni ghinnigo evid-hoc'h da Zoue hor reket,
 +<br>Pedit, ni a rai ivez ; en em zékouromp oll,
 +<br>Eunn dailh vad eo da viret ne daï nikun da goll.
 +
 +Evel ann dour o vouga ann tan gwall allumet,
 +<br>Ann tan euz ar purgator a vez ivez moughet.
 +<br>Dre ar zakrifis santel lidet war ann aoter,
 +<br>Da c'houlenn hon dilivranz, dre Zoue hor Zalver.
 +
 +Pa zeu ann heol lughernuz a-zidan eur goabren,
 +<br>Ar bed oll a zo kentiz karghet a sklerijen,
 +<br>Ni a zavo skler ivez evel steredennou,
 +<br>Dre vertuz ar zakrifis a wéled hor poaniou.
 +
 +Adeo, tadou ha mammou, breudeur ha c'hoarezcd ;
 +<br>Adeo, kerent, mignoned ; adeo d'e-hoc’h tud ar bed,
 +<br>Ober a reomp d'e-hoc'h brema hon diveza kimiad
 +<br>Adeo d'e-hoc'h, kenavezo da draonien Josapbat !
 +
 +Roit ann arzao peur-baduz, va Jezus, va Aotroµ,
 +<br>D'ann anaoun-vad tremenet, pere zo er flammou;
 +<br>Kasit-ho d'ar baradoz d'ho meuli da jamès,
 +<br>War eunn dro gand ann oll zent, ha gand ann oll Elez.
 +<tt>
 +</spoiler>
{{FinCitation}} {{FinCitation}}
-|width=4% valign=top|&nbsp;+ 
-|width=48% valign=top{{jtfy}}|+
<big>Traduction française</big> <big>Traduction française</big>
{{Citation}} {{Citation}}
-{{FinCitation}}+<tt>
 +Venons au charnier, chrétiens, voyons les ossements
 +<br>De nos frères, sœurs, pères et mères,
 +<br>De nos voisins, de nos amis les plus chers ;
 +<br>Voyons l’état pitoyable où ils sont réduits.
-<big>Iconographie</big>+Vous les voyez cassés, émiettés ;
-<gallery caption="Feuilles volantes, collectage ">+<br>Même la plupart sont en poussière tombés.
-Image:GuerzArGarnel-FeuilleVolante.jpg|FV Médiathèque Q.+<br>Ici plus de noblesse, plus de fortune, plus de beauté !
-</gallery>+<br>La mort et la terre ont tout confondu.
-<br><big>Enregistrements sonores</big>+Entre le pauvre et le riche, le maître et le valet,
 +<br>Plus de différence ; tous sont semblables.
 +<br>Il ne reste d’eux que des os, de la poussière et de la pourriture.
 +<br>Ils nous dégoûteraient, si nous n’en avions pitié.
 + 
 +Eh bien ! en ce pitoyable état où ils sont réduits,
 +<br>Ils parlent, et leur parole muette est d’une singulière éloquence.
 +<br>Ils nous font la leçon, et c’est à nous d’en profiter,
 +<br>Tant qu’il plaira à Dieu de nous laisser en ce monde.
 + 
 +Écoutez donc leur enseignement, écoutez-le bien,
 +<br>Avec un cœur désireux d’en tirer bon profit.
 +<br>Ils vous disent clairement qu’eux aussi ont été de ce monde,
 +<br>Et que vous mourrez comme eux, quand vous y penserez le moins.
 + 
 +— Nous avons vécu sur terre, tout comme vous,
 +<br>Nous avons devisé, marché, bu, mangé,
 +<br>Et voici maintenant en quel état nous sommes réduits,
 +<br>Après avoir été en terre servir de pâture aux vers.
 + 
 +— J’étais un homme robuste et galant ! — Moi, un gentilhomme !
 +<br>— Moi, un homme riche ! — Moi, un habile homme !…
 +<br>— J’ai perdu ma noblesse ! — J’ai perdu ma fortune !…
 +<br>— J’ai perdu force et beauté ! — J’ai perdu ma science !…
 + 
 +Nous n’avons eu que nos personnes et nos bonnes œuvres
 +<br>À présenter à notre Juge, à notre Roi, à notre Père !
 +<br>Laissez donc les biens de la terre, détestez les vices,
 +<br>Et habillez vos âmes de toutes sortes de vertus.
 +</tt>
 +<spoiler id="996" text="Suite ...">
 +<tt>
 +Que si vous demandez où s’en sont allées nos âmes,
 +<br>Au purgatoire elles sont, loin encore des cieux.
