Jean-Marie Déguignet et le sexe - GrandTerrier

Jean-Marie Déguignet et le sexe

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Image:Espacedeguignetter.jpg Trois extraits des Mémoires de Jean-Marie Déguignet édités par la Revue de Paris en 1905 et par l'association Arkae en 2001 qui mettent en lumière sa conception des choses du sexe, en pleine opposition avec la position de l'Église Catholique.

Déguignet ne craint pas les tabous en général, et sur ce thème en particulier il aborde sans complexe les sujets de l'onanisme [1], les jeux sexuels, les plaisirs de l'amour, la pédophilie des prêtres, la prostitution.

1 Onanisme et jeux sexuels, Intégrale des Mémoires, page 36

« Cette fille nous apprenait les prières et le catéchisme, à lire, elle ne parvint à l'apprendre qu'à moi seul seul, mais après ces premières leçons, édifiantes sans doute, avec le concours des autres filles qui venaient là elle nous donnait d'autres toutes aussi édifiantes sur l'histoire naturelle de l'homme et de la femme voire même des leçons pratiques. Il y avait dans ce grand village un pauvre idiot qui, quoique n'étant pas muet, ne disait jamais un mot ; il ne savait que pousser des grognements de douleur ou de satisfaction, il était le jouet de tous les enfants du village ; souvent il suivait ceux-ci quand ils venaient au catéchisme chez notre bonne fille ; là, le catéchisme et les prières finis, cette fille avec ces grandes camarades allaient aussi jouer avec l'idiot qui se laissait toujours faire sans mot dire, elles lui retiraient ses grandes culottes en le couchant par terre, puis elles allaient à tour de rôle pratiquer sur lui ce que Onan [1] pratiquait lui-même à côté de sa belle-soeur Thamar et que l'Éternel fit mourir à cause de cela. Quand l'idiot ne venait pas, ces filles s'amusaient avec les enfants, dont quelques-uns du reste étaient bien âgés. Tout cela sans gêne et sans aucun scrupule, comme les enfants de la nature. Et cette fille, notre institutrice, était considérée comme une sainte femme, elle allait très souvent communier. Je ne sais si dans ses confessions elle racontait au curé toutes les leçons qu'elle nous donnait en dehors des leçons de catéchisme, et si le curé approuvait sa manière de faire, peut-être bien. Nos curés bretons ne voient pas grand mal dans ces petites choses naturelles, pas plus qu'ils n'en voient dans l'ivrognerie ; il en voient beaucoup plus dans l'instruction morales et scientifiques données par des laïques.

 

Ce que cette fille pratiquait chez elle se pratiquait à peu près de la même façon entre grandes personnes et en plein air. Le jeu favori des femmes était alors de mettre le coz et la goaskérez aux grands gars. Cela se pratiquait ordinairement dans les grandes journées de travail, soit à faire des fagots soit à couper la lande ou écobuer, dans lesquelles les meilleurs gars se trouvaient. Après le dîner ces gens allaient faire la sieste dans les courtils autour de la ferme ou dans les issues de l’aire à battre ; lorsque les femmes en trouvaient un isolé et dormant bien sur le dos, elles allaient à lui quatre ou cinq et sautaient chacune sur un bras ou une jambe de façon que l’homme ne puisse bouger. La cinquième femme déboutonnait alors la culotte et la remplissait de terre, de boue ou de bouse de vache ; cela s’appelait laka ar c’hoz [2] et ne faisait pas grand mal au patient, mais l’autre jeu était pire ; ici la femme restée libre préparait un gros bâton fendu qu’elle ouvrait avec ses deux mains comme on ouvre un piège, elle introduisait les « organis générationis ex pace per hominis » [3]. Cela s’appelait lakad ar woaskeres [4]. Et cela se pratiquait en plein champ devant tout le monde, devant des bandes d’enfants qui applaudissaient et riaient aux éclats. Je disais tout à l'heure comme dans l'état de nature ; mais je ne crois pas que nos premiers parents se livraient à ces jeux-là. Et ce n'est pas au Guelenec seulement qu'on se livraient à ces jeux-là et d'autres semblables ; je les ai vus partout dans les diverses parties de la Basse-Bretagne ».

