p. 9.83 : Jean-Marie Déguignet se trouve à Durango en garnison, il fréquente la bibliothèque du lieu.
[ ... ] Une bibliothèque dans ce pays si éloigné , cela me frappa. J’hésitai cependant pour y entrer, car je savais que nous étions là dans le pays des vrais libéraux, des républicains. J’y serais mal reçu sans doute. Cependant, le mot bibliotheca avait tant d’attrait pour moi que je résolus d’aller voir ça, au risque de m’y faire assassiner. Mais quand j’y entrai, il n’y avait que deux personnes, dont les physionomies peu farouches me rassurent. Un homme entre deux âges était en train de feuilleter un vieux manuscrit. [Un] autre, le bibliothécaire, était moitié couché sur un sofa, fumant tranquillement sa cigarette. J’allai très poliment à lui, et pensant qu’un bibliothécaire devait savoir le français, je m’adressai [à lui] dans cette langue. Mais il me répondit en castillan qu’il ne savait pas le français. Je lui demandai dans cette langue la permission de consulter l’histoire du Mexique, que cette riche bibliothèque devait posséder assurément. « Oui, dit-il, il y en a, et c’est même à peu près tout ce que nous possédons en langue castillane, tout le reste est en français.» Il me montra tout, et je vis en effet qu’il n’y avait là que du français, tous les auteurs y étaient rangés par cases, depuis Rabelais jusqu’à Victor Hugo. Ces volumes étaient là depuis leur arrivée, fermés sous des vitrines, sans que personne n’y [eût] jamais touché depuis. Je restais seulement étonné par une si grande bibliothèque dans ce pays presque inconnu, à trois mille lieues de la France, et où se trouvaient presque toutes les œuvres des écrivains français, là où ils ne servaient à rien, ni à personne.
Cahier n° 10, p. 10.01-10.98 (cahier de 98 pages).
Mexique - Aix - Congé militaire - Retour au pays.
Le bibliothécaire me donna alors ce qu’il appelait l’Histoire du Mexique ...
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