 +<br>Elles sont dans le feu, qui brûlent, pour achever de payer la dette
 +<br>Qu’elles ont contractée sur terre envers le vrai Dieu.
 + 
 +Terrifiées par les flammes, elles s’époumonent à crier,
 +<br>À implorer vos prières, pour s’évader au plus vite
 +<br>Des prisons ténébreuses où elles sont jetées.
 +<br>Hâtez, hâtez-vous de les secourir, et ne différez point !
 + 
 +À vous nous nous adressons, parents et amis !
 +<br>Ayez souvenir de nous ! quand vous allez par le cimetière,
 +<br>Dites, en passant : « Dieu pardonne
 +<br>À l’Anaon dans le purgatoire ! » (Car c’est là notre pays.)
 + 
 +Une aumône, une prière faite à plein cœur,
 +<br>Un jeûne, ou une messe, ou une communion
 +<br>Peuvent beaucoup pour nous soulager, pour abréger nos peines,
 +<br>Et pour nous arracher d’un coup à l’horreur des flammes.
 + 
 +Prêtres aimants, qui nous avez guidés
 +<br>Dans le chemin du salut, lorsque nous étions du monde,
 +<br>Continuez encore quelque peu à avoir pitié de nous
 +<br>Et à nous donner, par bonté d’âme, toutes sortes de biens.
 + 
 +Quand vous montez à l’autel, pour officier,
 +<br>Quand Dieu descend vers vous, écoutez alors notre cri :
 +<br>Du sein des flammes nous vous supplions
 +<br>De nous aider, par le saint sacrifice, à faire avec Dieu notre paix.
 + 
 +Et quand nous aurons fini d’expier notre péché,
 +<br>Nous adresserons pour vous à Dieu notre requête.
 +<br>Priez. Nous le ferons à notre tour. Aidons-nous les uns les autres ;
 +<br>C’est un bon moyen pour empêcher que personne se perde.
 + 
 +Comme l’eau éteint le pire incendie,
 +<br>Ainsi, le feu du purgatoire est aussi éteint
 +<br>Par le saint sacrifice épandu sur l’autel.
 +<br>Demandez notre délivrance, au nom de Dieu le Sauveur.
 + 
 +Dès que le soleil lumineux s’élance hors des nuages,
 +<br>Le monde entier, aussitôt, resplendit de clarté.
 +<br>Nous aussi, nous nous lèverons, clairs, comme les étoiles,
 +<br>Par la vertu du saint sacrifice, quand seront terminées nos peines.
 + 
 +Adieu, pères et mères, frères et sœurs !
 +<br>Adieu, parents, amis ! Adieu, vous, les vivants du monde !
 +<br>Nous vous faisons maintenant nos derniers adieux.
 +<br>Adieu, tous ! Au revoir dans la vallée de Josaphat
 + 
 +Donnez le durable repos, Jésus, notre Maître,
 +<br>Au bon Anaon trépassé qui est dans les flammes !
 +<br>Envoyez-le au paradis pour vous louer à jamais
 +<br>Avec les saints, avec tous les anges !
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-Ce cantique qui a 29 couplets ... Jérusalem céleste ...+Ce cantique qui a 29 couplets est sorti bien entendu de la manufacture sacrée des jésuites et confrères. Dans tous les couplets, on invite instamment les bonnes ouailles à détacher complètement leur cœur des biens de ce misérable monde, de ne jamais songer qu'aux biens précieux et éternels de l'autre monde ...
<hr> <hr>
J'ai fabriqué un certain nombre de couplets bretons qui se chantent sur l'air de ce beau cantique dont j'ai donné deux couplets plus haut. Le dernier de ces couplets est : J'ai fabriqué un certain nombre de couplets bretons qui se chantent sur l'air de ce beau cantique dont j'ai donné deux couplets plus haut. Le dernier de ces couplets est :
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 +<big>Iconographie</big>
 +<gallery perrow=3 caption="Collectage, partitions">