2 Plaisirs de l'amour et pédophilie, Intégrale des Mémoires, page 364

« Nous nous trouvions là, au milieu de ce bois, dans ce nid d'amour, loin des regards indiscrets, deux êtres pleins de vie, de santé et de sève. Elle dix-neuf ans, paysanne forte et belle, et vierge encore, et moi trente-quatre ans, toute la force de l'âge et non encore gâté ni contaminé par des amours bestiales, comme beaucoup le sont à cet âge. Nous étions donc dans les meilleurs conditions possibles pour nous livrer à l'amour vrai, à ce bonheur suprême auquel toutes les créatures ont droit [...]

Oui, quand deux êtres se trouvent ainsi pour la première fois, deux êtres jeunes et vigoureux poussés l'un vers l'autre par mes mêmes sentiments et les mêmes besoins débordants, le moment est réellement sublime. Il faut l'avoir senti pour le comprendre, l'avoir senti dans toutes les conditions où nous nous trouvions Marie-Yvonne et moi, car on ne peut pas exprimer ce bonheur sublime dans aucune langue. Mahomet disait que dans son paradis, ce bonheur est continuel et éternel. Alors son paradis vaut mieux que celui de son confrère Jésus dans lequel ce sublime et suprême bonheur est interdit.

 

Ainsi nos misérables calotins en font un péché, et un péché capital encore. Ils ne permettent à leurs ouailles de jouir de ce bonheur « qu'en mariage seulement » et là encore avec certaines restrictions, eux qui, à l'exemple de leur Dieu ne se marient pas pour mieux user et en abuser de ce bonheur sans en assumer aucune des conséquences qui en résultent, sinon la pourriture organique dont ils se corrompent à force d'abus, et la prison aussi lorsqu'ils sont trop publiquement surpris à violer des enfants [5]. Nous pûmes nous livrer à ce suprême bonheur sans crainte, sans scrupule, sans fausse honte, avec tous les dons que la mère nature nous avait gratifiés. Jamais ce bonheur sublime ne fut mieux goûté ni mieux partagé qu'il ne fut par nous deux, en vrais enfants de la nature, dans toutes nos forces et la maturité, dans la confusion et la fusion de nos deux êtres qui ne faisaient plus qu'une et même chair comme dit l'Écriture.

« Ô giorno memorabile di tanti filici
Anima mia si ricorda ojedi [6] »

Oui, pour ces quelques heures de suprême bonheur, j'ai pardonné à Marie-Yvonne toutes les douleurs dont j'en ai été accablé plus tard ».

3 Prostitution et racolages, Revue de Paris 1905, page 622

« Il paraît que, pour ma première garde à ce poste, je me trouvais dans un jour de pêche fructueuse, car on en ramena comma ça une demi-douzaine dans la soirée, toutes à peu près comme la première, étincelantes de fleurs, de soie et de pierreries. Les agents qui nous les ramenaient les traitaient de "fumier". Ce fumier était dissimulé sous une belle couverture. <J'avais d'abord une certaine pitié, dont quelques-unes étaient toutes jeunes encore, et avaient l'air d'avoir les larmes aux yeux en entrant. Mais lorsque les agents furent partis, après les avoir un peu interrogées, et pris leurs noms, et que la nuit fut bien avancée, tout changea. Il fallait entendre les belles conversations et les jolis chants qui sortaient à travers le grillage de ce pandémonium [7] féminin, chants et conversations qu'on n'entendait que dans les plus basses tavernes ou dans les maisons à gros numéros rouges [8]. Je fus désillusionné, et ma pitié se changea presque en dégoût.

