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Eloge du français du Grand Siècle par le breton Guy Autret

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À tel point que l'écriture de Guy Autret et son contenu hautement culturel constitue incontestablement une pièce de notre patrimoine communal. À quand donc une place, une rue <ref>Une rue Guy Autret dans la Zone Industrielle de l'Hippodrome fut inaugurée par la ville de Quimper il y a quelques années déjà. Du fait que cette personnalité avait élu domicile à Lezergué, on pourrait regretter l'absence de rue commémorative en Ergué-Gabéric.</ref> ou un monument en hommage à notre aimable érudit qui, avec d'autres grands épistoliers du 17e siècle, a participé à la réforme de la langue française ? À tel point que l'écriture de Guy Autret et son contenu hautement culturel constitue incontestablement une pièce de notre patrimoine communal. À quand donc une place, une rue <ref>Une rue Guy Autret dans la Zone Industrielle de l'Hippodrome fut inaugurée par la ville de Quimper il y a quelques années déjà. Du fait que cette personnalité avait élu domicile à Lezergué, on pourrait regretter l'absence de rue commémorative en Ergué-Gabéric.</ref> ou un monument en hommage à notre aimable érudit qui, avec d'autres grands épistoliers du 17e siècle, a participé à la réforme de la langue française ?
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Version du 15 novembre ~ miz du 2016 à 08:54

Catégorie : Patrimoine
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Statut de l'article :
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§ E.D.F.
C'est une belle et riche lettre datée du 8 février 1638 écrite par le gentilhomme gabéricois Guy Autret à l'adresse de Pierre d'Hozier qui est à l'origine de cette chronique sur la conception que pouvait exprimer un bas-breton sur les lettres françaises.

À tel point que l'écriture de Guy Autret et son contenu hautement culturel constitue incontestablement une pièce de notre patrimoine communal. À quand donc une place, une rue [1] ou un monument en hommage à notre aimable érudit qui, avec d'autres grands épistoliers du 17e siècle, a participé à la réforme de la langue française ?

Autres lectures : « Lettre du 8 février 1638 de Guy Autret à Pierre d'Hozier (Rosmorduc, VI) » ¤ « 1635-1659 - Lettres de Guy Autret seigneur de Lezergué, travaux Rosmorduc » ¤ « ROSMORDUC Le Gentil Georges (comte de) - Guy Autret, correspondant de Pierre d'Hozier » ¤ « BERNARD Daniel - Quelques lettres inédites de Guy Autret » ¤ 

Gazette de France
Gazette de France

1 L'admiration pour Pierre d'Hozier, grand correspondant de la Gazette

La lettre qui nous intéresse a été transcrite par le comte de Rosmorduc : cf le texte brut de la « Lettre VI ». Elle fait partie des nombreuses missives que Guy Autret envoyait de son refuge de Lezergué à son ami Pierre d'Hozier avec qui il partageait la passion des recherches généalogiques.

Pierre d'Hozier était également une cheville ouvrière de la rédaction de la Gazette fondée en 1631 par Théophraste Renaudot. Si Guy Autret contribua également directement à la Gazette, avec par exemple en août 1644 deux relations du voyage d'Henriette de France, reine d'Angleterre, de Brest à Nantes, dans ces lettres il donnait des nouvelles régionales à Pierre d'Hozier aux fins d'y enrichir indirectement les articles politiques et diplomatiques.

Dans la lettre de février 1638 il écrit son admiration : « Votre génie a un ascendant absolu sur le mien et je n'ai jamais d'objections à proposer sur les matières que vous avez résolues, vous êtes mon Pythagore et je crois payer de bonne raison lors que je cite votre autorité, vous êtes capable de me persuader que le Roi n'est pas en la Cour et que le Danube passe au Pont-Neuf ».

Et à propos de la dédicace de son ami en introduction de l'Histoire de Bretagne avec les Chroniques des Maisons de Vitré et de Lava, par Pierre Le Baud [2], il n'est pas avare de compliments : « Je vous assure que cet ouvrage est fort accompli et que vous avez fait une belle tête à une vieille antique, je n'ai jamais rien lu de plus éloquent et mieux ordonné que votre épitre dédicatoire » ; « J'admire et approuve votre travail, mais avec ce déplaisir que vous ne nous laissez plus rien à dire ni à faire ».

Pierre d'Hozier, Gravure de Laurent Cars (Wikipedia)
Pierre d'Hozier, Gravure de Laurent Cars (Wikipedia)

2 La défense de l'académiste Jean-Louis Guez de Balzac

Dans cette même « Lettre VI », Guy Autret amène des arguments contradictoires aux positions de son ami Pierre d'Hozier : « Je ne puis revenir de l'étonnement dans lequel vous m'avez jeté touchant Mr de Balzac » ; « Néanmoins votre rhétorique n'est pas encore assez puissante pour imprimer en mon imagination que mes écrits puissent égaler en aucune proportion ceux de Mr de Balzac ».