 +Image:KantikArBaradozFeuilleDeChant.jpg|Feuille de chants
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<big>Texte complet du chant</big> <big>Texte complet du chant</big>
{{Citation}} {{Citation}}
 +<tt>
 +1 Jezuz, pegen bras ‘ve
 +<br>Plijadur an ene,
 +<br>Pa vez e gras Doue
 +<br>Hag en e garante(z).
 +
 +2 Berr ‘kavan an amzer
 +<br>Hag ar poanioù dister,
 +<br>O soñjal deiz ha noz,
 +<br>E gloar ar baradoz.
 +
 +3 Pa sellan en Neñvoù,
 +<br>Etrezek va gwir vro,
 +<br>Nijal di a garfen
 +<br>Evel ur goulmig wenn.
 +
 +4 Pa vo pred ar maro,
 +<br>Neuze me gimiado
 +<br>Diouz ar c'hig ankeniuz,
 +<br>Enebour da Jezus.
 +
 +5 Gortoz a ran gant joa,
 +<br>An termen diwezhañ,
 +<br>Mall am eus da welet,
 +<br>Jezuz, va gwir bried.
 +
 +6 Kerkent ha ma vezo,
 +<br>Torret va chadennoù,
 +<br>Me ‘n em savo en aer,
 +<br>Evel un alc’houeder.
 +
 +7 Tremen a rin al loat,
 +<br>Evit pignat d’ar c’hloar,
 +<br>Dreist an heol, ar stered,
 +<br>Me a vezo douget.
 +
 +8 Pa vin pell diouzh an douar,
 +<br>Traonienn leun a c’hlac’har,
 +<br>Neuze me ‘ray ur sell
 +<br>Ouzh va bro Breizh-Izel.
 +</tt>
 +<spoiler id="997" text="A-c'houde ...">
 +<tt>
 +9 Dezhi me ‘lavaro,
 +<br>" Kenavo dit, va bro,
 +<br>Kenavo, bed poanius,
 +<br>Gant da vadoù tromplus.
 +
 +10 Kenavo da viken,
 +<br>Paourentez hag anken,
 +<br>Kenavo pec’hedoù,
 +<br>Trubuilh ha kleñvedoù.
 +
 +14 Goude pred ar marv,
 +<br>Gant joa, me a gano :
 +<br>“ Torret eo va chadenn,
 +<br>Me ‘zo libr da viken.”
 +</tt>
 +</spoiler>
{{FinCitation}} {{FinCitation}}
-|width=4% valign=top|&nbsp;+ 
-|width=48% valign=top {{jtfy}}|+
<big>Traduction française</big> <big>Traduction française</big>
{{Citation}} {{Citation}}
-{{FinCitation}}+<tt>
 +1 Jésus, comme il est grand
 +<br>Le plaisir de l’âme
 +<br>Quand elle est dans la grâce de Dieu
 +<br>Et dans son amour.
-<big>Iconographie</big>+2 Je trouve court le temps
-<gallery caption="Feuilles volantes, collectage ">+<br>Et les souffrances misérables
-Image:KantikArBaradozFeuilleDeChant.jpg|Feuille de chants+<br>En pensant jour et nuit,
-</gallery>+<br>A la gloire du Paradis.
-<br><big>Enregistrements sonores</big>+3 Quand je regarde aux cieux
 +<br>Vers mon vrai pays,
 +<br>J’aimerai y voler
 +<br>Comme une colombe blanche.
 + 
 +4 Quand viendra la mort
 +<br>Alors je quitterai
 +<br>Cette chair douloureuse
 +<br>L'ennemie de Jésus.
 + 
 +5 J’attends avec joie,
 +<br>L’heure dernière
 +<br>J’ai hâte de voir
 +<br>Jésus, mon vrai Époux.
 + 
 +6. Aussitôt que seront
 +<br>Brisées mes chaines
 +<br>Je m’élèverai dans l’air
 +<br>Comme une alouette.
 + 
 +7 Je passerai la lune,
 +<br>Pour monter à la gloire
 +<br>Au-delà du soleil, des étoiles
 +<br>Je serai porté.
 + 
 +8 Quand je serai loin de la terre
 +<br>Vallée pleine de peines
 +<br>Alors je jetterai un regard
 +<br>A mon pays, la Bretagne.
 +</tt>
 +<spoiler id="998" text="Suite ...">
 +<tt>
 +9 Je lui dirai
 +<br>" Adieu, mon pays,
 +<br>Adieu, monde douloureux,
 +<br>Avec tes biens trompeurs.
 + 
 +10 Adieu à jamais,
 +<br>Pauvreté et angoisse
 +<br>Adieu péchés
 +<br>Afflictions et maladies.
 + 
 +14 Après l’instant de la mort
 +<br>Avec joie, je chanterai :
 +<br>"Ma chaîne est brisée,
 +<br>Je suis libre à jamais."
 +</tt>
 +</spoiler>
 +{{FinCitation}}
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Version actuelle

