Blog 27.07.2013 - GrandTerrier

Blog 27.07.2013

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[modifier] Gwerz an Ifern, cantique de l'enfer

« An ifern a zo ur plaç leun a devaligen, eleac’h ne veler jamaes ar biana sklerigen » (L’enfer est un endroit de ténèbres sans la moindre petite clarté).

Voici un célèbre cantique, figurant dans le Barzaz Breiz de Théodore de la Villemarqué, qui fut un des cantiques les plus populaires chantés dans les églises et chapelles bretonnes depuis des siècles, et dont les 24 strophes furent publiées en 1805 par Alain Dumoulin (1748-1811), recteur réfractaire à Ergué-Gabéric au moment de la Révolution.

Cette gwerz représente une version très primitive et imagée des tourments de l'enfer, destinée à effrayer les populations :

« Corf an dud-ze milliguet a vezo tourmantet
Gand ar serpantet cruel ha gant an drouc-speret ;
En tan e vezo ruillet o c'hic hac o eskern,
Evit ma teving creoc’h e fournes an Ifern
 »

(et leur peau de ces gens maudits sera tourmentée par des serpents cruels et l'esprit malin ; et leur chair et leurs os seront jetés au feu, pour alimenter la fournaise de l’enfer)

De la Villemarqué précise que son auteur serait un prédicateur connu : « On l’attribue tantôt au père Morin, qui vivait au quinzième siècle, tantôt au père Maunoir, qui vivait au dix-septième ; toutefois il ne se retrouve pas dans la collection imprimée des cantiques de ce dernier ».

Il mentionne une publication avant les écrits de Julien Maunoir sans préciser laquelle. Et il conclut : « la langue en est moins pure, l’allure moins franche, l’ensemble moins empreint de rudesse primitive. J’ai donc cru devoir suivre la version populaire ».

Par ailleurs, dans une étude historique sur les cantiques bretons, publiée en 1905 dans la revue Feiz ha Breiz, un missionnaire breton constate l'existence de la gwerz dans 2 recueils de 1712 et 1767 de Grégoire de Rostrenen et dans le « Hent ar barados » d'Alain Dumoulin, tout en attribuant la paternité d'origine au prêtre réfractaire.

Différentes de celle du Barzaz Breiz, les deux versions de Dumoulin et de Grégoire de Rostrenen commencent de façon presque identique par un « Diskennomp oll a speret en ifern da velet » ou « Diskennomp oll hor speret en ifern da velet » : Descendons tous en (votre) esprit dans l'enfer. À comparer aussi avec la pièce satirique de Jean-Marie Déguignet parue dans ses Mémoires de paysan bas-breton : « Diskenit ol d'an ifern canaillez da wuelet » (Descendez tous en enfer, canailles, un peu voir ...).

Emile Souvestre, dans l'édition de décembre 1834 de la Revue des deux mondes, a présenté des textes traduits en français du cantique, travail confirmant que la version du Barzaz Breiz n'en est qu'un extrait réduit et expurgé, et que les versions publiées par les prêtres étaient plus proches de sa réelle diffusion.

En savoir plus : « Gwers an ifern ou le cantique de l'enfer d'Alain Dumoulin » Billet du 27.07.2013