 

Qui étaient donc toutes ces femmes-là, habillées en marquises et en princesses ? Je le sus bientôt. C'étaient, pour la plupart, des femmes "en carte", qui étaient autorisées à exercer "la profession", mais seulement dans leurs chambres particulières. Mais, quand les clients n'allaient pas chez elles, elles étaient bien obligées d'aller les chercher. Or il n'y pas meilleures places que les environs de théâtres, et surtout du théâtre de l'Opéra. Là, elles trouvaient de grands et fort bons clients, ayant chevaux et voitures, et le gousset plein de louis d'or. Cependant, j'ai entendu raconter là de tristes histoires. Il venait parfois des jeunes filles que la misère noire avait poussées à la prostitution, d'autres y avaient été obligées par leurs propres parents qui les exploitaient ... On peut, à Paris, s'instruire sur toutes les conditions sociales de l'humanité, et de près, et sur le vif ».

4 Annotations et commentaires

  1. Dans l'ancien testament Onan est un personnage qui, refusant de féconder l'épouse de son défunt frère (comme la tradition l'exigeait), aurait préféré « laisser sa semence se perdre dans la terre ». Le terme "onanisme" pour désigner la pratique de la masturbation apparaît en langue anglaise dans un pamphlet, publié anonymement vers 1712, « Onania; or, The Heinous Sin of Self-Pollution, and all its Frightful Consequences in Both Sexes ». Ce texte est aujourd'hui attribué à John Marten (~1692–1737), un chirurgien britannique. [Ref.↑ 1,0 1,1]
  2. Lakaat ar ch'hoz : Alan Heusaff, dans son Geriaoueg Sant-Ivi (Vocabulaire de Saint-Yvi, commune proche d'Ergué-Gabéric), décrit avec précision cette expression qu'il orthographie Lakaat ar c'houz : « mettre qqch. de sale, de collant, de la boue, dans l'entrejambe d'un jeune élève. » Un bizutage rural ni plis ni moins ... Alan Heusaff compare cette expression avec le verbe kousiñ (souiller) mais penche pour une origine différente, pour des raisons de prononciation. [Ref.↑]
  3. « Organis générationis ex pace per hominis » : « organes génitaux ...». Expression latine dont le sens reste obscur. J-M. D. reprend cette expression plus loin à propos des mystères d'Éleusis. [Ref.↑]
  4. Lakaat ar waskerez : mettre la presses (mettre sous pression). Ref Menard Martial, Alc'hew bras ar baradoz vihan, éd. an Here, Ar Releg-Kerhuon, 1996, p. 185. [Ref.↑]
  5. Le sujet de la pédophilie des prêtres a ressurgi dans l'actualité cent ans après : « L'Église catholique fait face depuis la fin du XXe siècle à la révélation de plusieurs affaires d'abus sexuels sur mineurs commis par des prêtres et des religieux. Si certaines de ces affaires ont été portées en justice, d'autres sont prescrites. D'autres encore ont été couvertes ou étouffées par la hiérarchie ecclésiastique. Depuis le début du XXIe siècle, de nombreux diocèses tendent à reconnaître publiquement leurs torts et cherchent à mieux collaborer avec les autorités civiles. (Wikipedia) » [Ref.↑]
  6. « O giorno memorabile di tanti felici / Anima mia si rocorda ojedi » : « Ô jour mémorable de nos moments heureux / mon âme s'en rappelle aujourd'hui », citation inconnue en lanngue italienne. [Ref.↑]
  7. Pandémonium » est un mot apparu en 1663 sous la plume de l’anglais John Milton dans Le Paradis perdu. Pandémonium désigne la capitale imaginaire des enfers où Satan invoque le conseil des démons. Depuis, ce mot est également utilisé pour désigner un lieu où règne corruption, chaos et désordre. [Ref.↑]
  8. Les maisons closes, étaient appelées " maisons numérotées ", parce qu'elles avaient de gros numéros en plus de leurs persiennes closes. Autrefois, on signalait aussi les maisons closes d’une lanterne rouge. [Ref.↑]




Thème de l'article : Ecrits de Jean-Marie Déguignet

Date de création : Mai 2010    Dernière modification : 8.10.2013    Avancement : Image:Bullorange.gif [Développé]