Image:Espacedeguignetter.jpg Dans ses « Mémoires d'un paysan bas-breton », Jean-Marie Déguignet (1834-1905) donne sa vision critique des cantiques religieux en langue bretonne, tout en soulignant leur beauté et l'importance qu'ils avaient pour ses concitoyens.

Autres lectures : « La gwerz de la ville d'Ys chantée par Déguignet » ¤ « Petite Fantaisie sur l'enfer / Ha Doue bardono nanaon / J-M. Deguignet » ¤ « L'histoire de la Bossen, la peste d'Elliant, par Jean-Marie Déguignet » ¤ « DÉGUIGNET Jean-Marie - Histoire de ma vie, l'Intégrale » ¤ 

1 Présentation

Les cantiques bretons sont des chants sacrés populaires chantés à l’occasion des messes et pardons en Basse-Bretagne. Dans ses mémoires publiées en 2001 en version intégrale, Jean-Marie Déguignet a présenté trois de ces cantiques, très connus encore aujourd'hui, en citant un ou plusieurs couplets  :

A. « M'hoc'h ador, ma Doue ma c'hrouer », "Je vous adore, Dieu mon Créateur", en page 141.
B. « Guerz ar garnel », "la ballade du charnier ou de l'ossuaire", en page 462.
C. « Kantik ar baradoz », "le cantique du paradis", en pages 464 et 474.

Le premier cantique a les faveurs de Déguignet pour sa mélodie reconnaissable entre toutes (cf. enregistrement de Yann-Fanch Quemener ci-contre) : « il se chante sur le plus bel air que je connaisse en breton ».

Le couplet cité par le paysan bas-breton est la prière à l'ange gardien, invoqué par lui, enfant, pour le préserver de l'esprit du mal : « Va mirit ouz an drouc-speret ». Mais ayant quand même des mauvaises pensées, malgré sa prière, Déguignet pose ce trait d'humour : « C'était à lui de répondre de moi, et non à moi de répondre de lui ».

Le second cantique dit du charnier a été écrit en 1750 par Fiacre Cochart [1], prêtre de Ploudaniel. On chantait jadis cette « Guerz ar garnel » le jour des morts dans nos cimetières bretons, au moment où la procession funèbre arrivait devant l'ossuaire.

Cette procession a d'ailleurs été fort bien décrite par Anatole Le Braz : « La foule s'avance, clergé en tête, en un long serpentement noir, dans le gris ouaté du crépuscule ; le vent gonfle les surplis des prêtres, les mantes des femmes, hérisse les chevelures floconneuses des vieillards, attise les cires ardentes aux mains des enfants de chœur. Devant l'ossuaire on s'agenouille, et l'assistance entonne une sorte d'incantation pleine à la fois d'angoisse et de fougue, et qui secoue les chanteurs eux-mêmes d'un inénarrable frisson ... » [2].

 

Enregistrements sonores :

Dans la « Guerz ar garnel », ce sont les ossements qui s'adressent aux vivants : « Ni zo bet war ann douar o rén kerkoulz ha c'houi, O tiviz, hag o vale , oc'h eva , o tibri » (Nous avons vécu sur terre, tout comme vous, Nous avons devisé, marché, bu, mangé). Déguignet s'en sert pour dénoncer la tristesse voulue par les clercs tonsurés qui ont composés les cantiques « pour effrayer leurs troupeaux », alors que les bretons étaient « gais et riants, en vrais enfants de Bacchus », même devant la mort.

Le troisième est le célèbre cantique du paradis. Il a été collecté par Hersart de La Villemarqué dans son anthologie du « Barzaz Breizh » de 1841. On l'attribue généralement à Michel Le Nobletz (1577-1652), mais la tradition populaire voudrait qu'il fût composé par saint Hervé en personne.