Qui est ce Mr de Balzac ? Jean-Louis du Guez de Balzac (1597-1654) n'est aucunement apparenté à Honoré de Balzac (1799-1850). Surnommé « le restaurateur de la langue française », il est l'un des écrivains français du Grand Siècle qui a le plus contribué à réformer la langue française. Il peut donc à bon droit être crédité d’avoir réalisé pour la prose une réforme parallèle à celle de Malherbe pour la poésie. Mais sa grande vanité et son goût prononcé pour la recherche du style au détriment de la substance lui valurent des critiques et un rejet de intelligentsia parisienne.

Guy Autret écrit quant à lui : « Je veux prendre place au banc des avocats et défendre de toute la force de ma raison la cause de Mr de Balzac » ; « J'avoue bien qu'il usurpe des mots nouveaux, qui ne sont pas encore dans le dictionnaire, mais on m'accordera aussi qu'il en use assez rarement et, au pis faire, la bonté d'une pensée doit faire excuser la liberté d'une parole. ».

Et pour le défaut de vanité, voici comment le breton présente élégamment les choses : « Il n'y a personne qui n'ait son péché original et qui ne travaille à surmonter les défauts de la nature, malaisément trouverez vous un Allemand sobre, un Espagnol ivrogne, un Normand fidèle, un Breton sans courage, un Manceau sans finesse, un Provençal sans esprit et un Gascon sans vanité. Pourquoi veut-on que Mr de Balzac ait toutes les bonnes parties d'un Gascon sans se ressentir de ses défauts ? ».

Jean-Louis Guez de Balzac, Musée du château de Versailles (Wikipedia)
Jean-Louis Guez de Balzac, Musée du château de Versailles (Wikipedia)

3 La relégation du père jésuite Nicolas Caussin parmi les Hurons

Dans la « Lettre de février 1638, Guy Autret n'apporte pas le même soutien au père jésuite Nicolas Caussin [3], son voisin exilé à Quimper de 1638 à 1643. C'est le 26 décembre 1637 que les lecteurs de la Gazette apprirent que « Le père Caussin a été dispensé de sa Majesté de ne plus la confesser à l’avenir » Même si quelques rumeurs de la discorde entre le confesseur du roi et le ministre de celui-ci, M. le cardinal Richelieu, couraient déjà dans Paris, cette nouvelle fit scandale. Son exil imposé à Quimper va donner à Jean de La Fontaine la matière pour sa fable du Chartier embourbé : « C'était à la campagne près d'un certain canton de la basse Bretagne, Appelé Quimper-Corentin. On sait assez que le Destin adresse là les gens quand il veut qu'on enrage : Dieu nous préserve du voyage ! ».

À son retour d'exil, Nicolas Caussin a décrit son triste sort en des termes peu avenants pour les Quimpérois [4] :

  • « J’ai été comme dégradé, livré par mes frères, envoyé dans un exil très rude, parmi des barbares, et aux extrémités de la France [dans] le lieu le plus rude et le plus fâcheux qu’on puisse imaginer »,
  • Ainsi relégué « à la dernière maison de la province », il ne voit que « déserts et rochers ».,
  • La population quimpéroise « articule on ne sait quels sons barbares plutôt qu'elle ne parle. »

A la lecture des citations ci-dessus, on comprend mieux le ton ironique qu'utilise Guy Autret pour présenter son contemporain : « Je ne puis nier que notre langage m'escorge la luete et que dans nos îles il ne se trouve des demi sauvages, aussi nous a-t-on envoyé le père Caussin, comme si l'on avait voulu reléguer parmi les Hurons ou les Iroquois, mais j'espère qu'à son retour à Paris il pourra publier que le navire qui le portait en exil a fait naufrage dans le Pérou ou aux îles fortunées.  ».

 
Nicolas Caussin, père jésuite (Wikipedia)
Nicolas Caussin, père jésuite (Wikipedia)

4 Les termes de Landerneau retenus de sa nourrice

Dans sa lettre de 1638, Guy Autret ne se range pas parmi les professionnels de l'éloquence comme Guez de Balzac ou Nicolas Caussin : « Je ne suis point éloquent, ni ne me pique point de l'être ».