Déguignet le qualifie de « joli cantique breton » et défend l'idée que son contenu a pour but de tromper les ouailles, de « détacher complètement leur cœur des biens de ce misérable monde, de ne jamais songer qu'aux biens précieux et éternels de l'autre monde ».

Il compose même, pour se moquer, des variantes des paroles du cantique : « Jesus peguen bras ve - Plujadur an dudze - Mar c'helfen kaouet tout - Ar c'hreyen ac ar yout » (Jésus, combien grand serait - Le plaisir de ces gens - S'ils pouvaient avoir tout - La chèvre et le chou).


2 Cantique "M'hoc'h ador, ma Doue ma c'hrouer"

Texte de Déguignet, p. 141

Je savais la prière spéciale qu'il fallait lui adresser, qui, en breton est un cantique, et qui se chante sur le plus bel air que je connaisse en breton :

« Ha c'houi va ael mad canat Doue,
Mirit va c'horf ba va ene,
Va mirit ouz an drouc-speret,
Ha dreist pep tra ous pep péc'het. »

("Et vous, mon ange gardien aimé de Dieu
Préservez mon corps et mon âme
Préservez-moi de l'esprit du mal
Et par-dessus tout du péché.")

Mais lorsque j'avais psalmodié ces prières avec quelques Pater et Ave Maria, mon esprit vagabond commençait aussitôt à fourrager dans les champs défendus. En effet, il ne pouvait s'empêcher de se demander pourquoi cet ange, commis spécialement à ma garde, me laissait m'égarer à chaque instant. C'était à lui de répondre de moi, et non à moi de répondre de lui.

Iconographie

 

Texte complet du chant

Evit adoriñ Doue
M'hoc'h ador, Doue va C'hrouer
M'hoc'h ador Jezuz, va Salver
Me zo amañ war va daoulin
'Vit ho pediñ diouzh ar mintin.

Evit trugarekaat Doue
Mil bennozh deoc'h, o va Aotrou,
Evit hoc'h holl madoberoù
D'am bezañ graet, prenet, miret,
Hag en hoc'h Iliz kemeret.

Evit en em reiñ da Zoue
Kement a rin, a lavarin,
A c'houzañvin hag a soñjin,
A ginnigan evit ho kloar,
Keit ha ma vin war an douar.

Evit bezañ fidel da Zoue
Evit plijout deoc’h, Salver karet,
Me a dec’ho diouzh ar pec’hed,
Hag a heulio a-benn-da-benn
Kement a zo en ho lezenn.
§ A-c'houde ...

Traduction française

Pour adorer Dieu
Je vous adore, Dieu mon Créateur
Je vous adore Jésus, mon Sauveur
Je suis ici à genoux
Pour vous priez ce matin.

Pour remercier Dieu
Mille bénédictions à vous, ô mon Seigneur
Pour tous vos bienfaits
D'avoir été créé, racheté, gardé
Et d’être membre de votre Eglise.

Pour se donner à Dieu
Tout ce que je ferai, je dirai
Je supporterai et je penserai
Je vous le donne pour votre gloire
Tant que je serai sur la terre.

Pour être fidèle à Dieu
Pour vous plaire, Sauveur aimé,
Je fuirai le péché,
Et je suivrai en tout point
Ce qui est dans votre loi.
§ Suite ...


3 Gwerz ar garnel, Ballade de l'ossuaire

Texte de Déguignet, p. 462

Non, l'amour en Bretagne, ni les chansons qu'il inspire ne sont pas tristes comme chez les peuples dits civilisés. Mais ce qu'il y a de triste pour les ignorants et les fanatisés, ce sont les guers, complaintes fabriquées par les prêtres pour effrayer leurs troupeaux, § la suite ...

Dans la complainte des ossements (Guers ar garnel), ce sont les os eux-mêmes qui parlent. Ils disent aux vivants :

« Nint zo bet var an douar o ren ken coulz a c'hout
Hovale ac o tivis, o c'heva, o tebri
Cetu nint aman brema er stat mar zom renter
Goude mom bet an douar o vesur ar prenvet. »

("Nous avons été sur la terre aussi bien que vous
Marchant, causant, buvant et mangeant
Et voilà maintenant en quel état nous sommes
Après avoir été dans la terre nourrir les vers.")

Mais les derniers vers de cette complainte du charnier en montrent parfaitement le but :

« Lest ta madou ar bed man gred brezel dar visou
Disale c'houi vo ivez vel deomp ni er besiou. »

("Laissez donc les biens de ce monde, faites la guerre aux vices
Car sans tarder vous serez comme nous au tombeau.")

§ complément ...

Iconographie

 

Texte complet du chant

Deomp d'ar garnell, kristenien, gwélomp ar relegou
Euz hor breudeur, c'hoarezed, bon tadou hor mammou,
Demeuz hon amezein, bor brasa mignoned,
Gwélomp ar stad truezuz e pini 'maint rentet.

Gwélet a reot anezho torret ha bruzunet,
Ha memès ann darn-vuia a zo e poultr kouezet ;
Ne wéler mui ho noblanz, ho danvez, ho ghened,
Ar maro hag ann douar ho deuz ho dismantret.

Ar paour hag ar pinvidik, ar mestr hag ar mevel,
Oll int dishévélébet, oll int lekeat henvel,
N'ez euz mui nemed eskern, poultr ha breinadurez
Dellezeg a zismeganz, ma na vent a druez.

Hoghen er stad truezuz e pini 'maint rentet,
E komzont hag ho c'homz-mut zo bhelavar meurbed,
Oc'h peb-unan e preegont, mar keromp profita,
Dre rua plijo gand Doue hol lezel er bed-ma.

Klevit eta ho c'hentel, ba taolit ho plet-mad,
Gand eur galon ioulek da brofita ervad.
Lavaret a rint d'e-hoc'b skler ez int bet er bed-ma,
Hag e varfot eveld-ho, pa zonjol nebeuta.

Ni zo bet war ann douar o rén kerkoulz ha c'houi,
O tiviz, hag o vale , oc'h eva , o tibri,
Ha chetu ama brema ar stad ma'z omp rentet
Goude m'omp ber enn douar o vesur ar prenved.

M’oa eunn den krén ha galant, ha me eunn dijentil,
Me oa eunn den pinvidik, ha me eunn den habil ;
Me 'm euz kollet va noblanz, ha me va oll zanvez
Me va nerz ha va ghened, ha me va gwisieghez.

N'hon euz kavet nemed-omp hag hon oberiou mad
Da ghinniga d'hor barner, d'hor roue ha d'hon tad ;
List eta madou 'nn douar, argarzit ar ziou
Ha gwiskit hoc'h eneou a bep seurt vertuziou.
§ A-c'houde ...

Traduction française

Venons au charnier, chrétiens, voyons les ossements
De nos frères, sœurs, pères et mères,
De nos voisins, de nos amis les plus chers ;
Voyons l’état pitoyable où ils sont réduits.

Vous les voyez cassés, émiettés ;
Même la plupart sont en poussière tombés.
Ici plus de noblesse, plus de fortune, plus de beauté !
La mort et la terre ont tout confondu.

Entre le pauvre et le riche, le maître et le valet,
Plus de différence ; tous sont semblables.
Il ne reste d’eux que des os, de la poussière et de la pourriture.
Ils nous dégoûteraient, si nous n’en avions pitié.

Eh bien ! en ce pitoyable état où ils sont réduits,
Ils parlent, et leur parole muette est d’une singulière éloquence.
Ils nous font la leçon, et c’est à nous d’en profiter,
Tant qu’il plaira à Dieu de nous laisser en ce monde.

Écoutez donc leur enseignement, écoutez-le bien,
Avec un cœur désireux d’en tirer bon profit.
Ils vous disent clairement qu’eux aussi ont été de ce monde,
Et que vous mourrez comme eux, quand vous y penserez le moins.

— Nous avons vécu sur terre, tout comme vous,
Nous avons devisé, marché, bu, mangé,
Et voici maintenant en quel état nous sommes réduits,
Après avoir été en terre servir de pâture aux vers.

— J’étais un homme robuste et galant ! — Moi, un gentilhomme !
— Moi, un homme riche ! — Moi, un habile homme !…
— J’ai perdu ma noblesse ! — J’ai perdu ma fortune !…
— J’ai perdu force et beauté ! — J’ai perdu ma science !…

Nous n’avons eu que nos personnes et nos bonnes œuvres
À présenter à notre Juge, à notre Roi, à notre Père !
Laissez donc les biens de la terre, détestez les vices,
Et habillez vos âmes de toutes sortes de vertus.
§ Suite ...