Il semble même revendiquer une identité bretonne : « Si l'on me chicane sur quelques termes de Landerneau que j'ai encore retenus de ma nourrice, je ne suis pas résolu d'en former une querelle, ni de jeter mon gage de bataille, ce n'est pas une injure de porter les marques d'enfant légitime et je n'ai garde de désavouer un pays où ma naissance ne fait fond d'une pension mieux assurée que celles des historiographes de la Cour et que je reçois sans brevet ni sollicitation. ».

Avec ses interlocuteurs français, Guy Autret utilisait peut-être des formulations locales, mais la langue bretonne n'y apparaissait généralement pas. Savait-il et parlait-il le breton ? En fait au détour des lettres qu'il envoyait à ses proches, on se rend compte qu'il maîtrisait la langue en vigueur dans son pays. Ainsi, et pour preuve, dans une lettre écrite en 1641 à son cousin Jacques du Haffond, il émaille l'un de ses post-scriptum d'un : « Ma gourhemennou dam moezrep Louisa  » (Mes compliments à ma tante Louise) : cf transcription de Daniel Bernard « Lettre 2 - BSAF 1940 ».

Et chose attendrissante, l'épistolier breton a introduit au fil des années un cadeau annuel pour son ami parisien sous la forme de quelques mottes de beurre produit en Bretagne, en lui attribuant carrément dans la lettre de 1638 le rôle de muse : « Vous recevrez encore par ordinaire ma rente quadragésimale, la quelle je vous constitue de bon cœur durant ma vie, j'écris à Rennes pour que l'on fasse cette dépêche et si mon ordre est bien exécuté, les pots ne seront pas vides, vous n'avez chatouillé le cœur par vos éloges et je veux greffer le votre par mon beurre, en attendant que ma muse trouve l'occasion de prendre sa revanche et de publier par toute la France que je suis, Monsieur, votre très humble et très obligé confrère et serviteur. ».

Et là encore, quand il s'agit d'histoire et de généalogie, réapparait la fierté d'appartenance au pays breton : « En peu de discours vous faites remarquer les circonstances qui rendent sa maison la plus illustre et mieux marquée de notre province. Tous ceux qui ont des yeux et de la raison vous doivent des louanges et tous les Bretons en général une reconnaissance éternelle comme au restaurateur de leurs antiquités. ».

 
La race bretonne pie-noir (Wikipedia)
La race bretonne pie-noir (Wikipedia)
Motte de beure, Antoine Vollon (1833-1900) (Wikipedia)
Motte de beure, Antoine Vollon (1833-1900) (Wikipedia)


5 Annotations

  1. Une rue Guy Autret dans la Zone Industrielle de l'Hippodrome fut inaugurée par la ville de Quimper il y a quelques années déjà. Du fait que cette personnalité avait élu domicile à Lezergué, on pourrait regretter l'absence de rue commémorative en Ergué-Gabéric. [Ref.↑]
  2. Pierre Le Baud, né un peu avant 1450, mort le 29 septembre 1505 à Laval, aumônier de Guy XV de Laval, puis de la célèbre Anne de Bretagne, historien de la Bretagne. Il a écrit deux histoires de Bretagne. La première, « la Compillation des cronicques et ystoires des Bretons », est achevée en 1480. La seconde, la « Cronique des roys et princes de Bretaigne armoricane » a été rédigée en 1498 à la demande d’Anne de Bretagne. Elle nous est connue par trois copies manuscrites, mais c'est peut-être une quatrième qui a servi de base à l'édition publiée en 1638, par d'Hozier, sous le titre « Histoire de Bretagne Avec les Chroniques Des Maisons de Vitré Et de Laval ». [Ref.↑]
  3. Nicolas Caussin est un jésuite français né à Troyes en 1583 et mort en 1651. Il se fit une réputation comme prédicateur, et devint confesseur de Louis XIII; il fut exilé pour avoir pris parti pour la reine-mère. Il a écrit : la Cour saincte, De Eloquentia sacra et humana, Tragœdix sacrée, une Apologie des Jésuites [1644], Le buisson ardent [1648], Traicté de la Conduite Spirituelle selon l'esprit du B. François de Sales, Évêque et Prince de Genève [1637]. [Ref.↑]
  4. Cité par Fanch Morvannou, “ Bas-breton et Basse Bretagne au Grand Siècle ”, dans Bretagne et Lumières. Mélanges offerts à Monsieur le Professeur Jean Balcou, Brest, Université de Bretagne occidentale, 2001, p. 69-70 ; et par Joël Cornette, conférence “ La France et la Bretagne : mille ans de malentendu ”, 2008, Paris. [Ref.↑]


Thème de l'article : Histoire du patrimoine culturel gabéricois

Date de création : Octobre 2010    Dernière modification : 15.11.2016    Avancement : Image:Bullorange.gif [Développé]