4 Kantik ar barados, Cantique du paradis

Texte de Déguignet, p. 464 & 474

Je dirai avec ce joli cantique breton :

« Neuze me lavaro
Kenavo dit, va bro
Kenavo, bed poanius
Gant da bechou tromplus
Kenavo paourente
Kenavo vanite
Kenavo trubuilou
Kenavo pec'hejou.

 

"Alors je dirai
Adieu toi mon pays
Adieu monde de peine
Avec tes desseins trompeurs
Adieu pauvreté
Adieu vanité
Adieu tribulations
Adieu les péchés."

Ce cantique qui a 29 couplets est sorti bien entendu de la manufacture sacrée des jésuites et confrères. Dans tous les couplets, on invite instamment les bonnes ouailles à détacher complètement leur cœur des biens de ce misérable monde, de ne jamais songer qu'aux biens précieux et éternels de l'autre monde ...


J'ai fabriqué un certain nombre de couplets bretons qui se chantent sur l'air de ce beau cantique dont j'ai donné deux couplets plus haut. Le dernier de ces couplets est :

« Jesus peguen bras ve
Plujadur an dudze
Mar c'helfen kaouet tout
Ar c'hreyen ac ar yout.

 

"Jésus, combien grand serait
Le plaisir de ces gens
S'ils pouvaient avoir tout
La chèvre et le chou."

Iconographie

 

Texte complet du chant

1 Jezuz, pegen bras ‘ve
Plijadur an ene,
Pa vez e gras Doue
Hag en e garante(z).

2 Berr ‘kavan an amzer
Hag ar poanioù dister,
O soñjal deiz ha noz,
E gloar ar baradoz.

3 Pa sellan en Neñvoù,
Etrezek va gwir vro,
Nijal di a garfen
Evel ur goulmig wenn.

4 Pa vo pred ar maro,
Neuze me gimiado
Diouz ar c'hig ankeniuz,
Enebour da Jezus.

5 Gortoz a ran gant joa,
An termen diwezhañ,
Mall am eus da welet,
Jezuz, va gwir bried.

6 Kerkent ha ma vezo,
Torret va chadennoù,
Me ‘n em savo en aer,
Evel un alc’houeder.

7 Tremen a rin al loat,
Evit pignat d’ar c’hloar,
Dreist an heol, ar stered,
Me a vezo douget.

8 Pa vin pell diouzh an douar,
Traonienn leun a c’hlac’har,
Neuze me ‘ray ur sell
Ouzh va bro Breizh-Izel.
§ A-c'houde ...

Traduction française

1 Jésus, comme il est grand
Le plaisir de l’âme
Quand elle est dans la grâce de Dieu
Et dans son amour.

2 Je trouve court le temps
Et les souffrances misérables
En pensant jour et nuit,
A la gloire du Paradis.

3 Quand je regarde aux cieux
Vers mon vrai pays,
J’aimerai y voler
Comme une colombe blanche.

4 Quand viendra la mort
Alors je quitterai
Cette chair douloureuse
L'ennemie de Jésus.

5 J’attends avec joie,
L’heure dernière
J’ai hâte de voir
Jésus, mon vrai Époux.

6. Aussitôt que seront
Brisées mes chaines
Je m’élèverai dans l’air
Comme une alouette.

7 Je passerai la lune,
Pour monter à la gloire
Au-delà du soleil, des étoiles
Je serai porté.

8 Quand je serai loin de la terre
Vallée pleine de peines
Alors je jetterai un regard
A mon pays, la Bretagne.
§ Suite ...


5 Annotations

  1. Cf. « Les hymnes de la fête des morts en Basse-Bretagne » du chanoine Henri Pérennés, page 49. [Ref.↑]
  2. « la Fête des Morts en Bretagne, Anatole Le Braz, publié en feuilleton dans le Journal des débats politiques et littéraires du 1er novembre 1894. [Ref.↑]


Thème de l'article : Ecrits de Jean-Marie Déguignet

Date de création : Novembre 2011    Dernière modification : 21.09.2019    Avancement : Image:Bullorange.gif [Développé]